L'illusion philosophique:
l'idéalisme
Le raisonnement qui consiste à prouver réflexivement la transcendance de la pensée, en montrant que toute pensée matérielle (physique ou biologique) suppose des à priori immatériels dans la pensée, est sophistique. L’idéalisme philosophique, supposant méthodologiquement que la pensée est, dans l’acte de la connaissance, première, déduit fallacieusement qu’elle est première ontologiquement. Il ne fait que retrouver son présupposé métaphysique de départ, que les scientifiques ne peuvent que récuser de par leur pratique même : le cerveau est toujours déjà là pour penser et l’expérience objective le prouve. Or cela ne signifie pas qu’il ne faille pas s’interroger sur l’intérêt de partir de la pensée pour comprendre en quoi et comment la pensée peut penser, voir repenser le réel, mais il ne faut pas faire de cette démarche une preuve ontologique de la transcendance réelle de la pensée, ce que Kant pour sa part n’a jamais fait et je m’étonne que l’on puisse encore se réclamer de lui pour justifier la métaphysique comme science vraie. Certains retours à Kant m’apparaissent souvent comme des retours à une philosophie précritique, dans la mesure où on ne tient pas compte de sa critique de la métaphysique, comme l’illusion transcendantale fondamentale ; ce qui est un comble.
On peut, tout aussi bien, et sans commettre de faute logique, admettre par hypothèse méthodologique avec les biologistes, que les transcendantaux de Kant sont des processeurs neurologiques légués par la sélection naturelle pour percevoir et penser conceptuellement, voire que ces transcendantaux sont modifiables par le fait même de leur modélisation formelle dont la possibilité réside dans des transcendantaux de deuxième ordre autorisant la prise de conscience formelle des opérateurs inconscient du premier niveau pratique, par la médiation du langage et de la culture, eux mêmes produits par des cerveaux interconnectés sur fond de préprogrammation biologique au langage et à la pensée symbolique (« émergence » historique de la culture dans une articulation complexe entre le biologique, le social et le symbolique, le niveau biologique étant premier). L’hypothèse philosophique matérialiste (que je préfère appeler réaliste expérimentale) présente deux avantages décisifs :
· Elle abolit le dualisme
substantiel
qui rend incompréhensible, c’est à dire magique l’action
présupposée de la pensée sur les structures
physico-chimiques
fonctionnelles du cerveau, y compris pour produire des pensées
réfléchies
et réfléxives théoriques de second niveau qui
appelle
aussi des processeurs physico-chimiques pour être
expliqués
; lesquels peuvent être les mêmes que ceux qui sont en
cause
dans les niveaux moins abstraits(réplication), mais
à
un niveau hiérarchique supérieur d’intégration
computationnelle.
· Elle établit une possible
testabilité objective expérimentale des hypothèses
scientifiques ; ce qui est le seul critère de la
vérité
dont nous disposions, car lui seul nous nous permet de la distinguer de
l’illusion (voir Kant).
La conception (je préfère
vision)
métaphysique oublie la biologie, la société et
l’histoire
pour appréhender le phénomène complexe de la
pensée
consciente du monde et de soi , réfléchie et
réflexive.
Ce faisant elle n’explique pas plus le fonctionnement de l’esprit que
la
vertu dormitive n’explique l’opium.
Il arrive un moment où la
pensée,
se prenant pour le centre, voire l’origine, du monde se regarde le
nombril
et ne peut plus rien dire sur elle-même ; elle se met alors
à
produire de pseudo-concepts sans contenu de connaissance
opératoire
(libre-arbitre, raison transcendante, Dieu etc..). La
métaphysique
idéaliste prétend, sans argument rationnel suffisant,
qu’il
est impossible d’expliquer la conscience et la pensée
réflexive
pas les sciences. Or celles-ci, sans plus se soucier des
prétendus
« interdits » formels de la métaphysique, prouvent
cette
possibilité en marchant et se moquent comme d’une guigne des
jérémiades
des métaphysiciens cramponnés à leur désir
de transcendance et de finalité thé(lé)ologique
pour
préserver l’espoir (illusoire) en l’immortalité et leur
certitude
d’une hiérarchie incontestable des valeurs qui donneraient
«
un » sens surnaturel à la vie.