Mondialisation et libéralisme

Il paraît nécessaire de tenter d’expliquer en quoi la mondialisation actuelle de l’économie est la cause de la perversion du libéralisme en son contraire: l’ultra libéralisme, authentique despotisme du capital sur le travail. Les causes me paraissent multiples et tiennent moins à la nuisance intrinsèque du capitalisme qu’à son évolution dans un contexte de crise du pouvoir de la régulation de l’économie sociale de marché par les états.

Plusieurs facteurs se rencontrent pour faire de cette crise une crise difficile à surmonter dans les états européens de tradition social-nationale.

Le premier facteur est la mondialisation de l’économie financière et actionnariale rendue incontrôlable par l’effet de la virtualisation des échanges monétaires et boursiers mondiaux et l’existence de banques (et de pays) off-shore défiscalisées dont les opérations sont totalement opaques.

Le second est la segmentation, rendu possible par le premier de la chaîne de valeur qui permet d’optimiser la productivité et la réduction des coûts sur l’ensemble de la planète (délocalisation), faisant du processus de retour sur investissement un processus sans frontière.

Le troisième rendu possible par les deux premiers est le pouvoir sans limite sur l’appareil de production et d’échange des investisseurs institutionnels mis en concurrence entre eux et visant un taux de profit à très court terme (3mois en général, le plus élevé possible (15/20%), sans souci de développement à long terme des entreprises et sans responsabilité sociale vis-à-vis des salariés (ex: fonds de pensions), au détriment donc des salariés menacés en permanence de délocalisation, dans les pays les plus développés sur le plan social (aux coûts de production les plus élevés)

Le quatrième tient au fait irréversible de l’impossibilité des états nationaux d’intervenir sur un plan local sur ce capitalisme mondial et à l’absence de régulation adaptée sur le plan international et/ou européen à cette nouvelle donne du capitalisme.

Le cinquième est le maintien des acquis sociaux adaptés à une période antérieure du capitalisme (national) qui fige la situation des travailleurs stables aux dépens des travailleurs précaires en particulier les jeunes. Cette absence de flexibilité du marché de l’emploi fait que les entreprises refusent d’embaucher par peur de ne pouvoir licencier en cas de "retournement" du marché. Enfin le dernier facteur tient au fait que la mondialisation profite aux consommateurs en permettant de réduire les prix et à améliorer la qualité des produits. Ce qui crée un conflit d’intérêts en chaque salarié entre son statut de salarié et celui de consommateur. (voir le succès formidable de certaines entreprises de diffusion de produits textiles telles "Vet-Affaires" ou celles d’électroniques et informatiques)

Que faire alors?

S’il est impossible de revenir à un modèle économique national-étatiste et protectionniste qui nous précipiterait dans la débâcle économique et sociale en quelques jours, sinon quelques heures; ce qu’ont très bien compris les gouvernements sociaux-démocrates dans les pays d’Amérique latine; la première chose à faire est de mener une politique active d’innovation, ce qui implique des investissement publics européens dans la recherche, le développement et la formation et donc une harmonisation fiscale européenne.

La deuxième chose est de développer les entreprises de services, en particulier aux personnes.

Enfin, à l’échelon européen, mettre en oeuvre, selon un modèle Nord européen dit social-libéral, une politique de soutien active non aux emplois existants (et menacés) mais aux personnes pour qu’elles soient en position de s’adapter à de nouveaux emplois plus en phase avec les besoins très spécialisés de l’économie de demain. Mais il va de soi qu’une régulation progressive mondiale dans le sens de l’élimination des banques off-shore et d’une réduction du dumping social est indispensable (ex: lutte contre l’esclavage et le travail des enfants, exigences sociales minimales imposées aux échanges économiques selon les règles du BIT).

Il n’ y a donc aujourd’hui d’autre choix qu’entre un capitalisme sauvage et monopoliste donc anti-libéral et une nouvelle régulation du capitalisme concurrentiel (ce qui implique le lutte contre le dumping social) à inventer sur le plan mondial et européen.


Le libéralisme est la position qui refuse de sacrifier les droits des individus à quelque forme de despotisme que ce soit.

Or celui-ci peut être politique, idéologique et religieux mais il est aujourd’hui, dans les pays qui se prétendent à tort ultra-libéraux, principalement économique. Lorsqu’une couche sociale transnationale, en effet, monopolise le pouvoir économique de telle manière qu’elle impose ses intérêts hégémoniques sans contre pouvoir suffisant dès lors qu’elle s’empare ou neutralise le pouvoir politique en profitant de la mondialisation (ex: chantage à la délocalisation des capitaux et des investissements), son pouvoir sans limite devient despotique.

