Ou : Le respect de l’homme
implique-t-il
nécessairement le respect de ses croyances ?
Les croyances sont des idées attachées à des
pratiques
techniques objectives rationnelles et/ou magiques subjectives
plus
ou moins irrationnelles qu'elles expriment en les justifiant afin de
les
stabiliser. Elles sont posées comme vraies, justes ou bonnes
selon
les domaines (connaissance, morale, politique) sans preuve logique
et/ou
expérimentale rationnelle suffisante. Mais le sujet y trouve des
repères, sinon des certitudes subjectives (la foi) qui donne
sens
et valeur à sa vie et qui lui permettent de s'orienter, de
réguler
ses désirs, de s'identifier à d'autres qui partagent ces
croyances; bref de sortir de la solitude, l'incertitude et de l'
impuissance
désespérée qu'elle génèrent souvent.
C'est dire que ses croyances lui sont vitales et concernent la personne
même qui s'identifie à et par elles, car elles fondent la
valeur qu'elle se reconnaît vis à vis des autres et
d'elle même. Ne pas respecter; c'est à dire
reconnaître
la valeur, pour elle, de ses croyances, dès lors qu'elle donnent
sens à sa vie, , c'est ne pas la respecter dans sa
personne
en la dévalorisant.
Or Si l'on fait, avec Kant, du respect des autres et de leur
liberté
de penser le fondement universel de la moralité, le respect
universel
des croyances s'impose alors comme un impératif moral
catégorique.
Toutes les croyances sont moralement respectables car cet
impératif
est aussi inconditionnel, absolu, que le respect de l'homme par
l'homme,
car il en est l'expression même dès lors que ce qui fait
la
dignité d'un homme c'est justement sa faculté de penser
et
de juger par lui même, donc de croire pour être.
Mais si l'on refuse de mettre en question la valeur des
croyances,
alors c'en est fait de l'exigence de vérité universelle
et
de valeurs morales et//ou politiques universelles; exigence qui exige
qu'elles
soient fondées en raison ce qui rend nécessaire un
débat
argumenté et critique sur ce fondement: la raison est critique,
au regard du principe de non contradiction, ou n'est pas. La
philosophie
elle même dont le rôle premier est de nous délivrer
des croyances illusoires serait donc moralement irrespectueuse des
personnes
et donc moralement violentes et devrait alors être interdite pour
outrage à la dignité des personnes. Or elle nous invite,
au nom de la liberté de penser justement, de refuser d'accepter
les préjugés ou les croyances toutes faites afin
d'éviter
la désillusion et la violence qu'engendrent toute les croyances
irrationnelles et déraisonnables, qui composent tous les
fanatismes
idéologiques (religieux, éthiques et politiques). Nous
sommes
donc là au cœur d'un paradoxe: d'un coté, il convient
pour
éviter la violence de respecter toutes les croyances et d'un
autre,
nous avons le devoir de critiquer les croyances aveugles et fanatiques
et donc potentiellement violentes. Peut-on en sortir? Si non pourquoi?
Mais alors que faire? Si oui à quelle condition dans quel but et
dans quelles limites a-t-on le droit moral de faire usage du droit
philosophique
à la critique rationnelles des idées pour
progresser
dans la recherche de la vérité et pour
éviter
les illusions déçues, liberticides et violentes. Il en va
de la conception de la liberté de penser: s'agit-il de la
liberté
de penser n'importe quoi, dès lors que l'on s'interdirait
de
distinguer entre les bonnes et les mauvaises croyances? S'agit-il de
la
liberté du sujet à penser plus justement et à se
délivrer
des croyances aveugles et trompeuses? Tel est l'enjeu fondateur de la
philosophie
elle-même du débat que soulève la question du
respect
des croyances.
1) Les croyances d'autrui sont indiscutables et ne doivent pas moralement être critiquées.
1-1 La vérité universelle en
vue du bonheur est une illusion. Pas de
vérité
universelle dans les domaines politique et moral car ces domaines
concernent
le désir et l'espoir des hommes donc leur bonheur et leur salut
ce qui n'est pas démontrable puisque subjectif et donc non
universalisable.
Chacun vit son bonheur comme il le peut dans la vision qu'il a de
sa propre vie, de la mort et du monde qui est le produit de son
expérience
affective personnelle et de sa stratégie en vue du mieux vivre
et
nul ne peut, ni, comme nous le verrons plus loin, ne doit
prétendre
lui dire ce qui est bien pour lui car nul ne vit à sa place et
n'éprouve
les mêmes sentiments dans les mêmes situations qui ne sont
d'ailleurs jamais identiques en réalité et encore moins
pour
deux individus différents.
