1) Du point de vue de la démocratie idéale: pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple, nous ne sommes pas en démocratie; car cela supposerait que le peuple soit uni dans le seul souci de l'intérêt général et que celui-ci soit définissable sans conflit possible; bref que le peuple comme entité solidaire (un pour tous et tous pour un, voir le contrat social de Rousseau) existe préalablement à son instauration formelle et/ou que les individus acceptent de renoncer à leurs intérêts particuliers pour la fonder et se définir préalablement à son fonctionnement même comme peuple uni, dans l'abolition initiales de toutes les différences sociales héritées. Ainsi, paradoxalement, ces conditions ne peuvent être remplies que par le dépassement volontaire unanime des conflits politiques opposant les intérêts collectifs de ceux d'en hauts et de ceux d'en bas (dirigeants/dirigés; riches/pauvres, possédants/prolétaires; employeurs/employés, producteurs/ consommateurs etc..); ce qui de même coup ferait aussi disparaitre la nécessité des luttes politiques pour l'extension de la démocratie, c'est à dire l'accès du plus grand nombre aux décisions qui les concernent et la mise en oeuvre des conditions favorables à l'égalité des chances pour tous! La démocratie idéale ne pourrait valoir que dans l'égalité sociale intégrale et pour des hommes vertueux conduit par l'amour exclusif du bien commun (s'il peut exister); donc non pour des hommes, dit Rousseau, mais pour des Dieux; autant dire, qu'elle n'est qu'un idéal utopique, dont il faut bien se garder de croire qu'il soit réalisable, sauf à conduire à des échecs sanglants (terreur, totalitarisme); car tous devraient d'abord être convaincus de sacrifier leur intérêts propres à un supposé intérêt général dont la définition serait totalement indépendante des premiers; or, c'est bien connu, chacun ne peut voir l'intérêt général qu'à travers son expérience personnelle et collective particulière. Ou alors cet intérêt général est tellement abstrait qu'il devient vide de tout contenu légal et politique à propos de tout les sujets qui divisent nécessairement les hommes car ils mettent toujours en eouvre des valeurs personnelles et collectives objectivement opposées (liberté/sécurité; liberté/solidarité; individualisme/holisme; permanence/changement;..respect de la vie/liberté des femmes; etc..)
2) La démocratie réelle ne peut être qu'un compromis boiteux mettant en jeu des majorités instables aux intérêts différents dont l'alliance se fait et se défait au fil des luttes politiques du moment et des talents pour mobiliser des intérêts et valeurs toujours plus ou moins divergeants: on se rassemble contre, mais non pas pour; et ces rassemblemnts évoluent en fonction de l'évolution des contradictions entre les couches, les intérêts et les valeurs des acteurs/citoyens qui les (sup)portent.
3) Le grand avantage de la démocratie réelle c'est qu'elle maintient le jeu politique ouvert entre ces intérêts et valeurs divergeants et qu'elle permet aux citoyens de chasser les dirigeants qui ne leur convient plus à tel ou tel moment. Elle assure donc aux individus/citoyens un pouvoir de contrôle et de sanction, indispensable à l'adaptation souple de la politique concrète aux désirs évolutifs du plus grand nombre. Ells permet aussi de corriger les excès de pouvoir ou les tentatives trop extrémistes qui prétendraient résoudre définitivement les contradictions inhérentes à la vie sociale. Sa faiblesse réside dans son incohérence à long terme; car toute majorité peut défaire ce que la majorité antérieure a fait; mais, cette incohérence est elle-même tempérée par le souci des dirigeants élus à ne pas se couper de leurs électeurs, majoritaires ou (momentanément) minoritaires pour être réelus et par le fait que les luttes politiques ne cessent pas après les élections et que les citoyens et les organisations politico-syndicales qui prétendent les représenter peuvent se mobiliser, y compris dans la rue, contre telle ou telle décision qu'ils estiment injuste. Ainsi la démocratie réelle se définit d'abord par les droits de l'homme et du citoyen qui autorisent et garantissent l'expression plurielle des opinions et les droits de les faire valoir, contre les dirigeants du moment, par des actions de sensibilisation efficaces.
