Heidegger est-il philosophe?


Karl Jaspers à propos de Hitler et du soutien à celui-ci de Heidegger: "Comment un homme inculte peut-il gouverner l'Allemagne?"
Réponse de Heidegger: "La culture importe peu, regardez ses mains magnifiques!"

Heidegger aux étudiants allemands:" Que chaque jour s'affermisse votre loyauté à l'allégence Hitler). Que sans cesse s'accroisse en vous le courage du sacrifice pour le salut de l'essence (l'être (au delà) des étants, s'incarnant exclusivement dans le  peuple allemand) et pour l'accroissement de la force la plus intime du notre peuple (allemand) dans son état"...

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Le style de Heidegger est tellement boursouflé, amphigourique et dramatique, ses arguments, si l’on peut les appeler tels, dès lors qu’ils ne se donnent pas comme rationnels et critiques, sont tellement liés à une interprétation étymologique fantaisiste de l’allemand considéré par lui comme la langue révélante (après le grec ancien) de la philosophie et de la vérité de l’être en tant qu’être de tout les étants (alors que ce terme n’a rationnellement aucun sens déterminable) -Cet être qui, selon lui, à notre époque, se dispense, en s’absentant...-  que l’on en oublie l’essentiel, à savoir qu’il refuse l’individualisme théorique de la pensée critique , la démocratie philosophique et politique et plus généralement toute philosophie de la représentation qui est la tradition le plus féconde de la pensée philosophique occidentale, bref le libéralisme philosophique des Lumières, au profit d’une mystique négative sécularisée (directement issue de la théologie négative) de l’être révélé par lui même contre les prétendus errements ontico-ontologiques de la modernité et de la technique; sauf, bien entendu, lorsque ces dernières lui semblent liées dans le projet hitlerien, véritable incarnation de l’être destinal de notre époque. "Ein Volk, ein Reich, ein Fürher"...

Certains à ce sujet parle de retour à l’ontologie, sans voir que ce retour est une régression intellectuelle, dès lors que sous couvert de l’être comme fondement des existants on peut dire n’importe quoi et surtout refuser de prendre les existants humains en tant que qu’individus singuliers, sentant et désirant (donc empiriques), en considération. Il s’agit bien là d’un anti-humanisme pratico-idéologique (je ne dirais pas théorique) qui a ouvert la porte, voire accompagné et légitimé le génocide. Il n’ y a pas d’éthique de la relation aux autres en tant qu’individus concrets chez Heidegger: le souci de l’être est l’expression d’un refus de se soucier des autres êtres.

Que certains à gauche se réclament de cette parodie para-philosophique romantisée et anti-moderne, dépourvue de tout concept opératoire rigoureux , et de toute argumentation rationnelle, montre seulement que la haine de la démocratie et de la modernité n’est pas l’apanage de l’extrême droite.

Ceci dit certains propos de Heidegger, sur la technique, la poésie et le temps, peuvent susciter la réflexion et il serait peu philosophique de la refuser au nom du fait que cette prétendue philosophie n’est pas rationnelle, de même qu’il est non philosophique de refuser d’examiner d’une manière critique les différentes idéologies religieuses en ce qu’elles peuvent apporter de questions et de réponses philosophiques possibles à la réflexion critique. Mais, pour ce faire, il convient de s’arracher à l’effet de sidération ou de fascination pré voire anti philosophique que provoque le rhétorique neo-romantique, voire neo-religieuse ("seul un Dieu, après Hitler, a-t-il dit, peut nous sauver!") de cet auteur
.


Heidegger est-il un "penseur" nazi?
" 
Heidegger
"Le Fürher lui-même (ou en soi) est le seul qui est la réalité allemande présente et future et sa loi."
 
