Def. La vérité est l'accord
et/ou
la correspondance entre:
- la pensée avec elle-même
(cohérence
logique);
- les pensées des sujets entre elles
(universalité)
- le pensée avec la
réalité
qui en est l'objet (objectivité).
Son domaine d'application est la connaissance
de ce qui est réel ou possible et non le souhaitable.
Le bien moral( le devoir), personnel (le
bonheur
ou le salut) ou intersubjectif (la justice) s'applique au domaine de
l'action
et de ses finalités et définit le souhaitable; La
vérité
ne peut s'y appliquer que par usage métaphorique (et donc
non-vrai),
et si l'on n'en est pas conscient, d'une manière illusoire:
dès
lors, en effet, que jugement de valeur et jugement de
réalité
sont confondus, la pensée prend nécessairement les
projections
imaginaires du désir pour la réalité existante ou
possible; ce qui est la définition de l'illusion plus ou moins
délirante.
Or l'illusion est le seul ennemi de la vérité.
Donc examinons l'idée de la
vérité
dans le seul champs de la connaissance.
Pb. De deux choses l'une semble-t-il: soit
la vérité est une certitude absolue et dogmatique
(identité
entre la pensée avec la réalité et/ou avec
elle-même),
soit elle n'est pas. Mais le scepticisme qui récuse la
possibilité
de découvrir la vérité, lorsqu'il exige de prouver
la preuve à l'infini, ce qui est impossible, ne peut non plus
prouver
la validité de sa propre thèse, et d'autre part semble se
contredire puisqu'il admet que la proposition:"la vérité
est impossible" est vraie. Comment alors poser l'idée de
vérité
entre ces deux écueils de la connaissance que semblent
être
le dogmatisme et le scepticisme? La vérité peut-elle
être
relative, A quelles conditions?
1) Vérité et
cohérence.
1-1 la cohérence comme
condition
de la vérité: KANT
L'accord des idées entre elles est une
condition suffisante de la vérité en mathématiques
et en logiques (sciences formelles), mais seulement nécessaire
dans
toutes les autres sciences (sciences expérimentales). Elle est
suffisante
en mathématiques car celles-ci étudient des structures ou
formes vides logiquement possibles sans contenu de
réalité
(axiomes arbitraires et règles logiques de la déduction);
le pb de la vérité n'est ici qu'un pb technique; mais la
condition de la cohérence est insuffisante dans les sciences
expérimentales,
car les énoncés portent sur une réalité qui
se présente comme extérieure à l'esprit.
1-2 L'échec de la
métaphysique
rationnelle. DESCARTES
L'idéal de la philosophie classique
à
fonder la vérité sur un absolu transcendant purement
démontrable
par le seul recours à la logique formelle est logiquement
démontré
comme impossible; la logique est impuissante à prouver
l'existence
réelle ou possible d'aucun objet.
1-3 La vérité comme
application
de la logique à l'expérience.
Pas de vérité "réaliste"
absolue; c'est à dire, pas d'identité de la pensée
avec l'être réellement existant. L'accord entre
pensée
logique et réalité ne peut être l'identité
ou
alors on verse dans l'illusion dogmatique qui refuse, à-priori,
la réfutation expérimentale de la pensée, toujours
possible. Le pb du rapport de la pensée à la
réalité
objective est philosophique: comment la pensée peut-elle sortir
d'elle même pour s'assurer de sa conformité (et non de son
identité) avec la réalité?
2) Vérité et
objectivité.
2-1 La position empiriste. LOCKE
Les idées sont les copies abstraites et
généralisées des sensations;
L'être réel = l'être
perçu.
Les associations entre les idées (cause à effet,
contiguïté
dans l'espace et le temps, ressemblance) sont le résultat de
l'habitude
expérimentale sensible; elles concernent non les choses, mais
l'esprit.
Argument: on ne peut pas prouver à-priori que telle cause
entraîne
nécessairement tel effet; les relations de cause à effet
ne sont pas logiques mais expérimentales et psychologiques. Mais
on peut leur donner une forme logique exprimant les opérations
de
notre esprit dont nous avons l'expérience interne et externe
(pratique).
