L'illusion naturaliste.

Le naturalisme illusoire, tel que je l'entends, est la conception que la nature est ordonnée en vue de fins bonnes qu'il nous incombe de respecter et/ou dont il faut nous inspirer et auquelles nous devons croire pour bien agir; bref, la nature serait au fondement de l'éthique, voire de la politique. "Dieu ou la nature", disait Spinoza, mais pour lui, elle ne nous définit aucune fin. Les seules fins pour nous, sont celles de notre conatus (désir de nous perpétuer) et sa mise en oeuvre dépend de la connaissance rationnelle et raisonnée de nos affections et du déterminisme naturel (nature naturante), des phénomènes naturels qu'il produit (nature naturée), en tant que tels, aveugles. Le naturalisme (non-illusoire) de Spinoza rend possible une éthique de la puissance d'agir et de joie, non une morale et une politique du devoir transcendant(al).
Le naturalisme, au sens kantien ("Idées d'une histoire universelle"), est toujours un créationisme plus ou moins masqué; l'idée de nature est alors une laïcisation philosophique et postulée (jugement réfléchissant et régulateur) de l'idée du Dieu créateur et bon. Dès lors que celle-ci échappait à toute crédibilité philosophique, il pouvait sembler possible, voire raisonnable, de penser la nature comme ordonnée à des fins providentielles pour sauver l'idée religieuse d'un sens de la vie, d'une "vraie" éthique, voire du progrès moral historique; car la nature, bonne fille, se prète assez bien aux interprétations finalistes qui ne sont jamais que des projections de nos désirs et de nos angoisses (Voir la "Critique du jugement" de Kant).  D'autre part, l'écologie idéologique met en oeuvre, selon moi,  la perpétuation douce de l'illusion religieuse  du péché contre la nature (Hans Jonas), c'est à dire contre Dieu et contre sa soi-disant création, dont l'homme religieux, destiné à être sauvé, est au centre (aliénation).

" La nature t’attend dans son silence austère ", dans ce vers d’Alfred de Vigny tout est suggéré: La distance entre les hommes et la nature, le recours, la solitude réparatrice que le poète imagine qu’elle peut lui offrir ; face à la déception que les relations humaines provoquent nécessairement, la nature comme la mort peut, sans parole et dans la réduction du désir, sinon consoler, au moins détendre. S’abandonner au silence de la nature c’est s’évader hors de la condition humaine, de la mort et de la souffrance amoureuse qui semblent en sceller le destin.
Mais le vers du poète, aussi séduisant soit-il et peut être pour cette raison, est à la fois éclairant et trompeur; La nature est, en effet, aussi silencieuse que le ciel est vide; dieu ou la nature n’ont rien à dire d’autre que ce que, dans l’illusion, nous espérons qu’ils nous disent : " nous te protégerons contre toi-même et les autres si tu t’abandonnes aux fantasmes que tu projettes sur nous comme s’ils étaient des réalités salvatrices "; Mais n’est-ce pas alors abdiquer toute responsabilité et renoncer au seul bonheur possible : se reconnaître et être reconnu dans ce que l’on fait de notre réalité humaine marquée par le désir, la conscience de soi et de la mort dans son rapport au monde humain ; de ce rapport, la nature n’en est qu’un support et une condition mais à qui l’on fait toujours plus ou moins jouer un rôle symbolique (culturel) méconnu comme tel?

La thèse que je voudrais défendre ici, après Spinoza, est que la bonne ou mauvaise nature est un mythe au mieux poétique et au pire illusoire quand sont confondus l’imaginaire et la réalité ; mais elle devient une automystification destructrice de l’humaine condition et des conditions du bonheur humain si l’on prend ce mythe au sérieux en faisant de la nature une fondement positif ou négatif de l’éthique par lequel nous serait révélé le véritable sens de la vie et du bonheur.

Pour ce faire je développerai une argumentation en trois temps :
1. Qu’en est-il de la valeur (du point de vue du bonheur) des relations des hommes à ce qu’ils appellent " la nature " et des idées qu’il s’en font ?
2. Qu’en est-il des de la valeur (du point de vue du bonheur) des relations des hommes avec ce qu’il pensent être " leur nature " et des idées qu’ils s’en font ?
3. Qu’en est il de la valeur (du point de vue du bonheur) des relations entre la nature, la culture et l’histoire humaine et des idées que les hommes s’en font ?

L’enjeu de ces questions est d’évaluer d’une manière rigoureuse et critique, dans leurs fondements et leurs conséquences existentielles, les idéologies qui participent au mouvement écologique.
 
 

L’homme semble occuper dans la nature une position paradoxale : il est un être vivant parmi les autres animaux et obéit à ce titre aux lois de la nature inerte et vivante : il en subit les contraintes et doit en remplir les exigences ; mais d’autre part il prétend dominer la nature pour la soumettre à sa volonté consciente dont les finalités sont idéologiques et culturelles et non plus seulement biologiques ; ce paradoxe apparent masque une difficulté plus profonde : l’idée de nature présuppose que l’homme conscient de lui-même soit de ce fait nécessairement conduit à s’opposer à son environnement non-humain, en tout cas à s’en distinguer pour s’affirmer comme valeur supérieure : le nature s’oppose à l’artifice produit par la culture qui semble exprimer ce par quoi l’homme est plus qu’un animal livré à la nature de son instinct ; par son intelligence langagière relationnelle et inventive il produit son être et son histoire d’une manière autonome par rapport aux seules lois biologiques naturelles. Le " progrès " historique témoignerait de la dimension surnaturelle (libre) de l’homme. L’animal évolue, l’homme seul a une histoire parce qu’il la fait. Or pour un grand nombre de courants de pensée, cette histoire trouverait sa source dans la nature elle-même de l’homme ou dans l’idée que les hommes s’en font : outre que les hommes sont aussi des êtres biologiques appartenant aussi, par leur corps et leur cerveau, à l’animalité supposée naturelle , toute les cultures croient plus ou moins se justifier (et par là tendent à se pérenniser) au nom de la nature (la leur et/ou le nature dans sa totalité), de la création divine ou des deux. Ne disons-nous pas, aujourd’hui, que l’homme a des droits naturels et que l’économie de marché semble être la plus naturelle ? Ne justifions pas telle ou telle mesure de protection de notre environnement et des espèces animales ou végétales existantes au nom d’un équilibre naturel qu’il faudrait impérativement respecter pour cette raison?
Tout se passe comme si la distinction de l’homme et de la nature était elle-même problématique et comme si la supériorité du premier sur la seconde était réversible. Tout se passe comme si, ne pouvant s’arracher tout à fait à la nature, les hommes pour se justifier de la subir se mettait à la sacraliser et à lui vouer un culte.

Si l’on considère l’évolution des représentations que l’homme s’est fait de ses relations avec son environnement, cette ambivalence s’y exprime par le fait que l’idée d’une nature permettant de distinguer l’humain de non humain et le naturel de l’artificiel et du surnaturel n’est qu’une production récente de la culture scientifique et technique moderne, précédée, nous y reviendrons, par la pensée rationnelle et philosophique antique. Il est pour cette raison intéressant de tenter, au moins grossièrement, de transcrire cette évolution dont le principe est l’émergence progressive de la pensée rationnelle et critique abstraite à partir (et contre) de la pensée symbolique concrète et religieuse traditionnelle.
 