«Les Juifs, ont un don particulièrement accentué pour le calcul » et une «aptitude tenace pour [...] le trafic et la confusion» . Ils renforcent "la machination a qu'est la rationalisation alliée à la technicisation de l'Occident ... et ont empêché ce dernier de trouver un accès à «l'Être». La "juiverie mondiale , sans attache, car « sans monde » (ou immonde) dont la conspiration aurait « déraciné » l'Occident, explique la guerre à laquelle l'Allemagne a été confrontée».
"Mais pourquoi à cette limite extrême de la perturbation de sa vérité sans fondement, l'Être échoue-t-il à la nécessité de sa fondation ! Pourquoi abandonne-t-il l'étant au subterfuge dans l'autre race ?"
"C'est seulement là où la subjectivité inconditionnée de la volonté de puissance devient vérité de l'étant dans sa totalité que le principe de l'institution d'une sélection raciale, c'est à dire non pas une simple formation de race se développant à partir d'elle même, mais la pensée de la race se sachant elle-même, est possible, c'est à dire métaphysiquement nécessaire"
"La communauté Juive est dans l'espace-temps de l'accident chrétien, c'est-à-dire de la métaphysique, le principe de destruction. Elle est ce qui est destructeur dans le renversement de l'achèvement de la métaphysique, c'est-à-dire de la métaphysique de Hegel par Marx. L'esprit et la culture deviennent la superstructure de la l'économie : c'est-à-dire de l'économie, de l'organisation, du biologique, du  peuple" (Cahiers noirs) 1944-45
"L'Europe veut encore se cramponner à la démocratie et ne veut pas apprendre à voir que cette
dernière équivaudrait à sa mort historique, car la démocratie n'est, comme Nietzsche l'a clairement vu, qu'une variété vulgaire du nihilisme"... « Le sérieux de ce savoir ne se choque pas de ce qui est censé être "bon" ou "mauvais", ni du fait qu'on laisse s'effondrer la tradition ou du fait qu'on fasse en sorte de la maintenir, il ne se choque pas plus devant la bonté du coeur ou la brutalité de la violence. Il ne regarde que ce qui est"... "Dans quelle mesure le nazisme ne peut jamais être le principe d'une philosophie, mais doit toujours être établi sous la philosophie comme principe.Dans quelle mesure, cependant, le national-socialisme peut probablement recouvrir certaines positions déterminées et peut donc avec cela obtenir une nouvelle position de fondation de l'Être. Mais ce ne sera que sous la condition préalable qu'il se reconnaisse dans ses propres limites, c'est à dire se rende compte qu'il n'est vrai que s'il est apte à venir en l'état de libérer et de préparer une vérité originelle"..." "Une des formes les plus dissimulées et  peut-être la plus ancienne du gigantesque est l'opiniatre compétence pour la comptabilité et le trafic ainsi que la tendance à tout mélanger, par lesquels est fondée l'absence de monde du judaïsme."


Tout système philosophique est potentiellement totalitaire au sens où il prétend enfermer la pensée de la vie, donc la pensée et la vie, dans une cohérence conceptuelle dont on ne peut s'évader qu'en le contestant radicalement dans ses principes fondamentaux , mais aussi dans les conséquences prétendument logiques que l'auteur croit pouvoir tirer de ces principes. Tout système philosophique a tendance, en effet, à ramener la réalité même de l'expérience vivante à une totalité homogène d'idées indissociables, alors que la vie est toujours plurielle et, sinon logiquement contradictoire, présentant au moins des d'oppositions d'idées insolubles, car réellement irréductibles.

Bien sûr aucun système philosophique n'atteint son objectif et c'est tant mieux pour la liberté critique, c'est à dire la liberté de penser et de vivre. Ainsi Hegel, contrairement à son ambition apparente, n'a pu produire aucun savoir absolu, même partiellement, si cela peut avoir un sens. Mais sa conceptualisation systématique est suffisamment claire pour que l'on puisse contester, dans son principe même et dans les conséquences nécessaires qu'il croyait en tirer, le sens ultra-rationalisé qu'il donnait à sa dialectique devant nécessairement conduire au savoir absolu, au prix d'une quasi-déification dogmatique de son système du monde en évolution historique vers ce but.