Mais la vérité n'est plus
nécessaire
et l'esprit ne peut anticiper sur l'expérience, ce qui est ou
semble
démenti par la pratique scientifique.
2-2 La position critique de KANT.
L'expérience est possible par une
condition
à-priori de la sensibilité qui, universellement
subjective,
ordonne la diversité des sensations, effets des objets
réels
en nous: c'est la forme pure de l'espace et du temps.
L'esprit dispose de concepts et de principes
à-priori qui lui permettent d'interroger et d'interpréter
l'expérience en construisant des théories rationnelles
explicatives,
unifiantes et universelles. Ce sont les catégories de
l'entendement
et les présupposés principiels de toute connaissance
rationnelle
possible.
Le sujet de la connaissance ne peut
connaître
aucun objet en soi, mais ne peut connaître que les
phénomènes
ou objets pour nous (produits et transformés par notre esprit);
La vérité est universelle et donc pour Kant objective,
car
en accord avec l'expérience universelle des hommes.
Mais si nos théories ne correspondaient
pas avec la réalité extérieure, on comprendrait
mal
comment nos actions grâce à elles peuvent réussir.
Expérimenter ce n'est pas seulement percevoir, mais d'abord
agir.
Savoir pour prévoir et prévoir pour agir; si l'action
dément
nos prévisions, alors il convient de rectifier nos
théories
les plus rationnelles; ce que montrent en effet l'histoire des
sciences:
la raison et l'expérience, comme rapport du sujet et de l'objet,
évoluent.
2-3 Objectivité et
évolution
des sciences. BERNARD POPPER
Les à-priori de la pensée sont
construits et l'accord avec l'expérience scientifique et non pas
sensible est le seul moyen de les tester. Rappelons que
l'expérience,
toujours particulière, ne peut, en toute rigueur, valider une
théorie
ou une loi générale et que les principes d'une
théorie
non directement testables peuvent logiquement être faux alors que
leurs conséquences logiques sont validées, c'est à
dire non réfutées par l'expérience. Ainsi la
vérité
scientifique ne peut pas être absolument vraie, elle est
nécessairement
conjoncturelle, c'est à dire hypothétique anticipatrice
et
opératoire, mais néamoins objective car soumise en
permanence
à l'épreuve de la logique et de l'expérience
reproductible
(stabilisée), instrumentale et quantifiée; ce qui la
distingue
de l'expérience sensible: elle est une véritable action
contrôlée
de production de phénomènes en laboratoire.
La vérité des théories
expérimentales
est alors pratiquement suffisante, mais non pas logiquement certaine;
elle
est hypothétique,( tout se passe comme si...) relative à
un domaine limité de phénomènes
appréhendés
par des instruments plus ou moins performants, et à des cadres
théoriques
et formels déterminés, toujours susceptibles
d'évolution
ultérieure.
2-4 Vérité
expérimentale
et sciences humaines.
Question: les sciences humaines sont-elles des
sciences puisqu'elles ne permettent pas l'expérimentation
objective
reproductible et qu'elles ont affaire a la dimension de la
subjectivité
et de la liberté, donc à des valeurs et à des
interprétations
toujours subjectives des comportements humains qu'elles modifient
à
leur tour d'une manière imprévisible; comportements
eux-mêmes
subjectivement conditionnés par des valeurs subjectives
multiples
et contradictoires? Ne sont-elles pas autre chose que des
interprétations
philosophiques et éthiques appliquées à
l'observation
dans des conditions plus ou moins objectivées, mais non
totalement
maîtrisables?
3) Conclusion:
Universalité
de fait et de droit, et rôle de la philosophie.
L'objectivité est la condition d'un accord en droit, toujours en train de se faire; l'universalité de fait est, hors cette condition, une illusion collective.