1.  La vision religieuse enchantée du monde
 

La pensée traditionnelle est métaphorique et acritique : elle explique les événements, les êtres et les choses par le recourt  à des récits mythiques ou légendaires imaginaires (mais reçus comme des description de la réalité), transmis de génération en génération essentiellement par la voie orale ou le dessin. Elle n’a pas le souci de la cohérence formelle et de la vérité empirique; ses interprétations doivent satisfaire deux exigences : frapper l’imagination pour assurer la croyance sur fond de désirs conscients et inconscients et assurer la cohésion du groupe se reconnaissant dans des explications engageant des pratiques communes indiscutables et sacralisées. La pensée traditionnelle a donc pour fonction de fasciner les individus pour les unifier dans le partage de représentations symboliques du monde qui les dispense de penser par eux-mêmes , leur permet de comprendre ce qui leur arrive dans la perspective de leurs désirs individuels et collectifs, les délivre de leur angoisse face à l’inconnu, à la souffrance, à la violence et à la mort. Elle s’efforce de tout expliquer et refuse l’idée de hasard ou d’aléa pour insérer l’intervention de chacun dans une trame de relations nécessaires finalisée entre les événements. Cette trame est tissée par un jeu complexe d’interventions d’êtres, de forces surhumains ou des ancêtres immortalisés .et au sens moderne surnaturels qui provoquent les événements au grès de leurs passions, désirs et volonté. Au sens moderne la nature n’existe pas, car rien ne permet d’opposer le naturel au surnaturel, l’humain au non-humain ; tout est fondu dans un tout symbolique où chaque chose et être peut et doit trouver sa place et son destin.
C’est dire que la nature, ce qui est donné aux hommes, leur lieu de naissance, leur milieu de vie est à la fois psychologique, social et religieux ; il n’a rien d’objectif mais est pétri de représentations et de significations subjectives (mettant en jeu les affections et les désirs des hommes) collectives et individuelles. Les forces divines ou sacralisées animent ce milieu de vie et donnent aux événements leur sens pour les hommes : la foudre, la maladie sont des punitions des dieux ; une naissance réussie, un désir satisfait sont des récompenses etc.. Chaque chose appelle un usage à la fois réel (physique) et magique (symbolique) car la distinction entre les deux n’existe pas ; pas plus que, dans la pensée,  celle entre l’objectivité et la subjectivité. Ainsi cette représentation du monde est à la fois humanisée et divinisée. Divinisée car elle commande la vie de chacun et du groupe par l’effet d’une puissance imaginaire (interprétée comme réelle) incommensurable ; humanisée car elle met en scène des interprétations sensibles attribuées aux dieux immédiatement compréhensibles aux hommes ; et pour cause : elle ne sont que des projections de sa propre sensibilité collectivement et symboliquement codées par les mythes et les légendes traditionnelles. De plus rien n’est arbitraire dès lors que l’on distingue entre les événements réguliers et les événements exceptionnels, entre les lois divines nécessaires à le vie sociale et à sa reproduction et les punitions et récompenses indispensables à l’obéissance des individus qui doivent s’y soumettre sans condition.
Dans ces conditions, la tradition est considérée comme garante de la reproduction de l’ordre général du monde ; elle incarne le passé qui a fait définitivement ses preuves, d’autant plus  qu’elle a été léguée aux humains par les dieux ancestraux protecteurs de la communauté . Ainsi les hommes se soumettent-ils a la représentation d’un monde socialisé qui leur impose un mode de vie indéfiniment reproductible garantissant psychologiquement et symboliquement la pérennité de la communauté. La technique ou les moyens d’agir sur l’environnement ou sur soi sont alors nécessairement figés et ritualisés car ils ne sont considérés comme efficaces que par la puissance religieuse qu’ils recèlent et que la tradition légitime. L’efficacité des techniques rituelles et magiques est réelle ; elle produit un effet placebo qui, permet aux hommes de se défendre contre les maladies et de prendre confiance en eux dans leurs rapports avec le monde extérieur. Mais innover pour un individu signifie désobéir aux dieux protecteurs et faire peser une menace de mort sur soi et sur l’ensemble du groupe. L’évolution des techniques est alors très lente et exige une justification collective religieuse l’intégrant dans la tradition sans rupture brutale.

Une telle position n’est pas absurde et si elle semble heurter la pensée rationnelle moderne, il serait facile de montrer en quoi et comment elle survit dans la plupart des événements récents mettant en cause les dangers du progrès, nous y reviendrons. Elle est, en effet, tout à la fois, compréhensible sur le plan psychologique et logique au regard des problèmes qu’elle cherche à résoudre ; en cela elle n’est pas dépourvu de rationalité pratique. Elle confère aux hommes un sentiment de sécurité et l’espoir d’être préservée de forces inconnues sinon inconnaissables disposant de leur avenir ; forces qui peuvent à tout instant les écraser et contre lesquelles ils ne peuvent lutter par leurs propres moyens seulement. Mais surtout elle s’appuie sur une calcul rationnel fort : La passé seul est preuve suffisante pour le présent et l’avenir ; ne rien changer aux pratiques collectives est la meilleure façon de préserver la maintien de l’état des choses qui a permis le survie de la communauté. La position conservatrice est garante de l’ordre collectif indispensable à une vie sociale pacifiée, sinon harmonieuse. Toute vie collective repose sur des conventions théoriquement arbitraires mais pratiquement validées par le fait de l’imitation des autres et du passé (ce que l’on appelle la transmission culturelle). La nouveauté, au contraire, fait basculer dans l’inconnu, c’est à dire dans un rapport au monde dont les conséquences sont imprévisibles et donc potentiellement catastrophiques ; en outre elle détruit le jeu des conventions en affaiblissant l’autorité des traditions et ouvre la voie à la violence sociale en modifiant les rapports réels et symboliques de forces entre les individus et les groupes partiels au sein d’une communauté ; Le progrès technique révolutionne en permanence la société jusqu’à mettre en péril ses conditions imaginaires de possibilité ; le sentiment d’identité collective fondateur de toute communauté exige une permanence des codes symboliques et techniques de reconnaissance ; c’est pourquoi les sociétés traditionnelles refuse l’histoire et qu’elles mettent idéologiquement tout en oeuvre pour résister au changement. La difficulté est donc de comprendre pourquoi la pensée traditionnelle n’est plus, chez nous et aujourd’hui, idéologiquement dominante et pourquoi une autre relation entre les hommes et leur environnements s’est progressivement développée, caractéristique de la pensée et des sociétés modernes. Celles-ci revendiquent, en effet, le changement technique, social, politique et idéologique, en tant que progrès historique, comme le fondement de leur légitimité ; ce faisant elles acceptent en permanence de se mettre en cause, de redéfinir les rapports que les hommes entretiennent entre eux et leur environnement désormais désacralisé, tout à la fois naturalisé et artificialisé, ce qui tend à rendre l’ordre social problématique. La société ouverte contre la société close, pour reprendre la distinction de Bergson ne signifie-t-elle pas la société anomique contre la société organique selon l’expression de Durckeim ? Mais une société anomique est-elle viable ? Rompre le lien traditionnel et religieux entre les hommes et leur environnement, n’est-ce pas, du même coup, rompre le lien social ?

