Dialogue avec Monsieur Luc Dagens, physicien, directeur de recherche au CEA à la retraite.
S. Reboul:
La question de la nature de la conscience et
de sa connaissance ne peut, et nous le savons depuis Kant,
qu'être
une question scientifique: toute hypothèse transcendante, sur le
plan du savoir universalisable et expérimental (donc rationnel),
est nécessairement improductive, voire fait obstacle au
développement
des connaissances objectives.
S.Reboul:
La meilleure synthèse scientifique des
recherches en cours se trouve dans l'ouvrage de Stephen Pinklern qui
dirige
le centre de recherche des neurosciences cognitives au MIT: "Comment
fonctionne
l'esprit" chez Odile Jacob (mars 2000). L'auteur y développe une
conception expérimentale et expérimentée (au deux
sens du mot) stimulante du fonctionnement de l'esprit, à
l'articulation,
particulièrement féconde et fécondante, des
sciences
cognitives (computationnelle), de la biologie (génétique
et sélection naturelle) et de l'informatique. Par un paradoxe
qui
n'est qu'apparent, sa
position renforce, transforme et enrichit celle
de Kant, à savoir qu'il n'y a rien dans le fonctionnement de
l'esprit
qui ne fasse intervenir des conditions "transcendantales" a priori
(computationnelles)
et ce qui, pour autant, interdit d'en faire des conditions
"transcendantes"
existantes.
S.Reboul
Cette distinction capitale (entre transcendant
et transcendantal) nous permet de comprendre en quoi la position de
Kant n'est pas métaphysique mais
scientifiquement
expérimentale: Tout autorise à penser, aujourd'hui que
ces
transcendantaux dont Kant ne pouvait précisément
définir
l'origine et le mode de fonctionnement (processeur et
algorithmes en cause) dans le domaine du
traitement
des informations recouvrent, la perception, le langage et son usage,
voire
la vie éthique et sociale.
Luc Dagens:
Je voudrais faire une remarque à propos
du système des catégories kantiennes, en relation avec le
dualisme qui chez Kant prend la forme d'une opposition entre un monde
phénoménal
(sensible et déterministe) et un monde nouménal
(suprasensible
et où la liberté est possible).
On sait bien que la table des catégories
est artificielle, avec ses fausses symétries qui
résultent
plus de l'esprit de système de Kant que d'une
nécessité
philosophique. De plus, ce système pourrait être
incomplet.
En effet, Kant l'a déduit de la table des jugements, c'est
à
dire de la structure logique des types de jugements (comme l'a fait
Aristote).
Mais
Kant, qui inclut la catégorie de cause,
a exclu arbitrairement (pourquoi ?) celle de cause finale
(réintroduite
ensuite comme Idée de la raison). Or la catégorie de
cause
finale (d'intention, de but, de liberté) est une des plus
importantes dans l'usage quotidien du langage,
et fonctionne manifestement comme une règle a priori : les
phénomènes
impliquant des actions humaines ou animales sont
synthétisés
selon les principes de la causalité finale, et pas
seulement selon ceux de la causalité
déterministe.
Le schéma catégoriel « X a fait A en vue de B
»
est universel et a priori, et correspond à une catégorie
transcendantale que Kant n'a pas retenue.
Pourquoi Kant a-t-il accordé le statut
de catégorie pure à la causalité matérielle
et non à la causalité finale (qui a été le
principe explicatif dominant pour les "sciences" archaïques : en
ces
temps là, tout avait une âme, et tous les
phénomènes
naturels, les astres, les ruisseaux, etc., étaient
expliqués
en termes d'intention, de but, de causes finales) ?
La raison en serait un accident de l'histoire
: le triomphe de la physique newtonienne, qui a servi de paradigme pour
choisir les catégories que Kant a jugées dignes de
figurer
dans sa table. Est-ce là un exemple de la
mauvaise utilisation des « béquilles
de la science » ?
Bien entendu, le système newtonien (tout
comme la physique moderne) ne peut être identifié à
la Science, car tout ce qui implique l'esprit (psychologie, sociologie,
histoire, etc.) échappe à ses méthodes et demande
d'autres
concepts originels irréductibles à
la physique newtonienne. Kant a-t-il cédé à
l'esprit
du temps, qui voyait le triomphe universel des méthodes de la
physique
? Je ne sais, mais les conséquences ont été
immenses.