La philosophie n'est pas une science, son rôle n'est pas de produire des vérités positives expérimentales; en ce qui concerne la connaissance, il n'est pas non plus de fonder la vérité mais de démystifier, par l'usage de l'interrogation critique, les dogmatismes théoriques et de comprendre les conditions de possibilités de la production et du progrès des connaissances scientifiques. Elle est une réflexion pour penser, sur fond de l’étude de l’histoire des sciences, une éthique régulatrice « pour » la production des connaissances. Dans le domaine de l'usage des sciences et des techniques, son rôle est de lutter contre la technocratie, c'est à dire contre l'illusion que la science pourrait décider du bien au lieu et place de l'éthique, c'est à dire d'une réflexion rationnelle sur les conditions subjectives, plurielles et contradictoires du bonheur.
Sylvain Reboul, le
15/03/01.
Les
relations entre les sciences et la philosophie sont ambivalentes et
conflictuelles
1) La philosophie dans sa version
métaphysique (ce qui dépasse la physique et les
possibilité de l'expérience sensible ou scientifique)
prétend définir les conditions rationnelles et critiques
de la vérité ultime du pourquoi des choses de ce monde ou
de l'autre alors que les sciences se contentent d'expliquer selon des
théories rationnelles plus ou moins mathématisée
le comment des phénomènes sur fond
d'expérimentation objective (technique fiable quantitative)
universalisable déterminé afin de rendre possible une
maîtrise concrète objective du monde . La
vérité des sciences expérimentale (la
question de vérité de la logique et des maths
réside dans le cohérence logique de la
déductibilité de ses propositions sur fond d'axiomes, en
tant que tels et vis-à-vis du monde, ni vrais ni faux.) est donc
hypothétique, limitée et relative à
tel ou tel champs de l'expérimentation et des techniques qui
nous permettent de l'appréhender alors que celle de la
philosophie dans sa version métaphysique prétend toujours
être globale, voire atteindre absolue. Cette prétention
est invalide pour les sciences car elle peut constituer un
obstacle à son développement dans le mesure où
elle s'autoriserait de sa Vérité pour dicter à la
science quelle direction générale elle doit prendre pour
accéder à la vérité du pourquoi des choses
ou au moins lui interdire de répondre à la question du
pourquoi pour se la réserver exclusivement.
Mais dans toute explication
rationnelle le comment et le pourquoi ne sont pas totalement
séparables , parce que, s'il en était ainsi, cela
voudrait dire que l'on puisse se passer de savoir comment les
choses se passent pour comprendre pourquoi elle se
développe ainsi et non pas autrement de façon
précise. Sauf à confondre la vérité
rationnelle avec la magie ou à expliquer les
phénomènes par l'intervention d'une puissance
surnaturelle ou l'existence d'un programme intelligent (ID). Ce qui
n'est ni déterminable ni prouvable expérimentalement et
qui est au mieux stérile et au pire un obstacle à
l'avancée des connaissances scientifiques dans la mesure
où cette forme de pensée métaphysique tend
toujours plus ou moins à prétendre dicter aux sciences
leur principes fondamentaux (ex: le déterminisme non
statistique).
2) Les sciences ont donc de bonnes
raisons de se méfier de la philosophie et de refuser de tomber
sous sa coupe et peuvent être tentées par ce que la
tradition philosophique traditionnelle appelle pour la disqualifier,
peut-être à tort, le scientisme. Le scientisme affirme que
la vérité ne peut être que scientifique, en cela
que seules les sciences peuvent valider leurs propositions par des
faits objectifs reproductibles quantitatifs dans des conditions
expérimentales fiables et selon des critères valant pour
tous. Pour le positivisme par exemple (A. Comte) la métaphysique
est un pseudo-savoir qui fonctionne sur l'illusion que l'esprit
pourrait connaître sans avoir besoin de tester ses propositions
sur des faits observables d'une manière objective, c'est
à dire universalisables par quiconque est susceptible
d'opérer de telles observations ou mieux de reproduire les
phénomènes et d'en prévoir les valeurs
paramètriques établies une manière rigoureuse car
obéissant à des lois régulières de
cause à effet naturels et selon des mesures précises
selon le principe du déterminisme que les mêmes causes
produisent nécessairement les mêmes effets. Le pourquoi
des phénomènes et le comment se confondent alors dans un
cadre légal cohérent qui autorise la prévision et
la mesure., voir l'anticipation de phénomènes nouveaux
non encore observés.