1-2 La critique des croyances est moralement
condamnable. Critiquer les croyances d'autrui c'est donc
s'arroger
le droit le dénier le respect qu'il se doit et qu'on leur doit
en
prétendant décider de ce qui leur convient et/ou que ce
qui
nous conviendrait devrait lui convenir et donc que l'on pourrait
avoir
raison sur leur bonheur malgré lui que l'on jugerait de
l'extérieur
comme victime d'illusion dommageable pour lui dont il
conviendrait
de le délivrer après lui avoir démontré
qu'il
se trompe et que son bonheur est faux, alors même
qu'il
le vit comme authentique, ce dont il est nécessairement
meilleurs
juges que quiconque, car nul autre que le sujet lui même ne peut
savoir ce qu'il éprouve intérieurement et s'il est
heureux ou non.
1-3 Le respect universel des
croyances comme condition du respect d'autrui. Un
homme
est engagé et s'engage dans ce à quoi il croit pour
décider
du sens de sa vie et trouver le bonheur, voire le salut. Ses croyances
ne sont pas de l'ordre de l'avoir car elles constitutives
de
son être même en ce qu'il a de plus intime. Critiquer ses
croyances
est donc les dévaloriser à yeux c'est donc porter
atteinte
à sa personne même dans la valeur qu'elle revendique
légitimement
pour être reconnue et se reconnaître elle même: une
croyance
jugée fausse et/ou illusoire ou nuisible est méprisable
et
donc la personne ne peut que se sentir comprise dans ce mépris.
Conlusion partielle: Toute remise en cause des croyances quel qu'en soit le motif, même bienveillant, est donc vécue comme une agression, voire un viol de la conscience de qui y adhère. Le respect d'un homme se confond donc avec celui de ses croyances et si celui-là est un devoir moral universel, cette universalité concerne aussi bien les croyances pour en faire du respect des un devoir moral tout aussi absolu; en cela toutes les croyances sont moralement respectables.
Transition critique. Mais un tel
respect se retournerait contre lui-même dès lors qu’il
interdirait
l’expression de quelque pensée critique que ce soit, laquelle,
par
nature, peut toujours heurter tel ou tel croyant dont la croyance
serait
examinée à la lumière de la raison ; cette
croyance
ne lui apparaîtrait plus comme une vision nécessairement
vraie
ou juste et cette remise en question de son adhésion plus ou
moins
aveugle et passionnelle peut susciter en lui le sentiment d’une
dévalorisation
personnelle. Or cette « déception » lui est
justement
nécessaire pour se déprendre et se libérer des
illusions
qui enferme sa pensée dans l’aveuglement passionnel, comme le
fanatisme
religieux nous en montre l’exemple éloquent. Toute croyance
irrationnelle
(sans fondement rationnel discutable) menace celui même qui y
adhère
de perdre toute autonomie de pensée, laquelle constitue le
fondement du respect qu’on lui doit : devenant l’instrument aveugle de
sa croyance et de ceux qui l’utilise aux fins de leur pouvoir
idéologique,
il n’est plus que l’esclave de forces qu’il ne contrôlent plus et
qui prennent possession de son existence jusqu’à la violence
destructrice
et autodestructrice la plus extrême. Dans ces conditions, toute
croyance
n’est pas respectable dès lors qu’elle asservit et fait
violence.
Il nous faut donc nous demander en quoi et au nom de quelle conception
de la liberté de penser la critique radicale des croyances
irrationnelles
et du fanatisme pourrait-il être une condition du respect de
l’homme.
2) La critique de ses croyances est une condition du respect de l’homme
Si croire est adhérer à une idée qu’on prétend vraie, bonne ou juste , sans preuve rationnelle suffisante, voir sans être capable de l’argumenter aux yeux des autres et de ses propres yeux , toute croyance est par nature irrationnelle et par conséquent s’impose au sujet malgré lui, que ce soit par les influences des autres ou de ses propres passions qu’il subit . Ainsi convient-il de nous interroger plus avant sur la nature de la liberté de penser.