Il ne peut s’agir ici de faire l’histoire de ce changement radical, mais néanmoins progressif, qui a marqué le passage de la société traditionnelle à la société moderne ; nous n’en avons pas les compétences, et nous n’en voyons pas la nécessité pour notre propos ; Remarquons seulement que les causes empiriques de ce changement sont comme toujours dans l’histoire à la fois plurielles, autonomes et interdépendantes. Mais il convient à la réflexion philosophique de rappeler à grands traits les conditions rationnelles, théoriques et pratiques, qui l’ont rendu sinon nécessaire, du moins possible et qui font qu’il peut être aujourd’hui rationnellement pensé comme irréversible.

Quatre conditions me semblent pouvoir être avancées :

1. La première concerne l’impossibilité pour une culture de maintenir son mode de pensée traditionnel si elle subit des influences extérieures dominantes irrésistibles relevant d’autres traditions. C’est ce que l’on peut appeler le choc des cultures provoquant des réarrangement idéologiques multiples et contradictoires qui sapent le principe même de la tradition : l’imitation conventionnelle indiscutées de valeurs et de comportements valorisés et valorisants univoques reconnus comme " allant de soi " .
2. La seconde est la mise en place d’une société marchande ouverte sur l’extérieur voire sans frontière politiques et culturelles figées qui tend à universaliser sur le mode rationnel du profit calculable l’ensemble des échanges humains de biens économiques et de services sous le principe de la réciprocité de valeurs marchandes quantifiables grâce à l’invention de la monnaie comme équivalent général de toute valeur échangeable. L’intérêt particulier et son corollaire, la liberté privée du propriétaire, et des acteurs de l’échange s’imposent comme valeur légitimes aux dépens des formes traditionnelles religieuses, voire politique de solidarité holistique (faisant primer le groupe sur l’individu).
3. La troisième, et pour la philosophie la plus décisive, est l’invention du raisonnement logico/formel abstrait, démonstratif et critique qui permet de soumettre tout discours à l’épreuve de la non-contradiction conceptuelle, propositionnelle et expérimentale par delà les différences culturelles et symboliques concrètes et de rechercher une manière commune (car universelle en droit) de penser et de dialoguer. Cette dernière prend deux figures : la figure philosophique, et la figure de la technoscience qui entretiennent entre elles et à l’intérieur d’elles-mêmes des rapports de connivences et de conflits critiques qui leur permet de se féconder mutuellement et de gagner en efficacité et en puissance critique. Face à cette nouvelle forme de pensée et par l’effet même de son efficacité théorique et technique dans le domaine de la connaissance comme dans le domaine pratique, éthique et politique, la pensée religieuse se trouve sur la défensive au point de ne plus prétendre, chez nous, à la domination sociale et politique. La conception de la vérité, comme vérité hypothétique, nécessairement incertaine, partielle et évolutive voire plurielle , fait litière de toute prétention à l’absolu et à la certitude, y compris dans la philosophie dont la branche métaphysique longtemps dominante prétendait fonder en raison la vérité absolue et la pratique du bien commun.
4. La quatrième, corrélatif,  tient au renversement du fondement du pouvoir politique : celui-ci n’est plus transcendant et indiscutable car il relève de l’opinion majoritaire dans un monde idéologiquement pluriel et mouvant : c’est l’invention de la démocratie représentative pluraliste.
 
Pour toutes ces raisons, les rapports entre les hommes ainsi qu’avec leur environnement dépend, de l’évolution des  savoirs et des techniques scientifiques, de considérations éthiques et philosophiques toujours discutables et donc de décisions individuelles et collectives révisables.
Mais et c’est pourquoi il n’apparaît ni possible ni souhaitable de prétendre revenir en arrière et de vouloir que le mode de pensée traditionnel puisse redevenir socialement dominant ainsi, nous y reviendrons, que tous les substituts idéologiques qui, au nom de l’écologie, nous inviteraient  à renoncer à la raison instrumentale et au libre usage de la nature que les hommes ont mis des millénaires à conquérir. Les techniques scientifiques et les exigences rationnelles objectivement prouvées d’efficacité qu’elles impliquent pour satisfaire, sans limites préétablies, les désirs et le désir de bonheur des hommes dans l’affirmation de leur volonté d’être, par delà les limites de leurs pouvoirs et de leurs volitions pluralistes et hétérogènes actuels, sur leur environnement sont irréversibles. Elles ne le seraient hypothétiquement que par le recours :
· Soit à une conversion religieuse généralisée et convergente dans l’espace et le temps des individus et des sociétés par la médiation et l’action irrésistible d’influence  d’un législateur divin absolument fascinant. Ce que Rousseau dans " Le contrat social "., comme on s’est empressé de l’oublier, avait très bien compris ; mais il pensait, il est vrai, que pour que la volonté soit libre, il suffisait qu’elle soit générale, tout en admettant contradictoirement que l’autonomie individuelle de la volonté subjective restait indispensable à son expression authentique ; inconséquence que, non sans raison, Hegel lui reproche.
· Soit, dans le pire des cas, par une entreprise de domination totalitaire sur les pratiques et les esprits qui ferait oublier toute trace de culture rationnelle, critique, philosophique et scientifique pour instaurer, par la terreur illimitée, une mystique fusionnelle et violente des hommes entre eux et des hommes avec un environnement prétendument sacré ou qui, pour le moins, abolirait la conception de la légitimité démocratique du pouvoir politique et la morale libérale de la régulation des désirs humains. Ce que Hans Jonas, après Heiddegger, semble reconnaître sinon revendiquer dans son ouvrage " Le principe de responsabilité ".
Il est nécessaire de reconnaître alors, que toute les tentatives aujourd’hui de " resacraliser " religieusement, symboliquement ou " affectivement " le lien social et l’existence des hommes dans leurs relation à soi et à leur environnement ne peut se terminer que dans l’échec impuissant et/ou la violence idéologique (fanatisme) politique et physique autodestructrice , c’est-à-dire le sectarisme, la guerre sainte et/ou la révolution meurtrière indéfinie et cela à l’heure ou les armes les plus modernes menacent l’existence de l’espèce humaine toute entière.

Dans ces conditions, la conception rationaliste et libérale des relations des l’hommes à leur environnement tout à la fois humain et naturel est à la fois la plus réaliste et la plus souhaitable ; c’est-à-dire la plus responsable. La seule question philosophique qui vaille est de la mieux comprendre pour l’approfondir et en tirer des analyses et des pratiques contrôlables correctrices des dangers écologiques dans le respect des libertés démocratiques.
 
 

2) Vers la désenchantement du monde : la rationalisation philosophique de la nature.
 

