En
cela, non seulement la méthode suivie par le gouvernement
est anti-démocratique dans son esprit, sinon dans sa lettre, mais la
décision de ce pseudo-contrat (inégalitaire) s’affirme comme
attentatoire aux droits
des individus donc au fondement même d’une société libérale et
contractuelle, dans le seul but de faire
prévaloir une conception autoritariste du pouvoir traditionnel, en
l’absence d’une tradition religieuse ou mythique suffisante pour la
légitimer, ce qui est dangereux pour la paix civile et ne peut aboutir
qu’à son échec
Quand le pouvoir en vient à pratiquer un tel autoritarisme, il fait
l’aveu de son manque d’autorité authentique, généré pas son incapacité
à discuter avec les citoyens et les corps intermédiaires qui les
représentent et à les assurer du respect qu’il leur doit. Ce
comportement ne peut qu’attiser la violence des uns en riposte à celle
qui, au plus haut niveau, leur est faite. Cette révolte pourrait être
pour le gouvernement salutaire à court terme , mais ce salut serait
gros de risques politiques à moyen terme pour la démocratie.
Il est temps de rappeler à chacun qu’il n’est d’autre cause à la
révolte violente que l’humiliation subie et que faire violence à la
jeunesse en la poussant à la violence, c’est condamner l’avenir.
Monarchie élective ou représentativité démocratique?
Pour poursuivre la réflexion initiée dans mon article "l’Autorité
politique et la représentation démocratique" , plusieurs remarques de fait et
de droit me semblent devoir être faites
1) Le droit de manifester, y compris contre une loi mal conçue, voire socialement « choquante » car inégalitaire, est reconnu par la constitution comme un droit démocratique, d’autant plus -et c’est un fait, non une opinion- que la représentativité du parlement est aujourd’hui en crise ; crise qui, dans le cas du CPE, a mon avis, tient à deux éléments factuels et de droit :
2) Le suffrage majoritaire interdit une réelle représentativité des minorités, voire la prise en compte de leurs propositions ; or il peut très bien être combiné par le suffrage proportionnel, comme en Allemagne par exemple : la « grande coalition » est aussi un moyen de traiter les problèmes les plus importants avec un soutien réel de la population (Je ne dis pas du peuple, qui pour moi est une notion illusoire) ; quant au cas anglais du scrutin majoritaire à un tour, je ne le trouve pas particulièrement démocratique et cela ne marche pas trop bien : il interdit pratiquement tout autre représentation que celle de deux grands partis, c’est un fait, et il est aussi un fait que la représentativité de T. Blair, dont j’approuve pas mal d’initiatives, est d’autant plus contestée aujourd’hui (ex : sur l’Irak et sur la réforme de l’école) qu’il peut soumettre le parlement sans réel débat à des décisions ressenties (à tort ou à raison) comme arbitraire ou injustes.
Mon analyse critique est corroborée par la prise de position du Président de la République sur le CPE ; celle-ci, en effet, rend la représentativité du parlement et du législateur encore plus problématique : Promulguer une loi (ce qui veut dire la rendre immédiatement applicable) pour l’invalider aussitôt, en fixant, hors toute concertation, les modifications à lui apporter, c’est faire du fait du prince le ressort de la décision législative et disqualifier encore plus le rôle du parlement et le caractère démocratique des institutions.
Nous sommes bien plus dans la cadre dans une monarchie élective que dans celui d’une démocratie représentative ; Monsieur Jacques Chirac vient d’en faire éclatante démonstration.
