En ce que, prise à la lettre,
elle prétend
exiger que le peuple se gouverne lui-même directement
("gouvernement
du peuple par le peuple et pour le peuple), non seulement en ce qui
concerne
la définition des lois générales, mais aussi
en
ce qui concerne leur applications particulières dans les
domaines
exécutifs et judiciaires, voire éducatif. Tout les
pouvoirs
au peuple sur le peuple tel semble être la définition de
la
démocratie idéale. Or dès Platon et dans
toute
l’histoire de la philosophie cette prétention
démocratique
est soumise à une critique radicale (ou de principe) sur trois
points :
1) Le peuple est spontanément une multitude
nécessairement désunie et divisée en conflits de
valeurs et d’intérêts incompatibles : les riches
contre les pauvres, les dominants contre les dominés
clivés selon une hiérarchie nécessaire
à tout ordre social spontané , les croyants et
les non-croyants, les puissants et les faibles etc..)
2) le peuple est formé dans sa majorité d’ignorants
de la chose publiqe et des exigences qu’elle implique et ne peut de ce
fait
être raisonnable en cela que les opinions qui s’opposent
entre
elles, en son sein, sont toujours particulières et donc
passionnelles
et aveugles à l’intérêt gnéral et au long
terme
ou pire se prétendent seules conformes à un
intérêt
général contre les autres, rendant celui introuvable.
3) Ce peuple, qui en tant que tel n’existe pas, ne peut se
réunir en un seul corps pacifique ou pacifié et donc se
mettre à exister que sous la contrainte d’un pouvoir unificateur
et il est contradictoire de
faire que ce pouvoir puisse exercer cette autorité unificatrice
indispensable
et, dans le même temps, être soumis à la
multiplicité
changeante des opinions et à la contestation permanente de cette
autorité
par des gens qui prétendent dénier cette autorité
en
la contrôlant et le soumettant à leurs revendications
contradictoires
et fluctuantes. Sans transcendance d’un pouvoir autonome fort il
ne
peut exister de corps politique ordonné, et encore moins de
souveraineté
populaire.
Cette vision de la démocratie a donc conduit nombre de
philosophes à en contester l’idée même, en la
présentant comme la forme la plus extrême de la tyrannie
(Platon), soit de tous contre tous (anarchie violente), soit sous
la forme du despotisme d’un chef suffisament charismatique pour diriger
les dominés en leur faisant croire, par identification à
sa personne, qu’il est l’expression même des passions collectives
religieuses, ou politiques pseudo-spontanéespseudo-spontanées
qu’il
suscite et exploite (ex : nationalisme exclusif et
exacerbé, ainsi
que toutes les formes de ce que l’on appelle aujourd’hui le
populisme
démagogique ou de flatterie politique). Rousseau lui-même
ne
disait-il pas dans son Contrat Social que la démocratie ne peut
valoir
que pour des dieux parfaits et parfaitement unis car totalement
raisonnables (sans passions) et non pour des hommes ? De
même Kant affirme que la démocratie tend à
fusionner les pouvoirs législatifs, exécutifs et
judiciaires, ce qui est la marque du despotisme liberticide. Sans
vertu des citoyen par de démocratie possible avait
déjà averti Montesquieu . Hegel rend responsable
l’idée de démocratie directe qui pose les droits
subjectifs des citoyens (droits de l’homme et du citoyens) comme
fondement des droits objectifs (collectifs) de la terreur
révolutionnaire. Donc la démocratie serait le pire des
régimes possibles et, au pire, absence de tout régime
politique et de toute vie civique pacifiée, car cause originelle
de désordre et de violence
généralisés
et indifférenciés (état de nature comme
état de guerre).
