Conscience, matérialisme et idéalisme.

Echange avec Monsieur Pascal Doyelle

Pascal Doyelle:
Il existera très certainement une compréhension scientifique de la conscience: ce qui a une réalité manifestée ne peut pas ne pas être matière de fait et donc susceptible  d'observation expérimentale, mais quelles que soient les déconstructions matérielles opérées sur la conscience, si celle-ci est, ce que l'on a quasiment toujours supposée de son être ,une unité à part entière (qu elle soit plus ou moins individualisée; âme personnelle ou impersonnelle, sujet rationnel ou sujet existentiel ou romantique, etc); alors sa description laissera de fait échapper ce qui est; cad; ce qui est en creux,entre  intention et le retour sur l intention, ce  moment, mouvement, ce feed back générateur;cela qui ouvre l espace et le temps, qui produit son espace et son temps, cela qui constamment est recouvert par le langage ,les perceptions,les
afflux de toute sorte, mais qui redresse constamment vers le présent à redécider, qui brise net et reprend de zéro; qui évacue donc tous les signes par quoi cet espace temps pourrait être décrit ,parce que apparemment "il est autrement" il est en sens retors ;tension plutôt qu intention;et qui utilise le langage, les perceptions,le monde donné donc, les émotions, comme autant de mémoires mais qui par lui-même n est rien, unvide vivant.


Sylvain Reboul:
Que la métaphysique soit un combat et puisse être définie comme point de vue axiologique centré sur les principes pour
repenser l'expérience contre des présupposés idéologiques qui font obstacle à la connaissance théorique et à la lucidité
pratique, j'en conviens tout à fait; mais alors il faut la débarrasser de tous les oripeaux ontologiques qui la dénature et
déconstruire l'illusion réaliste et causale qu'elle entretient trop souvent afin de faire croire qu'elle est une connaissance
certaine de l'absolu comme réalité transcendante, voire comme le réel (l'être en tant qu'être et/ou l'être de l'étant; voir
Descartes, Hegel et.... Heidegger). Le rôle positif de la métaphysique serait donc pratique voire prescriptif: instaurer de
nouvelles références de pensée pour la mise en oeuvre conceptualisée de cette torsion du sujet réfléchissant dont vous
parlez; le problème c'est que le plus souvent, chez les épigones tout au moins et parfois chez les plus grands auteurs,
elles fonctionne comme vérité première transcendante, installant donc au coeur de la philosophie l'argument d'autorité
quasi divin et transformant donc la valeur critique de la philosophie en argumentaire idéologique acritique par un
retournement bien connu : retourner les armes de la critique de son adversaire contre lui et mettre la philosophie, en la
dénaturant, au service d’une idéologie dogmatique.

Dans ces conditions, sur le problème du rapport entre la conscience et le cerveau, cette capacité de torsion et de reprise
du sujet (et de reprogammation) dont vous parlez, aucune métaphysique ne permet d’affirmer qu’elle ne soit pas un effet
de notre constitution biologique elle-même, de notre complexion comme le dit très justement Spinoza, et non pas celui,
arbitraire et incompréhensible (donc irrationnel comme le montrent aussi bien Spinoza que Leibnitz) d’un libre vouloir
inconditionné. La question devient donc : vaut-il mieux croire au libre-arbitre pour opérer cet arrachement réflexif ou
vaut-il mieux croire au déterminisme complexe du fonctionnement de l’esprit, ce qui nous engage alors à rechercher
dans quelles conditions objectives favorables, biologiques, sociales, culturelles et philosophiques (matérialisme ou
idéalisme), l’autonomie devient réellement et non pas seulement idéalement possible. Prendre conscience de ce qui
nous détermine et déconstruire l’illusion de libre-arbitre n’est-ce pas la condition pour changer pratiquement notre
manière de penser et de vivre et donc d’accroître notre autonomie ?
Bergson disait que chacun a en lui nécessairement deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza, c’était dire que nul
ne peut, ni ne doit, pour penser lucidement se débarrasser de la deuxième. 


Pascal Doyelle:
je vous avouerai que je suis entiérement d accord avec vous ceci je devais l'ajouter à ma précédente intervention;
grosso modo;le sujet que j'évoque est , pour moi, en somme " vide ",et je veux dire ;vide au sens d une "structure";
comme si j'interrogais ce feed back dont nous entretenait la systémique aux temps jadis; cette "structure " je ne l'envisage même pas comme existant indépendamment de ses" contenus" qui ne sont plus "ses"contenus de ce fait, qu elle ne "contient" même plus du reste !!dont précisémént elle dépend ... d'où l extréme importance de prendre en conscience,comme vous dites, ce dont la conscience est justement l effet et même l'effet multiple (entendant par là que "la" conscience unique et fixe n est pas ,qu elle est dispersée,multi intentionnelle et puisque vide cela ne gêne pas son unité...son unité ne dépend pas de son contenu...cela me parait crucial)
je suis donc très loin de considérer que l'indépendance de la conscience puisse mener à une "substance ", à un" sur réel
"etc ,auquel je n ai jamais cru (je me suis d'abord intéressé à Nietzsche et Freud ;cherchant un déploiement du replié,
du lové sur soi et qui cependant en cet égocentrisme ,comme vous le dites trés bien, peut envisager tout élément en l'intégrant à ses computations; à condition justement que tel ou tel élément puisse s'intégrer à l'ensemble du représenté, ce que la métaphysique ne permet pas puisque formant un systéme clos;ce que même le"moi " n autorise que trés peu,puisqu il forme lui aussi un "tout")
je vous rejoins tout à fait en l'attention portée sur les multiples occurences qui forment les contenus de la conscience ;ce
qui veut dire que ces causalités sont en ce sens plus réelles que la conscience; en leur lieu et place; mais aussi que la dite conscience est derechef une unité (vide) à part entiére extremement limitée mais totalement performante là où elle y est ou pour rebondir autrement ;de sorte que la substance du sujet (disons ) de descartes etc n a pas pour but
d'imposer une fixité du sujet (quoique ..)mais aussi d imposer une tenue de route dans le langage,qui en l'occurence se
substitue au Dieu de st Thomas par ex; ce qui est révolutionnaire absolument; cad, s impose comme une évidence qui vaut telle pour toute la philo qui suivra ,y compris Kant vous comme moi-même ou Heidegger ou Morin ou Lacan etc nous n interrogeons plus DANS le représenté ,nous interrogeons VIA ,au travers et contre souvent le représenté
(lorsque nous sommes en forme) ;  ou; c'est crûment, sans Dieu sans maître, que j'aborde le "sujet" mais je ne puis faire autrement que de lui accorder ,à ce retour sur soi, une unité et les distinctions que vous opérez dans la masse compacte de la réalité dont les sujets sont l'objet ... m intéressent d'autant que je cherche à annuler le sujet ,radicalement, afin d isoler le dernier recours auquel lui , mentalement , il se lie en cet univers-çi; le recours froid,  (cad vide), ce qui ressemble à de la magie je vous l' accorde trés aisément ,mais si le sujet y est en cet univers ,il faut qu'il porte dans l arc de sa conscience le "signe " ( s y représentant représenté) de sa réalité dans le réel sorte de psychanalyse de l acte- même de conscience ,loin de husserl et de heidegger;signe en fait qui n EST pas ,qui nepeut qu y être" à la place de " , qui représente (je sers d une expression de tournure lacannienne!!) afin que le sujet sans même y "penser" le place et déplace dans son champ réel (et irréel); ici comme là il s agit deprendre conscience d un "non conscient" .



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