En l’occurence (la décision du CPE), la légalité représentative que nul ne peut confondre en démocratie avec la légitimité sauf à transformer celle-ci en tyrannie majoritaire et à trahir son esprit sinon sa lettre, a été doublement forcée:
1) La loi
qui imposait de consulter les partenaires sociaux avant tout projet de
loi les concernant à été bafouée 2) La procédure du 49-3 a imposé au parlement de se soumettre à l’exécutif sans débat. Le
théatre démocratique, en France, est biaisé par la soumission du
législatif à l’exécutif, la non concertation systématique des "acteurs"
concernés par la décision et le scrutin majoritaire. Ce qui va toujours
dans le même sens: celui d’une pseudo représentation et d’un très
mauvais théâtre qui ne représente plus que lui-même devant lui-même. C’est
pourquoi le lieu de la représentation démocratique se
déplace dans la rue: théâtre de rue contre
théâtre en chambre, la démocratie
représentative se fraie toujours un chemin lorsqu’elle est
empéchée en son lieu institutionnel principal. Il convient de tirer
un premier bilan de la situation recambolesque créée par le fait du
prince qu’a été l’intervention de Jacques Chirac au sujet du CPE. Dans
un superbe tête à queue dont il a le secret notre président, après
avoir court-circuité le parlement et les partenaires sociaux par le
biais de son premier ministre et successeur désigné, met se dernier sur
la touche (ou en reserve de la république) sans le démissionner mais en
confiant au parlement et à son ennemi intime (Sarkozy), chef du parti
majoritaire, le soin d’ouvrir des négociations directes avec les
syndicats dont chacun sait qu’elles vont enterrer le CPE, déjà condamné
à mort par sa décision de le vider de sa substance, tout en le
promulgant. (Ouf!) Les syndicats ne s’y trompent
pas: il voient un boulevard s’ouvrir devant eux en vue de négocier en
position de force une sécurisation des parcours professionnels pour
tous les salariés, jeunes et moins jeunes. La mobilisation va donc
changer d’objet et probablement de forme; ce qui aurait dû être fait au
départ le sera dans un contexte de mobilisation sans précédent: la
démocratie à chaud reprend ses droits. Mais les
institutions n’en sont pas moins en crise, dès lors que tout dépend des
contorsions et des manoeuvres contradictoires du chef de l’état qui
peut à volonté manipuler un premier ministre ou un parlement à sa guise
en fonction des mouvements sociaux et/ou, comme disent certains, de la
rue. Le pays n’apparaît plus dirigé, dès lors que
celui qui est le garant des équilibres politiques et du fonctionnement
des institutions peut changer de ligne politique au grès des
évènements: jouer le premier ministre contre les corps intermédiaires
représentatifs ou jouer ceux-ci contre le gouvernement et son chef au
profit de son ennemi intime. reste à celui-ci maintenant de faire ses
preuves! En attendant, la crédibilité de ceux qui nous gouvernent se
détériore irrésistiblement et la crise du régime s’aggrave au profit
d’une direction politique à courte vue de plus en plus erratique. Il
est temps de réfléchir sur des aménagements des
institutions qui prennent plus et mieux en compte le pays réel. Quelques pistes pour ouvrir le débat: Autant
de pro-positions dont l’inspiration me paraît ni ultra-libérale, ni
étatiste monarchiste ou social-étatiste, mais social-libérales ou, si
l’on préfère, social-démocrate en résonnance indispensable avec les
comportements politiques et sociaux de la plupart de nos partenaires
européens.
Réforme du mode de scrutin des députés (plus de proportionnelle)
Revalorisation du rôle du parlement et des commissions de travail parlementaires souvent très fécondes
Réforme
du Sénat dans le sens de celle préconisée par le Général de Gaulle qui
faisait entrer les partenaires sociaux et les régions dans le pouvoir
législatif.
Négociations
obligatoires entre les représentants des salariés, le gouvernement et
le parlement pour tout ce qui concerne les principes fondamentaux du
droit du travail et qui, pour l’essentiel, doit être laissé, dans leurs
modalités d’application, à l’initiative des contrats négociés par
branche entre les partenaires sociaux que l’état sera chargé d’avaliser
et de garantir.
Réforme
de la représentativité syndicale, favorisant une plus grande expression
directes des salariés pour décider des modalités d’action et une
procédure et une régulation de l’usage du droit de grêve qui oblige à
des négociations préalables avant toute grêve.