Le pouvoir despotique du capital financier transnational est appellé ultra-libéral car il prétend être au service de la liberté économique individuelle socialement dérégulée; mais il s’agit de la liberté des forts contre les faibles, d’autant que cette "liberté" vise à réduire la concurrence qui est, dans une économie de marché, la marque du libéralisme.

Néamoins La mondialisation est aujourd’hui incontournable et est en elle-même positive en cela qu’elle peut tendre à égaliser les niveaux de développement dans le monde; ce qui manque encore c’est une régulation politique internationale capable de s’opposer aux effets sociaux destructeurs et de violence sociale, que sans contre pouvoir politique la mondialisation de l’économie génère.

Ce qui a permis la régulation politique du capitalisme dans un cadre étatique grace à des institutions démocratiques est aujourd’hui menacé par la mondialisation ultra-libérale (traduisez anti-libérale); Or le capitalisme national n’existe plus (et les rodomontades concernant la défense du patriotisme économique sont des illusions absurdes); dans ces conditions tout retour au protectionisme (anti-libéral) serait catastrophique économiquement et socialement; Il n’y a qu’une issue à ce décalage entre l’internationalisation irreversible et non souhaitable de l’économie et le nationalisme obsolète de la régulation sociale, c’est l’internationalisation progressive des droits sociaux , à commencer en l’Europe.

L’internationalisation des droits sociaux est la seule issue libérale, socialement progressiste à la dictature anti-libérale ( traduisez ultra-libérale) du capitalisme financier et spéculatif dérégulé. Ce que déjà A.Smith avait compris, lorsqu’il s’en prenait justement aux effets économiques de la spéculation à court terme, tout en refusant la position protectioniste (anti-concurrentielle) et mercantiliste.
Le 28/03/06


Libéralisme et ultra-libéralisme

La définition du libéralisme est relativement simple à faire sur le plan théorique: le libéralisme économique ou politique, et selon moi il n’y a pas de différence fondamentale à faire, est la position qui donne à chacun la maximum de droits et possibilité de choix sans nuire aux autres. Sur le plan social, l’égalité des chances en est le principe constitutif.

Les droits sociaux sont un des moyens de réaliser cette égalité des chances et des droits pour tous: ils sont donc partie prenante du libéralisme économique et social.

Rien n’est pire pour l’économie qu’une économie monopoliste sans marché (non-concurrentielle) et le fait qu’elle soit d’état fait de ce pire une catastrophe totalitaire, comme nous l’avons expérimenté dans toutes les économies prétendument socialistes ou national-socialistes.

L’ultra-libéralisme est une des variantes de l’économie monopoliste socialement négatrice de l’égalité des droits et des chances. La revendication de la liberté n’est "libérale" que si celle-ci est universelle et cette dernière ne peut l’être que si elle est régulée socialement.

L’ultra-libéralisme ou l’ultra-capitalisme est une variante de l’anti-libéralisme qui du reste ne peut s’imposer qu’en limitant les droits démocratiques. Nous sommes les seuls, en France, dans le monde démocratique, à dénoncer le libéralisme en le confondant avec l’ultra-capitalisme destructeur des libertés (anti-libéral), car nous sommes encore hantés par l’idée historiquement fausse que le tout état (pouvoir politique et économique fusionnés) peut être juste.

Le 29/03/06

Chômage, dividendes et régulation sociale.
par Sylvain Reboul (IP:xxx.x1.188.184) le 17 mai 2006 à 11H15
De deux choses l’une: pour rééquilibrer la part des investissement, voire des salaires directs ou indirects, par rapport aux actionnaires:

-Soit on exige que l’état (re)nationalise les entreprises lse plus imporatntes (retour du programme commun de 1981 dont on connaît la suite) pour accroître la part d’investissement sur fond d’expropiation des actionnaires avant de les reprivatiser (proposition de DSK), mais alors il faut accroître les impôts et ces entreprises se coupent nécessairement, tant qu’elles ne sont pas privatisées, du marché mondial des capitaux privés et du marché des produits et des services pour concurrence déloyale: une entreprise nationalisée ne peut en effet être juridiquement mise en faillite; ce sont toujours aux contribuables actuels ou futurs de payer la dette; elles ont donc un avantage théorique sur les entreprises privées si elle participe au marché concurrentiel, sauf que l’état ne peut plus les financer à la hauteur de leurs besoins.