Avec Heidegger il n'en est rien : sa vision principale, qu'il donne explicitement comme post- et anti-philosophique (ou métaphysique), de l'Être des étants (humains compris) est tellement vague et négative, qu'elle n'autorise aucun conséquence positive, seul s'affirme, à travers elle, son refus des sciences comme connaissance ou pensée véritable, de la démocratie individualiste, de la modernité, des droits de l'homme, de la technique moderne, sauf sous sa forme nazie anti-démocratique etc... La séduction que cet auteur exerce sur certains esprits qui en sont les émules, procède du fait que sa « pensée » dé-conceptualisée à outrance, est à la fois vague et gluante de telle sorte qu'on croit pouvoir en faire tous les usages possibles alors qu'on reste enfermé en elle en croyant être libre d'en dire n'importe quoi et d'en tirer toutes les conséquences politiques et éthiques que l'on veut. Cela peut se faire sans la mettre en cause dans son langage abscons ultra dramatisé, voire melo-dramatique, dont l'argumentation n'est que pseudo-linguistique, et surtout sa visée centrale qui concerne une révélation indicible de l’Être des étants et particulièrement de l'étant humain (Être pour la mort!) qui l'ont conduit, au contraire de certains de ses émules, à pouvoir adhérer au nazisme, voire à le justifier. La para-philosophie de Heidegger, en ce sens, est une anti-philosophie qui tente de sortir de la conceptualisation et de l'argumentation logique et empirique pour piéger dans le marécage et la sable mouvant de ces inventions linguistiques néo- romantiques, les déçus des philosophies rationalistes des lumières, voire de toute la philosophie depuis Platon. Il est temps de démystifier, non seulement sa prétendue philosophie, mais surtout le rôle central que certains, particulièrement en France, croient pourvoir encore lui faire jouer dans la pensée contemporaine. L'obscurantisme anti-moderne est toujours un recul inquiétant de la liberté de penser, il est toujours liberticide, quelles que soit les causes, même libérales, qu'on l'on croit à tord pouvoir, grâce à et envers lui, prétendre servir. Il cherche en permanence à sortir un peuple, en l'occurence le peuple allemand chez Heidegger, voire une race au sens, non pas biologique, mais culturel du terme (ce qui peut être pire), d'une décadence induite par un élément étranger greffé sur lui, en l'occurence les juifs, chez cet auteur. Verfall=Bödenlosigkeit dit Heidegger. La chute hors de l'Être, la décadence d'un peuple réside dans son déracinnement, ce qu'était la vérité essentielle  des juifs pour Heidegger. Cette juiverie (die Judentum) a perverti le peuple allemand de l'intérieur mais aussi l'ensemble du monde occidental qui lui fait la guerre. Ce pourquoi les nazis auraient dû et pu être, s'ils avait écouté Heidegger, les sauveurs de la Vérité de et dans l'Être, de l'enracinnement du peuple dans sa terre et dans son sang (Blut und Boden) . Encore fallait-il qu'ils s'engagent à la destruction ou à l'anéantissement culturel et non pas seulement physique de la pensée asiatique dans son expression la plus délétère: la pensée cosmopolite commerçante et calculante induite par la juiverie mondialisée. Cette infection corruptrice généralisée a provoqué l'oubli de l'Être (allemand) au profit des seuls étants calculables et profitables, en un monde sans frontières inessentiel et corrompu. Il convient d'aller, selon Heidegger,  jusqu'au bout de cette perte pour sortir de "l'oubli de l'oubli" de l'Être, qui reste une décision d'absence historiale de celui-ci , sortie dont le nazisme n'a été qu'une annonce déçue. La vision de cet auteur est donc plus radicale encore que celle des nazis vis-à-vis de l'enjuivement du monde qu'il s'agit d'anéantir (Die Vernichtung)...C'est pourquoi loin d'être un anti-nazisme, comme certains cherchent à nous le faire croire, cette vision extrémise sur la plan ontologique le projet nazi dans ce qu'il a de plus délirant: débarrasser le monde et d'abord l'Allemagne, de la pensée rationnelle critique et individualiste en cours de mondialisation. 

