Démocratie, république et droits de l'homme.
  Universalité  et relativité des droits de l'homme                            (Cliquez sur les mots en bleu)
  Droits de l'homme et monothéisme
  Le problème de la valeur et du fondement des droits de l'homme
  Le droit et le fait
  Droit libéral et éthique


 

La République, la nation, la démocratie, l’universel et le particulier.

La question des rapports entre l’universel et le particulier qui en est le centre et qui anime la vie politique républicaine est complexe c’est à dire conflictuel et problématique.
Cet universel n’est pas donné une fois pour toute dans le droit, les modes de vie, les valeurs et les intérêts qui sont divers par définition comme le sont les désirs des uns ou des autres, y compris le désir de vivre ensemble (il n’y a qu’à se promener du XVIème arrondissement jusqu’au XVIIIème pour s’en rendre compte). Mais il se construit du sommet (l’état) à la base (citoyens plus ou moins organisés, institutions autonomes etc...) et de la base au sommet ; c’est dire que l’intégration de cette diversité, ses modalités sont toujours des compromis temporaires (comme le sont les modalités de la laïcité, par exemple le statut de l’Alsace et de la Lorraine n’est pas le même que dans les autres régions françaises) reste problématique. C’est le débat démocratique, qui en opposant les points de vue les rapproche dans un même espace public d’argumentation, en une volonté partagée de vivre ensemble en un même espace juridique constitutionnel, c’est à dire, incite les citoyens sous le contrôle et la sanction de l’état de se soumettre (au moins) aux mêmes lois et décisions provisoires démocratiquement votée et aux mêmes institutions de pouvoir et d’action publiques considérées comme représentatives.

La nation est le résultat de ce processus et non son fondement transcendant ; elle n’est pas préalable sur le plan politique (qu’il ne faut pas confondre avec le plan privé) à la république qui, elle-même, est tout à la fois le résultat et la conséquence de la démocratie et de son fonctionnement. C’est le nationalisme, que j’appelle ethnique, qui prétend attribuer aux citoyens une identité communautaire préalable transcendante plus ou moins exclusive (ce que j’appelle religion politique). Il me semble que dans cette société libérale et individualiste qu’est la société démocratique et capitaliste moderne, dont il faut constamment, je le précise, réguler les conflits qui sont au cœur de son mode normal de fonctionnement, la nation doit être citoyenne, volontaire, individualiste (ce qui ne veut pas dire égoïste) et universaliste pour être républicaine.


Universalité et relativité des droits de l'homme.
 

Les droits de l’homme sont affirmés comme universels, voire absolus, mais nous voyons bien que leur interprétation, voire leur définition varient selon les cultures, et les sociétés les positions dans le temps et dans l’espace physique, social et politique.

Les droits sociaux : droit au travail, égalisation des chances, droit à être soigné gratuitement, droit à l’éducation gratuite, etc.. font-ils partie des droits de l’homme ? ou faut il n’y admettre que les droits liberté : liberté de pensée, d’action, de travailler, d’acheter et de consommer, d’entreprendre, liberté politiques etc..; mais les seconds et les premiers ne sont-ils pas indissociables ? comment imaginer qu’un homme puisse exercer ses droits-libertés s’il n’est pas éduqué ou soigné par manque de moyens (insolvable). Mais d’autre part adjoindre ses droits sociaux (créance) à la définition des droits fondamentaux de l’homme n’est-ce pas exiger de l’état qu’il les impose à la société civile et accepter qu’il étende son pouvoir sur l’ensemble des activités sociales voire privées aux dépens des liberté individuelles fondamentales ? Pour sortir de cette aporie théorique on pourrait considérer que l’universalité des droits de l’homme n’est qu’un principe formel comme le sont ,en logique, le principe d’identité et de non-contradiction ; ce principe s’énoncerait ainsi : est universel tout droit, quelqu’en soit le contenu, qui vaut pour tous, quelque soient la position sociale, le sexe etc.. et qui pose l’exigence de réciprocité formellement équilibrée des engagements volontaires contractuels (pas de contrats léonins). Mais l’on voit rapidement que ces seuls principes sont pour le moins insuffisants pour définir ce que doivent être le contenu de ces droits de l’homme et leurs limites légales, nécessaires à la régulation pacifique de leur exercice par les individus (souci de l’ordre public). Cela dépend du conflit entre des choix et compromis que l’on fait par rapport à deux logiques et valeurs qui peuvent être en opposition, celles des individus et celles de la société et des conditions collectives du « vivre ensemble » (ex : Faut-il privilégier les droit individuels ou les droits collectifs , ex l’usage de l’automobile en ville...et ailleurs, des camions ou des trains...)  et aussi et peut-être surtout entre les intérêts à court terme et ceux à plus long terme ? Cela dépend aussi de l’idée que telle société se fait des troubles de l’ordre public (se promener nus, sur la plage mais pas dans la rue (?), se prostituer , l’avortement, le mariage des homosexuels...) mais aussi du type de développement d’une société et des activités sociales qu’elle met en jeu (la culture collective traditionnelle du riz impose des contraintes disciplinaires qui ne sont pas du même ordre que celles de l’agriculture industrialisée plus ou moins individualisée) ; une entreprise industrielle dont la rentabilité impose (semble-t-il) l’organisation du travail à la chaîne, ne peut accorder à ses acteurs le même degrés ou type d’autonomie qu’une entreprise de service qui exige une grande initiative de ses agents  pour répondre aux désirs relationnels propres de clients diversifiés, compétents et exigeants etc..