Mais cette critique butte nécessairement sur la question de
savoir sur quoi fonder l’autorité politique pour la rendre
non-despotiquenon-despotique
ou légitime
(juste aux yeux des gouvernés) dès lors que la
transcendance
du pouvoir ne peut plus être référée
à
Dieu ou à un quelconque ordre divin salvateur
révélé et éternel sacré
(indiscutable) . La raison , apanage des seuls
philosophes selon Platon, ne peut en politique fournir, clé en
main,
de définition concrète et univoque de
l’intérêt général , car celui-ci suppose des
choix entre des valeurs fondatrices concrètement divergentes
(sécurité/liberté,
liberté/solidarité et liberté/
égalité) en réalité et tout compromis
raisonnable est nécessairement le résultat et l’enjeu des
rapports des forces entre les diverses opinions.
Il faut donc dire que nul ne détient la vérité en
politique
qui ne peut être comparée en cela aux mathématiques
et
à la logique pures. Il faut donc bien pour qu’un compromis soit
trouvé
se rendre au principe majoritaire, c’est à dire à
l’opinion la
plus partagée à tel ou tel moment, quitte à en
changer
ultérieurement. Ce principe déclare -et cela est une
construction
de l’esprit, à savoir une fiction raisonnable- que l’avis de la
majorité
fait office de vérité en politique ; ce qui implique
que
la minorité doit se soumettre au pouvoir de la majorité
jusqu’elle
ce qu’elle devienne elle-même majoritaire !
Or cela ne va pas de soi :
1) Aucune majorité ne peut
définir directement une ligne politique claire et
cohérente : les majorités
sont toujours spontanéments issues d’alliances ou d’alliages
idéologiques confus.
2) Sauf à prendre ce principe pour une
réalité donc à transformer cette fiction en
illusion, un tel principe suppose que des spécialistes de
la chose publique élus par la
majorité sont chargés de représenter les citoyens
afin
de définir une ligne politique majoritaire cohérente et
de
la faire appliquer par d’autres spécialistes formés
à interpréter la loi et à sanctionner les citoyens qui
la violeraient.
3) La démocratie réelle ne peut
être qu’indirecte et en cela organiser, de quelque façon
que ce soit, la délégation du pouvoir théorique
des citoyens en démocratie au profit d’une minorité
de gouvernants ou de responsables politiques qui décident
à leur place sous la réserve toutefois de
se faire éventuellement chassés du pouvoir aux prochaines
élections,
si la majorité change et s’ils n’ont pas satisfaits aux
attentes,
même confuses, de leurs électeurs. Autant dire que la
démocratie
pure qui serait considérée comme réalisable, ne
peut
être qu’une illusion et que, si on veut éviter qu’elle ne
le
soit, il convient de la limiter à la démocratie dite
indirecte,
c’est à dire au pouvoir autonome temporaire (mais pas
indépendant)
des responsables majoritairement élus sur les citoyens.
Mais ce pouvoir démocratique indirect
lui-même n’est légitime que s’il prétend se fonder
sur l’idée de souveraineté populaire et que si les
représentants-gouvernantsreprésentants-gouvernants
se disent au service de tous les citoyens-électeurscitoyens-électeurs,
non
seulement de ceux qui les ont élus mais de ceux qui n’ont pas
voté
pour eux. Ainsi les dirigeants démocratiques doivent
nécessairement se soumettre au droit qu’ont les citoyens de
critiquer leur action , voire de résister pacifiquement
et publiquement à tel ou tel projet de loi qui serait
jugé contestable par telle ou telle fraction d’entre eux ,
majoritaire ou non. Les représentants élus doivent donc
à la fois diriger les citoyens et décider pour eux et
leur
donner le sentiment qu’ils sont dirigés par eux. La
démocratie indirecte ne serait donc une réalité
(une non-illusion) qu’au prix d’une contradiction la tente, alors que
la ure démocratie, seule cohérente dans son
concept, serait une pure illusion si on voulait l’appliquer
réellement. Comment sortir de ce paradoxe, tout en
préservant l’idée démocratique comme principe
politique régulateur, dès lors que tout autre est
dépouvu de légitimité, dans un cadre laïque
qui sépare la politique du religieux et les
dirigeants de tout pouvoir divin transcendant (extérieur et
supérieur) ?
