Si c'est non c'est non, si c'est oui c'est oui

Dialogue entre Jacques Bonniot , philosophe, et Sylvain Reboul
Jacques Bonniot:

Porque no, porque si...


Après lecture et mûre réflexion sur le traité, voici quelle est ma position ou plutôt les contradictions auxquelles je suis arrivé.

Je ne vois pas comment ne pas voter "oui" aux deux premières parties (affirmation de l'égalité de toutes les personnes en droit, de l'égalité homme/femme, affirmation de la dignité de la personne humaine, condamnation de la torture et des traitements inhumains, de la peine de mort, etc.) Je ne vois pas comment ne pas voter "non" à la troisième partie - sauf à etre soi-même un ultra-libéral à la Madelin et par conséquent a se sentir parfaitement à son aise dans cette cote mal taillée.
Tout d'abord, je ne pense pas - sauf oubli de ma part - qu'il y ait de précédent au fait de graver dans le marbre d'une constitution la politique économique qui doit être menée de manière "illimitée" (Article IV-446) etc.., une entité politique, en l'occurrence l'Union Européenne, quelles que soient les alternances politiques à venir, et la volonté future des peuples d'Europe.
En l'état actuel du texte, la Illè partie de la constitution contraindrait tout gouvernant politique élu à mener une politique économique libérale, quels que soient son programme et la volonté de ses électeurs.  L'argument proposé par Jacques Delors (allait-on abroger les traités aujourd'hui en vigueur, signés et ratifiés par la France ? Le Nouvel Obs p.11) est bien évidemment absurde.
RIEN N'OBLIGEAIT A LEUR CONFERER VALEUR CONSTITUTIONNELLE

Seule question qui compte ,
L'argument consistant à dire : bien sûr le texte est mauvais, mais rien n'empêchera d'en changer, ou même on pourra toujours ne pas l'appliquer, pitoyable et mérite à peine d'être relevé.

La Illè partie mélange par ailleurs de pures déclarations d'intentions et des voeux pieux sans aucune portée (l'Union vise la prospérité et le progrès, cela ne mange pas de pain ... ) et des lois extrêmement contraignantes qui reprennent tous les dogmes de la pensée libérale et les érigent en cadres appelés à prévaloir sur la volonté souveraine des peuples d'Europe, figeant ainsi pour l'avenir l'engouement actuel et la mode libérale, appelés à passer comme toutes les modes.
Par ailleurs, comment ne pas voir la dissymétrie entre les lois contraignantes du marché, et la "libre concurrence" inscrits dans la Constitution d'une part, et la possibilité, d'autre part, d'une politique sociale ?
Je trouve donc peu sérieux de jouer au petit jeu de Jacques Delors : "libre concurrence" cité 27 fois, "social" 89 fois.  La confrontation des phrases et du contexte fait apparaître toute la différence entre le contraignant et le possible.
Bref, si à partir de là vous pouvez déduire ce que je voterai au référendum, vous me rendrez un fier service.
Dans l'attente de vous lire, cordialement à tous, Jacques.
Sylvain Reboul:

Si c'est oui, c'est oui


Je pense que tu fétichises le terme de constitution en accordant à ce texte une valeur qu'il n'a pas: celle de présider à la fondation d'un état uni par un projet politique identique qui "garantirait" une politique sociale déterminée, ce que ne peut pas être une constitution en général et encore moins un TRAITE INTERNATIONAL; la politique sociale reste de la compétence des états et je vois pas pourquoi nous laisserions les autres décider de ce qu'elle devrait être dans l'état actuel de l'union . Ce traîté international "à valeur constitutionnelle" est d'ailleurs, à certains égards  plus  social que la constituton française en particulier en ce qui concerne la question des femmes, le mariage etc..