-Soit on fiscalise davantage les profits non réinvestis et spéculatifs pour favoriser le travail et les investissements productifs à long terme, lesquels exigent aussi une amélioration de la productivité aux dépend du temps de travail soit par le chomage soit par une meilleure répartition), mais alors cela ne relève plus, dans cadre des entreprises et des capitaux mondialisés, d’une décision d’entreprise ou nationale, mais de régulation internationales et une plus grande homogéniation fiscale qui exigent un certain rapport des forces mondial face aux super-géants que sont les USA, la Chine etc...Le keynésisme national est désormais impossible, pas plus que le social-nationalisme. Il ne peut être qu’international ou transnational et, pour commencer, européen, compte tenu de l’importance de ce marché pour nos économies.

En ce qui concerne la France, ceux qui ont mis en échec la construction européenne en votant non au référendum sur le TCE, ont donc, malgré eux, servi la soupe aux actionnaires spéculatifs mondiaux qui tirent avantage de la faiblesse poltique actuelle de l’Europe dont ils sont responsables.
le 17/05/06
Les conséquences du non au référendum sur le TCE


De l'illusion anti-libérale, comme contrepoint illusoire de l'illusion libérale

L’ambiguïté du modèle libéral classique porte sur fait qu'il  est pour le moins autant normatif (transformateur de la réalité) que descriptif et explicatif (connaissance de la réalité), dès lors qu’il exige que les hommes deviennent des "homo-économicus" rationnels au sens étroitement egoiste, que la concurrence devienne pure et parfaite, que l’égalité des chances et de l’accès à l’information et aux savoirs soit réelle etc... pour que l’équilibre libéral autorégulé soit possible.

Or en étant présenté comme descriptif il donne l’illusion que la réalité fonctionne comme le modèle idéal et qu’il n’ y aurait rien à changer au fonctionnement de la société qui serait, parce que réellement libéral (ce qu’il n’est pas), le plus juste possible.

D’où la tentation de refuser l’idéal, confondu avec la réalité, pour combattre une réalité réellement injuste et anti-libérale, quitte à désirer que l’état deviennent le seul régulateur en premier et dernier ressort de l’économie aux dépens, voire à la place, du marché concurrentiel; ce pour quoi il n’a ni les compétences, ni les moyens et surtout ce qui lui confèrerait un pouvoir économique et politique fusionné (non séparé) d’essence despotique dont on connaît certains effets politiquement antidémocratiques, voire totalitaires

Le seul libéralisme politique et économique conséquent ne peut être que correcteur des effets despotiques du capitalisme dérégulé. Si le modèle libéral fonctionnait réellement les profits spéculatifs tendraient vers zero par trop de concurrence ouverte.. C’est aussi du reste ce qui risque encore de se produire si la concurrence s’accroît sur le plan mondial et si les revenus moyens du travail continuent à décroître pour compenser la baisse tendancielle du taux de profit réel; ce qui entraînerait à son tour (cercle vicieux) la baisse de la capacité à réaliser le profit par défaut de demande solvable (accroissement du taux d’exploitation) comme par un retour des analyses de Marx qui voyait déjà dans le libéralisme développé l’anti-chambre d’une révolution socialiste et libérale dont nous n’avons aucun modèle théorique crédible, car proprement utopique

le 25/05/06


Anti-libéralisme et libéralisme authentique

Ce qui est remarquable, c’est que ceux qui attaquent le libéralisme sont incapables de définir l’anti-libéralisme qu’ils revendiquent, sauf à refuser la concurrence libre et non-faussée, ce qui ne peut vouloir dire que deux choses :

Exiger une pseudo concurrence non libre, à savoir faussée par l’état disposant du monopole de la décision économique.

Refuser la concurrence et l’économie de marché au profit soit d’une non-économie du don gratuit administré centralement, soit d’une économie monnaitaire fusionnant le pouvoir politique et le pouvoir économique. Ce qui revient au même.

Dans tous les cas, bonjour le despotisme d’un état omnipotent dont les membres, c’est bien connu, commenceraient à se servir eux-mêmes aux dépens des autres, dès lors qu’ils bénéficieraient , quant à leur pouvoir économique, sinon politique, d’une situation privilégiée non-concurrentielle.

Toutes les économies administrées par l’état contre le marché ne peuvent nécessairement terminer et ont historiquement terminé que comme cela : la dictature d’une minorité de fonctionnaires de l’état total sur l’ensemble des individus, an nom des intérêts transcendants d’un peuple introuvable.

C’est bien pour ne pas avoir à avouer cette imparable logique liberticide que les contempteurs du libéralisme se contentent de critiquer le libéralisme sans dire par quoi il faudrait le remplacer.

1) Tout ce qui peut être reproché au libéralisme ne vaut que pour qui n’a pas compris que ces reproches concernent l’anti-libéralisme de fait des oligopoles et autres monopoles économiques, que ceux-ci soient d’état ou privés.