soit le peuple est politiquement uni et donc en position de savoir ce qu’il veut, soit il est divisé et alors ce pouvoir se déchire en volontés contradictoires, partisanes ou non, jusqu’au point même où l’on ne peut plus parler de peuple mais de multitude inapte à diriger directement les affaires de la cité, laissant à des hommes politiques organisés élus le soin de le faire à leur place, quitte les renverser à la faveur de nouvelles élections. La démocratie se transforme alors en technocratie élective dans laquelle les citoyens n’ont qu’un contre pouvoir négatif de limiter, voire de contester plus ou moins radicalement le pouvoir des politiques qui ne les représentent plus en récusant la légitimité de ceux qui décident et gouvernent en leur nom. Le pouvoir des citoyens s’affirme alors dans la seule capacité de dire non sans qu’aucun oui ne puisse faire leur permettre de décider de quelque politique que ce soit (comme on l’a vu lors du référendum sur le TCE). Il s’agit alors d’une "contre-démocratie" (la formule est de P. Rosanvalon) au sens de démocratie tribunicienne du contre, à savoir, contre la politique de la technocratie politicienne sans pour autant pouvoir instruire une politique substitutive sinon sous la forme de propositions irréalistes ou utopiques et du reste peu cohérentes entre elles. Il y a donc un dissymétrie entre le non et le oui : le premier est aisé et toujours peu cohérent et peu responsable des conséquences, le second exige un travail de connaissance de la réalité politique et juridique , des rapports de forces et exige une régulation cohérente des fins et des moyens ainsi que du souhaitable et du possible que seuls des spécialistes de la chose politique peuvent définir (ligne politique) et mettre en oeuvre (tactique et autorité). Ainsi la démocratie idéale ne peut être qu’une fiction, sauf sous la forme d’une théocratie élective, mais celle-ci à son tour a besoin de croire que les représentants du peuple sont le peuple et que les gouvernants sont soumis aux gouvernés, ne serait-ce que négativement pour assurer la légitimité de leur pouvoir sur les citoyens.
Cette aporie de la démocratie retournée en contre démocratie s’exprime au travers de trois crises permanentes : 1) la crise de la représentation, 2) la crise sociale et 3) la crise de l’état et de ses intitutions dans leurs rapports aux citoyens.
1) la crise de la représentation contre la démocratie.
soit le peuple est politiquement uni et donc en position de savoir ce qu’il veut, soit il est divisé et alors ce pouvoir se déchire en volontés contradictoires, partisanes ou non, jusqu’au point même où l’on ne peut plus parler de peuple mais de multitude inapte à diriger directement les affaires de la cité, laissant à des hommes politiques organisés élus le soin de le faire à leur place, quitte les renverser à la faveur de nouvelles élections. La démocratie se transforme alors en technocratie élective dans laquelle les citoyens n’ont qu’un contre pouvoir négatif de limiter, voire de contester plus ou moins radicalement le pouvoir des politiques qui ne les représentent plus en récusant la légitimité de ceux qui décident et gouvernent en leur nom. Le pouvoir des citoyens s’affirme alors dans la seule capacité de dire non sans qu’aucun oui ne puisse faire leur permettre de décider de quelque politique que ce soit (comme on l’a vu lors du référendum sur le TCE). Il s’agit alors d’une "contre-démocratie" (la formule est de P. Rosanvalon) au sens de démocratie tribunicienne du contre, c’est à dire contre la politique de la technocratie politicienne sans pour autant pouvoir instruire une politique substitutive sinon sous la forme de propositions irréalistes ou utopiques et du reste peu cohérentes entre elles. Il y a donc un dissymétrie entre le non et le oui : le premier est aisé et toujours peu cohérent et peu responsable des conséquences, le second exige un travail de connaissance de la réalité politique et juridique , des rapports de forces et exige une régulation cohérente des fins et des moyens ainsi que du souhaitable et du possible que seuls des spécialistes de la chose politique peuvent définir (ligne politique) et mettre en oeuvre (tactique et autorité).
