Echange avec Monsieur Pascal
Doyelle
Qu'est-ce que la violence?
Sa définition a varié; pour faire vite, est violence tout acte qui porte atteinte à l'intégrité physique (1) et au sentiment de dignité (conscience de sa valeur) des personnes . Il est clair que la souffrance, comme violence subie que génère cet acte, est subjective: elle dépend de l'interprétation que le sujet fait du sens de cet acte et des valeurs auquel il se réfère pour l'évaluer. Disons que dans certaines sociétés la violence physique privée (1) est considérée comme injustifiée, à moins qu'elle ne soit perçue comme la juste punition d'une violence antérieure subie (loi du talion). Mais pour éviter cette violence vindicative généralisée; il convient de soumettre les individus à des codes symboliques et inégalitaires qui excluent comme sacrilège la révolte contre les autorité établies censée être les garants de l'ordre pacifié (inégalité pacificatrice contractuelle cf: Hobbes ou naturelle de droit divin); mais cette vision privilégie la régulation de la violence physique aux dépens de la violence psychologique (2): l'humiliation et/ou l'humilité intériorisée des uns (le plus grand nombre) est admise et même orchestrée dans l'imaginaire social (sacralisation religieuse de la soummission) pour reproduire l'ordre inégalitaire afin de réduire le risque permanent de la révolte physique ouverte indifférenciée générée par la violence primitive du désir ( possession infinie et vanité ). Comme le disait Spinoza il faut rendre les hommes incomparables pour les soumettre sans susciter de jalousie potentiellement explosive et vengeresse (pourquoi l'autre a tel statut, pouvoir, privilège et avantage et pas moi?)
Or cette vision qui ne
reconnait
pas la violence psychique(2) dès lors qu'elle est symboliquement
rapportée à une
inégalité
substancielle
imaginaire a volé en éclats dans et par le
développement
de la société marchande qui fait
des individus des vendeurs
et/ou des acheteurs sans allégeance mutuelle, permutables et
équivalents
puisqu'ils
échangent des biens
et des services dont la monnaie permet de garantir le
réciprocité
égalitaire instantanément.
Même le travail
(salarié)
devient une marchandise soumise en droit à ce impératif
d'équivalence
des échanges (en
réalité, le
rapport de force est toujours inégalitaire, mais il n'est plus
justifiable
en droit). Tout devient objet de
calcul sur fond de
reconnaissance
de cette équivalence symbolique entre les individus qui ne
reconnaissent
entre
eux, comme légitimes,
que des rapports contractuels et non plus contraints. Ainsi est
né
l'idée que la violence
suprème est ce qui
porte atteinte à l'égale dignité des personnes
également
libres de contracter et d'échanger entre
elles; la violence physique
n'est plus qu'un aspect de cette atteinte à la dignité
confondue
avec la liberté des
personnes contractantes.
L'économie
marchande détruit la légitimité des
inégalités
symboliques statutaires
permanentes et les
inégalités
subsistantes économiques et sociales ne sont admises que si
elles
sont considérées
comme provisoires sur la base
d'une compétition qui doit se présenter comme
satisfaisant
(illusoirement le plus
souvent) le principe de
l'égalité
des chances dans l'accès aux positions dominantes (d'où
le
succès de la
compétition scolaire
et sportive comme modèle symbolique du capitalisme marchant-d-).
Nous sommes, qu'on le
regrette
ou non, dans un monde dans lesquels les échanges marchant(d)s
sont
devenus
dominants et donc dans un
monde où les valeurs inégalitaires traditionnelles ne
peuvent
plus fonctionner sans
générer une
violence incontrôlable; le succès de certains
fondamentalismes
vient précisément du fait que les
inégalité
réelles
excluent certains de la compétition marchande à laquelle
la grande majorité des populations dans
le monde aspire (il nous
voient
consommer à la télé et ils veulent leur part de
gateau!);
réguler les échanges dans le
sens d'une plus grande
égalité
réelle, est la seule manière de faire reculer tout les
fondamentalismes
traditionalistes
inégalitaires.
Si ceux-ci pratiquent le terrorisme, c'est bien parce qu'ils ont perdus
la partie
symbolique, face à
la société marchande mondialisée.