La liberté
(cause par liberté) a
déserté
le domaine des phénomènes pour se perdre dans celui dans
le monde nébuleux des noumènes...
Si on admet que la catégorie de cause finale doit être ajoutée aux a priori transcendantaux, on arrive à l'idée curieuse que le dualisme matière esprit (= cause efficace - cause finale) serait pour nous un a priori (qui rendrait compte de notre façon différente de parler des être vivants et des êtres matériels), ce qui expliquerait l'impossibilité de sortir en pratique du schéma dualiste, tant au niveau du langage quotidien que de la pratique scientifique.
Une dernière remarque. Il ne faudrait
pas
déduire de cet apriorisme supposé du dualisme des causes
que la nature elle-même est «véritablement»
dualiste.
On sait depuis Cantor (pour l'infini), Einstein
(pour l'espace-temps) et Bohr (pour le déterminisme) que les
catégories
transcendantales, qui sont nécéssaires pour objectiver
les
phénomènes accessibles à l'intuition, sont en fait
inapplicables aux représentations (non directement intuitives)
que
les techniques modernes rendent accessibles à l'entendement. Les
contraintes transcendantales ont été inventées
(par
l'évolution ?) pour être appliquées aux faits de la
vie quotidienne, mais la raison humaine a su transcender ces
contraintes,
et rendre possible l'impossible : la
connaissance objective d'un monde situé
au-delà des « phénomènes », monde que
l'on ne peut pas percevoir, et qui a pu être
dévoilé
grâce aux méthodes technico-théoriques de la
science
moderne. (On est tenté de dire, dans une perspective
psychologisante,
que ces méthodes fonctionnent comme des « plug-in »
ajoutés au corps et à l'esprit, et lui donnent des
fonctionnalités
nouvelles, obéissant à des catégories de
représentation
qui lui sont propres. Ceci me paraît être en gros la
position
de Cassirer dans sa tentative de concilier la philosophie critique avec
la science post-newtonienne).
En ce qui concerne la question du dualisme, c'est
un fait empirique que rien ne permet de dépasser aujourd'hui de
façon convaincante et non subjective cette contrainte
transcendantale
qui nous force à soumettre à la règle de la
représentation
duale tout phénomène impliquant des êtres vivants
ou
même des artefacts.
S.Reboul
Les expériences subjectives de la
conscience
de l’unité du moi (ou du je), de la finalité
intentionnelle,
voire de
l’autonomie décisionnelle ne sont pas
niables ; mais la question est ailleurs : il s’agit de savoir quel
statut
on accorde à
ces expériences ; celui d’être des
objets de connaissance pour un jugement déterminant, ou celui
d’être
des idéaux
régulateurs, des jugement
réfléchissants
qui valent comme principes de repérage de l’esprit pour
développer
la
connaissance.
En cela Kant avait une raison de principe et
non pas une raison conjoncturelle, pour exclure la finalité
(pourtant
posée
comme première chez Aristote) des concepts
a priori de la connaissance de la nature dans son ensemble : elle ne
permet
pas d’expliquer les phénomènes
car elle prétend expliquer ce que l’on peut connaître (les
phénomènes passés et
présents et leur lois de cause à
effet) par ce que l’on ne peut pas encore connaître (les
phénomènes
futurs, leurs
fonctions et finalités). Tout finalisme
est destinal et donc explique le passé et le présent par
le futur présupposé, le
connu par l’inconnu, voire quant on fait de la
finalité l’expression d’une cause métaphysique, par
l’inconnaissable.
Dans les phénomènes biologiques
nous avons bien affaire à des finalités internes
scientifiquement
établies dues à des
boules causales rétroactives complexes,
mais il s’agit encore d’effets de structures déterministes
complexes
et
plurielles, de propriétés
émergentes
de certains mécanismes autorégulés qu’il faut
analyser
et soumettre à l’expérience
et que l’on ne peut connaître, c’est
à
dire expliquer et tester d’une manière rationnelle
universalisable
(non-magique)
que sur fond de mécanisme philosophique
enrichi ; le finalisme philosophique ne servant là que de
vecteur
orientant
l’analyse et la recherche de ces
mécanismes
déterminants, comme le pensait Kant.