Mais le fond de l'affaire est ailleurs, car il porte sur la question du libéralisme économique: dans la mesure où je  ne vois pas quelle autre alternative tu peux proposer à l'économie de marché, sauf une économie dirigé et administrée par l'état dont je doute que tu sois partisan, je considère que tu ne peux être contre le principe de la concurrence libre et non faussée; ce qui laisse entiere la question du service public indispensable, de son domaine et de ses formes statutaires (institution d'état, firmes privées avec mission de service public, entreprise d'économie mixte etc) et qui relève de chaque état; et heureusement, car je vois mal l'Angleterre ou la Pologne décider  pour nous. Tout ce qui est dit c'est qu'une entreprise d'état ne peut sans fausser la concurrence être subventionnée pour racheter des entreprises capitalistes étrangères par exemple allemande ou italienne (voir EDF) et se préserver de toute concurrence sur son propre marché et profiter de sa situation pour vendre ses produits à des prix défiant toute concurrence afin de conquérir une situation de monopole capitaliste ailleurs que chez elle.
En vérité il n'y a pas qu'un seul modèle libéral et "l'économie sociale de marché" en Allemagne par exemple (terme repris par le traîté) que je connais de près n'est pas un vain mot; bien que les services publics aient une autre forme qu'en France; il sont au moins aussi efficaces (ex: les Kreissparkasse et les caisses de sécurité sociale concurentielles) et je ne vois pas pourquoi une constitution européenne leur imposerait un modèle dont ils ne veulent pas (l'inverse est aussi vrai): tu ne peux quand même pas exiger que les 24 autres états se plient au mode régulation publique à la française! Et sur le plan philosophique il y a au moins deux modèles libéraux anglo-saxons: celui d'A.SMITH et celui de START-MILL qui sont non seulement différents mais opposés, je suis en train de travailler la question et je vais bientôt mettre en ligne ce débat  entre Smith et Stuart-Mill dont le libéralisme est très proche de l'acceptation nord-américaine de ce terme.. Tout ça pour te  dire qu'il ne faut pas lire la partie III en oubliant la partie II qui ne sont contradictoires pour toi que parce que tu connais mal la pensée libérale et le débat interne qui l'anime dès l'origine, comme en général en France où l'on en  connait que sa caricature dite neo-libérale (et encore). Le refus du compromis revient toujours à choisir, au nom d'un bien irréaliste, le passé aux dépens du mieux possible donc de l'avenir, en l'occurence choisir Nice encore plus rigide et encore moins social et démocratique que le traîté qui nous est soumis

Celà dit, la lutte  entre ces deux modèles du libéralisme (le modèle de dictature sans limite du capital financier et celui de la régulation du marché en un sens plus juste et plus démocratique, disons plus social ) doit se poursuivre au travers des usages et interprétations opposés des termes du traîté, et c'est parce que ce texte permet cette lutte en inscrivant le rôle de syndicats et des associations et les droits sociaux fondamentaux dans la vie économique et sociale et en donnant plus de pouvoir aux parlements européens et nationaux que ce compromis à valeur constitutionnelle a été acceptée par la quasi totalité des syndicats sauf deux français (!): FO et CGT (au départ c'était 100%) et la CES qui  a participé directement (voir la convention très démocratique qui en a été la source) à son élaboration.
La seule critique que l'on puisse faire c'est que cette constitution  interdit  une prétendue économie de marché étatisée,  mise à part le domaine du service public ou d'économie d'intérêt général qui doit rester sous le contrôle et soumis au cahier des charges des états ou des collectivités territoriales; mais au vue des expériences historiques que nous savons, je ne m'en plains pas. Vouloir que l'Europe se plie au modèle français est d'une impudence historique folle, elle exprime selon moi le refus par certains français franchement franchouillards (de droite comme de gauche) de l'Europe dans sa diversité et sa richesse; laquelle pourrait aussi nous donner matière à réfléchir; mais veut-on réfléchir ou dire merde au réel (y compris le nôtre) pour rester douilletement entre nous, dans notre mythologie rhétorique républicaniste  franco-française?.

Amicalement, Sylvain
Jacques Bonniot

Quelques réactions rapides à ta réponse :

