Entre Monsieur Alain Jattiot en rouge et S.Reboul en vert
Veuillez trouver ci-dessous ma
réaction
à votre texte sur le capitalisme.
Au début était l’échange
et le commerce international entre l’Occident et l’Orient ; le
déficit
commercial était payé par l’Occident grâce aux
mines
d’or et l’Orient était riche et le dernier Orient , le plus
proche
de nous, l’Orient des arabes aussi ; d’où les splendeurs
architecturales
de ces pays. Puis vint le marché avec les infrastructures
construites
par les Etats ; par les Etats la monnaie ; puis lesfirmes nouveaux
centres
de coordination luttant au travers de ces autres centres de
coordination
que sont les marchés. Aujourd’hui les firmes au travers des
concentrations
cherchent les positions de monopoles et au travers des actions sur le
lieu
des marchés à déstabiliser les autres firmes. Le
Capitalisme
système opportuniste fait la synthèse du tout en
rajoutant
la propriété privée qui permet l’accumulation.
Effectivement
en examinant les lieux de coordination (marchés et firmes) et
les
instances de régulation (Etats, cartels) et les processus de
régulation
(concentration) on constate des évolutions, mais surtout des
grandes
phases de développement scandées par de crises sans que
l’on
puisse dire que l’on passe d’un stade à un stade ultime ou
suprême
; les ruptures et les déséquilibres sont le quotidien
comme
le déploiement des formes supérieures par absorption ou
par
digestion des formes anciennes mais les traditions, les racines sont le
substrat du système. Mais le système est
protéiforme
et rien ne dit que la civilisation attachée à ce
système
même si derrière il y a aussi et maintenant les Empires du
Soleil Levant, va perdurer. Demain le système et surtout
l’Empire
américain vont connaître un terrible choc avec
l’arrivée
dans le processus de près de 500 millions d’ouvriers et
d’ouvrières,
de manufacturiers, de techniciens et d’ingénieurs chinois. Aucun
pays (sauf L’Inde) ne dispose d’un tel potentiel d’industrialisation et
la seule limite c’est l’écologie. Est-ce que cette industrie
jeune
mais puissante ne va pas déstabiliser le système en
déstabilisent
l’Empire américain ? Nous sommes devant une question de
civilisation.
L’histoire ne montre pas la permanence de ce que vous écrivez en
laissant entendre que le système est pérenne. Si «
En cela le capitalisme n’en finit pas de mourir et de renaître
car,
en l’absence de transcendance divine et de hiérarchie des
valeurs
induite par le sacré, il est au cœur du désir humain,
celui
de se reconnaître et de se réaliser dans ce que l’on
produit,
ce que l’on échange et ce que l’on consomme, d’homme à
homme
(gains et pertes ; avantages et inconvénients, donné et
reçu
etc.), aux travers de relations symboliques aux autres qui impliquent
toujours
des rapports de pouvoir ambigus et réversibles »
il aurait du se trouver à l’origine, dans la nuit des temps. Ce
système est daté et je partage l’analyse suivante :
...
... "comme
c’était le cas des formations sociales fondées sur des
religions
traditionnelles qui, en s’attachant les pouvoirspolitiques,
prétendait
commander à tous, croyants ou mécréants (qu’il
fallait
convertir de gré ou de force) à tout, à lavie
publique
comme à la vie intime, et partout, à la maison comme dans
la rue ». Mais ces formations
socialespré-existaient
à cette forme sociale que l’on peut dater de la Renaissance ou
de
la séparation avec le Spirituel
(Descartes ?). Certes ce système
apparaît
«comme
l’universel de la modernité »
mais si chacun peut en penser ce
qu’il veut y compris qu’
»il est le seul raisonnable, c’est à dire à la
hauteur
du désir raisonné des hommes, tout en
étant la source de sa dynamique
compétitive.