Mais, plus profondément, même ce principe formel d’universalité réciproque du droit n’est pas adapté à toutes les situations : l’organisation hiérarchique nécessaires des pouvoirs dans une société ou une organisation quelconque, confère à ceux d’en haut une marge de manoeuvre que n’ont pas ceux d’en bas ; il ne suffit pas que ceux d’en bas l’acceptent, plus ou moins contraints et forcés, pour que l’universalité dans la réciprocité soit autre chose qu’une simple apparence, plus ou moins trompeuse, voire mystificatrice (voir le dénonciation par Rousseau des faux contrats pseudo-égalitaires dans le « Discours sur l’inégalité »). Nous savons bien du reste que la démocratie et les droits du citoyen qu‘elle confère n’est pas toujours possible : dans une entreprise capitaliste le pouvoir des investisseurs et des clients qui s’exerce sur les salariés échappe nécessairement (plus ou moins) à leur  contrôle (et il y aurait beaucoup à dire sur le capitalisme rhénan et la cogestion à l’allemande que je connais de près, car mon épouse, que j’assiste modestement, a repris l’entreprise familiale située en Allemagne il y a 5 ans); et il ne peut en être autrement ; enfin la démocratie exige des conditions économiques, sociales et culturelles favorables (une démocratie tribale ou théocratique est un cercle carré). La nécessité d’assurer une descendance légitime dans une société qui ne connaît ni la contraception, ni les preuves de filiation biologique a plus ou moins presque toujours contribué à la domination en droit des hommes sur les femmes dans un souci compréhensible (c’est à dire rationnel dans ces conditions particulières) d’ordre public !..La démocratie politique, même minimale, est un processus et ne peut ni se décréter, ni s’exporter sans transformation profonde et lente, des mentalités, des modes de vie et du fonctionnement des organisations.

Ainsi la décision de l’universalité égalitaire et libérale (contractuelle) du droit dont Kant faisait le principe fondamental de la constitution républicaine, quelque soit le régime politique, est, quant à sa réalisation et son interprétation, problématique ; lorsque la démocratie est instituée, elle engage la délibération publique et, la décision majoritaire. Pour conclure je dirais que cette universalité, dans nos sociétés et dans toutes société socialement développée libérales, est théoriquement un principe de cohérence interne dans la régulation des relations entre des humains et de leurs désirs et intérêts. Mais ce principe, comme tout principe logique sur le plan rationnel, n’est pas suffisant pour fonder des décisions entre des interprétations différentes voire contradictoires de l’ordre public (avortement : faut-il privilégier la liberté des femmes ou un « droit absolu » de vivre du foetus ?). La question de l’ordre public n’est pas une question purement logique et c’est bien là ce qui fait de la politique et de la direction des organisations humaines une activité complexe ce qui rend d’ailleurs indispensable l’autonomie des acteurs qui participent aux décisions.