Ainsi la démocratie idéale ne peut être qu’une fiction, sauf sous la forme d’une théocratie élective, mais celle-ci à son tour a besoin de croire que les représentants du peuple sont le peuple et que les gouvernants sont soumis aux gouvernés, ne serait-ce que négativement pour assurer la légitimité de leur pouvoir sur les citoyens.
Cette aporie de la démocratie retournée en contre démocratie s’exprime au travers d’un situation de crise permanente : la crise de la représentation, .
La crise permanente de la représentation contre la démocratie.
Si l’on admet que, dans une société complexe et pluraliste dans laquelle les intérêts particuliers, voire les valeurs de référence et leur hiérarchie sont contradictoires, et dans laquelle les problèmes politiques exigent un savoir (politique et juridique) et un savoir faire spécialisé pour décider de ce qui est nécessaire au développement, voire la survie de la société et à la définition et à la réalisation de ce qu’il est convenu d’appeler "l’intérêt général" (à défaut d’intérêt commun introuvable), il est indispensable d’établir des formes de démocratie indirecte dans lesquelles les citoyens -qui spontanément ne forme pas un peuple uni- doivent se sentir représentés sans que les représentants soient de simples miroir des positions contradictoires et particulières, voire passionnelles, de leurs électeurs. L’idée de représention politique ne va donc pas de soi. Elle met paradoxalement en oeuvre plusieurs exigences hétérogènes, voire en conflit :
1) Celle de rendre présent sur le plan de la décision politique la position des électeurs-citoyens ce qui signifie que les représentants doivent être leurs portes-parole et refléter leur aspirations et désirs et les valeurs contradictoires qu’ils manifestent.
2) Celle de décider à la place des citoyens électeurs -car incapables de le faire eux-mêmes- de ce qui est bon pour la société toute entière par delà les valeurs et intérêts particuliers que ceux-ci ressentent comme importants pour eux. D’où un décalage, voire un conflit latent, irréductibles entre les représentants et les représentés, entre ceux qui sont des responsables politiques et doivent en ce sens répondre, c’est à dire trouver des réponses efficaces, cohérentes et réalistes aux aspirations et problèmes que soulèvent leurs électeurs et les électeurs qui sont hors des contraintes réelles et de leur point de vue, nécessairement particulier, inaptes à décider de ce qui vaut pour tous.
C’est pourquoi la démocratie a toujours hésité entre deux formes de légitimité :
- Celle qui fait de la décision directe des électeurs appelée décision ou souveraineté populaires le seule forme de démocratie authentique
- Celle qui voit dans celle-ci un danger, soit de dissolution de la responsabilité politique et de tout l’ordre politique, donc qui fait de la démocratie l’antichambre de l’anarchie plus ou moins violente, soit celle d’emballement passionnel au service de démagogues populistes qui deviennent alors capable de se faire plébisciter en vue d’imposer au nom d’une majorité manipulée et manipulable, une forme de dictature qui abolirait les conditions même de la démocratie pluraliste.
Cette opposition sur l’idée de légitimité au sein de la démocratie s’exprime au plus haut point à propos de la procédure du référendum qui, selon ses partisans, aurait à elle seule ou seule valeur constitutionnelle , au contraire du vote parlementaire. En France, la constitution depuis 1962 admet les deux procédures et laisse le choix de la procédure au président de la république lui-même issu du suffrage direct. En Allemagne, suite à l’expérience de 1933, par contre, la procédure référendaire est interdite, en tant que procédure délibérativen e, par la loi fondamentale, comme une porte ouverte à la démagogie, voire à la dictature populiste ou totalitaire contre le démocratie délibérative pluraliste.