Ceci dit, l'amour
érotique
réciproque est plus fondamental comme mode d'expression
satisfaisant
du
désir d'être
et de reconnaisance que la relation marchande; et tout doit être
fait pour que la société désocialise et
déséconomise
l'amour; c'est à dire fasse passer la vie privée avant la
vie publique, ce qui est
le principe même du
libéralisme authentique, culturel et politique.
Pascal Doyelle
Je suis d'accord avec cette idée
d'un calcul global , intelligent , et qui supprime la violence , y
compris
"seulement" relationnelle, (l'expulsion de la violence physique est
probablement
l'acquis définif de ce que l'on nomme la démocratie ) par
compréhension que l'intéret , l'intéressemnt est
ailleurs
qu'en un profit immédiat , vers un profit différé
donc , et qui de par cela même change la nature du désir
originellement
interprété par tout un chacun ,et historiquement,
collectivement
mais j'oppose à cela l'envie déraisonnable ... non pas
que
je défende l'envie déraisonnée ! mais je crois
bien
qu'un discours aussi intelligent soit-il ne parvient pas à
dissoudre
l'irraison là où elle se trouve ; et pour cette raison il
est nécessaire de ramener à nouveau l'ancien désir
absolu , mais je ne m étendrais pas là dessus.
Par contre, il me parait difficile de
définir
le désir uniquement comme désir du désir de
l'autre
; (Hegel , Lacan etc ); non que cela soit faux , mais c'est
insuffisant
; il est à mon sens un vide ; à la fois dans la
réponse
que l autre peut donner à ce désir mien , une
déception
décisive , et légitime , ausens où la question que
l on donne à l autre n est pas la réponse qu il en attend
(!) et à la fois dans notre question même ; l'autre y est
comme une occasion , un prétexte , essentiel (et même
fondamental
au début de la vie, mais il n est pas dit que ce qui est
à
la fin, est la même chose qu au début...) mais essentiel
qui
est vite dépassé ; n'est ce pas ce dieu qui orientait
jadis
tout autrement le désir , il était tel le grand
média
au travers de qui , de quoi la demande vers l'autre transitait ...et
donc
entre l'un et l'autre s affirmait la totalité et l'unité
et cet accessoire , cette médiation (dieu) était aussi
l'essentiel
, non plus le moyen mais la fin .... Le désir n'est pas
à
mon sens , simple , mais double , triple , pluriel , en son
unité
même
Mais pour que le
désir
passe par Dieu et vers Dieu, il faut y croire! Et cette croyance, pour
fonctionner moralement
d'une manière
collective,
est indissociable d'une institution de pouvoir et de codes symboliques
distribuant les rôles
à priori:
l'église
et le mariage religieux.
Si vous ne croyez pas (si
vous
n'avez pas la grace) et si vous privilégiez l'autonomie comme
fondement
de la
relation à l'autre,
Dieu ne peut rien pour vous. Reconnaître sa finitude et
reconnaître
la pluralité, voire
l'ambivalence du désir
et en jouer avec l'autre est la seule définition possible de
l'érotisme
comme expression du
désir de désir.
Le désir d'absolu
tend
à détruire la créativité du jeu amoureux et
son ouverture à la surprise émouvante, voire
excessive. Il en fait un
devoir,
un souci, trop sérieux pour être authentique. L'humour est
une condition de la
relation de désir
réciproque.
La relation amoureuse doit rester ludique et esthétique, ce que
compromet, à mon
sens, toute vision mystique
de la relation à l'autre.