La raison n’est pas une faculté : elle n’est ni innée ni universelle dans les faits; elle est une forme de pensée qui s’est historiquement développée et se développe encore sous la contrainte de la nécessité sélective d’ajuster les interprétations symboliques du monde et de soi à une double exigence : celle d’une plus grande compréhension prévisionnelle des évènements, non-humains, humains ou mixtes (artificiels) et celle de la production et de la mise en oeuvre d’un langage commun permettant l’intercompréhension universelle des humains. Ce sont ces deux impératifs qui définissent l’exigence de vérité dans le domaine de la connaissance et celle de justesse dans le domaine pratique. Cette forme de pensée utilise pour cela les critères de la logique formelle (non-contradiction, identité) et de l’expérience plus ou moins reproductible et instrumentalisée. Ces critères sont susceptibles de remaniements dans leur définition et leur usage ; mais, dans tout les cas ; ils ont provoqués une double distance critique dans la pensée : celle de la de la pensée vis-à-vis d’elle-même et celle de la pensée vis-à-vis de son environnement extérieur ; Ils ont rendu possible le développement du dialogue argumenté, hypothétique et contradictoire que la philosophie nomme la dialectique conceptuelle, c’est à dire la confrontation des idées générales explicitement définies selon ces mêmes critères afin de mieux comprendre le monde et les hommes pour mieux vivre (la sagesse).
Ainsi la pensée philosophique s’affirme progressivement contre la pensée religieuse traditionnelle, sinon toujours dans son contenu, au moins toujours dans sa forme rationalisée, critique et argumentée. Elle se veut universelle en droit ou, au moins, tend à se donner cette forme. Cette forme impose de distinguer, l’universel ou, tout au moins l’universalisable, du particulier et  la réalité de l’imaginaire donc l’illusion de la vérité. Soyons clairs sur ce point : l’imagination ou production de représentations non réelle susceptibles de résister ou non à l’épreuve de l’expérience et de conduire avec justesse ou non notre action n’est pas illusoire, elle ne l’est que lorsqu’elle prétend rendre compte d’une réalité sans preuve rationnelle suffisante ou qu’elle prétend être universellement favorable aux désir de bonheur des hommes sans pouvoir le démonter d’une manière suffisante. Ainsi une morale rationalisée n’est pas illusoire sauf si elle prétend être démontée comme nécessaire, ce qui n’est le cas d’aucune morale possible (même celle de Kant), car toute morale repose en dernier ressort sur un sentiment variable dans son contenu expérimental que se soit celui du bonheur ou celui de la dignité, si cette distinction a un sens.  Si tant est que la connaissance objective de la nature (le non-humain) soit idéalement possible; il n’y a pas de morale objective, même la plus rationalisée, pensable, car toute morale est nécessairement subjective.
La compétence rationnelle induit donc une mise à distance permanente de l’homme par rapport aux contenus de sa pensée et la nécessité de les remettre en question (le doute) pour s’assurer de leur valeur théorique et pratique. Cette mise à distance provoque à son tour l’impossibilité pour les hommes de se confondre dans un grand tout où la nature, les hommes et les dieux ne feraient qu’un et pourraient communiquer par le seul jeu symbolique du langage métaphorique qui associe en permanence des références extérieures et des significations imaginaires provoqués par les désirs (illusion fusionnelle mystique). L’homme, comme sujet ou âme rationnels, se saisit alors comme capable de penser le non-humain par lui-même et de le dominer par son action. Cette position nouvelle de l’homme vis-à-vis de son environnement est au fondement de l’idée de nature (ce qui n’est pas produit par l’homme) et de son opposition avec celle d’artifice (ce qui est le résultat de l’action autonome, culturelle, de l’homme). L’existence et l’action plus ou moins arbitraire des dieux deviennent alors problématiques et sont l’objet d’une interrogation et/ou d’une mise à l’écart sinueuse et progressive au profit d’une mise en cohérence dialectique et progressive d’énoncés conceptuels et expérimentaux de plus en plus rationalisés et formalisés pour expliquer (et agir sur) les phénomènes et les événement (" il faut sauver les phénomènes ", Platon) ainsi que pour poser les règles de la vie bonne personnelle et collective (la sagesse philosophique et la justice raisonnable). Le langage symbolique et métaphorique est de plus en plus reconnu comme l’expression plus ou moins consciente de la seule subjectivité humaine sans aucune valeur de connaissance objective jusqu’à, chez Platon, la volonté (totalitaire) de chasser la poésie et les arts d’illusion hors de la cité ; c’est à dire la subjectivité individuelle et/ou particulière hors du champs de la connaissance universellement vraie et de la politique objectivement juste. La poésie n’est plus en général confondue avec la science ; le mythe devient lui-même poésie à la disposition de l’imaginaire humain ; l’art n’est plus ni religieux ni sacré.

Pour les philosophes de l’antiquité grecque, sur fond de crise du mythe, de la religion et de la tradition, la nature devient progressivement l’objet de notre connaissance humaine et rationnelle ; et c’est cette connaissance même qui la définit comme " nature " distinguée du surnaturel et de l’humain ; il s’agit pour le philosophe de comprendre " la nature " d’une manière rigoureuse et universalisable pour y reconnaître la place et la fonction de l’homme et poser les conditions de l’efficacité de l’action. Pour ce faire deux attitudes philosophiques (de pensée et de vie) sont possibles : celle d’Aristote et celle d’Epicure les définissent fort bien. La première s’efforce de montrer que la nature est organisée en une totalité logiquement hiérarchisée de parties et de fonctions dont chacune dispose du principe interne de son mouvement finalisé en vue de l’équilibre harmonieux de l’ensemble ; la seconde est celle des philosophes matérialistes qui cherchent au travers de la contingence apparente et réelle des phénomènes de notre expérience des régularités plus ou moins générales et durables, exploitables en vue de l’action utile à la vie heureuse.
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2-1) L’attitude aristotélicienne et la nature finalisée.

