Capitalisme et universalité

Le capitalisme, quoiqu'en dise ses défenseurs hypocrites, exploite et produit des inégalités sociales et économiques dans le monde et les accroît: mais ces inégalités ne sont pas justifiées et ne peuvent prétendre à aucune légitimité en son sein; au contraire, le capitalisme repose idéologiquement sur la libre concurrence et l'égalité des chances ; de plus les rapports marchands présupposent le contrat et l'égalité des droits fondamentaux (et non pas des conditions réelles) entre tous les individus, qu'ils soient vendeurs ou acheteurs, chacun pouvant tour à tour être l'un et l'autre. Cette contradiction interne est la faiblesse mais aussi la force du capitalisme:

1) Sa faiblesse, car les inégalités réelles mettent en cause l'égalité des droits et des chances et, du même coup, elle discrédite sa légitimité explicite aux yeux de ceux dont il exploite la position de faiblesse (domination et exploitation des pauvres par les possédants). Le capitalisme est donc l'objet d'une contestation politique et sociale irrésistible permanente (lutte de classe et division politique droite gauche)

2) Sa force, car il se doit pour restaurer l'apparence de sa légitimité prendre ne considération l'inégalité des chances qu'il génère, en s'efforçant d'en corriger les aspects les plus voyants sauf à prendre le risque extrême de la violence toujours mauvaise pour les affaires et la tenue des contrats, de même que pour l'accroissement de la consommation qui est vital pour préserver les profits. La capitalisme est donc sommé de s’adapter aux évolutions des rapports de forces entre les intérêts sociaux divergents; ce qui accroît sa capacité à survivre et à se renforcer face aux contestations et révoltes qu'il suscite.

Qu'on le veuille ou non, le capitalisme s'inscrit nécessairement dans la perspective  du marché universel, faisant fi des particularismes idéologiques et politiques: l'idéologie marchande se moque du tiers comme du quart des convictions morales et religieuses particulières des clients, sauf à les intégrer à une stratégie déterminée de vente en faisant de ces convictions un objet d'intérêt commercial (segmentation de la clientèle). La capitalisme récupère donc la diversité des goûts et des valeurs dans l'universel pluriel et pluraliste de la marchandise et des échanges monétaires dont le but ultime est des s'enrichir, or, comme on sait, l'argent n'a pas d'odeur, ni morale, ni politique ni religieuse.
Le capitalisme ne connaît les différences sociales et culturelles qu'à travers la demande individuelle des consommateurs qu'elles affectent ; de plus, les individus sont d'abord des vendeurs et des acheteurs potentiels avant que d'être des producteurs car la production ne vaut que si elle est l'objet de transaction marchande rentable. Il est vain de se demander si l'offre crée la demande ou l'inverse ; la relation est une boucle de rétroaction : elle est réversible comme dans un jeu de rôle.
Dans ces conditions, toutes culture qui prétendrait opposer un universel transcendant concurrent serait soit détruite, dans son autonomie par le jeu marchand, soit mis à la marge et, s'il résiste par la terreur nihiliste, implacablement éradiqué dans ses ressources financières, humaines, technologiques et donc militaires.

Donc le capitalisme est l'horizon indépassable de l'universel humain en un monde sans frontières économiques et sociales imperméables et dont les disparités culturelles sont irréversiblement recyclées et intégrées comme source de profit (ex: tourisme exotique) par les moyens modernes de communication des valeurs, désirs et des modes de vie et par la logique du "tout s'achète et tout se vend" et la pulsion de consommer qu'ils auto-entretiennent.
Mais, du même coup, la lutte des classes est indissociable du fonctionnement normal du capitalisme et celui-ci est contraint de la gérer au mieux de ses intérêts généraux à l’échelon international afin de réduire les risques de violence qu’elle génère. Ainsi, depuis l’effondrement logique des sociétés prétendument socialistes nous n'avons plus le choix entre la capitalisme et une autre forme de société, mais entre la violence totalitaire et terroriste, religieuse ou non, et le capitalisme, et en ce qui concerne celui-ci, entre le capitalisme sauvage et auto-destructeur et un capitalisme régulé démocratiquement au nom de l'universel, de l'autonomie et de l'égalité des chances sur lesquels il prétend problématiquement (re)fonder sans cesse sa propre légitimité.



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