S.  Reboul, le 19/06/99 ;

PS

· - À mon sens, la démocratie, au sens étymologique, ne peut être qu’une fiction régulatrice : croire que les droits de l’homme et du citoyen qu’elle implique peuvent s’appliquer sans médiation et compromis dans une réalité sociale complexe quelconque en ferait une illusion catastrophique ((tous les philosophes classiques, y compris Rousseau (livre 3 du contrat social) en étaient tout à fait conscients).
· - Les philosophes idéalistes ont souvent tenté, dans la connaissance, de réduire la complexité du réel à la nécessité logique, voire tout énoncé vrai au seul principe d’identité, de non-contradiction (le tiers-exclu pose d’autres problème : il n’est que le principe de la logique binaire), comme les moralistes ont été tentés, pour légitimer l’action, par l’éthique de conviction (dogmatisme) et on récusée l’éthique de responsabilité (sous prétexte de pureté héroïque et de refus de tout compromis confondu avec la compromission), laquelle prend en compte les situations réelles et les possibles conséquences de nos actions dans un contexte complexe (imprévisibilité relative avec scénarios possibles divergents, interdépendance et conflit des facteurs etc..) 



Droit de l'homme et monothéisme.
 

Certains cherche à fonder les droits de l'homme sur la religion chrétienne, voire monothéiste. Je ne conteste pas bénéfices idéologiques qu'il est possible de tirer de cette thèse et les bonnes intentions de leurs auteurs, mais mon problème c'est que l'histoire de la pensée, si elle prétend expliquer, ne justifie pas en quoi ces droits doivent être tenus pour universels, d'autant plus que leur application pratique soulève des apories et des conflits d'interprétations interminables. Je veux bien que la valeur absolue de l'idée d'humanité s'enracine dans le monthéïsme, mais je ne vois en quoi elle devrait valoir pour ceux qui ne croient pas au dieu unique!

D'autant que cette thèse elle-même est une interprétation récente des évangiles, pour ne rien dire de l'ancien testament et de l'Islam: les églises et les théologiens au nom du salut des âmes ont pu justifier les conversions forcées comme une manière d'affirmer la valeur universelle de l'humanité, qui, il ne faut pas l'oublier, exige de chacun qu'il renonce au péché et obéisse à Dieu pour accéder à cette valeur pour et par laquelle il mérite le salut post-mortem. Le bon chrétien vaut mieux que l'hérétique. Et celui-là, au contraire de celui-ci, doit renoncer "librement" à son droit au bonheur terrestre (toujours peu ou prou égoiste) pour mériter le paradis (mais désirer le paradis est-il sans rapport avec notre désir très égoiste d'être heureux?). C'est d'ailleurs me semble-t-il une difficulté interne de la position de quiconque tente de concilier christianisme, droit au bonheur et droit de l'homme en oubliant que la religion chrétienne prétend convaincre de la nécessité de renoncer à soi comme valeur terrestre pour s'affirmer comme valeur celeste dans l'obeissance à la révélation, à Dieu et à son épouse: l'église.

Là encore, comme chez les grecs, l'universel ne s'incarne que dans le(s) particulier(s), dont la cité et/ou le pouvoir politique et/ou l'église décide de faire un (des) exemple(s) édifiant(s) (les saints etc...). Je sais bien que l'église avait conclu à l'humanité des indiens d'amérique mais pour affirmer aussitôt qu'il n'en allait pas de même pour les noirs.

Je pense que la philosophie a plus fait, dans un contexte de lutte contre l'oppression, pour faire évoluer les choses y compris chez les chrétiens, et pour inscrire l'affirmation des droits de l'homme comme une nécessité historique indissociable du développement de sociétés devenue pluralistes et lasses des conséquences désastreuses de l'intolérance entretenue par les guerres de religions qui masquaient les motifs très politiques de s'étriper. 


Le problème de la valeur et du fondement des droits de l'homme est double:

1) Quel fondement pour l'universalité des droits (religieux?, philosophique?  historique?)?
2) Ce qui est souhaitable est-ce toujours possible? et que faire si cela ne  l'est pas? Envoyer des missionaires?, des militaires? des profs de philo?

1) Le fondement est pour moi historique et philosophique, mais non pas  métaphysique. Quest-ce que cela veut dire et pourquoi?