En ce qui concerne la conscience, on peut
toujours
supposer qu’elle transcende les mécanismes neuro-psychologiques,
symboliques et sociaux qui « l’accompagne
» et en sont les « substrats matériels objectifs
»,
les conditions matérielles
de possibilités ; mais cette supposition
ne peut être qu’une croyance dont la valeur régulatrice et
mérite d’être
interrogée quant à ces effets sur
la connaissance. La phénoménologie se contente sagement
de
définir des stratégies de la
conscience comme relation au monde, mais elle
se refuse à les expliquer par une quelconque
antériorité
ontologique de
la pensée consciente ontologique. (voir
Merleau-Ponty). Pourquoi ? Parce que, pour les
phénoménologues
(comme
Husserl) qui n’ont pas trafiqués Kant
(comme l’a fait Heidegger, et ce n’est pas un reproche: tout philosophe
a le droit
de le faire, à condition de le
reconnaître)
savaient très bien que l’hypothèse de
l’antériorité
ontologique de la pensée sur
le cerveau est rationnellement
incompréhensible
et donc stérile sur le plan de la connaissance explicative des
phénomènes psychologiques.
On peut, si l’on opte pour le
matérialisme
philosophique, en ce qui concerne des expérience subjectives de
la
consciences (représentations subjectives,
prises de décision intentionnelles, etc)
· soit dire que notre cerveau n’est pas
équipé pour penser cette articulation entre
phénomènes
neuro-biologiques et
phénomènes de conscience, qu’il
n’a pas les modules cognitifs transcendantaux rationnels requis, car
ils
n’ont pas été
sélectionné pour cela.
· soit que ces modules restent à
construire et qu’on est pour l’instant démunis, mais que l’on
pourra
peut-être y voir plus
clair en avançant le plus loin possible
dans la connaissance scientifique neuro-cognitive du fonctionnement du
cerveau.
Dans les deux cas, on pratique un scepticisme
raisonnable, un forme de sagesse qui consiste à
reconnaître
les limites de
notre pouvoir de connaître, ce qui
était
le rôle de la philosophie critique selon Kant, afin
d’éviter
l’illusion qui consiste
à prendre ces croyances et ses
désirs
(mêmes légitimes sur le plan éthique) pour des
vérités.
De la finalité subjective
L'objet de la discussion était le
Physicalisme,
qui par essence est une doctrine qui présuppose qu'une approche
scientifique du pb de l'esprit est possible. C'est la
présupposition
originelle, et c'est dans le cadre de cette présupposition que
le
physicalisme doit être critiqué. Mon propos était
seulement
de mettre en évidence les difficultés internes propre
à
cette approche du pb de la conscience.
Ma cause n'est pas de démontrer que le
Matérialisme est faux, car je tiens une telle
démonstration
pour impossible. Mon but était de justifier une attitude
sceptique
sur la possibilité de comprendre selon les normes de la science
ce fait pour nous manifeste qu'est l'influence mutuelle du corps et de
l'esprit. Sans cette compréhension, nous ne pouvons disposer
d'une
méthode qui fasse la différence entre un organisme ou
machine
qui possède un esprit, et une autre dont on pense qu'elle en est
dépourvue.
Je rappelle que nous attribuons (à bon
droit) une âme à autrui, mais sans pouvoir en donner une
justification
intellectuelle absolument convainquante. Cette attribution est a priori
(instinctive) et l'âme de l'autre est tenu
pour être un fait originel qui ne se
déduit
pas, que nous n'inférons pas mais que nous est imposée en
vertu d'une règle ou d'une loi de la nature.
Mais cette règle n'est applicable à
rien d'autre que l'homme (et peut-être aux animaux
supérieurs),
et ne permet pas de déterminer par exemple si le robot pensant
est
conscient de ce qu'il calcule, ou bien n'est qu'un automate insensible.