- Tu dis que le texte n'est pas une constitution mais un traité international. Je pense que
tu vas avoir du mal à mobiliser pour le oui sur cette base là. Rétrospectivement, ce traité,
une fois adopté, sera bien la constitution de l'Union Européenne. Article I 7 "L'Union a
une personnalité juridique", sa charte fondamentale sera bien le traité qui nous ectactuellement
soumis par référendum. -Le principe de vérification de la constitutionnalité des lois et des
décisions de l'union Européenne s'appliquera bel et bien. Une loi en contradiction avec
le traité constitutionnel sera par là-même rejetée. - Si on laisse à la politique économique
européenne le statut de traités qu'elle a actuellement, on pourra réviser les traités existants
par d'autres traités, comme ceux de rome, de Nice, etc. : ce qu'un traité a fait, un autre
traité pout le défaire ou le parfaire. On ne met pas sous tutelle économique la volonté
souveraine à venir des peuples d'Europe dans 10, 50 ou 100 ans. - Si en revanche
on inscrit le contenu de ce traité dans la Constitution (du jamais vu !!), il faudra une
révision constitutionnelle à l'échelle de l'Europe pour le modifier.. no comment. -
Cet argument selon lequel le Traité ne serait pas une Constitution mais un traité
international est-il à prendre comme un aveu du fait que la IIIè partie de ce texte
n'a rien à faire dans une constitution ? Je n'ai pour ma part entendu encore personne
défendre sérieusement l'idée inverse... elle me semble indéfendable. Tu dis qu'il n'y
a pas d'alternative en dehors du marxiste et du libéralisme... tout en reconnaissant
en même temps que ce n'est pas le "véritable" libéralisme (qui n'est donc sans doute
qu'une chimène, un idéal de plus puisqu'il n'a jamais existé nulle part) qui est pratiqué
aujourd'hui... cherchez l'erreur.Qui pouvait, avant le XIXème siècle, prévoir le type
d'organisation à la fois politique  et économique conçu par Marx au XIXè siècle ?
Qui peut imaginer aujourd'hui quels types d'organisations politiques et économiques
pourront être imaginés et essayés par les hommes d'ici 50, 100, 200 ans ? Ne figeons
pas dans le marbre d'une constitution nos engouements actuels et récents. Vois à
l'échelle d'une vie d'homme combien d'intellectuels ont changé de casquette, défendant
sans réserve le marxuslme quand il étaitl"idéologie à la mode, défendant avec le même
zèle le libéralisme aujourd'hui pour les mêmes raisons. Je me rappelle parfaitement quand
on nous expliquait que le triomphe du prolétariat était inéluctable, quoi qu'on fasse et
quoi qu'on veuille... vois ce qu'il en estaujourd'hui. Fukuyama dit la même chose du
libéralisme aujourd'hui, cela me laisse de marbre, tout comme me laissait de marbre
l'affirmation précédente. De telles affirmations sont de toute façon détestables, puisqu'elles
constituent la négation même de la politique, et même plus grave : du politique, qui suppose
la réalité d'unchoix, donc la possibilité effective d'au moins 2 rdirections à prendre. Là
 tout le monde nous dit : vous n'avez pas le choix, il faut voter oui, c'est la bonne réponse".
 Tout pro-européen doit voter oui au texte qu'on lui soumet même s'il le juge mauvais.
A la virgule près, Delors et Jean-Claude Juncker disent exactement la même phrase :
"Il n'y a pas de plan B". Si cela est vrai, je ne puis que voter non, pour sauver la politique,
pour ouvrir une crise qui sauverait la possibilité même de l'action et de la parole politique.
Qu'en est-il réellement ? Tu diqs qu'il n'y a aucune cohérence au vote "non", que par
conséquent les politiques ne pourront rien en faire. Il serait trop facile, mais stérile,
de te répondre qu'il n'y a aucune cohérence non plus au vote "oui", ce qui illustre
bien toutes les ambiguïtés du texte qui semble esquiver les problèmes plutôt que
les affronter. Je réponds ceci : supposons que le non l'emporte, ce qui semble
au jour où j'écri l'hypothèse la plus probable en France. Quelle serait la réaction
intelligente de la classe politique, si l'on ne veut pas s'enliser dans la crise ? Supprimer
la section III du Traité constitutionnel (tout comme le danemark, à qui l'on avait promis
l'apocalypses'il votait on à Maastricht, qui a voté non et s'est vu soumis, quelques mois
plus tard, un texte plus conforme à la volonté du peuple, texte qui a été adopté.)
Si l'on supprime la IIIè partie de la constitution, et que l'on laisse aux dispositions
de politique économique le statut de traités révisables par d'autres sommets et
d'autres traités (lesquels traités resteront mécaniquement en vigueur si la constitution
est rejetée ou adoptée amputée de son absurde IIIè partie : il n'y aura donc aucun
vide ou "chaos" politico-économiques comme certains tentent dele faire croire),
le phénomène du "non" de gauche disparaît. Le camp du "non" est restreint à
une peau de chagrin corr'espondant à l'électorat Le Pen + de Villiers. Le "non"
tourne alors en France autour de 16-22% des voix, et l'on se retrouve dans le
cas de figure du 2ème tour de l'élection présidentielle de 2002 : la constitution
est adopée avec 80-82 % des voix. Où est l'impossiblité de "déchiffrer" le message
du vote "non" et du rejet de la constitution par la souveraineté populaire ?
Pour peu que la classe politique prenne ses responsabilités et mette sonmouvoir
sur sa fierté, le message des électeurs serait on ne peut plus clair et la solution
presque évidente. Quoiqu'a priori plutot porté à voter oui (comme pour Maastricht,
il y a encore 2 mois je n'avais encore aucune hésitation sur mon vote), j'en viens
presque à souhaiter le triomphe du "non" pour réouvrir la possiblité d'une pensée,
d'une parole et d'une action politiques que tous les partisans maladroits du "oui"
me semblent mettre de plus en plus à mal par leur argumentation bien maladroite
(c'est cela ou rien, pas de plan B, vous n'avez qu'à signer là où on vous le dit...)
Je combattrais (sur le plan politique) le contenu de la IIIè partie du Traité, que je juge
 mauvais ; je m'opposerais par tous les moyens à ce qu'on en fasse un des piliers
de la constitution de l'Europe à venir. Cordialement, Jacques Bonniot.