Cela veut dire que ces droits ne valent que dans des sociétés fondée sur un  modèle libéral et contractuel des échanges et des relations sociales. Mais ce modèle tend à devenir universel par la force des choses et le développement du
modèle économique mondial et celui-ci exige un changement de paradigme culturel dans l'intérêt de l'humanité toute entière pour éviter des conflits dont la violence, à l' heure de la technique moderne, peut faire courrir le
risque de destruction de l'humanité toute entière: nous sommes entrés dans l'universel par l'économie, les sciences et les techniques modernes (de mort y compris) de portée universelle . D'autre part, dès lors qu'il n'y a plus de hiérarchie indiscutable entre les hommes puisqu'il n'y a plus d'idéologie suffisament dominante  pour l'imposer même à l'échelon local où que ce soit dans le monde ( généralisatiion des échanges culturels et politiques, même dans les pays islamiques), le pluralisme est incontournable et exige le respect des droits formels des hommes pour établir les conditions de la paix civile. Mais ne nous trompons pas, cela passe par un changement plus ou moins violent et contraignant dans les sociétés en transition. La philosophie ne peut sauter son temps: elle doit se demander quels formes du droit (et d'état) sont les plus rationnels (souhaitables)à telle ou telle époque. (cf Hegel). Aujourd'hui, c'est à mon sens le droit libéral et l'état démocratique . Mais est-ce possible de le faire vivre et à quelles conditions?

2) Toute la question c'est de rendre les conditions économiques et culturelles dans les sociétés en transition apte à permettre aux individus qui y vivent de supporter, voire de revendiquer ces droits; ce qui n'est pas facile dans un
cadre où l'inégalité n'est pas traitée comme elle le devrait car le cadre d'un droit économique et social moins inégalitaire mondialisé reste à construire; mais, je ne voudrais pas que, sous prétexte d'universalité transcendante et métaphysique de ces droits, on tente de faire par la guerre (humanitaire?) ce que l'on ne veut pas faire par la justice. On ne peut pas imposer les droits de l'homme et la démocratie individualistes (ce qui veut dire, non pas sans solidarité, mais sans allégeance collective ni solidarité contraignante) chez les peuples qui n'y sont pas prêts économiquement et culturellement de l'extérieur et/ou par la force ou la menace; on peut seulement, dans leur intérêts lier une régulation des échanges avec eux aux progrès qu'il font dans ce sens, en acceptant le fait historique qu'il s'agit d'un processus long et sinueux: l'éducation à la démocratie suppose le droit à l'erreur et l'expérience douloureuse  collective et réflechie de ces erreurs.

S.Reboul, le 25/06/99 



Le droit et le fait
 

Le droit, dans nos sociétés libérales, est toujours le résultat d'un compromis entre des principes égalitaristes garantissant les droits et les devoirs des individus et les moeurs et les coutumes marqués par des pesanteurs symboliques traditionnelles inégalitaires conscientes et inconscientes.

Cela signifie qu'il est autonome (il a sa logique théorique et formelle propre), mais pas indépendant (son contenu concret et son application aux situations particulières dépendent des rapports de forces existants)
par rapport à la coutume.

C'est pourquoi le droit peut être en avance sur les moeurs et en retard sur ses exigences fondamentales, retard qui s'exprime dans des contradictions apparentes ou des inconséquences entre sa lettre et son esprit et sa lettre et son application.

C'est aux luttes sociales relayées par les le débat et la décision politiques de faire en sorte que droit et fait réduisent leur plus ou moins grand écart, sans prétendre jamais les faire coincider  parfaitement; ce qui serait croire au paradis sur terre et à l'extinction de toutes les contradictions sociales dans la totale réconciliation entre tous les intérêts; ce rêve, nous le savons, conduirait à vouloir instaurer une société totalitaire.

S.Reboul; le 22.10.99


Droit libéral et éthique

En droit libéral, il ne faut pas confondre le droit et l'éthique dire: "ne fais pas à autrrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse" est un principe du droit qui n'exige rien de soi-même que l'on doive faire par soi-même pour autrui, en cela il est objectif et universalisable dès lors qu'il n'implique aucune obligation personnelle de faire;  Il est simplement lié au caractère d'une réciprocité qui interdit, tout ce qui n'est pas interdit restant autorisé. Mais le principe "fais à autrui ce que tu voudrais bien qu'il te fasse"  dépend de ce que tu désires personnellement d'autrui ; il est alors subjectif et non universalisable; il relève d'une morale particulière que l'on peut s'imposer à soi-même mais que l'on ne peut rendre obligatoire pour tous sans mettre en péril la liberté de chacun: en effet le droit libéral par définition autorise ce qui nest  n'interdit , alors qu'un droit autoritaire contraint à des actions positives que l'on soit consentant ou non, au nom d'une certaine morale positive.

La confiance réside socialemant dans le respect des engagements réciproques privés garantis par le droit; elle implique donc l'interdiction  formelle en droit  de transgresser cet engagement un fois pris mais ne concerne en aucun cas le contenu même de cet engagement qui relève de la seule stratégie individuelle.