La puissance de la démarche
scientifique est sans commune mesure possible quant à la
production de connaissances valides, c'est à dire conforme aux
faits et à leurs relations testables de cause à effet,
par rapport à celle de la philosophie qui reste toujours dans un
vague qui interdit tout test fiable et qui est susceptible d'expliquer
par la même hypothèse tout et son contraire ou le
même fait pas des hypothèses différentes, voire
contradictoires. La démarche de la Science se résume
à l'élaboration d'hypothèses sur fond , en amont,
d'observations objectives régulières
instrumentalisées et mesurées par des appareils,
eux-mêmes expressions de lois objectives déjà
validées (Claude Bernard). Ces hypothèses sont
suivies en aval de leur mise à l'épreuve de nouvelles
expériences pour les confirmer ou les réfuter en
confrontant systématiquement les résultats prévues
par les l'hypothèses -c'est à dire calculés
à partir d'elles- ,avec les mesures expérimentales
artificiellement provoquées dans les conditions rigoureuses du
laboratoire ou, selon les cas, naturellement observées avec des
instruments techniques fiables dépourvus de tout biais subjectif
(par exemple en astronomie) . Pour le scientisme seules les sciences
peuvent prétendre au monopole de la vérité
objectivement vérifiable sur fond de faits objectifs, tous les
autres prétendus savoir ne sont que des croyances, voire des
divagations imaginaires douteuses, voir illusoires dès lors
qu'on les prend et se donnent pour des vérités ou des
savoirs valides. Dans le mesures où ces fausses sciences qui ne
sont en rien des sciences peuvent prétendre à la
vérité, elles occultent donc les exigences de
scientificité tout au moins dans la conscience du grand
public et substituent la fausse croyance plus ou moins délirante
au savoir (exemple: les médecines alternatives ou rituels
magiques). Parfois même elles refusent les savoirs
scientifique et s'opposent à leur expression au nom d'une
vérité plus haute, divine ou philosophique (ex: le
mouvement de la terre et la condamnation de Galilée,
l'évolution des espèces) ) posés comme des dogmes
sacrés (indiscutables parce que révélés).
Mais le scientisme va plus loin: au
nom de la seule vérité scientifique: soit il
prétend que tout le champ de la pensée humaine doit
être scientifiquement fondé y compris donc la morale ou
l'éthique et la politique (version autoritaire) , soit il
considère que le champ de l'action échappe à la
vérité et n'obéit qu'à des principes
d'action qui ne sont que des valeurs, croyances en des idéaux du
bien et du juste, c'est à dire du bien-vivre avec les autres et
avec soi., subjectives, relatives à chacun ou à
chaque société et donc nécessairement
dépourvues de tout caractère de vérité
valant pour tous.
Selon c'est dernière version
scientiste, toute prétention à fonder une morale
(idée du bien et du juste) sur la vérité est donc
illusoire. Tout ce que peut faire la science c'est mettre des moyens
techniques adéquats au service de la multiplicité des
besoins et désirs humains. Les contradictions qui les affectent
ne concernent, sur le plan collectif, que la décision
majoritaire plus ou moins fluctuante dans lequel le marché, par
la concurrence dans le jeu de l'offre et de la demande, est le
seul et régulateur possible (version libérale).
Le scientisme oscille donc entre
deux attitudes philosophiquement antagonistes :
- Soit il accorde tout le
pouvoir aux experts de décider des conditions du
bien-vivre selon les dictats de médecine, de la
psychologie et de sociologie normatives qui seules peuvent
connaître scientifiquement ce qui est bon ou mauvais pour la
santé publique physique et mentale de tous les individus et pour
améliorer la qualité des relations humaines dans le sens
de la coopération compétitive
générale.
- Soit il refuse de fonder une
éthique de vie et laisse le marché décider, les
techno-sciences se mettent alors au service du marché et/ou des
désirs croissants et mobiles (aux deux sens du terme, qui
varient et qui mobilisent pas la variation) et divers des
consommateurs; elles s contentent de décider des moyens sans
vouloir se prononcer sur la valeur des fins poursuivies (ex: le clonage
reproductif, la présélection embryonnaire etc..)