2) Le libéralisme économique suppose une régulation politique forte pour garantir et faire respecter la libre concurrence, ainsi que l’égalité réelle des droits et des chances de promotion sociale des individus.

3) Les conditions de cette égalité des chances que sont la sécurité personnelle, l’éducation et la santé (l’accès aux soins), l’énergie, les infrastructures essentielles, ainsi que l’environnement doivent nécessairement être placés , sinon hors du marché, pour le moins affectés d’une mission (et donc d’une servitude) de service universel ou service public.

Ces trois points sont, pour un libéral, indissociables : ce qui veut dire qu’il n’ y a pas de libéralisme possible sans régulation politique pour en garantir les conditions juridiques et sociales de possibilité.
 Le 27/09/06


Service public et monopole d'état

Le monopole public ne se justifie que dans les services gratuits non-marchands que les consommateurs ne paient pas directement, mais dans les services marchands avec délégation de service public il est bon d’introduire une concurrence pour faire que l’usager-consommateur-client ait un choix et ait conscience de ce pourquoi il paie, en relation avec le service qu’il paie personnellement ou que les collectivités locales et territoriales -qui sont plus proches de lui que l’état central- le représentent dans la mise en jeu de la concurrence à son profit (appel d’offre avec cahier des charges)

D’une manière générale l’état ne peut être juge et partie, régulateur et producteur de la mise en oeuvre de l’intérêt économique universel dans le secteur marchand. En tant qu’industriel l’état n’est pas nécessairement meilleur gestionnaire et l’expérience montre que n’étant pas soumis à un contrôle économique en aval, ni même en amont du reste, il est plutôt plus dépensier et moins sensible aux évolutions technologiques et à la demande évolutive des consommateurs que le secteur concurrentiel ; la mise en concurrence de France-Télécom et sa privatisation a plutôt servi l’usager que le contraire. Il en est de même de la menace de privatisation d’EDF.

Ceci dit je suis pour le fait que le consommateur ait toujours le choix en ce qui concerne le gaz et l’électricité entre un secteur d’état à prix régulé et un secteur à prix non-régulé concurrentiel et je suis pour la nationalisation des tuyaux sur le territoire français, mais pas de la distribution et de la production !

Cela n’enlève rien au contrôle par l’état et des agences spécialisée indépendantes du fonctionnement des centrales nucléaires, au contraire : les écolos vous diront quelles difficultés ce contrôle rencontre en ce qui concerne EDF qui se veut état dans l’état, c’est à dire juge et partie.

Cette situation doit changer : aux industriels le rôle de producteurs et de distributeurs marchands, à l’état et mieux encore aux collectivités territoriales celui de régulateur indépendant au service du service public.


Le nationalisme économique est une absurdité

1) je ne vois pas comment nationaliser des entreprises internationales qui par nature échappent à la juridiction franco-française, "Total" compris et encore moins avec quels capitaux : parler d’énergie c’est parler des ressources énergétiques et de leur production/distribution à l’échelon international dont la distribution dépend entièrement chez et donc dont nous nous dépendons en tant que consommateurs.

2) Si l'on  pense que l’état ne peut que capituler devant les oligopoles, alors on affirme que la politique étatique-nationale n’a plus aucun pouvoir économique régulateur sur l’économie de l’énergie en particulier et transanationale en général: ce qui est juste si l’on raisonne à l’échelon national ; mais  je tire de cela la conclusion logique que la régulation politique, si elle est possible, ne peut être qu’européenne et mondiale.

Le choix est donc clair :

  - soit un repli sur une politique nationaliste franco-fraçaise que j’appelle sociale-nationaliste avec nationalisation (étatisation de l’énergie) laquelle est absurde (voir point 1) et ne pourrait conduire qu’au désastre que produirait le débranchement de l’économie française par rapport à l’économie mondiale (protectionnisme ruineux + désertion des capitaux)

  - soit la construction d’une régulation poltique internationale (européenne, en ce qui nous concerne). Ce qui exige que l’on refuse l’étatisation d’entreprises qui se conduisent comme de parfaites entreprises capitalistes hors de chez nous tout en se refusant à la concurrence à l’intérieur.

Outre que nous ne disposons pas des capitaux et des ressources énergétiques pour faire bande à part, aucune entente avec nos partenaires ne peut valoir selon cette règle que pratique agressivement l’EDF dans le monde : tout ce qui à moi m’appartient hors concurrence et ce qui est à vous est négociable (achetable par moi).

Le 28/09/06


Les origines de la pensée libérale

Le rasoir philosophique