Ce vrai-faux nouveau projet de programme que vient de nous concocter la commission Fichant me paraît une régression par rapport à celui en cours depuis la rentrée, car il tourne le dos aux difficultés que nous rencontrons dans nos classes; difficultés qu'il ignore superbement.
Il est tout aussi encyclopédique et indéterminé
que celui de 73 et donc générateur d'angoisse bachoteuse
pour la plus grande partie de nos élèves, candidats
à
un examen terminal qui ne peut être préparé qu'en
un
an dans notre discipline; or cette préparation exigerait au
contraire
du temps, le droit à l'erreur, sinon à l'errance, une
longue
maturation c'est à dire un travail intellectuel sur soi
pour
se déconditionner des habitudes, considérées,
à
tort ou à raison comme plus scolaires (apprendre une
vérité
ou savoir "étrangers" ou apprendre à philosopher), ce
que,
justement, notre enseignement prétend ne pas être
tout
à fait. Un tel programme produit, en outre chez d’autres
et/ou
les mêmes, le découragement et/ou le
désintérêt,
d'autant qu'il ne s'accompagne d'aucune référence
méthodologique
précise sur les exercices proposés et les exigences
requises
pour les réussir. Abandonnant les questions
d’approfondissements,
il induit en outre l’idée fausse, car démentie par toute
son histoire, que la philosophie se situe en un espace abstrait de la
pensée
qui ne « doit pas », sous peine de prostitution avec les
pratiques
médiatiques dominantes, prendre en compte les questions
vives
et vivantes que soulèvent le monde contemporain, voire
l’actualité.
Il ajoute, enfin, les notions d'esprit, de matière et
d'interprétation
qui convoquent sans prudence, l'ensemble de l'histoire des
sciences
et de la philosophie. Manifestement on a voulu en "rajouter une couche"
pour faire sérieux ou pour obtenir une union en béton de
la profession contre toute tentative de réforme qui prendraient
en compte les contradictions que nous rencontrons dans nos classes et
commencerait
par faire l'analyse lucide de nos pratiques et de leurs effets.
C'est probablement ce que traduit ce retour en arrière aggravé: non pas le souci de nos élèves et de leur réflexion mais la peur panique de mettre en question le rituel qui nous soutient illusoirement face à l'adversité mondaine supposée que, par ailleurs, nous entretenons pas notre attitude arrogante. Corporatiste en son fond, ce ressentiment ne peut que nous conduire à l'échec culturel et politique dans l'espace élargi et de référence obligée que devient pour nous l'Europe.
Exprimant un idéalisme auto-référenciel, voire cultuel, sous l’illusion de le toute puissance auto-suffisante du concept, cette attitude ne peut que compromettre notre légitimité culturelle, c’est à dire notre place dans l’enseignement et l’éducation des citoyens en France et en Europe.