1) L'objet du
désir
c'est le désir lui-même, ce que Hegel appelle Le
désir
du désir (réflexivité de le conscience de
soi) et Nietzsche, la
volonté
de puissance (argent pouvoir, honneur, création etc.) Et que
tout
objet du désir, qu'il
faut distinguer du besoin
est toujours objet symbolique de la puissance même du
désir
et du désir comme puissance
d'être et d'agir
(voir Spinoza), c'est pourquoi le désir humain est
démesuré
et potentiellement violent au point de
faire de la violence une
jouissance en soi.
2) L'objet du
désir
c'est, indissociablement, comme condition de sa propre
réflexivité,
le désir de l'autre pour soi:
soit dans l'envie
compétitive,
soit dans la soumission " participante ", soit dans l'amour. Mais, dans
les deux cas,
l'objet du désir
est l'autre comme sujet de désir que nous ne maîtrisons
jamais
et que nous ne pouvons posséder (il
n'y pas de mécanique
presse-bouton du désir de l'autre). D'où une
insatisfaction
qui, dans le pire des cas, nourrit le
délire
paranoïaque
du pouvoir absolu, ultra violent, mais radicalement condamné
à
l'échec, lequel est
"décompensé"
dans celui de la persécution. Dans le meilleur des cas le
désir
du désir de l'autre renonce au
pouvoir absolu pour le
pouvoir copartagé dans le jeu érotique de son propre
désir
avec le désir de l'autre
(ouverture non
pornographique
et esthétique de ses propre fantasmes sur ceux de l'autre); mais
l'amour durable
dépend de conditions
politico-sociales, éthiques et culturelles (le problème
de
la violence et de l'inégalité
sexuelle normalisée
par exemple) qui sont souvent absentes.
3) Conclusion de 1) et
de
2) Le choix stratégique, qui exige des référents
culturels
et sociaux favorables, et qui est
possible (mais difficile)
dans nos sociétés libérales, sans
référents
religieux à un autre monde qui satisferait le
désir absolument
en l'abolissant (le paradis et/ ou nirvana), est bien entre les formes
suivantes et leurs
combinaisons plus ou moins
alternées qui exigent un effort de cohérence permanent
pour
éviter une totale
dispersion:
- Le désir de
s'enrichir
(l'argent comme équivalent abstrait de toute valeur et pouvoir
d'achat
incontestable de tout
bien, y compris du service
des autres (même sexuels)
- Le désir de
consommation
de référents symboliques du désir
objectivés
(images des produits et des services
marchandises), mais qui
n'est jamais totalement passif, contrairement à un lieu commun
intellectuel:
de plus en plus
les gens savent consommer
ludiquement, c'est à dire activement et lucidement pour se faire
un plaisir dont ils se
sentent créateurs.
- Le désir de
pouvoir
(ambition).
- Le désir de
paraître
(prestige, représentation et mise en scène de soi).
- le désir
érotique
partagé et négocié.
- Le désir
esthétique
(érotique esthétisé et
représenté/communiqué).
- Le désir de penser
rationnellement pour devenir plus autonome dans l'expression de sa
puissance
d'être et d'agir.
-
Toutes ces formes du
désir
et leurs combinaisons ou exclusions, comme désir du désir
s'affirment dans la
recherche la reconnaissance
positive de soi (fierté, honneur, respect, estime de soi)
médiées
par le regard des
autres; laquelle fait seule
le sentiment du bonheur (idée de l'accroissement de sa propre
perfection)
en l'absence du
regard de dieu et de la
perspective du salut post-mortem. Elles appellent des stratégies
différentes et ne font pas
intervenir une idée
du bien en soi, dont, si tant est qu'on puisse définir celle-ci
d'une manière autre que verbale, (le
bien en soi est encore
moins déterminable que le cheval en soi disait Aristote), je ne
vois pas comment elle
vaudrait pour tous les
jeux relationnels possibles du désir. La seule règle qui
se décline au pluriel selon les
contextes de jeu, c'est
ce qui rend possible la poursuite du jeu et donc, ce qui s'inscrit dans
la possibilité d'une
mutualisation du
désir
(réciprocité); sauf à soumettre le désir
à
la promesse d'une satisfaction différée dans
l'au-delà. Le
plaisir
ne fait le bonheur qu'en tant qu'il est la sanction du désir
même
de reconnaissance positive de
soi. C'est donc le
jouissance
de la puissance affirmative du désir qui fait le bien-vivre et
non
la satisfaction
objectale de tel et tel
désir déterminé.
Le désir ne peut
donc que se désirer lui-même, non dans sa fin
(satisfaction
totale) mais dans son indéfini
rebondissement, lequel
exige des règles " des jeux " et des stratégies efficaces
; ce qu'est pour moi la définition de
l'éthique (a-morale
au sens kantien); la seule aujourd'hui possible et souhaitable pour ne
pas être à tout coup
perdant dans le seul monde
réducteur de la tentation de la violence possible ici-bas
(cité
terrestre), le monde
libéral et
démocratique,
qui seul, en l'absence de religion traditionnelle unifiée, peut
tenter de mettre en œuvre les
conditions juridiques,
politiques et sociales de la régulation du désir, c'est
à
dire de la justice et de l'équité afin de
rendre possible l'exercice
de chacun de son droit au bonheur et à la dignité qui en
est l'essence même.