Cet impérialisme de la vision
scientisme de la vérité scientifique comme seule
vérité possible dans le domaine de la connaissance , a
suscité deux critiques dans ses conséquences et son
fondement
- conséquences: dans sa
version forte il présente les problèmes éthiques
et politiques régis par des valeurs définissant le devoir
être comme susceptibles d'être dérivés de
vérités non discutables, sinon par des experts
scientifiques des dites sciences humaines et donc d'imposer une morale,
voire une politique scientifique qui ferait fi de l'autonomie des
individus jusque dans leur vie personnelle et instaurerait un
totalitarisme techno-scientifique qui prétendrait
régir la vie et les désirs concrets des individus, donc
leurs comportements, selon une vérité unique
quasi-religieuse et soumettrait les individus déviants à
une panoplie de traitements chimiques ou neuro-cognitifs pour les
remettre à la norme politico-sociale.
Dans sa version faible, laquelle
affirme que la morale et la politique échappe par nature
à l'exigence de vérité, le scientisme
entraînerait l'idée que tous les désirs et valeurs
qui les soutendent se valent et ferait des techno-sciences, la servante
de tous les désirs quelles que soient leurs conséquences
quant aux relations entre les hommes (violence, domination ou au
régulation pacifique et coopération solidaire) en
laissant les individus arbitrer leur différents par le seul jeu
des rapports de force et de leurs croyances plus ou moins
irrationnelles, religieuses et/ou politiques, toujours
particulières. Aucun droit universel ne pourrait être
déclaré plus vrai qu'un autre. En renonçant
à fonder le devoir être sur la visée d'un
être authentique ou vrai, d'une essence universelle de l'homme,
le scientisme, relativiste au regard des valeurs,
génèrerait, voire justifierait, l'idée que
la force ou la religion impérative et dominatrice serait
la seule manière de ramener les hommes à la raison et de
leur faire partager des valeurs communes en vue de la paix civile. Cela
aboutirait au résultat paradoxal que le scepticisme moral de la
version faible serait l'antichambre d'une totalitarisme
polico-religieux, versant symétrique du totalitarisme de la
version forte, contraire aux libertés et à la
dignité des hommes.
- dans son fondement le scientisme
est fallacieux dans le mesure où il oublie ou écarte par
principe la recherche d'une vérité plus essentielle que
la vérité dite phénoménale (ce que sont les
phénomènes tels qu'ils nous apparaissent dans
l'expérience sensible ou scientifique) : la vérité
du pourquoi de l'être, il se refuse à la question de
l'être comme fondement de toute existence et
particulièrement de l'existence humaine dans son
expérience spirituelle fondamentale : celle du souci qui affecte
l'universel humain concernant le sens de la vie et de la mort et les
valeurs, en effet problématiques, qui doivent présider
à la mise en oeuvre d'un sens plus authentique de la vie dans
les rapports entre les individus et avec eux-mêmes, en
deçà et par delà la mort. Soit il prétend
dériver le devoir être idéal de l'être
phénoménal ou empirique de l'homme, au risque de ruiner
tout idéal, soit il confie à l'arbitraire, voire à
la violence, le soin de pacifier les relations humaines et d'imposer
une morale collective obligatoire et donc plus ou moins sacrificielle
et terrorisante.