"Leur dernier acte  (des juifs et de tout ceux qui sont sous leur vision calculante -cf Einstein et la bombre atomique-, même les nazis) sera que la terre elle-même explose en l'air (bombe atomique) et que l'humanité actuelle disparaisse. Ce qui n'est pas un malheur, mais plutôt le premier nettoyage de l'Être (apprécions le terme de  premier) , de sa profonde défiguration par la suprématie de l'étant." A osé écrire Heidegger.

C'est quand même étrange que cerrtains peuvent, à la fois, se dire démocrates sur le plan des valeurs politiques et aussi radicalement en accord avec l'ontologie historiale et destinale de Heidegger dont la vision politique est de son propre avis, si conforme à cette ontologie historiale anti-philosophique, anti-humaniste...et anti-lumières. Ma position qui consiste à refuser l'ontologie de Heidegger au nom des valeurs humanistes qui sont les miennes doit être, selon cet auteur, une ruse de l'Être destinal qui se dispense chez moi en s'absentant, ce dont du reste je ne souffre pas. C'est sans doute, selon lui, là ma souffrance: celle de n'en être pas conscient et de ne pas souffrir de ma souffrance , c'est à dire d'en souffrir ontologiquement et non pas "ontiquement". Ce qui, si j'ai bien compris Heidegger (mais qui peut penser l'avoir bien compris?), relève plus de l'Être, comme destin, que de moi-même en tant qu'étant responsable.

Mais, en, réalité, Je ne suis pas dans l'oubli inconscient de l'Être avec un grand Ê, je suis dans  l'affirmation que ce terme ne veut rien dire et que être et étant sont une seule et même chose,. Dès lors que le terme d'être signifie être quelque chose, être en relation avec quelque chose, il est une simple copule verbale du discours qui parle et se représente les choses. De Heidegger je n'ai rien à calculer (raisonner) donc à faire ni dans le domaine théorique, ni dans le domaine pratique. Ce par quoi je suis ce qu'il déteste le plus, infesté par l'esprit de la  juiverie philosophique ou « asiatique » depuis Platon. Et je suis plutôt content d'être dans ce qu'il appelle improprement la métaphysique de la représentation, car sans elle je n'ai rien à penser, ni à dire.
Citation de Heidegger: "il n'y a pas de philosophie de Heidegger". Cette affirmation faite à de très nombreuses reprises est d'une vérité criante: en effet sous la forme d'une métaphysique qu'il appelle onto-théologique il a voulu consciemment détruire toute la philosophie. Face à l'échec du nazisme qui selon lui n'a pas été suffisament radical sur le plan intellectuel (pas assez "barbare") pour se libérer de la philosophie, il en vraindra à penser qu'il faudra attendre l'effondrement de la culture occidentale, asiatique et enjuivée, dont le nazisme n'a été qu'une annonce inconséquente et inaboutie, pour qu'il y soit mis fin par "décision" de l'Être destinal dont il se voulait le berger. La logorrhée irrationaliste et hyperbolique de Heidegger est une bulle spéculative grandiloquente
et ultra-nationamiste de la post-philosophie. Une seule attitude heideggerienne vis-à-vis de cette post-philosophie me parait convenable:  Die Gelassenheit.

"L'idée que nous avons un besoin spécial de Heidegger pour comprendre la nature réelle du nazisme devrait susciter avant tout une franche hilarité." (Bouveresse)

"Heidegger était un camelot  philosophique, qui n'a apporté sur le marché que des articles volés. Tout, chez Heidegger, est de seconde main, il était et il est le prototype du penseur à la traîne à qui tout, mais alors vraiment tout, a manqué pour penser par lui même." (Thomas Bernard)

Le 02/09/2014

Dieu l’être et la nature; dialogue autour de Heidegger et de Spinoza

Heidegger, les sciences et la technique



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