3) En celà il est le régime le mieux adapté aux sociétés individualistes et complexes à évolution rapide dont le fondement politique n'est plus transcendant (religieux et/ou traditionnel) aux donc sociétés qui ont fait du contrat libéral une condition de la légitimité des relations humaines du du changement la condition même de leur existence.
4) Dans un monde pluriel ouvert et interdépendant (informationnel, culturel, technique, économique, militaire, écologique); les sociétés communautaristes traditionnelles plus ou moins théocratique sont sources de violences et d'échecs sanglants. La démocratie est, non pas exportable, mais importable dans toutes les sociétés qui refusent la solution suicidaire du nationalisme ethnique et de l'épuration culturelle. Cette adaptation sera longue et sinueuse mais elle est inéluctable pour préserver les chances de la survie de l'espèce humaine dans les conditions de la guerre moderne, potentiellemnt autodestructrice de l'humanité et de l'internationalisation irréversible des conflits engendré par le fait irresistible de la mondialisation.
5) Ainsi le démocratie idéale
est une fiction régulatrice utile qu'il ne faut pas transformer
en illusion catastrophique en prétendant en faire une
réalité
ici et maintenant.
Faut-il
regretter que la passion politique
soit en voie de disparition et que les responsables politiques soient
principalement des représentants qui représentent
symboliquement des
clientèles électorales dans un jeu de rôle qui ne
trompe plus grand
monde? La politique démocratique est nécessairement une
fiction qui
vise à canaliser les conflits pour leur donner une forme
théâtrale
autant que faire ce peut pacifique.
Les héros
politiques, ont besoin de grands récits mythiques, c’est
à dire de
fonctionner à l’illusion , à savoir d’exploiter des
fictions épiques
coagulant des désirs disparates; fictions
présentées comme spontanément
réalisables pour qui en a la volonté expresse: bref le
héros politique
prétend détenir au nom du peuple uni une puissance sans
limite sur le
réel. Or c’est cette
prétention qui est en crise, de
même que l’idée de volonté populaire ou
générale unifiée et unifiante.
La notion même de peuple dans une société
individualiste et pluraliste
qui n’a plus d’ennemis extérieurs est vide de sens. Qui veut
encore
verser son sang pour la patrie dans une société qui ne
connaît plus la
guerre en son sein depuis plus de 40 ans et qui refuse de la faire
à
l’extérieur dès lors que nul ne se sent directement
menacé par une
invasion extérieure armée? Dans ces conditions la
décrédibilisation politique et le
désinvestissement du champs politique
qu’elle provoque est la conséquence de l’évolution de nos
sociétés
modernes et de l’idée de liberté des modernes comme
l’affirmait déjà,
d’une manière prémonitoire, B. Constant en 1815. Cela
veut dire que nous devenons une petite Suisse; cela ne signifie pas que
des révoltes aussi violentes qu’éphémères
soient exclues, mais elle
resteront purement corporatistes; aux hommes de théatre que sont
les
responsables politiques de réduire les fractures en jouant
à la marge
entre les intérêts sociaux et individuels toujours
divergents. L'idée de démocratie apparaît
contradictoire ou en tout cas
suppose réunies des conditions de possibilité par
définition
irréalistes. En quoi? Or cela ne va pas de soi: 1) Aucune majorité ne peut définir
directement une ligne politique claire et cohérente: les
majorités sont toujours spontanéments issues d'alliances
ou d'alliages idéologiques confus. 2) Sauf à prendre ce principe pour une
réalité donc à transformer cette fiction en
illusion, un tel principe suppose que des spécialistes de
la chose publique élus par la majorité sont
chargés de représenter les citoyens afin de
définir une ligne politique majoritaire cohérente et de
la faire appliquer par d'autres spécialistes formés
à interpréter la loi et à sanctionner les citoyens qui la
violeraient. 3) La démocratie réelle ne peut
être qu'indirecte et en cela organiser, de quelque façon
que ce soit, la délégation du pouvoir théorique
des citoyens en démocratie au profit d'une minorité
de gouvernants ou de responsables politiques qui décident
à leur place sous la réserve toutefois de se faire
éventuellement chassés du pouvoir aux prochaines
élections, si la majorité change et s'ils n'ont pas
satisfaits aux attentes, même confuses, de leurs
électeurs. Autant dire que la démocratie pure qui serait
considérée comme réalisable, ne peut être
qu'une illusion et que, si on veut éviter qu'elle ne le soit, il
convient de la limiter à la démocratie dite indirecte,
c'est à dire au pouvoir autonome temporaire (mais pas
indépendant) des responsables majoritairement élus sur
les citoyens. Mais ce pouvoir démocratique indirect
lui-même n'est légitime que s'il prétend se fonder
sur l'idée de souveraineté populaire et que si les
représentants-gouvernants se disent au service de tous les
citoyens-électeurs, non seulement de ceux qui les ont
élus mais de ceux qui n'ont pas voté pour eux.