Sylvain Reboul
Autres arguments en faveur du Oui au oui

Le premier est que cette "constitution" est d'abord un traité international et qu'il faut accepter des compromis si l'on veut travailler avec les autres qui ne sont pas forcément en accord avec notre conception franco-française du rôle de l'état dans la vie sociale. par exemple la question du service public est ouverte quant à ses formes, y compris en France (institutions d'état, entreprises d'économie mixte,missions de service public assurées par des entreprises privée sous le contôle et répondant à un cahier des charges définit par la puissance publiques ou territoriale etc..). Mais ces différences d'approche sont plutôt une richesse qu'une menace et chacun peut s'inspirer des autres pour améliorer le fonctionnement des dits services publics (ou d'intérêt économique général) dont  la tradition française n'a pas le monopole de l'efficacité. De plus sur ce point chaque état reste maître chez lui et heureusement qu'aucune décision européenne ne peut venir dicter à chaque état ce que doivent être les services publics, compte tenu des différences actuelles qui portent  moins sur les fins que sur les moyens (je vis en Allemagne et je peux vous donner mille exemples) .
Ce traité international "à valeur constitutionnelle" est d'ailleurs, à certains égards  plus  social que la constitution française en particulier en ce qui concerne la question des femmes, le droit des enfants etc...Il serait absurde d'exiger qu'un traité international soit plus radical et fermé encore  que la constitution française elle-même, qui, elle, laisse ouverte l'organisation des services publics, y compris d'éducation (voir l'enseignement privé financé par des fonds publics), les Statuts de la SNCF, d'EDF, de la Poste n'ont rien de constitutionnels et sont laissés à la décision politique; ce qui est normal: une constitution n'est pas un programme politique

 Mais le fond de l'affaire est ailleurs, car il porte sur la question du libéralisme économique: dans la mesure où je  ne vois pas quelle autre alternative vous pouvez proposer à l'économie de marché, sauf une économie dirigée et administrée par l'état, je considère que vous ne pouvez pas être contre le principe de la concurrence libre et non faussée que vous utilisez tous les jours en faisant vos courses; ce qui laisse entiere la question du service public indispensable, de son domaine et de ses formes statutaires (institution d'état, firmes privées avec mission de service public, entreprise d'économie mixte etc) et qui relève de chaque état; et heureusement, car je vois mal l'Angleterre ou la Pologne décider  pour nous. Ce qui est dit c'est qu'une entreprise d'état ne peut sans fausser la concurrence être subventionnée pour racheter des entreprises capitalistes étrangères par exemple allemande ou italienne (voir EDF) et se préserver de toute concurrence sur son propre marché en profitant de sa situation pour vendre ses produits à des prix défiant toute concurrence afin de conquérir une situation de monopole ailleurs que chez elle. De plus lorsque une entreprise ayant mission de service économique d’intérêt général fournit des services et prestations marchandes, elle se doit, dans l’intérêt du public ou des usagers, de s’ouvrir à la concurrence selon des rêgles qu’il revient à l’Europe de définir (conseil et parlement) à la majorité qualifiée (ce qui est le moyen le plus démocratique) ; rêgles qui ne relèvent pas de la constitution mais dont elle prévoit la nécessité.

En vérité il n'y a pas qu'un seul modèle libéral et "l'économie sociale de marché" en Allemagne par exemple (terme repris par le traîté) que je connais de près n'est pas un vain mot; bien que les services publics aient une autre forme qu'en France; il sont au moins aussi efficaces (ex: les Kreissparkasse et les caisses de sécurité sociale concurentielles) et je ne vois pas pourquoi une constitution européenne leur imposerait un modèle dont ils ne veulent pas (l'inverse est aussi vrai): vou ne pouvez quand même pas exiger que les 24 autres états se plient au mode régulation publique à la française! 
Sur un plan plus philosophique il y a au moins deux modèles libéraux anglo-saxons: celui d'A.SMITH et celui de START-MILL qui sont non seulement différents mais opposés, je suis en train de travailler la question et je vais bientôt mettre en ligne ce débat  entre Smith et Stuart-Mill dont le libéralisme est très proche de l'acceptation nord-américaine de ce terme.. Tout ça pour vous  dire qu'il ne faut pas lire la partie III en oubliant la partie II qui ne sont contradictoires pour vous que parce que vous connaissez mal la pensée libérale et le débat interne qui l'anime dès l'origine, comme en général en France où l'on n'en  connait que la caricature dite neo-libérale (et encore).