Cette déchirure de la démocratie en son fondement reflète l’ambiguïté même de l’idée de représentativité politique.
Toute représentation politique démocratique, en effet, est transformation de ce qu’elle représente en ce sens qu’elle déplace dans l’espace d’un jeu théâtral réglé et dans un langage de raison et de dialogue pacifique et pacifiant sous forme de débat démocratique argumenté les confits passionnels de la vie politique et sociale, parfois violents ou toujours tentés par la violence . Rappelons quelques unes de ces règles qui mettent en scène cette tension de la représentativité :
- La règle qui exige que la majorité décide et que la (les) minorité(s) obéisse(nt) ou se soumette(nt), alors même que celle(s)-ci considère(nt) que la décision est injuste ou illégitime de son (leur) point de vue, mais cette règle , dans le même temps, oblige la majorité à supporter la critique de (des) la minorité(s), voire à supporter des manifestations de rue (en principe non-violentes), qui visent à délégitimer cette décision auprès des citoyens pour prendre sa place à la faveur de nouvelles élections afin de la changer.
- La règle qui exige que les représentants soient par la médiation de leur parti marqués comme étant dans la majorité ou l’opposition pour exprimer clairement les conflits politiques en présence dans l’électorat (par exemple entre la droite et la gauche ou entre la conservation et le progrès social) , mais aussi celle qui exige de ces représentants de représenter l’intérêt général par delà les clivages d’intérêt et de valeurs particuliers qui s’incarnent dans la politique des partis, majoritaires ou minoritaires.
- La règle qui exige de lutter contre des adversaires politiques pour les vaincre, à savoir les décrédibiliser auprès des électeurs comme mauvais représentants, et en même temps de les respecter de les reconnaître comme légitimes en tant que représentants .
De plus la règle démocratique moderne est en droit individualiste, c’est à dire exige que chaque électeur représenté et chaque représentant se prononce en son âme et conscience sans se soumettre à quelque autorité collective ou institutionnelle supérieure (ex : vote à bulletin secret pour les représentés ), mais un représentant représente tout à la fois son groupe et/ou son parti et ses électeurs, sans perdre pour autant son droit à se prononcer contre son groupe, voire contre ce qu’il estime être la majorité de ses électeurs, et cela publiquement , c’est à dire hors de tout secret , ce qui limite du même coup sa capacité personnelle de décision (discipline collective ou partisane). La représentation démocratique implique donc , chez les représentants une position holiste anti-individualiste peu ou prou en tension sinon en conflit avec la règle de le démocratie individualiste. Chaque représentant représente à la fois ses électeurs dans sa personne et en tant que personne libre de décider par lui-même de ce qui concerne l’idée qu’il se fait de l’intérêt général (de la société toute entière) et dans la fidélité indispensable au parti qui l’a fait élire et lui confère le pouvoir de représenter qui est le sien, ce qui ne va pas nécessairement de soi.
Ces règles ambivalentes sont, sinon impossibles à respecter, au moins non seulement difficiles à mettre en oeuvre par les représentants, mais surtout à faire accepter aux représentés comme conditions nécessaires de la démocratie représentative, d’où la tentation de refuser l’idée même de représentation. D’autant plus que s’s’approfondit la crise sociale et se perd de vue, du fait de l’aggravation des inégalités, l’idée même d’un intérêt général indissociable de l’idée démocratique qui exige de respecter ces règles. La porte est alors ouverte aux aventures totalitaires de l’extrême droite et de l’extrême gauche, souvent objectivement alliées contre la démocratie libérale.
Ces règles ambivalentes sont, sinon impossibles à respecter, au moins non seulement difficiles à mettre en oeuvre par les représentants, mais surtout à faire accepter aux représentés comme conditions nécessaires de la démocratie représentative, d’où la tentation de refuser l’idée même de représentation. D’autant plus que s’approfondit la crise sociale et se perd de vue, du fait de l’aggravation des inégalités, l’idée même d’un intérêt général indissociable de l’idée démocratique qui exige de respecter ces règles. La porte est alors ouverte aux aventures totalitaires de l’extrême droite et de l’extrême gauche, souvent objectivement alliées contre la démocratie libérale.