C'est pourquoi toute une tradition
philosophique va prétendre contester
la vision scientiste des sciences au
nom d'une connaissance supérieure qui atteindrait l'être
ultime des choses: Deux exemples: Bergson (lire sur mon site mon texte
sur la vérité dans les sciences chez Bergson) et
Heidegger qui affirme que sur le plan de la vérité
fondamentale, les sciences ne pensent pas, elles se contentent de
calculer, c'est à dire d'opérer en vue de la
maîtrise ou de l'arraisonnement des étants (ou
phénomènes) dans la nature , voire en l'homme. Tous
deux, par des voies différentes en arrivent à
considérer que la Vérité de l'être ultime
des choses et de l'homme ne peut être atteinte par le discours
rationnel mais par l'expérience esthétique et
poétique du monde. Que la vérité de l'être
comme fondement des étants ou des phénomènes
pour l'action relève d'une révélation mystique et
non plus d'un savoir discutable et argumenté fondé sur la
recherche de preuves logiques ou expérimentales. La philosophie
doit s'ouvrir à la poésie pour accéder à la
vérité et trouver la vérité à la
fois subjective (au fond de son expérience la plus personnelle)
et ontologique (concernant l'être en tant qu'être en soi ou
ultime de tous les étants) . La philosophie doit renoncer
à la rationalité pour se donner la possibilité de
la connaissance qui lui est propre : celle de l'être en
général dont la question fondamentale est : pourquoi y
a-t-il de l'être plutôt que rien? (Leibnitz) et plus
particulièrement de l'être de l'homme n tant qu'être
conscient d'être mortel et qui doit de ce fait donner sens
à sa vie et cela contre la prétention des sciences
à former l'esprit humain au seul rapport avec les étants;
en cela la philosophie elle doit se faire contemplative et non plus
technique rationalisante active.
3) Mais une telle philosophie ne
peut prétendre à une vérité qui soit
universalisable, car son objet l'être en tant qu'être des
étants est, par définition, sans définition,
visage, ni usage univoque possible: est-ce Dieu, la nature,
une essence supposée universelle de l'homme qui serait la
liberté de d'autodéterminer? Tout de l'être et de
l'homme, sur le plan métaphysique, au sens qui déborde
l'expérience empirique, peut être dit et son contraire;
comme l'a montré Kant: la métaphysique qu'elle soit
rationnelle ou poétique ou mythique, voire religieuse
("seul un dieu pourrait nous sauver" disait Heidegger du
désastre de la modernité dans lequel nous a plongé
l'oubli de l'être du fait des sciences et des techniques issues
de la métaphysique rationnelle) ne peut prétendre
à l'universalité d'une connaissance authentique.
Il nous faut donc opérer la
critique de la tentation de la métaphysique pour faire de la
philosophie une épistémologie raisonnée de la
connaissance. La philosophie de l'éthique et de la politique
serait non plus un connaissance vraie, mais la recherche rationnelle
des droits et des devoirs universels pour établir la paix et la
concorde entre des hommes pratiquants des valeurs personnelles
positives différentes, dans l'autonomie des personnes, pour
réduire donc le risque de violence physique ou psychologique.
Cela en effet ne relève pas d'une science mais de l'observation
raisonnée des comportements en vue de mettre à jour des
règles de vie les plus libérales et consenties possibles
dans les sociétés pluralistes et laïques qui sont
les nôtres.
L'épistémologie ou
philosophie de la connaissance scientifique -et en cela, les
scientistes ont raison: il ne saurait y en avoir d'autre
vérité que le vérité scientifique- se
contenterait de rechercher les conditions générales et
particulières, dans ou telle configuration de l'histoire des
sciences et/ ou des découvertes scientifiques, de la productions
des connaissances, de la démarche et des méthodes mises
en oeuvre par les sciences, sans s'interdire un point de vue critique
au nom même des exigences de scientificité pour
évaluer la valeur programmatique de telle ou telle
présupposé ou affirmation qui se présentent comme
scientifiques.
Mais le domaine propre de la
philosophie reste de se demander, sur le plan éthique et
politique, quel usage raisonné et raisonnable le plus
bénéfique à la promotion de l'humaine condition
peut-on et doit-on, sans confondre les deux questions, faire des
avancées des sciences et des techniques.
Références:
Kant: "La deuxième préface à "la critique de la
raison pure""*
Auguste Comte: "La philosophie positive"
Claude Bernard: "La méthode expérimentale"
Henri Bergson: "La pensée et la mouvant"
Heidegger: "Qu'est-ce que penser?"
Karl Popper: "La logique de la connaissance scientifique"
Gaston Bachelard: "Le nouvel esprit scientifique"
SR: le 11/11/07