2-1 Croyance et dépendance. Un homme n’est libre qu’à la condition de savoir pourquoi il pense ce qu’il pense et de pouvoir juger en connaissance de cause de la valeur de ses idées ; sinon il est le jouet d’une pensée qui s’impose à lui et le conditionne dans ses comportements et dans ses choix : une certaine foi religieuse a ainsi conduit les individus croyants au sacrifice sanglant des autres et de lui-même au nom de Dieu. Quand la vérité ou une valeur éthique et existentielle est prise comme un absolu, comme dans le cas de la foi, croyance extrême qui n’a besoin ni de preuve objective , ni de recherche de ses fondements rationnels (argumentation) , pour s’affirmer subjectivement comme une certitude indubitable, elle interdit logiquement toute mise en question critique qui risquerait de la réduire à néant. Elle se doit d’être irrationnelle et d’exiger du sujet une obéissance tout aussi absolu que sa source postulée, Dieu, considéré comme le fondement indiscutable de toute existence et de toute valeur. C’est dans la foi religieuse poussée au bout de sa logique que l’on peut mesurer à quel point la pensée peut se perdre en abdiquant toute autonomie au profit d’une autorité supérieure d’autant plus irrésistible qu’elle s’organise en croyance collective identitaire, à travers des rituels fusionnels qui opèrent comme des conditionnements affectifs de défense (dé)compensatrice, auto-valorisants et salvateurs vis-à-vis de l’angoisse que suscitent la solitude, la souffrance et la mort.
2-2 Doute et libération.
Les hommes n’ont pu développer leur savoir, leur culture et
réduire
la violence physique et psychologique (ou « morale » :
mépris
et domination) entre eux , ce qu’on appelle le progrès de la
civilisation,
toujours problématique et menacé, qu’en s’arrachant
à
la dépendance de la foi aveugle et irrationnelle par l’exercice
du doute radical, méthodique et rationnel que la philosophie,
comme
exercice de la raison critique, a rendu possible et nécessaire.
Mais, pour comprendre cela, il convient de distinguer entre plusieurs
types
de doute :
2-2-1 Le doute passif dans lequel
le sujet est pris lorsqu’il est prisonnier de croyances contradictoires
qui conduisent à ne plus pouvoir croire en rien et vit une crise
de tous ses repères culturels et symboliques qui le met dans un
état de déréliction et de désespoir, ne
sachant
plus à quoi se fier pour déterminer des choix et donner
forme
et cohérence à ses projets de vie
2-2-2 Le doute actif par lequel
le sujet soumet volontairement à l’examen critique toutes ses
croyances
afin de déterminer celles qui sont les plus raisonnables dans le
domaine des croyances normatives pour réduire le risque de
violence
et accroître les chances de coopération consentie et les
plus
rationnelles, dans le domaine de la connaissance objective, (ex : les
sciences
expérimentales qui prouvent leur propositions sur fond des
critères de la cohérence logique et de
l’expérience
objective et universalisable) (voir corrigés sur la valeur des
croyances).
C’est par l’exercice de ce doute vis-à-vis de leurs croyances
toutes
faites (préjugés) que les hommes sont devenus plus
tolérants
et plus capables de dialoguer entre eux afin de se donner des
références
universellement compréhensibles, sinon universellement
acceptées.
Ce dialogue avec les autres est indissociable du dialogue avec soi qui
est la source de la réflexion qui fait avancer la pensée
en un sens plus favorable à la compréhension des autres,
du monde et de soi et aux développement des savoirs universels
(les
sciences) et des droits universels des hommes et des citoyens. Droits
qui
implique l’égal respect comme fondement des relations
inter-subjectives.
2-3 Le doute critique comme condition du respect de la liberté. Ainsi critiquer les croyances irrationnelles, en soi et chez les autres, c’est parier sur la capacité de chacun de chercher par lui-même ce qu’il pense vrai, bon ou juste dans l’horizon de l’universel raisonnable. C’est le considérer comme un homme et un citoyen capable de penser par lui-même, d’une manière plus autonome comme nous y invite Kant dans le texte « Qu’est-ce que les Lumières ?». Penser ce n’est pas avoir des opinions toutes faites (ou croyances), mais c’est pouvoir chercher des idées, les discuter, les choisir après les avoir argumentées et se rendre capable de les justifier pour les autres et soi-même. Il n’y a pas de pensée libre sans réflexion critique et quant, aux principes fondamentaux de nos jugements et de nos actions, sans réflexion philosophique.