2) la crise sociale contre la démocratie
La république démocratique suppose l’existence d’une population sinon unie, au moins convaincue d’une nécessaire solidarité sociale, voire de destin historique, de telle sorte que la possibilité d’un compromis demeure au moins crédible entre les différents groupes ou couches qui composent la société. Or la possibilité et la crédibilité, lesquelles sont indissociables, de cette solidarité sont compromises dès lors que les inégalités , en particulier celle des chances, s’accroissent dans un société qui ne reconnaît pas de hiérarchie sociologique prétendue naturelle, non reconnaissance qui est un principe de base de l’idée démocratique.. Ceux d’en bas ne se sentent alors plus protégés par ceux d’en haut et encore moins appelés à partager la richesse produite par leur travail, ni même à voir leur sort s’améliorer au fil du temps et des générations. Pendant que ceux d’en haut, qui disposent des capitaux économiques et culturels, voire symboliques, et surtout du pouvoir social accroissent leur sécurité personnelle, leurs revenus et privilèges, ceux du milieu et a plus forte raison d’en bas qui font l’immense majorité (80%) se voient condamnés à la précarité et à l’abandon de toute promesse de promotion par rapport à la situation de leurs parents : l’ascenseur social est aujourd’hui plus descendant que montant pour la plupart. Une société qui se veut démocratique et qui laisse aller l’aggravation des inégalités et de la précarité aux dépens du plus grand nombre, ce qui ne peut être ressenti du point de vue démocratique que comme une injustice, se décrédibilise elle-même et, en se décridibilisant, décridibilise l’idée démocratique qu’elle revendique elle-même. Cette idée n’apparaît plus que comme une fiction mensongère ou mystificatrice. Aristote signalait déjà que la démocratie n’est possible que dans une cité composée d’une classe moyenne largement majoritaire (disposant donc du pouvoir) ouverte à ceux d’en bas et d’une infime minorité de très riches, elle même ouverte, et de très pauvres espérant s’extraire de leur misère. L’idée démocratique et donc sa mise en oeuvre réelle sont dévoyées dès lors qu’elle "couvre", voire légalise l’affirmation du pouvoir économique exclusif des riches sur les pauvres ; le droit de propriété, en principe égal pour tous, est alors perçu et devient réellement alors le droit des propriétaires de moyens de production et d’échange d’exploiter les dépossédés, selon la critique que fait Marx du droit bourgeois fondé sur le droit de propriété.
Ainsi apparaît un conflit irréductible entre la démocratie politique et le capitalisme économique dérégulé ou désencastré (Poliany) de toute finalité politique de justice pour tous. La capitalisme, contrairement au libéralisme régulé par le droit social, est par nature anti-démocratique : rien de moins démocratique que son fonctionnement, le pouvoir exclusif du capital et des investisseurs, et sa finalité, le profit privé maximal. La capitalisme, dans sa logique propre, ne tient aucun compte d’un quelconque intérêt général qu’il confond du reste avec la somme des intérêts particuliers privés et de la seule demande solvable. ce conflit est au coeur de la réalité démocratique égalitaire en droit, mais inégalitaire en fait pour qui ne la confond pas avec la fiction démocratique et l’image qu’elle se donne elle-même. Dans ces conditions, ceux qui, dans le cadre d’une dérégulation du droit du travail et de l’extension du chômage et de la précarité liées aux conditions de la mondialisation, souffrent de la fusion progressive du pouvoir politique et du pouvoir économique à laquelle nous assistons et qui s’exprime sous la forme de l’affaiblissement de l’état face au capitalisme mondialisé, sont alors tentés par des alternatives anti-démocratiques et totalitaires de droite ou de gauche, à connotations religieuses ou non.
