De l'illusion onto-théologique

De l'impossibilité de toute onto-théologie rationnelle



Critique de la preuve de l'existence de Dieu par Saint-Anselme

""Donc, Seigneur, toi qui donnes intellect à la foi, donne-moi, autant que tu sais faire, de comprendre que tu es, comme nous croyons, et que tu es ce que nous croyons. Et certes, nous croyons que tu es quelque chose de tel que rien ne se peut penser de plus grand. N'y a-t-il pas une nature telle parce que l'insensé a dit dans son cœur : "Dieu n'est pas" ? Mais il est bien certain que ce même insensé, quand il entend cela même que je dis : "quelque chose de tel que rien ne se peut penser de plus grand", comprend ce qu'il entend, et ce qu'il comprend est dans son intellect, même s'il ne comprend pas que ce quelque chose est. Car c'est une chose que d'avoir quelque chose dans l'intellect, et autre chose que de comprendre que ce quelque chose est. En effet, quand le peintre prémédite ce qu'il va faire, il a certes dans l'intellect ce qu'il n'a pas encore fait, mais il comprend que cette chose n'est pas encore. Et une fois qu'il l'a peinte, d'une part il a dans l'intellect ce qu'il a fait, et d'autre part il comprend que ça est.
Donc l'insensé aussi, il lui faut convenir qu'il y a bien dans l'intellect quelque chose de tel que rien ne se peut penser de plus grand, puisqu'il comprend ce qu'il entend, et que tout ce qui est compris est dans l'intellect.

Et il est bien certain que ce qui est tel que rien ne se peut penser de plus grand ne peut être seulement dans l'intellect [Ah bon, et pourquoi? ndlr]. Car si c'est seulement dans l'intellect, on peut penser que ce soit aussi dans la réalité, ce qui est plus grand. Si donc ce qui est tel que rien ne peut se penser de plus grand est seulement dans l'intellect, cela même qui est tel que rien ne se peut penser de plus grand est tel qu'on peut penser quelque chose de plus grand ; mais cela est à coup sûr impossible.
Il est donc hors de doute qu'il existe quelque chose de tel que rien ne se peut penser de plus grand, et cela tant dans l'intellect que dans la réalité"".

    Saint Anselme, Proslogion (1077), trad. B. Pautrat, éd. Garnier Flammarion, 1993, chap. II, pp. 41-42.



    Cette preuve est un sophisme, comme toute les autres qui prétendent démonster l'existence de quoique ce soit, en
    dehors d'une preuve expérimentale (par définition impossible à produire); démonstration:

    On peut expliciter le raisonnement par l'absurde de la façon suivante, en rétablissant les étapes propositionnelles
    et les articulations implicites:
    Penser que quelque chose existe (hors de la pensée) qui serait plus grande que ce que l'on pense lorsque l'on pense
    à quelque chose de plus grand est nécessaire, car, sinon, cette chose ne serait pas plus grande, dès lors qu'elle
    serait enfermée dans notre pensée limitée et donc on ne pourrait penser à quelquechose de plus grand (donc
    d'infiniment grand), or nous pensons à cette chose infiniment (plus) grande (Dieu), donc elle existe au delà de notre
    pensée limitée, dans le réalité hors de nous et elle fonde notre pensée de quelquechose de plus grand.

    Or ce "raisonnement" repose sur une confusion et un postulat qui implique déjà ce que l'on prétend démontrer
    (cercle logique):
    1) La confusion consiste à passer de la pensée d'une chose plus grande à sa réalité par un jeu de mot sur la notion
    de grandeur: "plus grand" peut signifier soit supérieur en "quantité" dans la pensée (comme un nombre: voir la
    suite des nombre; il y a toujours à N aussi grand qu'on puisse le penser un nombre N+1 pensable en droit), soit
    supérieur en qualité; or ici "plus grand que" est pris au sens "qualitatif": La réalité de dieu est forcément plus
    grande "en perfection" que le seule pensée imparfaite que l'on en a; et l'existence de Dieu dépasse et fonde
    nécessairement la pensée imperfaite que l'on en a et, dès lors que la cause est nécessairement supérieure à son
    effet, dieu est donc seule cause parfaite de notre idée imparfaite de perfection.
    2) Cette confusion repose à son tour sur un postulat: Penser que quelque chose est infiniment plus grande en qualité
    de perfection que notre pensée de cette chose implique son existence hors de notre pensée en tant que cette
    existence est partie prenante de la perfection.

    Or rien ne démontre cette implication comme nécessaire. Kant et les logiciens modernes ont montré que l'existence
    n'est pas un prédicat de la chose (le jugement d'existence n'est pas analytique mais synthétique); elle est un
    quantificateur, une affirmation au sujet de la chose; laquelle signification signifie qu'on peut en faire l'expérience
    et/ou qu'on croit à sa réalité (il existe au moins une chose qui est parfaite) et non une fonction démontrable de la
    chose. Dire le contraire c'est aller au delà de la logique; dans le registre de la foi,.

