Est puritain, non pas
celui qui refuse de faire pas l'amour (c'est sale!), mais celui qui
considère
que faire l'amour
doit être un acte
moral qui obéit à d'autres fins que le plaisir et le
bonheur
de ceux qui se désirent et qui s'aiment. Il
n'y a pas de contradiction
entre s'aimer et se désirer pour qui sait ce que désirer
veut dire; non pas désirer le
plaisir solitaire (qui,
du reste, s'accompagne le plus souvent du fantasme du désir de
l'autre),
mais désirer le désir
de l'autre et, dans un
même mouvement, (cercle vertueux) désirer l'autre comme
objet/sujet
du désir de soi. Dans ce
jeu réversible,
nul besoin de faire intervenir un "deus ex machina" ni une morale
transcendante
pour établir cette
réciprocité;
c'est l'expérience de l'échec qui peut nous apprendre ce
que nous désirons vraiment et comment
transformer les cercles
vicieux (qui accroissent la souffrance) du désir en cercles
vertueux
(qui nous rendent
heureux et/ou content de
soi dans le désir de rendre l'autre heureux).
Je ne pense pas, par
expérience,
que des convictions morales qui soumettent le désir à des
impératifs plus ou moins
catégoriques soient
efficaces pour rendre les hommes plus heureux et donc plus altruistes:
c'est le malheur et rien
d'autre qui rend les hommes
haineux et jaloux dans l'expression illusoire de leur désir
d'être
heureux. Les
convictions morales nous
rendent moralisateurs, c'est à dire nous font voir le mal
partout,
d'autant plus chez les
autres qu'on n'aime pas
le voir chez soi! (encore le désir d'avoir bonne conscience,
comme
forme du bonheur!)
Chez le moraliste la haine
de son propre désir (soi-disant égoïste) se
transforme
en mépris des autres; dans le désir
d'être heureux qu'ils
expriment, il voit la prétendue perversion, en un miroir
déformant
de son propre désir refoulé;
c'est le refoulement du
désir et la haine de soi qu'il produit, qui engendre la haine de
l'autre, la jalousie et l'égoïsme
non-altruiste.
De ce point de vue, il y a deux manières de traiter de la sexualité:
- Au nom d'une idéologie irrationnelle, on l'efface de la pensée consciente et réfléchie par la culpabilisation (religieuse ou autre), au risque de la voir resurgir sous la forme la plus violente et la plus dégradante: c'est la vision puritaine qui produit la pornographie. En interdisant toute réflexion et toute pratique expérimentale concernant l'art et la manière de l'exercer dans la joie et l'échange, en présentant la sexualité comme sale, on la salit dans la tête et on la ramène, en effet, au-dessous de la ceinture. Le bas est alors très logiquement coupé du haut. La sexualité n'est plus qu'un rapport au corps de l'autre et au sien en tant qu'objets fétichisés (pornographie) et n'est plus un libre jeu du désir et du plaisir modulé par le désir et le plaisir de l'autre (érotisme). La sexualité doit être dans la tête et dans le corps pour être érotique. C'est l'honneur de la pensée et de l'art français que d'avoir valoriser l'érotisme à l’encontre des deux formes indissociables de la pornographie ; l’une qui désexualise l’amour réciproque et l’autre qui met en scène la sexualité en dehors de la relation amoureuse ; dans l’un et l’autre cas il y a mépris de la personne comme corps conscient et puissance de désir.
- Au nom d'une philosophie rationnelle et amoureuse de l'amour on prend conscience des exigences éthiques de la sexualité (qui ne se réduit pas à la génitalité) dans un rapport ludique et responsable à l'autre et à soi. On fait de la sexualité un art inventif intégrant l'intelligence et la sensualité. Il n'est d'autre éthique sexuelle que celle de la réciprocité dans la visée du plaisir et de l'authenticité (ce qui exclut la prostitution). Pour le reste tout est permis entre deux êtres qui s'aiment (St Augustin).
A l' heure du SIDA et du retour à
l'exutoire
de la violence machiste, un éducateur a le devoir de parler
librement
de la sexualité pour permettre aux adolescents d'apprendre
à
penser et à gérer leurs désirs dans une relation
responsable
à l'autre comme sujet/objet de désir.
L'attitude puritaine est criminelle. Il faut
donc que l'éthique soit au service d'Eros, puissance de vie,
pour
ne pas être avalée par Thanatos, puissance de mort.
Cette vision de l'amour est seule
universellement
justifiable: le sexe doit être mis dans la conscience pour que la
conscience soit dans le sexe!
Si la psychiatrie peut nous y aider tant
mieux!
Mais cela ne suffit pas, il y faut surtout l'art et la philosophie;
bref,
l'amour de la beauté (Platon).
Il est stérile de parler de sexualité, à l'école ou ailleurs, en référence à des convictions religieuses qui ne concernent pas, et de loin, tous les individus aujourd'hui. Là seule attitude logique possible c'est de refuser les convictions irraisonnées, et de penser la sexualité sur le seul plan laïc (a-thée ou immanent) où elle pose question: comment se faire bien plaisir pour ne pas se faire trop de mal?
Sylvain Reboul, le 03/02/2001
Ce principe que le plaisir sexuel doit être immédiatement partagé également par les partenaires est un non sens. Pour trois raisons:
1) Personne en peut mesurer à l'avance sont propre plaisir, encore moins celui du partenaire et encore moins après-coup!
2) L'égalité des désirs n'existe pas et, s'il elle existait, elle serait elle même incommensurable
3) Toute relation de désirs et de plaisirs doit toujours faire l'objet d'une transaction et d'un compromis. Le plaisir sexuel n'est qu'une composante de ce compromis qui doit nécessairement faire entrer d'autres composantes ne serait-ce que le plaisir de faire plaisir à son partenaire par amour ou tendresse.
Il faut donc dissocier le plaisir sexuel de la seule obtention de l'orgasme, dont l'intensité n'est, elle même, pas mesurable par le partenaire et faire de la sexualité l'objet d'un accords qui met en jeu l'ensemble des relations affectives entre les partenaires.
C'est une vision puritaine et irréaliste de la sexualité que de mettre celle-ci hors toute transaction complexe entre adultes consentants. Le plaisir sexuel, comme tout plaisir non solitaire, implique toujours des échanges sur la durée de services mutuels qu'il revient à chacun d'apprécier à sa guise ou de refuser librement quels que soient les motifs de ce refus.