Ainsi le refus du compromis revient toujours à choisir, au nom d'un bien irréaliste, le passé, aux dépens du mieux possible donc de l'avenir, en l'occurence choisir Nice encore plus rigide et encore moins social et démocratique que le traîté qui nous est soumis.
Sur la question de la démocratie précisément je pense que vous faites une confusion entre un alliance entre des pays différents qui doivent combiner des formes de coopérations et d'oganisation des pouvoirs entre les états et une démocratie que vous semblez ne reconnaître comme authentique que directe (laquelle peut d'ailleurs devenir l'antichambre de la dictature) qui est impossible dans un tel cadre, tant la diversité sociale, culturelle et politique est encore grande (et je m'en félicite). Il y a une autre manière d'être souverainiste : c'est celle qui veut que tous les autres se plient sans conditions à notre conception jacobine et uniformisante de la démocratie . Le projet, en accordant au parlement européen un droit de codécision et aux parlements des états  un droit de consultation sur la questiçon des compétences entre les états et l'union, rééquilibre les différents pouvoirs en un sens plus transparent et plus favorable au débat public, c'est donc un progrès sur le traîté de Nice. Et il est bon à prendre, d'autant qu' à le refuser, nous ferions le jeu de ceux qui ne veulent que d'un grand marché sans rêgles.

Les pouvoirs de l’Eurogroupe / Ecofin sont renforcés par le nouveau traîté . Ce qui permettra de faire plus de pression sur la banque européenne dont "l'indépendance" juridique (mais pas politique car cela est impossible), disons l'autonomie relative (comme par exemple celle du pouvoir judiciaire),  est aussi une garantie contre la confusion des pouvoirs (ce que les Allemands savent en ce qui concerne Hitler qui n'a pu mener la politique de guerre que l'on sait qu'en supprimant tout autonomie de la banque nationale allemande); La séparation des pouvoirs est aussi un fondement de la démocratie
Enfin le mode de calcul de la majorité qualifiée permet plus de combinaisons gagnantes, ce qui facilitera la prise de décision;  les coopérations renforcées soumises à l'unanimité car on voit mal qu'elle puissent se faire contre ceux qui n'en sont pas, le rôle du président de l'Europe élu pour deux ans (c'est pas l'éternité) et du futur ministre des affaires étrangères renforceront l'efficacité de l'Union.

 La seule critique que l'on puisse faire (et c'est celle qui transparaît dans votre texte),c'est que ce traité constutionnel interdit une prétendue économie de marché étatisée,  mise à part le domaine du service public ou d'économie d'intérêt général qui doit rester sous le contrôle et soumis au cahier des charges des états ou des collectivités territoriales; mais au vue des expériences historiques que nous savons, je ne m'en plains pas. Chaque consommateur, c'est à dire chacun de nous sait utiliser la concurrence lorsqu'ils fait ses courses et je doute que l'état puisse mieux satisfaire ses besoins; nous savons le désastre d'une économie entièrement controlée par l'état, non seulement économique mais sociétal (corruption, totalitarisme etc..)

Vouloir que l'Europe se plie au modèle imaginaire et mythique français est d'une prétention et d'une impudence historiques folles (paranoïaques) , cette attitude exprime selon moi le refus par certains français franchement franchouillards (de droite comme de gauche) de l'Europe dans sa diversité et sa richesse; laquelle pourrait aussi nous donner matière à réfléchir; mais veut-on réfléchir ou dire merde au réel (y compris le nôtre) pour rester douilletement entre nous, dans notre mythologie rhétorique républicaniste  franco-française?.