    Pour conclure disons que Saint- Anselme n'a fait que démontrer par son sophisme que la croyance n'est que
    croyance et que toute tentative d'en avoir une preuve logique n'est qu'un cercle logique; Contre Descartes qui
    reprend l'argument en l'exposant sous une forme plus logiciste encore, Kant à définitivement raison (dans la
    dialectique transcendantale de la C.R.P); ce que Pascal avait déjà très bien vu: on ne peut démontrer l'existence de
    dieu par la raison sans commettre une faute de raisonnement. Dieu est objet de foi et non de raison.


Critique de toute pensée rationnelle de l'Etre et de l'Un en soi.

Plotin a dit, à ce sujet, que l'existence de l'un ne peut se dire ni se parler car "dire qu'il est" c'est dire deux chose: "qu'il est "un" ET (+) qu'il existe" et donc le trahir; et on ne peut pas plus dire que "l'Etre est un" car alors il est deux que dire "l'un est" pour la même raison; conclusion: ni l'"être" ni l'"un" ne peuve se penser rationnellement et encore moins se dire...Seul les mystiques croient pouvoir expérimenter (et penser) l'être en tant qu'être; mais ils ajoutent tous que cette pensée est inéffable et donc hors du champs des concepts et de la  philosophie...

Donc entre la pensée mystique et la pensée philosophique et rationnelle critique, il faut choisir!.. Tout balancement entre les deux ne peut qu'ajouter à la confusion de l'une (la philosophie) et peut-être; mais, ce n'est pas à moi d'en juger qui n'ai aucune expérience de cette sorte, de l'autre. La raison ne peut qu'établir logiques ou de cause à effet des relations entre des termes relatifs Il est alors impossible de penser et de parler rationnellement de l'Etre suprême ou de l' Un en soi sans verser dans un discours affectif poético-métaphorique qui ne peut persuader que ceux qui sont en état psychologique  de vivre cette conversion religieuse. C'est à dire ceux qui éprouvent déjà le désir d'absolu.

Ainsi:
    1) Dieu n'est pas un concept de la raison (si tant est qu'il soit un concept pensable rationnellement); sinon on
    confond Dieu avec un simple principe de raison et celle-ci est humaine et par cela même discutable, à moins d'en
    faire une simple mouture du principe logique d'identité et de non-contradiction (voir le débat sur la preuve de
    St-Anselme; ce qui serait pour le moins, vider l'idée de Dieu de tout caractère transcendant et réaliste, d'une part,
    et d'autre part de tout caractère affectif (amour)...

    2) La foi est au delà de tout argument rationnel: elle est certitude du coeur et non de raison et en cela indiscutable
    par la raison (Pascal).

    3) La métaphysiqure prétendument rationnelle n'est pas un savoir valide: elle n'est ni démontrable, ni réfutable; ou
    plutôt on peut aussi bien argumenter dans un sens que dans le sens contraire; ses propositions sont donc
    rationnellement indécidables quant à leur vérité. Elle est donc une illusion ("transcendantale" dit Kant) si l'on
    prétend en faire un savoir argumenté en vérité.

    4) Le dieu des philosophes n'est qu'une construction humaine et, en tout cas, n'est pas le Dieu de la religion
    chrétienne, mais son contraire (il est impersonnel et non pas personnel)

    5) Si l'idée de Dieu n'a aucune vérité rationnelle métaphysique; libre à quiconque qui n'a pas la foi de considérer
    que sa prétendue vérité n'est que de l'ordre du désir, au delà de toute preuve objective possible: ce qui est le
    caractère même de l'illusion.

Conclusion: Sur ce point Freud et Marx donc raison de "psychologiser" et de "sociologiser" la foi: elle ne peut rien être d'autre qu'un phénomène psycho/socio/politico-subjectif (un délire individuel et collectif)  pour qui  qui ne l'a pas et n'est pas psychologiquement préparé par son éducation et ses fantasmes personnels à l'avoir. Son caractère d'universalité est illusoire comme le démontre le diversité contradictoire des représentations historiques de l'Etre et de Dieu (UN) et l'existence de l'athéisme, qui contrairement à ce qu'on prétend trop souvent, est aussi vieux que les religions monothéistes. Il est donc légitime d'en expliquer les conditions et d'en évaluer les conséquences d'un point de vue empirique et pragmatique pour les individus et les sociétés.


Etre et exister
L'illusion métaphysique
L'illusion religieuse
L'illusion naturaliste
L'illusion moraliste
L'illusion politique
L'illusion philosophique: l'idéalisme
Retour à la page d'accueil