Pascal Doyelle
Cher Sylvain, loin de moi l'idée ou l'envie de redonner vie au dieu d'autrefois!!! (la philo ne peut s'intéresser à dieu , sinon comme stratégie à tel moment précis de notre histoire et en remodelant alors le discours strictement religieux ou théologique ,histoire de le tordre, distordre en et pour ce monde çi! la philo s'intéresse aux résultats , lesquels ne sont pas gagés sur un réel hypothétique et d'au-delà) utilisant dieu l'autre jour , je visais à ceci ; dieu me parait (entre autre bien sur et sans offenser les croyants ) tel LE signifiant des signifiants , celui qui engage à toutes les catégories , et n'est pas lui-même une catégorie , comme le raccourcis clavier des raccourcis clavier, et qui permet aux consciences un zapping immédiat entre tout et rien , l'affectif et l'intellect , l'amour et la haine , le moi et l'autre , le tout et le sujet etc etc
Ce raccourcis outre qu'il permet au sujet de ne pas interrompre le sujet par une intellectualisation de ses comportements (laquelle intellectualisation est fastidieuse (...)et peu souple ) et de se réguler , dans la diversité ET selon l unité préservée; les deux à la fois (sorte de description froide et matérialiste de la conscience via dieu !) mais surtout je présentais dieu comme la marque de ce qui manque au sujet si il voit dans l'autre sujet (désir du désir de l'autre ) la seule sortie hors de son être propre ; le Un (dieu n'est qu une de ses expressions ) est ce qui lie le sujet au tout ; je n'oppose pas du tout cela à ce que vous présentez , mais c'est comme si je vous disais la raisonnabilité est une morale provisoire , et extrémement judicieuse et utilisable , en attente d' une claire compréhension de cet absolu destructeur qui nous attire, pousse, écrase, engendre haine et influe de malheur mais d une totale passion (subie?!) (je suis bien d accord là dessus ; mais pour être honnéte je dois dire que le malheur et la furie me meut (!) ici et là et constitue même le fond du fond de l'être ) pour toute ces raisons je crois qu une raisonnabilité ,lucide , patiente , attentive , intelligente , ne peut pas venir à bout du dedans du sujet ; je crois que cela n est pas votre finalité , mais je tiens que ce dedans n est pas une illusion héritée , que le dedans veille et renaît constamment , qu il est comme qui dirait notre nature et structure en deça de toutes les raisons
Le dedans, le fond, ou "le ça" est un "chaos pulsionnel", le sujet est reconstruction permanente et cette reconstruction passe par les jeux du désir, soumise à un contrôle rationnel et une régulation éthique minimale pour en optimiser les effets de plaisir et de sens quant à la recherche du bonheur, comme reconnaissance positive de soi dans nos relations désirantes aux désirs des autres; le malheur est impuissance et passivité face au chaos que nous sommes toujours; le désir est exploitation créatrice du chaos dans l'ouverture projective et rétroprojective, toujours risquée, aux autres.
La condition pour que cela marche réside dans le refus de la tentation mortelle de l'absolu; car celle-ci nous renvoie inexorablement au chaos originaire et nous fait manquer le désir de l'autre, soit dans le retrait (renoncement à) hypocrite de son propre désir, soit dans le désir de capter totalement le désir de l'autre; ce qui fait basculer la réciprocité érotique dans la fascination de la violence sado-masochiste et la pornographie; seul le jeu relatif du désir et de sa nécessaire frustation, comme condition de son rebondissement agissant, nous permet d'éprouver (mettre à l'épreuve) notre puissance d'agir qui est l'essence même de l'humain. C'est dire que le bonheur n'est pas dans la satisfaction du désir, mais dans le désir même et que le plaisir n'est heureux que s'il est actif; c'est à dire que s'il stimule et accroît notre puissance d'agir et il ne peut l'être que s'il s'accompagne du sentiment de notre valeur c'est à dire de notre pouvoir/savoir conscient et rationnel (mais toujours compromis) sur nous-même et le monde. Désirer désirer, c'est se désirer comme puissance de désir et cette puissance passe avant tout par la rencontre érotique. La lutte amoureuse vise à ce que chacun puisse s'éprouver comme gagnant dans le désir de(s) l'autre(s);
Mais le gain de(s) l'autre(s) ne nous appartient pas; nous sommes voués aux seuls témoignages toujours ephémères qu'il(s) nous en manifeste(nt). Désirer l'absolu, c'est désirer l'extinction du désir et la mort: au paradis, comme en enfer tout désir est aboli; l'abolition du désir définit le malheur comme sentiment insurmontable d'impuissance de qui est repris par le chaos originaire de sa solitude radicale face à la mort (de l'autre que l'on aime, plus encore que de la sienne). Il n'y a de désir vivant et persistant que par la possibilité permanente de la mort et du chaos, que dans leur proximité latente qu'il nous faut sans cesse surmonter en nous projetant vers le désir des autres.