Pour Aristote le finalisme global de l’univers rend possible et garantit son équilibre harmonieux malgré les désordres constatés sur le monde terrestre (dus au désordre inhérent à la matière " pure "): la régularité mathématique du monde céleste rend compte des cycles des saisons et de la vie ici-bas, même si, sur la terre, la régularité globale n’autorise aucun prévision particulière calculable. La finalité de chaque élément sous le détermination de la cause finale qui leur est inhérente contribue à la perpétuation de l’ordre général du monde ; toutes les autres causes, matérielle (de quoi la chose est-elle faite ?), mécanique (d’où vient-elle ?), formelle (qu’est-ce qui la distingue des autres choses ?) sont subordonnées à cette cause finale (en vue de quoi existe-t-elle ?). Cette hiérarchie des quatre causes par ordre d’importance décroissant : finale, formelle, mécanique et matérielle de tout phénomène naturel permet aux hommes de comprendre la nature, avant toute intervention de leur part, comme un cosmos ordonné rationnellement ; Elle permet surtout d’affirmer que ce qui existe et perdure n’est pas sans raison pour qui sait (le philosophe) logiquement observer les phénomènes selon les concepts ou catégories universelles de la raison : fin et moyen ; cause et effet, principe et conséquences etc.. Observer, classer et ordonner les phénomènes de l’expérience selon les catégories de la raison universelle et en déduire logiquement des conséquences, tel est le travail du savant-philosophe. Il doit s’efforcer d’éviter les contradictions tant dans son discours que dans l’idée du monde que ce discours rend possible ; en vérité, discours rationnel et nature pour ce qui est de l’essence des choses ne font qu’un (le logos) comme l’avait compris Platon : La nature connaissable est rationnelle en son essence et le discours rationnel du philosophe doit être est nécessairement la seule vérité de la nature à laquelle les hommes puissent prétendre ; si la vérité est la conformité de ce qu’on dit et de ce qui est ; il convient néanmoins de signaler que, pour Aristote, cette vérité échappe au philosophe et à ses concepts généraux en ce qui concerne les choses particulières et l’être en tant qu’être ; les premières sont trop particulières, pour que l’on puisse les connaître par le moyen de termes nécessairement généraux et le second échappe à toute définition conceptuelle possible puisque il faudrait le définir par rapport à d’autres définitions conceptuelles mais que toutes les autres l’implique déjà pour être définies (cercle vicieux). La connaissance philosophique vraie ne concerne que les genres et les espèces ; ce qui revient à dire que les hommes ne peuvent connaître qu’en subsumant le particulier sous le général, l’accident sous l’essence. Un reste, un irrationnel subsiste, inconnaissable : le hasard, l’imprévisible, l’accident inexplicable, sans cause formelle ni finale. Cette contingence irréductible qui caractérise la nature dans le monde terrestre, à la différence du monde céleste, existe réellement et est responsable de la corruption, du désordre et des monstruosités que l’on constate ici-bas. Si la nature est essentiellement cosmos, un certain " chaosmos " est tout aussi naturel ; ainsi la nature est bien un mixte d’ordre et de désordre, de nécessité et de contingence, de rationalité et d’irrationalité. Dans la singularité des choses et des circonstances aléatoires qui les font apparaître et disparaître d’une manière imprévisible les hommes éprouve les limites de leur savoir et du pouvoir de leur raison. Si l’intervention arbitraire des dieux (ou de Dieu) n’expliquent rien, car elle peut tout expliquer, alors les hommes doivent raisonnablement renoncer à la vérité et au savoir absolus; La vérité absolue de la nature est nécessairement impossible parce qu’irrationnelle, seul un savoir progressif empirique et rationnel est possible ; telle est la conclusion ultime du philosophe . Toute autre position aboutirait à la confusion entre l’illusion d’un savoir sans preuves ni critères universalisables et la vérité ; confusion qui fait l’illusion même.
Mais cette limite de la connaissance fondée sur cette indétermination relative du cours des événements singuliers rendent possible et nécessaire l’action des hommes, raisonnables par essence, en vue de réduire les effets destructeurs du désordre dans la nature ; il revient aux hommes de transformer la nature pour la parfaire, en la rendant plus conforme à son essence rationnelle : la connaissance, si elle vaut pour elle-même, peut et doit se prolonger en action par laquelle l’artifice (l’art) imite la nature pour l’améliorer dans la perspective des finalités naturelles plus ou moins menacées par la corruption et la désordre des événements aléatoires ; ainsi la nature est norme pour la culture et l’art humains vis-à-vis de ce qui, en elle, s’oppose à la norme : la " pure matière ", qui n’existe jamais en tant que telle mais qui menace toutes les formes qui l’informent et qu’elle est susceptible de dégrader. L’agriculture à la fois naturelle dans ses lois et ses finalités et artificielle dans l’intervention active des hommes qu’elle met en oeuvre pour réduire le hasard entraînant la famine, permet de mieux assurer la fin naturelle des plantes et des animaux naturels : nourrir les animaux et les hommes. Il devient alors possible de définir des règles naturelles, fondatrices d’un droit raisonnable conventionnel, susceptibles de promouvoir des rapports entre les hommes et entre les hommes et la nature plus efficaces et plus harmonieux ; chez Aristote la nature et la culture ne se distingue que pour mieux coopérer en vue du souverain bien naturel de la nature (pérenniser son ordre) et des hommes (le bonheur du sage). Une telle conception inclut l’homme, placé, en tant qu’animal raisonnable, au sommet de la hiérarchie des êtres terrestres, dans la nature ; en cela, celui-ci peut et doit, dans le cadre d’une cité harmonieusement naturelle et raisonnable de citoyens libres sinon égaux, réaliser par l’effet de sa raison autonome, ses propres fins naturelles spirituelles définissant le plus grand bonheur humain possible que sont la philosophie et l’amitié, dès lors que sont satisfaits ses besoins corporels naturels et nécessaires par le moyens d’une économie essentiellement naturelle faisant de l’autosuffisance frugale (accompagné du troc) son idéal.

Mais cette conception raisonnable de l’existence de l’homme vivant réconcilié dans sa nature avec la nature s’affirme sur la base d’un conflit réprimé sinon dénié: le conflit entre la nature raisonnable et idéale de l’homme et sa nature empirique passionnelle, ou mieux, pulsionnelle. Celle-ci, en effet, pousse les hommes à désirer toujours davantage, et pour satisfaire leur boulimie de plaisirs, de pouvoir et de richesse, à produire et inventer de nouvelles sources de jouissance au delà de la satisfaction de leurs besoins naturels et nécessaires ; si bien que la recherche du superflu et du luxe s’exprime par une frénésie de consommation de biens de prestige qui les entraîne à asservir la nature à des fins déraisonnables et anti-naturelles de plaisir (exemple de la gourmandise). La nature de l’homme (et peut-être la nature en général) le porte à transgresser la nature, à la violer, selon la juste remarque de Sade. En l’absence d’interdits religieux et/ou de répression politique , la nature anti-naturelle des hommes les porte dans leur majorité (hormis les philosophes) à renoncer à la vie philosophique qui subordonne le désir à la raison au profit de la vie, que Platon appelait tyrannique, qui soumet l’intelligence à l’aiguillon du désir sensible infini, et, par là, l’âme au corps.
Or, l’infini du désir d’être et de puissance est une constante de la nature humaine car les hommes sont, par nature et culture, conscients d’eux-mêmes et de la mort. Ils cherchent alors, par compensation, à se transcender soit dans l’affirmation de la promesse religieuse de l’immortalité salvatrice personnelle ou non, individuelle ou collective, soit par le déploiement de leur capacité propre à dépasser leur finitude présente ; ainsi ils ne peuvent emprunter que deux modes de satisfaction de leur désir d’être : soit la croyance religieuse en un dieu infini salvateur exigeant plus ou moins la renoncement ici-bas à la recherche de l’infinie puissance propre, soit l’inscription de leur valeur (sentiment de la dignité) dans l’action et la maîtrise indéfinie sur le monde naturel (les techno/sciences), sur soi (la sagesse philosophique et l’expression esthétique) et les autres (le pouvoir social/économique, culturel/symbolique et politique/militaire) ou dans des compromis plus ou moins cohérents entre ces différentes pratiques. Placer son idéal de bonheur (de contentement de soi) soit dans un ailleurs religieux ou philosophique soit dans l’affirmation empirique, individuelle et/ou collective, de soi sur terre ; telle est l’opposition radicale entre la culture religieuse traditionnelle et la culture moderne ; elle est irréversible, à moins de vouloir provoquer une révolution culturelle qui ne pourrait qu’engendrer un désastre pire que ceux que le totalitarisme moderne a inspiré. Il faut donc s’y résoudre : On ne peut refuser l’individualisme athée et libéral moderne sans caresser le rêve d’une révolution totalitaire (j’appelle totalitaire une idéologie qui ne reconnaît de valeur à l’individu que par sa conformité aux valeurs du groupe et sa soumission inconditionnelle à ses exigences) aux conséquences auto destructrice pour l’humanité toute entière.