Refuser ce traité c'est, selon moi,  refuser de faire progresser l'Europe réelle en construction, tant il est vrai que ce texte est tout aussi amendable que les précédents: ne faisons pas du fétichisme en accordant une valeur absolue (gravée dans la marbre, quelle blague, il n'est que de voir le nombre impressionant des modifications de la constitution française ces dernières années) à un texte qui comme tout texte est et reste historique. Rien en politique n'est sacré et ne faisons pas de la politique une religion!
J'aurais moi aussi préféré que la partie 3 ne soit pas "dans" la traîté , mais mise en rappel en une annexe qui résume les accords passés. Quoi de plus enthousiasmant que les grands principes? Mais cette inclusion a été exigée par des partenaires qui voulaient récapituler ce qui a fait l'Europe telle qu'elle est déjà afin  avancer sur des bases claires qui interdisent un retour du protectionisme nationaliste et/ou à une économie de monopole sans concurrence (Ce dont tu ne veux pas non plus). Pour tout le reste le débat reste ouvert entre les partisans du "tout marché sans rêgles" (et ils ne sont pas majoritaires, loin de là) et ceux qui veulent  préserver un service public non marchand et d'intérêt économique général mixte; ce débat sera tranché au niveau des différent états (principe de subsidiarité) et  les rêgles de coordination, dès lors que la concurrence sera concernée,  fera l'objet de lois ordinaires prises à la majorité qualifiée (conseil et parlement) ce qui est un progrès par rapport à la situation actuelle.

Qu'est-ce qu'un traité international? Déjà Kant avait traité cette question dans   son  "Traîté de paix perpétuelle". Alors bonne lecture...
Commentaire critique de Jacques Bonniot

02/05.

S. R. : >>>> "La conséquence la plus probable face au vide est que l'on nous
rebricolera un autre traité à peu près identique, sinon pire sur le plan
social, mais que l'on ne demandera plus aux français de se prononcer par
référendum. Dire non au référendum sur l'Europe, c'est dire non à la
procédure du référendum , et pour longtemps..."


JB: L'argument qu'on nous soumet est donc : "vous trouvez ce texte mauvais,
exécrable ?
Votez « oui » tout de même, sinon on vous en fera un pire, et cette
fois, on ne vous consultera plus.." On vous fait l’honneur de vous consulter, et vous auriez l’audace de répondre « non » ? ?

Qu'elle est belle, l'Europe démocratique qu'on nous fait miroiter...
J'en rêve déjà !


Si l'argument était vrai, alors je ne peux, en conscience, voter que non,
parce que cela voudrait dire que l'on vivrait d'ores et déjà dans une
dictature.
Le succès du non entraînerait certes une crise, mais une crise salutaire,
puisqu'elle rouvrirait du moins la possibilité d'un espace politique, d'un
champ politique, de décisions politiques que l'on nous dit ici interdits.
Bref, j'ose espérer que cet argument, qui ne repose que sur les passions
tristes (la menace et la peur : sous la menace, votez pour ce que vous
rejetez : bonjour l'expression de la volonté générale), que cet argument est
faux, et qu'il reste encore un espace de pensée et d'action politiques après
que les élites et les technocrates se soient exprimés.
Bref, qu'il existe encore un choix politique réel soumis au peuple français,
même si on s'efforce de le faire voter sous la terreur. J'espère que les
peuples d'Europe sont las de marcher à la baguette, et qu'il existe encore
d'autres arguments en faveur du "oui", d'un "oui" raisonnable c'est-à-dire
respectueux la possibilité effective d'un choix vrai.


Traité ou constitution ?


Si l'argument consiste à dire : « votez pour ce texte, il ne s'agit pas d'une
constitution », bonne chance !!

Je doute de l'efficacité de ce moyen pour mobiliser en faveur du oui...

Ce texte est adopté comme un traité international.
Une fois adopté (s'il l'est), il vaudra comme texte constitutionnel pour
l'Union Européenne (conséquences : contrôle de constitutionnalité des lois
et des décisions européennes, ce qu'on appelle le "scanning" pour les textes
précédemment adoptés) ; difficulté ou quasi impossibilité d'une révision
constitutionnelle (il faudrait une nouvelle consultation de tous les peuples
d'Europe, alors que les traités comme ceux de Rome ou de Nice supposent
"simplement" un accord unanime des gouvernements européens : vous saisissez la nuance...)
Donc dire : votez pour ce texte, vous le trouvez mauvais, ou il fige des décisions à très court terme :
peu importe, on en changera très facilement !
je trouve ça un peu... léger. C'est mentir délibérément au peuple.

Une fois adopté, on n'en changera pas avant 20 ou 30 ans au bas mot, alors
que nombre de dispositions ne sont que le reflet d'un fragile rapport de
force bien éphémère.
Vouloir un texte franco-français ? C'est absurde ! Mais un texte
constitutionnel ne devrait statuer que sur ce qui rassemble tous les peuples
d'Europe ; il devrait rassembler et non couper en deux les partis et les
peuples. Il devrait ne contenir que ce sur quoi s'accordent 80 ou 90 % des
peuples d'Europe, ce sur quoi peuvent tomber d'accord tous les citoyens
raisonnables participant à la discussion rationnelle au sens de Rawls,
laissant les Le Pen, Besancenot et autres Villiers en proie à leurs délires.
Un texte qui coupe en 2 les partis socialistes, l'UDF, l'UMP, les Verts, ne peut pas être un bon texte :
c'est un texte diviseur et non pas rassembleur, parce qu'on
tente de faire passer "aux forceps" une conception étriquée et partisane de
l'Europe.
Si le « Oui » l'emporte en France, en GB, en Hollande, ce sera avec 51 % des
voix (comme Maastricht), cela laissera les pays coupés en deux...
Un bon texte constitutionnel devrait définir la Maison commune, tout homme
raisonnable (Spinoza) devrait s'y sentir chez soi : on est loin du compte !