»
il n’en demeure pas moins si l’on explique a posteriori la chute de
l’Empire romain, la décadence de
l’Empire
des Ptolémés, la soumission des cités grecques on
éprouve des difficultés à
expliquer a priori la naissance des
civilisations
et a priori la disparition des civilisations. Donc rien ne permet de
dire
quand, où et pourquoi notre
civilisation
ne disparaîtrait pas avec son système de production au
profit
d’une autre
civilisation plus « moderne »
ou plus « compétitive ».
Comment la penser en dehors d'un
réenchantement
du monde qui ferait de l'enjeu de cette compétition autre chose
que le profit privé et du
désir
autre chose que l'affirmation de l'individu comme ayant le droit
d'avoir
des droits et de
bénéficier des avantages
que ces derniers lui confèrent, en tant qu'individu autonome;
sinon
ce ne serait qu'une autre
variante du capitalisme. La philo a
le droit de se demander à quelles conditions une autre
société
serait-elle possible;
si ces conditions ne sont ni
souhaitables,
ni mêmes possibles (sauf par un retour en arrière
communautariste
traditionnel dont le projet
pourrait
être catastrophique car hyper-violent), il est vain de
spéculer
sur la possibilité
creuse d'une société
autre que l'on ne peut même pas définir, ni franchement
désirer.
Ce qui est, par contre,
nécessaire,
est de définir les conditions de justice et de régulation
internationales qui
permettent au capitalisme
"globalisé"ou
mieux "glocalisé", de ne pas s'autodétruire, sous
l'effet
des inégalités de
fait qui engendrent sans cesse des
dénis de droit pour le plus grand nombre, et par l'effet des
conséquences
écologiques
générales
parfois désastreuses que la course à la puissance et au
profit
entraîne.
Mais le capitalisme a un besoin
vital de régulation juridique et politique et donc de
confrontations
politiques; et mis
à part les myopes
pseudo-libéraux
et les crétins plus ou moins diplomés qui
réduisent
le capitalisme à la gestion
financière à court terme
des entreprises, les vrais responsables apprennent et doivent
apprendre,
souvent à leur
corps défendant, à
négocier
des compromis régulateurs socialement et économiquement
nécessaires,
avec d'autres
pouvoirs sociaux, politiques et
symboliques..
Je ne suis pas sûr que nous
puissions
dire que ce système est la seule forme opportuniste. Les
sudistes
étaient
persuadés que leur
système
était le plus performant : esclaves plus libre-échange.
Que
demander de mieux surtout
lorsque l’on tient de surcroît
dans ses bras Scarlett O Hara ! Ce problème, je
l’évoquais
dans un échange précédent
et il ne me semble pas avoir trouver
de réponse satisfaisante sauf pour des lecteurs très
pressés
de Hegel et de
Marx, et tellement pressés dans
l’assimilation des œuvres qu’ils ont préféré en
écrire
une vulgate avec les contresens
fatals et surtout avec le primat de
la nécessité sur la liberté, le primat de
l’efficacité
sur la médiation ; la philosophie
de l’histoire était
l’explication
définitive. Albert Camus écrivait : » La
prophétie
de Marx est aussi révolutionnaire
dans son principe. Toute la
réalité
humaine trouvant son origine dans les rapports de production, le devenir
historique est révolutionnaire
parce que l’économie l’est. A chaque niveau de production,
l’économie
suscite les
antagonismes qui détruisent,
au profit d’un niveau supérieur de production, la
société
correspondante. Le
capitalisme est le dernier de ces
stades
de production parce qu’il produit les conditions où tout
antagonisme
sera
résolu et où il n’y aura
plus d’économie. Ce jour-là, notre histoire deviendra
préhistoire.«
Si je ne veux pas tomber à
nouveau dans la contradiction, je ne
dirais pas que l’histoire lui a donné raison, mais pourtant j’ai
envie de partager
son analyse. Voilà pourquoi
j’ai du mal à partager votre conclusion même si je suis
tout
à fait d’accord sur les jeux de
pouvoir.
Jattiot Alain