Ainsi la position d’Aristote est contradictoire avec elle-même et avec l’essence historique de notre culture:
· Avec elle-même : Elle pose la liberté raisonnable contre la liberté désirante, oubliant que l’une n’existe que par l’autre. La créativité et l’initiative des hommes relève, non de la raison, mais du désir ; et celui-ci, même raisonné, ne s’exprime que dans la transgression des normes ou des limites considérées comme naturelles. Affirmer la liberté humaine pour aussitôt la soumettre en elle-même à une prétendue nature finalisée est absurde. La liberté ne connaît que des contraintes naturelles extérieures qu’elle cherche aussitôt, dès lors qu’elle les reconnaît, à contourner ou à exploiter selon les normes et les fins qu’elle se donne à elle-même. La nature ne fait pas norme, c’est la norme, en tant que produite par l’initiative créatrice des humains, qui donne sens aux contraintes naturelles, en tant que conditions objectives de l’action dont cette initiative définit les fins. Il n’y a donc pas de morale rationnelle naturelle possible, à moins d’inscrire la nature dans le contexte d’un commandement divin et nous retournons alors à la conception religieuse traditionnelle dont la philosophie prétend sortir; toute prétention à soumettre la liberté (comme autonomie) à la nature est l’effet auto-mystifié de cette autonomie elle-même.
· Avec l’essence historique de notre culture : celle conception de la nature et des rapport que les hommes doivent entretenir avec elle suppose, en effet, que la société tende vers un mode de vie équilibré, optimal et invariant, plus ou moins autarcique, qui exclut la possibilité même de l’expression irréligieuse moderne de la créativité productrice illimitée des désirs humains individualisés soumettant la nature et les hommes aux exigences de la production et des échanges marchands et financiers potentiellement cosmopolitiques ; C’est ce que Heiddegger avait à la fois compris et violemment refusé ; l’ambivalence qu’il éprouvait, faite de fascination et déréliction religieuse (religion devenue philosophiquement inavouable), vis-à-vis de la puissance devenue dominante de la techno-science individualiste, n’est probablement pas étrangère à sa dérive politique totalitaire ainsi qu’à celle des penseurs se réclamant (à tort ou à raison) de Marx qui ont refusé l’individualisme moderne ; que ce soit au nom de l’être, de la communauté, de la classe, de la nation ou de la race ; tous les anti-individualismes, dans les conditions de la culture moderne, sont par essence sectaires et potentiellement terroristes .

Mais se débarrasser d’une vision transcendante et finaliste du monde ne va pas de soi ; un effort de critique philosophique est indispensable, car, face aux incertitudes et aux menaces consubstantielles du monde moderne et à l’impuissance des individus à se représenter l’avenir, la tentation est grande de recourir aux vieilles recettes mystiques, téléologiques et religieuses, plus ou moins philosophiquement maquillées en conceptions rationnelles, pour redonner un sens à l’existence humaine qui ménage un vague espoir d’être sauvé, sinon par un dieu quelconque, du moins par une morale prétendument universelle des droits de l’homme ou du bonheur que l’on voudrait constituer en recette de la politique mondiale. Penser une relation à la nature dépourvue de toute vision religieuse ou morale préétablie pour contrôler et exploiter au mieux ou au moindre mal, les effets ambivalents sur leur environnement du désir irrésistible des hommes modernes d’affirmer leur être et leur puissance dans le monde naturel et humain, indissociable de leur désir d’être heureux, , nous semble être l’attitude à la fois la plus rationnelle et la plus raisonnable ; elle exige, pour être cohérent avec notre critique de la position aristotélicienne, que l’on fasse le détour par les seuls penseurs qui, dès l’antiquité, récusent les illusions idéalistes et religieuses théo ou téléologiques et réfléchissent sans préjugés sur " la nature des choses " et des hommes : les philosophes matérialistes, Epicure et Lucrèce.
 
 

2-2) La position épicurienne et la nature des choses.

Les philosophes de l’antiquité ont eu l’immense mérite de dégager l’idée de nature de tout contexte religieux de compréhension pour en faire l’objet d’une investigation rationnelle. Aristote tente de penser la nature par elle-même, mais, d’une manière inconséquente, se refuse à la dépouiller de son caractère normatif au nom d’une rationalité qui a tendance à soumettre ce qui est à ce qui doit être, la nature corrompue (matérielle) à la nature idéale (formelle) et, sur le plan de la pensée, ainsi que pour Platon, les jugements de connaissance au jugements prescriptifs (c’est pourquoi, pour lui, la connaissance est par elle-même une sagesse, une pratique du bonheur). Les philosophes matérialistes vont plus loin : s’il n’y a pas de finalité surnaturelle, il n’y aucune finalité globale dans et de la nature ; sans théologie aucune téléologie de la nature n’est rationnellement possible, ce que, en un sens contraire au leur, les philosophes chrétiens inspirés d’Aristote, avait compris pour justifier le dogme de la création divine. Les matérialistes affirment au contraire, quant à eux, que la nature, dès lors qu’elle n’est plus ce qu’elle doit être en vue de finalités préétablies, est ce qu’elle est : sourde, aveugle et dépourvue de toute intention bénéfique ou maléfique. Comment alors rendre compte de l’ordre apparent des choses naturelles, et comment penser les relations de l’homme avec elles ?