Ainsi les dirigeants démocratiques doivent
nécessairement se soumettre au droit qu'ont les citoyens de
critiquer leur action , voire de résister pacifquement et
publiquement à tel ou tel projet de loi qui serait jugé
contestable par telle ou telle fraction d'entre eux , majoritaire ou
non. Les représentants élus doivent donc à la fois
diriger les citoyens et décider pour eux et leur donner le
sentiment qu'ils sont dirigés par eux. La démocratie
indirecte ne serait donc une réalité (une non-illusion)
qu'au prix d'une contradiction la tente, alors que la ure
démocratie, seule cohérente dans son concept,
serait une pure illusion si on voulait l'appliquer réellement.
Comment sortir de ce paradoxe, tout en préservant l'idée
démocratique comme principe politique régulateur,
dès lors que tout autre est dépouvu de
légitimité, dans un cadre laïque qui sépare
la politique du religieux et les dirigeants de tout pouvoir divin
transcendant (extérieur et supérieur)? Pour
réduire cette contradiction apparente, il nous faut d'abord
examiner l'idée de représentation démocratique.
le 31/01/06
En ce que, prise à la lettre, elle prétend exiger
que le peuple se
gouverne lui-même directement ("gouvernement du peuple par le
peuple et
pour le peuple), non seulement en ce qui concerne la
définition des
lois générales, mais aussi en ce qui concerne leur
applications
particulières dans les domaines exécutifs et judiciaires,
voire
éducatif. Tout les pouvoirs au peuple sur le peuple tel semble
être la
définition de la démocratie idéale. Or
dès Platon et dans toute
l'histoire de la philosophie cette prétention
démocratique est soumise
à une critique radicale (ou de principe) sur trois points:
1) Le peuple est spontanément une multitude
nécessairement désunie et
divisée en conflits de valeurs et d'intérêts
incompatibles: les riches
contre les pauvres, les dominants contre les dominés
clivés selon une
hiérarchie nécessaire à tout ordre social
spontané , les croyants et
les non-croyants, les puissants et les faibles etc..)
2) le peuple est formé dans sa majorité d'ignorants
de la chose
publiqe et des exigences qu'elle implique et ne peut de ce fait
être
raisonnable en cela que les opinions qui s'opposent entre elles,
en
son sein, sont toujours particulières et donc passionnelles et
aveugles
à l'intérêt gnéral et au long terme ou pire
se prétendent seules
conformes à un intérêt général contre
les autres, rendant celui
introuvable.
3) Ce peuple, qui en tant que tel n'existe pas, ne peut se
réunir en un
seul corps pacifique ou pacifié et donc se mettre à
exister que sous la
contrainte d'un pouvoir unificateur et il est contradictoire de faire
que ce pouvoir puisse exercer cette autorité unificatrice
indispensable
et, dans le même temps, être soumis à la
multiplicité changeante des
opinions et à la contestation permanente de cette
autorité par des gens
qui prétendent dénier cette autorité en la
contrôlant et le soumettant
à leurs revendications contradictoires et fluctuantes. Sans
transcendance d'un pouvoir autonome fort il ne peut exister de
corps
politique ordonné, et encore moins de souveraineté
populaire.