Le droit libéral suppose donc de démoraliser le droit au profit de règles formelles de justice contractuelle sans référence à une quelconque morale particulière qui commanderait un contenu déterminé de l'engagement contracté. C'est peut-être le prix à payer pour la liberté: sacrifier la morale positive collective (ex: religieuse) au droit; ce qui n'implique pas que nousrenoncion dans notre vie personnelle à faire référence à une morale particulière de l'engagement mais que celle-ci ne paut valoir que pour nous et ceux quiacceptent de  partager dans les relations privées que nous entretenons volontairement avec eux .

Conclusion: une société morale ne peut pas être libérale, ce qui ne veut pas dire qu'une société libérale est nécessairement immorale, mais elle est nécessairement pluri-morale.

S. Reboul, le 31/12/05 


Débat sur l'universalité républicaine

"La France a prohibé tout signe religieux ostentatoire dans les écoles avec la loi dite «sur le voile», et l’apprentissage de l’hymne national fut rendu obligatoire. Bien entendu, ce ne sont que des gestes, mais des gestes censés faciliter l’intégration sur base de citoyenneté, donc traduisant une approche d’une importance cruciale. Ce qui, pourvu qu’elle soit accompagnée des politiques correspondantes et d’une détermination sans faille, pourrait avoir une chance de maîtriser à long terme les défis qui attendent l’Europe. Dans le cas contraire, ce sont les propos de l’excellent historien britannique, Arnold J. Toynbee, qui se confirmeront: «Les civilisations se suicident, elles ne sont pas assassinées.»

J’approuve certains de vos propos concernant l’échec annoncé du multiculturalisme institué qui contredit formellement les principes républicains, mais pour autant je me méfie d’un monoculturalisme qui exigerait que pour être républicain il faudrait renoncer à toute particularité dans les modes personnels de vie.

Il me semble que vous ne faites pas assez la distinction entre le fait de vivre en "Gaulois" (expression sans doute ironique, mais dangereuse), comme si les français de souche, comme on dit, n’étaient pas divers dans leurs comportements quotidiens (vivre en parisien ou en marseillais, en provincial, à la ville ou à la campagne, dans la XVIème ou à Sarcelles ce n’est pas tout à fait la même chose) et le fait d’adhérer et de respecter certains principes de bases républicains (appelés droit de l’homme et du citoyens, plus la laïcité); lesquels du reste, ne sont pas plus français qu’allemands ou anglo-saxons, car ils sont transculturels.

Etre républicain n’a donc pas grand chose à voir avec le costume, signes religieux ou non, que nous portons où les plats que nous mangeons. On peut par exemple porter une croix, un kippa ou un foulard dans la rue ou dans tout autre lieu public, sans pour autant exiger que l’état soit confessionnel. Il n’ y a aucune logique qui permet d’affirmer que le port des signes religieux signifient nécessairement le refus des principes universels républicains et laïques, lesquels du reste grantissent le droit à l’expression publique des religions dans le cadre de la république (écouter France-Culture ou la messe sur Antenne2, chaines du service public, le dimanche matin, suffit à le montrer), sauf à s’autoriser sans aucune autorité pour le faire à définir a priori ce qu’est le contenu supposé républicain ou non de telle ou telle religion ou autre idéologie politique ou non. Or il convient, en droit républicain, de toujours juger sur des actes (et certains propos sont des actes ou des appels à agir) et non sur des préjugés.

Vous avez tout à fait raison de dénoncer le double langage qui prétend à l’égalité citoyenne entre tous et qui fabrique des guettos et perpétue des discriminations raciales ou religieuses au travail et dans le cadre urbain. Mais on ne peut oublier qu’il y a un lien entre ce double langage hypocrite (et/ou ce divorce entre les principes et la pratique réelle) et le replie sur des identités symboliques illusoires régressives et exclusives plus ou moins anti-républicaines: la république doit être cohétente avec elle-même si elle veut convaincre de la valeur universelle de ses principes et ne pas confondre intégration et "uniformisation particulariste" des modes de vie.

L’unversalité républicaine n’est pas de fait mais de droit; en cela elle n’est pas l’uniformité des modes de vie, mais le respect de la diversité (pluralité) dans un cadre de principes nécessairement abstraits valant pour tous, car fondés sur l’égalité des droits fondamentaux.
Le 03/03/06 dans Agoravox.

République, nation et laïcité

Foulard islamique et laïcité

Le rasoir philosophique

 



                                                         Nation, laïcité et république
                                                                 L'illusion politique
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