 Le texte n'est pas socialiste ? Dieu merci !
Mais il n'a pas non plus à être libéral. Il l'est, parce que c'est la mode
aujourd'hui.
Les libéraux tentent de l'imposer à l'Europe, à toute l'Europe. Ils tentent
de faire des objectifs spécifiques de leur parti les règles de
fonctionnement communes de toute l'UE. Le "non" de gauche est donc normal
et ne repose nullement sur un malentendu, comme on tente de le faire croire
(Delors, Jospin, Strauss-Kahn, Hollande...).
De façon bien peu libérale d'ailleurs : les libéraux devraient être les
premiers à se méfier de cette passion de légiférer en matière économique,
passion à laquelle le texte s'abandonne totalement, prétendant écraser par
avance toute alternance politique future en imposant une fois pour toutes
des règles du jeu "libérales".


S.R. : >> Vouloir que l'Europe se plie au modèle français est d'une impudence
historique folle, elle exprime selon moi le refus par certains français
franchement franchouillards (de droite comme de gauche) de l'Europe dans sa
diversité et sa richesse ; laquelle pourrait aussi nous donner matière à
réfléchir ; mais veut-on réfléchir ou dire merde au réel (y compris le nôtre)
pour rester douillettement entre nous, dans notre mythologie rhétorique
républicaniste franco-française?


J.B: Je ne me sens pas concerné. Je n'ai jamais voulu une Europe française ni à
la française, je me moque de la place de la France dans l'Europe. Ce qui
m'importe est que l'Europe tienne sa place et joue son rôle dans le monde,
et évite autant que possible les impairs et les mauvais choix lourds de
conséquence. Je pense que ce souci nous est commun, seuls les moyens pour y
parvenir pouvant nous faire diverger.

S.R. : >> qu'il n'a pas : celle de présider à la fondation d'un Etat uni par un
projet politique identique qui "garantirait" une politique sociale
déterminée, ce que ne peut pas être une constitution en général


J.B: C'est bien ce que je lui reproche : de décider, pour une durée illimitée,
de ce que doit être la politique économique future de l'Union Européenne
quelles que soient les alternances à venir et les évolutions idéologiques
des décennies à venir.

La tentative consiste à vouloir "figer" la vogue actuelle du libéralisme
(idéologie du XVIIIè siècle, encore plus archaïque que le marxisme si la
chose est possible, totalement déconnectée des réalités du XXIème siècle), avant qu'il ne devienne "has been" à son tour...
Je reste, plus que jamais, un athée en politique : je ne crois pas à la « main invisible », ni à la résorption spontanée des inégalités (à laquelle tu sembles croire pour les ex-pays de l’Est), à la soi-disant « libre concurrence », aux « lois naturelles » du marché,  à l’ « ascenseur social » (dont on ne parle que pour faire remarquer qu’il « est en panne » – j’en tire l’unique conclusion qui s’impose),  pas plus que je n’ai cru il y a 25 ans aux classes sociales, au prolétariat, à la lutte des classes, à la lutte finale et tutti quanti. A mon sens, tu confonds, avec beaucoup d’autres, une fois de plus, la panoplie d’un système idéologique ou théorique (plus ou moins fécond, plus ou moins déformant), avec les réalités qu’il est censé mesurer.
C’est cette confusion entre les instruments théoriques et les réalités socio-institutionno-économiques qui constitue le dogmatisme politique, et qui fait l’objet de la « foi » que je fais profession de ne pas avoir en politique.

Jacques Bonniot. 03/05.