Cette vision de la démocratie a donc conduit nombre de
philosophes à en
contester l'idée même, en la présentant comme la
forme la plus extrême
de la tyrannie (Platon), soit de tous contre tous (anarchie
violente),
soit sous la forme du despotisme d'un chef suffisament charismatique
pour diriger les dominés en leur faisant croire, par
identification à
sa personne, qu'il est l'expression même des passions collectives
religieuses, ou politiques pseudo-spontanées qu'il suscite et
exploite
(ex: nationalisme exclusif et exacerbé, ainsi que toutes les
formes de
ce que l'on appelle aujourd'hui le populisme
démagogique ou de
flatterie politique). Rousseau lui-même ne disait-il pas dans son
Contrat Social que la démocratie ne peut valoir que pour des
dieux
parfaits et parfaitements unis car totalement raisonnables (sans
passions) et non pour des hommes? De même Kant affirme que
la
démocratie tend à fusionner les pouvoirs
législatifs, exécutifs et
judiciaires, ce qui est la marque du despotisme liberticide. Sans
vertu des citoyen par de démocratie possible avait
déjà averti
Montesquieu . Hegel rend responsable l'idée de démocratie
directe qui
pose les droits subjectifs des citoyens (droits de l'homme et du
citoen) comme fondement des droits objectifs (collectifs) de la
terreur révolutionnaire. Donc la démocratie serait le
pire des régimes
possibles et, au pire, absence de tout régime politique et de
toute vie
civique pacifiée, car cause originelle de
désordre et de violence généralisés et
indifférenciés (état de nature comme état
de guerre).
Mais cette critique butte nécessairement sur la question de
savoir sur
quoi fonder l'autorité politique pour la rendre non-despotique
ou
légitime (juste aux yeux des gouvernés) dès lors
que la transcendance
du pouvoir ne peut plus être référée
à Dieu ou à un quelconque ordre
divin salvateur révélé et éternel
sacré (indiscutable) . La raison ,
appanage des seuls philosophes selon Platon, ne peut en politique
fournir, clé en main, de définition concrète et
univoque de l'intérêt
général , car celui-ci suppose des choix entre des
valeurs fondatrices
concrètement divergentes (sécurité/liberté,
liberté/solidarité et
liberté/ égalité) en réalité et tout
compromis raisonnable est
nécessairement le résultat et l'enjeu des rapports des
forces entre les
diverses opinions. Il faut donc dire que nul ne détient la
vérité en
politique qui ne peut être comparée en cela aux
mathématiques et à la
logique pures. Il faut donc bien pour qu'un compromis soit
trouvé se
rendre au principe majoritaire, c'est à dire à
l'opinion la plus
partagée à tel ou tel moment, quitte à en changer
ultérieurement. Ce principe déclare -et cela est une
construction de l'esprit, à savoir une
fiction raisonnable- que l'avis de la majorité fait office de
vérité en
politique; ce qui implique que la minorité doit se soumettere au
pouvoir
de la majorité jusqu'elle ce qu'elle devienne elle-même
majoritaitre!
Insatisfaction et
démocratie Le sentiment d’insatisfaction est au coeur
d’une démocratie dont la contradiction principale est qu’elle
est égalitaire en droit mais que cette égalité en
droit est niée par le fait de l’inégalité
reélle de les exercer.
Dans les sociétés
hiérarchiques traditionnelles, les inégalités sont
sacralisées (ordre divin), il n’ y a pas de jalousie possible
sauf pour qui peut se croire égal à son supérieur,
mais cette croyance est idéologiquement bloquée par
l’autorité de la tradition, elle même critallisée
en "vérité" divine indiscutable (ex: femmes/hommes). Le
grande manipulation centrale des socités anciennes est de faire
croire que les choses et l’ordre social sont immuables.
Les moyens multiples de manipulatutions ou mieux
d’influence et de conditionnement idéologiques, dans nos
sociétés modernes, accroît la croyance dans
l’égalité des droits (à commencer par le droit
à l’information pluraliste et à s’exprimer). Mais ils ne
crèent pas la demande d’égalité qui est au centre
des frustrations sociales; c’est l’esprit et la croyance
démocratique qui produit la contestation des
inégalités réelles.
La démocratie est donc un régime
politique qui met les conflits sociaux au coeur de son fonctionnement
normal ; ceux-ci font sa vie et son dynamisme propre ; je dirais
à la fois sa vitalité et son risque majeur..
Le 16/12/06