Cette tentation s’exprime sous les deux variants du social-nationalisme étatiste :
celui d’extrême droite qui au nom du peuple racial et raciste (das Volk) tente d’unifier la société sous la dictature charismatique d’un chef disposant d’un pouvoir absolu et transcendant pour rétablir contre la réalité, perçue comme dissolvante, l’unité d’un destin triomphant contre les autres, tous, plus ou moins assimilés à des ennemis mortels extérieurs et intérieurs . La guerre nationaliste et communautariste est utilisée comme alors la seule alternative pour instaurer l’unité du peuple menacée et faire rèver d’une solidarité sociale impossible en démocratie libérale, individualiste et pluraliste.
celui d’une certaine extrême gauche étatiste totalitaire qui prétend chasser le mal (l’injustice) en dépossédant par la violence les détenteurs des richesses et faire de l’état dit de "démocratie populaire" ou "dictature du prolétariat" sans liberté politique et à parti unique le seul garant de la justice pour tous : la justice de classe contre la bourgeoisie propriétaire des moyens de production et d’échange.
Ainsi toute vision d’une
société homogène et sans conflit social et
politique, qu’elle soit de race ou sans classe, ne peut mener qu’au
pire : au refus du pluralisme et des libertés
fondamentales ; au déni et/ou au dévoiement de
l’idée démocratique en son contraire : la soumission
des individus à l’ordre collectif incontestable
déterminé par ceux qui au sommet de l’état
prétendent l’incarner sans contestation possible en lui
sacrifiant les libertés individuelles et à l’idée
mystificatrice et liberticide d’une égalité garantie par
l’état, alors même que le pouvoir exécutif devient
le lieu par excellenec de domination et d’exploitation
en concentrant le pouvoir politique, le pouvoir législatif,
juridique et surtout économique, Nous savons où (a)
conduit nécessairement cette vision : au désastre,
militaire, politique et économique, voire au meurtre de masse et
au génocide.
D’où la tentation contraire de récuser le pouvoir de
l’état par l’affirmation, à la fois politique et
supra-politique des droits de l’homme contre ceux de l’état et
du collectif même démocratique, de l’individu contre toute
suprématie autoritaire du lien social.
3) La crise de l’état contre la démocratie politique
Lorsque l’état démocratique ne peut plus assurer sa mission de justice d’en haut, que la société s’individualise et que, sous le coup, d’une compétition sociale de moins en moins ouverte et de plus en plus négative pour le plus grand nombre, surtout pour ceux de plus en plus nombreux qui en sont exclu, , l’état rentre alors en crise ; son autorité n’est plus légitime, les individus quand ils ne refusent pas les la démocratie, en transforment profondément le signification : l’intérêt général n’est plus perçu comme sa finalité principale, s’y substitue le respect des droits des individus dans le recherche de leur bonheur propre et collectif particulier. L’état ne peut rien exiger a nom de d’un intérêt général de plus en plus problématique qui, sous la pression d’une économie marchande de plus en plus socialement dérégulée, supprime ou privatise en en faisant une simple excroissance de l’économie de profit privé ses missions de service public. Le citoyen devient un consommateur des moyens d’assurer leur droit au bonheur privé. L’état ne peut même plus exiger de faire et de se préparer à faire la guerre. L’idée de sacrifice pour l’état et la collectivité, comme celle d’impôt entre en crise profonde de légitimité. Les individus se dé-identifient de la communauté nationale, d’autant plus qu’il n’y a plus de risque de guerre d’agression violente et militaire extérieure sur le territoire ; l’idée de patriotisme s’efface, c’est à dire l’exigence du sacrifice personnel au profit du bien commun. Les droits de l’homme deviennent donc la seule référence et priment sur les droits du citoyen, la distinction entre les deux devient même ambiguë : d’un côté , ils sont confondus, au profit des droits des individus, d’un autre côté, les droits des citoyens toujours accompagnés de devoirs vis-à-vis des autres et l’état sont rejetés au nom des droits de l’homme. Les questions de société mettent tous les jours en évidence ce conflit : chacun et/ou chaque groupe revendique son droit au bonheur contre la loi démocratiquement votée ; les femmes, les enfants, les homosexuels, les immigrés réguliers et clandestins etc.. refusent les règles politiques que l’on prétend leur imposer pour conquérir le droit à avoir des droits égaux, au nom des droits de l’homme, avec ceux des autres : les hommes, les adultes, les nationaux et les hétérosexuels etc..