>
Le vocabulaire utilisé (esprit,
intentionnalité,..)
est conforme à l'usage (de la philosophie de l'esprit [mind]
à
l'anglo-saxonne) et, je l'espère, correct. L'esprit est
analytiquement
ce que possède tout organisme (ou robot) capable de
sensibilité
et de volonté, etc., et qui se manifeste dans toute situation
pour
laquelle seul un langage intentionnel (au sens de Brentano) est
applicable.
En ce qui concerne l'hypothèse
physicaliste,
je ne dirais pas qu'elle est erronée (comment le savoir ?) mais
plutôt qu'elle est scientifiquement vide, si il est vrai, comme
je
le crois, que les entités mentales à étudier ne
peuvent
en aucun être directement appréhendées
(mesurées)
selon les canons des sciences de la matière.
Vous laissez entendre qu'un tel instrument
(mesurant
le mental) pourrait être découvert. C'est une bonne
question.
Peut-on montrer a priori qu'une telle découverte est impossible
? Essayons :
Supposons qu'un « mentalmètre
»
M soit construit. Appliqué au cerveau, M indique un
degrés
d'émotion A (par ex). Mais cette émotion est
corrélée
(selon le physicalisme) à un certain type d'état physique
(du cerveau) B.
Cela veut dire que M mesure B tout autant que
A ; il suffit que M indique B (un type d'état physique)
d'où
on infère A (en vertu des correlations observées dans le
passé). Mais la présence de A n'est pas
nécessaire,
celle de B suffit. L'inférence de B vers A est justifiée
(empiriquement) pour un cerveau humain, mais il est impossible de
prouver
que l'inférence vaut en général et que le
processus
physique B est toujours accompagné de l'émotion A, dans
un
être non humain, par ex un artefact (robot). Autrement dit, l'
hypothèse
physicaliste a pour conséquence qu'il est impossible de prouver
que M mesure réellement autre chose que le type d'état
physique,
c' est-à-dire que M est autre chose qu'un vulgaire instrument de
physique.
Le raisonnement résulte analytiquement
de l'hypothèse du physicalisme : le physicalisme supposé
vrai, implique logiquement l'impossibilité de prouver l'
hypothèse
(= implique la non-existence d'une méthode permettant
d'établir
la présence d'un esprit dans un organisme
non humain). Cela ressemble superficiellement au théorème
de Gödel.
>
Mais justement le point de vue du physicaliste est qu'il n'y a pas deux ordres de réalité différents. Ce qu'il affirme est précisément que la pensée « est » un processus physique.
>
Il est tout à fait intéressent
de
poser le pb dans le cadre du kantisme.
Pour Kant, certains faits sont du ressort de
la science, d'autres non. Que l 'homme soit libre (puisse commencer des
séries causales) est un fait que l' on peut penser mais pas
connaître,
ce n'est pas un fait accessible à la science, quel qu'elle soit.
Les questions de goût, la beauté etc., concernent des
faits
nouménaux, inaccessibles par nature à la connaissance
scientifique
(alors qu'ils doivent l'être pour un physicaliste).
Considérons
le pb : les animaux ont-ils une âme ? Ici Kant est plus
libéral
que Descartes. Mais la question n'est considérée qu'en
rapport
avec la
finalité (in « Critique de la
façon
de juger »), qui n'est pas une des catégories
transcendantales
et qui n'est donc pas utilisable pour exprimer une connaissance
objective.
Autrement dit, l'esprit d'une huître ou d'un singe ou d'un homme
n'est pas une chose qui puisse se manifester comme objet d'une
expérience.
Ce n'est donc pas un objet du tout, et aucune science de l 'esprit
animal
n'est donc possible selon le système de Kant.
Le système de K semble donc incompatible
avec une théorie matérialiste (moniste ou pluraliste) de
la conscience, car l'explication de la liberté par exemple ne se
situe pas au niveau du phénomène (du connaissable).
>
Je ne crois pas que le Matérialisme
soit
condamné au réalisme naïf (= « Les
phénomènes
représentent les choses telles qu'elles sont »). Il est
incompatible
avec le kantisme (voir plus haut), parce que Kant rejette la
volonté et la finalité dans le
monde nouménal et que seul le monde phénoménal est
pour lui connaissable.
En fait l'idéalisme critique peut
être
contesté sur deux aspects (sans sortir du système
critique).