Si nous ne pouvons entrer dans les détails de la vision mi-poétique mi-rationnelle que Lucrèce se fait de la nature, nous devons et pouvons nous proposer d’en dégager les propositions essentielles qui en constituent le noyau philosophique pour en montrer la consistance et la pertinence au regard de ces questions .
· Le hasard prime sur l’ordre ; les choses de la nature et donc la nature en sa totalité sont le résultat d’une combinaison aléatoires d’atomes insécables et immortels différenciés rendue possible par une déclinaison (le clinamen) de ces atomes, qui, sans elle, auraient été condamnés à tomber nécessairement sans se rencontrer. la nécessité de la pesanteur constitue le chaos, le désordre créé par la déclinaison produit le hasard qui va donner jour aux êtres et aux choses de la nature ; ainsi l’existence des corps et des êtres nait, non de la nécessité, mais de ce qui la trouble : des rencontres aléatoires d’atomes qu’aucune intention ou projet, voire raison explicite, ne destinaient à s’associer. Cet ordre relatif des choses s’auto-entretient dans des conditions temporairement favorables, sans intervention surnaturelle, par le seul fait des propriétés structurelles et fonctionnelles des atomes de leurs combinaisons atomiques et des combinaisons de ces combinaisons (effets systémiques). Les corps sont fragiles et mortels par l’effet de l’usure temporelle, résultat du bombardement et des chocs provoqués par les autres corps et atomes. Le système de la nature est donc lui-même mortel et peut donc se et être transformé par l’action des corps les uns sur les autres, action involontaire pour ce qui concerne les corps inertes ou volontaire pour ce qui concerne les êtres vivants. La matière (les atomes éternels différenciés) est au fondement de l’existence des choses, de leur réalité concrète et sensible et des sensations que l’on en a ; les formes régulières, la perception et la pensée elle-même ne sont que des propriétés structurelles émergentes de la combinaisons (originellement aléatoire et par la suite auto-entretenue) de ces différents atomes matériels.
· Les seules finalités naturelles sont celles des êtres vivants et pensants ; elles sont toujours spécifiques et particulières, plus ou moins concurrentes et/ou associées ; il n’y a aucune finalité globale de la nature, intentionnelle ou non, qui y assure la pérennité d’un équilibre stable. Ces finalités sont celles de la survie ou résistance temporaire à la mort et de la reproduction biologique, marquées par les sensations (matériellement produites) du plaisir et de la douleur.
· La matière vivante est sensible et, dans les conditions atomiques, systémiques et relationnelles de la vie individuelle et sociale humaines, pensante. Les pensées sont des synthèses de sensations stabilisées en vue d’élaborer des stratégies plus ou moins efficaces de survie et/ou de réduction de la douleur, en vue du plaisir..
· La mort est naturelle, il est possible de la connaître car elle n’est rien d’autre que la dissociation irréversible des atomes du corps, de l’âme et de la pensée d’un être vivant individuel: elle n’est rien ; elle n’est donc ni un mystère, ni une cause de crainte. Les hommes doivent l’accepter comme un simple phénomènes naturel qui ne peut être douloureux. L’angoisse de la mort vient de l’idée fausse, inculquée par la religion, que la mort pourrait être une autre vie inconnue soumise à l’arbitraire des dieux. Les illusions, et l’illusion religieuse au premier chef, ne sont que des stratégies inconséquentes, qui loin de réduire la douleur, l’aggravent sous l’empire des passions qui naissent de la peur de la mort ; ainsi l’attitude religieuse est cause et effet d’un cercle vicieux expression d’une stratégie inefficace : pour échapper à la crainte de la mort, les hommes se persuadent qu’elle est une autre vie, mais du même coup entretiennent cette peur en l’aggravant par la crainte du jugement divin.
· Le mouvement prime sur la stabilité : Le vide et l’interaction entre les atomes fait que tout ce qui existe est le résultat de processus de transformation mettant en jeu des causalités multiples dont la rencontre est aléatoire lorsqu’il s’agit de la nature inerte, et plus ou moins réglée par l’instinct et la raison (eux mêmes matériellement conditionnés par le jeux auto-organisé des atomes) lorsqu’il s’agit de phénomènes vivants.
 

Cette position entraîne deux conséquences apparemment contradictoires :
1. La première concerne la connaissance rationnelle, les relations entre la pensée et la réalité et la définition de la vérité: la position matérialiste vise à mettre la réalité (la nature) à distance de la pensée et des idées que les hommes s’en font, ce par quoi la réalité se définit comme objet de pensée extérieur à elle et lui résistant nécessairement. S’ouvre alors la possibilité d’une connaissance et d’une pratique toujours relative et discutable. La pensée ne peut ni connaître la réalité ultime que sont les atomes et le hasard, ni prévoir à priori les événements du monde et les effets des combinaisons atomiques; elle doit donc se contenter de ne connaître par l’observation et l’expérience que les phénomènes réguliers qui lui permettent de d’anticiper avec un succès toujours relatif ce qui peut être. Cette conception de la vérité nécessairement incertaine expérimentale et hypothétique liquide l’idée fantasmatique de la vérité absolue, certaine et définitive de la métaphysique, héritage, dans la pensée philosophique du fantasme religieux de la vérité divine. La vérité absolue est l’illusion majeure de la pensée : elle entraîne toutes les illusions dogmatiques qui sont les obstacles majeur de la production progressive des connaissances ; elle prend sa source dans le faux besoin de l’homme d’être assuré contre la mort sinon du corps, du moins de l’âme, par l’illusion de l’immortalité. Pour la vision religieuse, l’homme ne peut croire en son immortalité que si la vérité divine qui la fonde est elle-même immortelle donc éternelle et absolue et que si l’âme immortelle et promise au salut dispose d’une supériorité ontologique sur la matière mortelle en tant qu’elle est considérée comme le réceptacle de cette vérité divine (révélation). Pour les philosophe matérialistes, au contraire, la pensée matérielle agit matériellement sur les corps matériels et vis-versa ; la spécificité structurelle et fonctionnelle des atomes fonde la différence entre la pensée et le corps et leur autonomie relative sans pour autant interdire leur interdépendance (problème jamais résolu par les philosophes idéalistes/dualistes). La nature est une et plurielle ; une par la matière, le hasard, le vide et la mouvement qui engendre une multiplicité de corps et d’événements possibles, et multiple par la diversité des atomes de leurs mouvements, de leurs combinaisons et de leurs propriétés. c’est ainsi et c’est pourquoi la connaissance n’est pas contemplation passive de l’être par la pensée mais interaction matérielle, travail expérimental progressivement réglé (la raison) des atomes et des corps les uns sur les autres en vue du plaisir indissociablement spirituel et matériel (le gai savoir). Ainsi le matérialisme s’affirme comme la seule forme conséquente de l’athéisme. La pensée, considérée comme une action physique des corps pensants ne doit, selon le matérialisme, s’autoriser que de son propre travail sur la nature pour produire des vérités utiles à la vie humaine ; toute autre action magique ferait nécessairement intervenir un principe divin et serait sans effet sur la nature extérieure et l’effet physique de l’illusion sur nous-mêmes, en tant qu’elle est résultat et cause de mouvements mal ajustés des atomes de l’âme et de l’esprit, serait nécessairement à long terme peu efficace et donc dommageables au bonheur. A ces conditions le rapport de l’homme à la nature et à sa propre nature est débarrassé de toute superstition qui le soumettrait à un ordre ou à des pouvoirs sacrés plus ou moins éternels et en soi respectables et/ou qui le conduirait à croire qu’il peut échapper à la nature et à la mort, c’est à dire à sa condition d’être naturel vivant parmi, avec, voire contre d’autres êtres naturels. La nature est suffisamment autodéterminée pour nous préserver, par un effort de sagesse, du délire de la toute puissance sur elle et sur nous, qu’elle soit humaine ou divine, lequel ne peut conduire qu’à l’aggravation de la souffrance, et suffisamment aléatoire pour rendre possible l’action visant à transformer notre environnement naturel en un sens favorable au développement de notre désir de vivre dans le recherche du plaisir et la réduction de la douleur. La réussite de cette action n’est pas plus certaine que son échec ; mais une action purement matérielle, technique, qui ne concerne que les rapports entre les atomes et leur combinaisons a quelque chances d’aboutir, alors que les pratiques symboliques, magiques et cultuelles de la religion condamnent nécessairement à la souffrance . Celle-ci agit sur les hommes et les pensées humaines dans un sens politique négatif : elle permet de les asservir à des pratiques dominatrices de pouvoir en suscitant des craintes et un respect irrationnels, asservissement dont ils doivent se libérer pour prétendre au relatif et véritable bonheur ici-bas.
2. Mais la seconde conséquence de cette mise à distance de notre vision de la nature vis-à-vis de toute connotation religieuse est esthétique : la nature peut être non seulement objet de connaissance et de pratique technique mais aussi d’amour, non pour elle-même mais pour le sentiment de beauté esthétique que nous en éprouvons. Les hommes peuvent et doivent alors aimer la nature pour ce qu’elle est : une source inépuisable d’expérience émotionnelles et sensuelles ; par leur sensibilité les hommes participe aux mouvements des êtres et des choses ; participation dont la richesse des significations plaisantes qu’elle met en œuvre ne peut être évoqués et provoqués que par l’art et la poésie. Cette jouissance pleinement retrouvée n’a rien de religieux : elle est l’expression du fait que la nature, rendue par le philosophe et poète matérialiste à la richesse de ses possibles, est dégagée de toute normes morales transcendantes ; elle est à la libre disposition du désir humain et de sa puissance créatrice ; l’imagination. La nature n’est pas au dessus de l’homme ; elle l’inspire au plus profond de sa propre nature sensible en provoquant les mouvements des atomes de l’âme qui produisent la joie ; et les hommes, délivrés de la crainte de la mort, conquièrent enfin le droit naturel d’en tirer tous les plaisirs que l’alliance de son désir et de sa raison lui inspire.