Conclusion partielle : Croire que toutes les croyances sont respectables c’est oublier que ce qui est digne de respect, c’est non pas la croyance en elle-même car certaines sont méprisables et détestables car intrinsèquement violentes (ex racisme et sexisme) et la soumission du sujet à ses croyances, mais c’est le sujet lui-même, en tant qu’il est un être capable d’autonomie de pensée. Discuter avec autrui sur le bien fondé de ses croyances c’est le respecter, dans sa puissance de penser juste, c’est à dire de penser au delà de ses préjugés. « Critique moi, disait Socrate, tu me fais du bien ! »
Transition critique : Mais le
refus
radical de la réflexion philosophique de considérer les
croyances
irrationnelles comme sources de valeur ne fait-elle pas l’impasse sur
la
subjectivité humaine en ce qu’elle a d’irréductible
à
des normes impersonnelles ? Ne prend-elle pas le risque de
paraître
inhumaine à vouloir parler trop à l’intellect aux
dépens
des sentiments spontanés et de l’attachement de chacun à
ses préjugés dont la valeur affective est constitutive du
sens qu’il donne à sa vie ? Opposer la raison au cœur, n’est-ce
pas déposséder chacun de ses espérances propres et
de sa liberté de croire ce que, à tort ou à
raison,
bon lui semble ? Et surtout n’est-ce pas une croyance illusoire,
à
son tour, de croire que la raison suffit à fonder nos valeurs ?
3) Critique des croyances, respect des croyances et respect des personnes.
3-1 Raison et valeur. Une valeur
est toujours, en dernier ressort, affaire de désir et
d’espérance
en vue du bonheur. Une chose n’est pas désirable et n’a pas de
valeur
parce qu’elle est bonne, mais elle est bonne car désirable. Rien
ne vaut de ce qui peut nous faire souffrir, sauf si cette souffrance
peut
concourir, au moins en imagination, à un plus grand bonheur. Or
le bonheur n’est pas un idéal de la raison, toujours froide et
lucide
en ce qu’elle oppose la réalité toujours décevante
à nos désirs et en ce qu’elle refuse le désir
comme
source trompeuse de nos (faux)espoirs qu’elle désigne sous
le terme de passion. Mais sans la passion qui nous engage à
prendre
le risque de l’échec et de la déception éventuelle
qu’il engendre, rien ne peut être accompli : nous ne savons
jamais
à l’avance si nos désirs sont réalisables mais
nous
savons que, renoncer au désir, c’est à coup sur renoncer
à toute espèce de satisfaction et de succès dans
le
recherche du bonheur (contentement de soi) qui ne réside pas
essentiellement
dans la réussite, ou la performance mais dans le fait de
s’être
positivement affirmé dans sa puissance d’agir (Spinoza) ;
dès
lors que l’échec ne dépend pas de nous, il nous atteint
moins
que s’il était de fait de notre incapacité à agir.
Et l’on peut toujours se réjouir d’avoir fait tout notre
possible.
Dans ces conditions, les hommes doivent mettre leur raison aux service
de leur désir d’être heureux qui se confond avec
l’accroissement
de leur puissance d’agir et faire en sorte que les valeurs et
règles
d’action qu’ils pratiquent et reconnaissent comme raisonnables soient
efficaces,
à la fois objectivement et subjectivement. Il leur convient de
raisonner
leur désir et non pas de croire déraisonnablement
qu’ils
peuvent agir par une décision purement rationnelle,
indépendamment
de toute motivation en vue du bonheur. Mais ce qui leur faut
éviter,
parallèlement, c’est toutes les croyances qui transforment
cette aspiration au bonheur en passions violentes et destructrices des
relations positives (heureuses) de reconnaissances mutuelles
(valorisation
réciproque) aux autres et à eux-mêmes.
3-2 La critique des illusions comme condition
du bonheur. Si raison et désir doivent s’allier en
vue
du bonheur et non s’affronter stérilement, cela exige des
règles
de réciprocité positives universalisables dans les
relations
entre les désirs des individus, une cohérence dans
l’expression
du désir de chacun (« quelle sont mes priorités
à
tel ou tel moment, qu’ai-ce que je désire vraiment, en ai-je les
moyens ? ») et une connaissance de la réalité
suffisante
pour distinguer le désiré, le désirable et le
possible
; c’est à ces conditions que les passions aveugles peuvent
être
transformées en désirs actifs et créatifs et en
puissance
de contrôle de soi (maîtrise). Ce travail critique ne peut
être accompli que si l’on accepte la critique des autres comme
conditions
pour nous délivrer des illusions passionnelles , violentes ou
dépressives.
Mais si toute croyance n’est pas respectable comment faire pour
critiquer,
voire combattre les croyances violentes et dominatrices, sans manquer
au
respect des personnes qui y adhèrent ?