(i) Kant a une conception trop rigide des catégories
transcendantales,
conception incompatible avec la science moderne. (ii) Le rôle
trop
secondaire qu'il attribue aux choses en soi (CES), tellement secondaire
que les néo-kantiens ont conclu à l'inutilité de
la
CES et l'ont éliminé du système, faisant à
tort de l'idéalisme critique un idéalisme absolu (dont
Kant
ne voulait absolument pas).
L'idéalisme critique avait pour but
d'expliquer
la possibilité d'une connaissance synthétique a priori,
mais
a eu l'effet paradoxal de rendre à peu prés
incompréhensible
la possibilité d'une connaissance a posteriori !
Les règles transcendantales et les formes
de l'intuition déterminent a priori la forme
générale
des phénomènes et expériences (l'essence du
phénomène
en général), mais absolument pas la forme
singulière
du phénomène perçu (le phénomène
réel
dans sa singularité), dont la singularité échappe
aux exigences de l'entendement et de la raison, et ne peut être
expliquée
que par la façon dont l'intuition sensible est passivement
affectée.
La question est celle du rôle exact des
données sensibles dans la constitution du
phénomène
perçu, dans les cas fréquents où la forme
singulière
du phénomène ne peut pas être anticipée et
semble
nous être imposée à notre corps défendant.
Kant dit peu de choses à propos des
données
sensibles. Le donné est un "divers » accepté
passivement
dont il ne mentionne pas la structure (divers non structuré ?).
Ce divers est soumis au travail de l'esprit qui l'organise
en phénomène (objectivé)
singulier, le phénomène perçu. Mais si le
donné
sensible est tout à fait amorphe (non structuré), comment
comprendre que l' on perçoit tel objet singulier A plutôt
que tel autre, B ? Ici les néo-kantiens ont raison : si la chose
en soi (CES) fournit des données inorganisées, et donc
indépendantes
de ce qu'est vraiment cette CES, la notion même de CES est
inutile
et autant s'en passer.
Le dilemme est alors : ou bien (1) le
donné
sensible est amorphe et alors toute apparition d'un
phénomène
singulier non anticipé (dont le conditionnement causal est
inconnu)
est un miracle inexplicable, ou bien (2) le donné sensible est
structuré,
et cette pré-structuration est l' explication de la
possibilité
de la connaissance a posteriori des fait
singuliers et des lois spéciales de la
nature.
J'appelle « réalisme critique
»
la doctrine qui diffère du kantisme seulement par l'acceptation
du point (2). Deux règles supplémentaires sont
nécessaires,
une pour l'intuition, l'autre pour l'entendement (ou l' imagination).
(i)
L'intuition sensible reçoit passivement un donné
structuré,
et (ii) ce qui est singulier dans le phénomène
perçu
a une
structure singulière en analogie avec
la structure du donné correspondant.
La CES est alors définie comme ce qui
rend possible la structuration du donné.
Le réalisme critique reste
idéaliste
en ce sens que le phénomène est une représentation
(produite par l'esprit selon sa nature et ses propres règles),
mais
est réaliste en ce sens que c'est un monde transcendant qui fixe
la structure des données reçues et en conséquence
celle des objets perçus. Tout se passe comme si le
phénomène
était une maquette artificielle reproduisant la structure d'une
réalité indépendante.
Identifier le phénomène à
une maquette structurale d'une CES transcendante ne conduit à
aucune
aporie car le phénomène n'est pas identique à la
CES.
L' objet-phénomène est « analogue » en
structure
à la CES (qui n'est absolument pas un objet, qui n'est ni dans
l'espace
ni dans le temps), mais sans du tout lui ressembler (tout comme
l'essence
d'une maquette ou d'une photo n'a rien à voir avec celle de la
chose
représentée).
La CES est-elle connaissable ? Non, selon Kant.
Une réponse plus nuancée s' impose : la CES (ce qu'elle
est
vraiment) est inconnaissable en elle-même, mais elle a une
structure
reflétée dans les objets phénoménaux, et
qu'il
est
possible d'atteindre via la structure
mathématique
des théories physiques valides. Dans le langage de Kant, on
dirait
qu'une connaissance par analogie de la CES est possible