Ces deux conséquences ne sont paradoxales qu’en apparence : la séparation entre une conception objective et technique de la nature et une vision amoureuse et poétique leur permet de se compléter et de se répondre au profit des individus humains par l’accroissement de la jouissance d’être et de la puissance d’agir auxquelles elles contribuent toutes deux ; le bonheur des individus implique nécessairement leur refus de se soumettre à une vision de la nature qui asservit les hommes à un délire collectif intériorisé en vue d’assurer leur domination sociale et personnelle. Il n’y a pas contradiction entre ces deux approches dès lors que la nature n’est pas envisagé sous le même rapport et qu’elles concourent toutes deux, parfois d’une manière faussement concurrente, au plus grand bonheur possible sur terre : jouir sans fausse peur de la nature et de nous-mêmes ; ce qui, au fond, revient au même.
Or cette distinction, quant au rapport vis-à-vis de la nature, entre la poésie d’un coté et les sciences de l’autre, ne sera accomplie que par la science moderne ; chez les philosophes matérialistes elles est encore enveloppée par une vision qualitative de la nature dans laquelle la vision symbolique et le discours rationnel expérimental s’entremêlent. La physique des matérialistes n’est ni quantitative ni prédictive, son pouvoir technique direct est nul ; sa finalité est éthique : poser les conditions philosophiques de la libération de la pensée humaine vis-à-vis de la tentation religieuse, y compris dans la philosophie, pour accéder à la véritable sagesse. Mais cette éthique, après bien des détours dus au difficile combat pour s’arracher au contrôle idéologique et politique que les églises chrétiennes ont imposés au savoir pour les motifs que l’on sait, rendra possible les sciences expérimentales et objectives c’est à dire quantitatives de la nature, qui dans leur pratique s’affirment, que leurs producteurs le veuillent ou non, matérialistes ; c’est ce que nous devons maintenant nous efforcer de montrer en nous posant la question de savoir ce qui caractérise les rapports que les sciences établissent entre les hommes, leur pensée (de) et leur pratique (sur) et la nature et donc la philosophie implicite sinon explicite de ces rapports.

3) la nature désenchantée : Les sciences expérimentales comme maîtrise de la nature.
 

Descartes, confronté à la contradiction (au moins apparente) entre la vérité religieuse et la vérité de la science mathématique et expérimentale naissante de son temps à laquelle il contribua, a cherché à fonder la vérité de la science physique naissante et à légitimer son autonomie vis-à-vis de la religion ; pour ce faire, il s’est efforcer de démontrer que la nature connaissable avec les seules ressources de la raison ne pouvait l’être que si on la supposait constituée de figures géométriques, de rapports mathématiques et de mouvements purement mécaniques définis par des relations de cause à effet sans intervention de la cause finale, ni de Dieu (si ce n’est pour " expliquer " la création continuée de la nature ainsi mécaniquement déterminée).
Mais cette intention, louable dans la conjoncture idéologique de l'époque, n’est en rien nécessaire au développement du savoir scientifique, il lui est même contraire comme nous le verrons par la suite; d’autre part cette tentative a échouée : aucune démonstration de l’existence de Dieu n’est possible (voir la critique kantienne logiquement indiscutable de l’argument ontologique), or cette démonstration est indispensable pour fonder en raison la vérité de la science en tant que certitude absolue, c’est-à-dire l’adéquation totale de la pensée rationnelle et mathématique avec la réalité de la nature ; mais la vérité scientifique n'a pas nécessairement besoin de fondement, qu'il soit religieux ou philosophique, car elle ne prétend justement pas à l'absolu; il lui suffit de confronter ses hypothèses à l'expérience objective, universellement reproductible dont les données quantitatives peuvent être appréhendées avec des instruments fiables et dans des conditions bien maîtrisées, pour accepter ou récuser tel ou tel de ses énoncés. Dans ses conditions la validité de ceux-ci est avant tout opératoire: elle est relative aux résultats mesurés et aux présupposés théoriques utilisés plus ou moins puissants dans leur capacité à anticiper les résultats de l'expérience et à en rendre compte d'une manière cohérente. Soyons clair, cette relativité n'est pas subjective, elle s'objective sous l'effet d'une double mise à l'épreuve: celle de la cohérence mathématico-logique et opératoire, toujours partielle, de ses propositions qui définissent la nature et les conditions des expériences à mettre en oeuvre et celle de l'expérimentation dont les conditions et les résultats doivent pouvoir être mesurés et reproduits par quiconque. Une théorie scientifique n'est donc valide que dans le champ déterminé de l'expérience objective qu'elle s'emploie à constituer. La valeur des énoncés scientifiques n'a nul besoin de garantie première, elle ne se prouve jamais en amont mais elle s'éprouve toujours en aval, en marchant, dans la fécondité de ses résultats; cette démarche peut même contraindre les sciences à modifier leurs présupposés rationnels les plus généraux: la notion de cause et la relation de cause à effet , le principe du déterminisme et de la réversibilité des lois, l'idée d'espace et de temps etc...
Dans ces conditions, l'exigence d'un fondement métaphysique, risque de devenir un obstacle au développement des sciences, en prétendant leur imposer, a priori, des contraintes normatives stérilisantes. C'est pourquoi Newton à raison d'affirmer qu'en physique on ne doit pas faire d'hypothèses, c'est à dire de propositions qui échappe à l'expérimentation directe ou indirecte.

Ainsi comprise, la démarche scientifique produit globalement la conviction que la nature est à la disposition des hommes ; de leur raison comme de leurs désirs et de leur capacité, en droit infinie, à expérimenter sur elle pour la connaître et la transformer à volonté. Les limites de leur pouvoir sur elle ne sont que momentanées, non que celui-ci soit un jour sans limite, mais que toutes limite sera un jour dépassée par un progrès scientifique et technique supposé possible et, parce que répondant à des besoins humains, souhaitable. En dehors d’une vision théologique et/ou téléologique de la nature (y compris leur nature biologique) tout est permis au hommes dès lors qu’ils sont seuls à décider du bien et du mal et de la valeur des fins qu’ils poursuivent ; ou plutôt que cette décision ne met en jeu que l’idée qu’il se font d’eux-mêmes dans le rapport avec leur environnement, pour eux-mêmes et du point de vue de leur seuls désirs....



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                L'humaine condition: la question de la nature de l'homme
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