3-3 Des limites de l’usage critique de la raison. Toute critique des croyances ne peut être moralement valide que si elle distingue soigneusement le contenu de la croyance et la personne qui y adhère. Il s’agit, en effet, par l’examen des contradictions qu’elles recèlent de dissocier la personne des croyances auxquelles elles adhèrent, en la faisant elle-même juge des insuffisances quant au manque de fondement prouvés, voire à leur caractère fallacieux ou confus Ainsi est-il rigoureusement impossible de prouver comme objectivement vraie une quelconque « inégalité » entre les races ou les sexes car la notion même d’inégalité repose sur un jeu de valeurs plurielles et souvent opposées et qui renvoient à l’ordre de l’éthique et non de la vérité ; c’est pourquoi cet ordre ne peut s’apprécier qu’au regard de ses conséquences plus ou moins violentes et dominatrices, vécues comme « souffrance subjective » ou expérience heureuse. Les croyances les plus « tenaces » sont précisément celles qui confondent les jugements de valeur et les jugement de réalité afin de persuader que telle ou telle valeur est indiscutable dès lors qu’elle s’inscrit dans un ordre objectif naturel, faussement rationnel (car fondé sur une confusion rationnelle du bien et du vrai) ou divin, nécessaire…La critique consiste donc à faire comprendre (prendre en soi) par le sujet, selon des arguments logiques et expérimentaux universalisables, que telle de ces croyances est soit fausse et illusoire soit violente ou au bout de compte désespérante dans ses conséquences. Il s’agit d’amener le sujet à se convaincre du caractère toujours relatif et problématique (contradictoire) de ses croyances, en vue de provoquer en lui le désir de s’en affranchir lui-même pour restaurer en lui la conviction, prouvée par cette activité de réflexion critique même, qu’il peut et doit penser par lui-même et ainsi s’affirmer comme sujet respectable de sa pensée. Pour ce faire il faut bannir toute argument ad-hominem qui consiste à accuser la personne dans sa vie personnelle pour disqualifier ses opinions aux yeux des autres: La diffamation et l’insulte ne sont pas des arguments ; mais des actes de violence qui confondent la critique des idées au nom de l’universel et l’attaque personnelle humiliante et dès lors provoque le contraire du but poursuivi qui est de dissocier la personne, respectable en droit, de ses croyances parfois méprisables ou en tout cas, dès lors qu’elles ne sont pas fondées et qu’on les prend pour des vérités, illusoires en fait. La dialectique philosophique inaugurée par Socrate, selon une démarche appelée la « maïeutique », est un modèle exemplaire de critique respectueuse des croyances qui, sans opposer des croyances toutes faites à d’autres, se borne à faire préciser par l’interlocuteur le sens des mots pour exhiber les confusions éventuelle et à poser des questions sur la valeur rationnelles ou non (contradictoire ou non) de telle ou telle de leurs affirmations en liaison avec d’autres, énoncées auparavant. Il s’agit là moins de persuader que de convaincre, c’est à dire non de dominer affectivement par la séduction du langage mais de provoquer l’adhésion réfléchie et consciente de l’intelligence qui doit être supposée la même en tous les hommes, selon Descartes. Mais dira-t-on comment traiter les croyances violentes de qui ne veut pas en débattre, mais utilise le force pour les faire triompher ? Il faut reconnaître que là s’arrête la discussion rationnelle des idées et le champs d’intervention de la philosophie, pour le combat nécessaire , y compris par des moyens militaires, de qui fait de ses croyances, non de simples opinions ou représentations idéologiques, mais des actes criminels.
Conclusion
générale
: Ainsi les croyances ne sont pas toutes
respectables,
dès lors qu’elles peuvent, dans le cas ou elle récusent
toute
discussion argumentée, conduire à la violence fanatique
aveugle,
et il convient de les critiquer comme telles, avant qu’ils ne soit trop
tard et qu’elle ne se transforment en activités criminelles
collectives
sur fond de passions aveugles communes ; et s’il vaut mieux
prévenir
que guérir, la philosophie , comme méthode
éducative
à la liberté critique de la pensée, doit
intervenir
pour créer le doute rationnel respectueuse des personnes en cela
qu’elles les fait seules juges au bout du compte de la valeur de leur
croyances
; mais, au delà, quand le mal est fait, lorsque la passion
irrationnelle est organisée pour détruire et ne veut plus
rien entendre, l’arme de la critique doit laisser la place, selon la
formule
de Marx, à la critique par les armes. Or celle-ci n’est pas sans
rapport avec la question de respect des ennemis qui met en jeu la
distinction
entre acte de guerre et/ou de justice pénale comme moindre mal
et
crime de guerre, voire crime contre l’humanité ; mais
c’est
un autre débat
S.Reboul, le 5/2/02