Mais il faut aussi comprendre ce qu’a de
profondément, non seulement d’irrésistible, mais
aussi de justifié, cette montée des droits de l’homme
contre le droit contraignant des états dans le contexte de
l’idée démocratique dominante et ce qui conduit
nécessairement l’état démocratique à
ajuster en permanence et progressivement les droits du citoyens avec
les droits de l’homme pour préserver un minimum de
légitimité démocratique. Des droits
démocratiques accordés aux citoyens qui ne seraient pas
soumis aux droits de l’homme seraient perçus comme tyranniques
par ceux qui se sentiraient nécessairement victimes d’une
inégalité des droits, à savoir qu’ils feraient
passer la loi majoritaire comme une loi qui pourraient contredire les
droits individuels de l’homme et ceux de la minorité ; ce
qui, à terme, compromettrait la garantie des droits des citoyens
en les soumettant aux devoirs collectifs décidés par
telle ou telle majorité de circonstance ; c’est pourquoi,
par exemple, l’abolition de la peine de mort, bien qu’elle ait
été contraire à l’opinion de la
majorité des électeurs à l’époque
(1981-82), a été décidée par leurs
représentants . C’est pourquoi le droit de vote des femmes s’est
imposé comme un principe démocratique au regard de
l’égalité entre les hommes et les femmes du point de vue
des droits universels de l’homme. Et c’est pourquoi, enfin, la
question du droit de vote et des droits sociaux des immigrés se
trouve posée au regard des fondements même de la
démocratie dont je rappelle qu’elle ne peut être telle que
si elle est universelle.
Ainsi s’introduit un décalage entre le droit positif des citoyens et l’universalité des droits de l’homme. Un tel décalage voire, une telle opposition temporaire, crée une dynamique pour faire évoluer la démocratie dans un sens plus universaliste : on le voit en ce qui concerne l’homosexualité et l’homoparentalité dont on peut déjà prévoir qu’elle ne pourra pas être longtemps interdite. La liberté universelle tend à s’imposer contre toutes les formes de discrimination dans l’usage des droits.
Ce décalage entre droits de l’homme et droit positif dans tous les états démocratique exige donc des corrections permanentes de celui-ci au regard de ceux là sous le coup des revendications et des luttes pour les faire aboutir. Or ces luttes ne peuvent aboutir que si les citoyens peuvent s’exprimer directement et participer et éventuellement contrôler, voire contester le travail des élus, donc que l’exigence de la démocratie délibérative soit à la source de la formation de l’opinion et par conséquent de la démocratie électorale et représentative.
Face à ces contradictions qui animent le vie démocratique , il devient donc nécessaire de savoir quel usage il convient de faire de l’idée démocratique pour qu’elle ne soit pas une pure illusion mystificatrice
S'il ne peut y avoir de
vérité
unique et univoque en politique démocratique, pas plus qu'il n'
y a de peuple unanime, il ne peut y avoir que plus ou moins de
justesse; à savoir que des essais erreurs et des correctifs
alternants plus ou moins
risqués
et avantageux pour le plus grand nombre. Une démocratie
indirecte
se gouverne toujours plus ou moins
au centre pour lui convenir; encore faut-il qu’il y ait
très
peu de pauvres et de très riches et qu’une mobilité
sociale
effective puisse donner à tous l’espoir et le désir de
progresser.
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