Sylvain Reboul

j'ai déjà répondu que je ne crois pas à une crise salutaire par plus que je ne crois à une prétendue volonté générale, pure fiction rhétorique et rousseauiste qui me paraît assez totalitaire (voir sa critique par B. Constant), et en cela je reste aussi fidèle à Marx , mais surtout à l'idée démocratique de pluralisme à la fois irréductible et souhaitable; pour qu'il y ait crise salutaire possible il faudrait un accord et une cohérence possible entre les partisans du non d'une part et entre les populations et pays partenaires d'autre part. Ce qui n'est pas, et cela est un fait et les faits sont tétus; je reponds par contre à la phrase suivante,
car elle est, selon moi, le noyau dur de toute ton argumention

J.B: "De façon bien peu libérale d'ailleurs : les libéraux devrient être les premiers à se méfier de cette passion de légiférer en matière économique, passion à laquelle le texte s'abandonne totalement, prétendant écraser par avance toute alternance politique future en imposant une fois pour toutes des règles du jeu "libérales"

SR: C'est là où, me semble-t-il, nous divergeons sur le fond: l'économie libérale n'est pas

"le laisser faire n'importe quoi";  elle exige un droit commercial
et le respect de règles précises ne seraient-ce que celles de la concurrence qui implique
entre autre  l'interdiction du dumping, des ententes sur les prix,
de la mise sous tutelle de la clientèle sous prétexte de fidélisation, de
la contrefaçon et des positions de monopole etc. etc, sinon nous avons l'économie
mafieuse et/ou monopolistique; pour ce faire l'économie doit être encadrée
par la politique et le droit. Tu sembles confondre économie libérale et capitalisme dictatorial sauvage...

L'économie est une dimension essentielle du fonctionnement de nos sociétés
modernes et particulièrement de l'unité européenne qui s'est construit à
partir du marché unique (le commerce contre la guerre); je ne vois pas pourquoi
la politique refuserait d'admettre un certain nombre de règles économiques
dès lors qu'elles mettent  en jeu les relations des hommes dans le cité ou
alors elle renonce à son exigence de justice.
Que pourrait être une économie qui ne serait pas de marché ? Une économie
du don à l’échelon d’une société et des sociétés ouvertes aux échanges est-elle
pensable, si l’on écarte l’économie d’état ? Sinon que serait une économie
de marché sans concurrence ? Et que seraient une concurrence non-libre et
faussée? Tant que tu n’auras pas répondu à ces questions, ton rêve d’une
société sans règles politiques du jeu de l’économie est absurde : ce serait
vouloir soit  une société sans échange économiques et marchands, soit non
libérale qui soumet l’économie au vouloir totalitaire de ceux qui dirigent
l’état, soit une société dans laquelle l’économie s’imposerait, sans régulation
politique, comme économie prédatrice et prévaricatrice. Le droit de la concurrence
fait donc partie de la liberté d’entreprendre dans le domaine des échanges économiques.
Elle est la condition d’un droit fondamental de l’homme.


Il n'y a pas d'autre modèle de l'économie privée que le modèle de l’économie libérale
en dehors de celui qui organiserait centralement la production et la distribution
dans le cadre non du marché concurrentiel, mais de l'état ; or nous savons
que ce modèle n'est ni juste, ni efficace: le monopole d'état tend à réduire
les libertés au profit d'une bourgeoisie d'état qui s'arroge le monopole
de la répartition des richesses à son avantage. Ce risque existe partout,
car toute économie ou entreprise sont dirigées par des hommes qui tentent
de profiter de leur situation pour échapper autant qu'ils le peuvent à la
concurrence et aux règles qu'elle impose (que la politique et le droit se
doivent d'imposer) ; une entreprise capitaliste ne fait pas exception (c'est
humain; mais le monopole capitaliste d'état est pire encore et à celui-ci,
je  préfère le capitalisme fragmenté et régulé par le droit de la concurrence
libre et non faussée. L’Europe s’est construite à partir du marché unique;
 il aurait été paradoxal que sa constitution ne s’occupe pas d’économie.
Je considère en outre que la politique doit réguler l’économie, compte tenu
de son importance
dans la vie sociale. On n’a pas d’autre choix qu’entre une
régulation autoritaire et
une régulation libérale et sociale (deux termes pour moi
indissociable sur
le fond). Tu as, me semble-t-il, une conception de la liberté comme
expression
sauvage des désirs et des rapports de forces, ce n'est pas celle de
 la  totalité des philosophes libéraux et des lumières, Kant compris: l'autonomie
et le droit libéral ne valent comme tels, pour eux comme pour
moi,  que s'ils
concourent à l'universel. Et cet universel passe aussi par
les règles de la concurrence
dans le domaine de l’économie marchande.


Ceci dit il n’y a pas que les exigences de  l’économie marchande dans vie
sociale, car tout échange ne doit pas être marchand,  et la question de la
nécessité, y compris économique, mais pas seulement, de services publics
(santé éducation et peut-être biens vitaux) s’impose ; mais là encore il ne
faut pas confondre service public et entreprise monopoliste d’état… Le
service public peut du point de vue de l’intérêt général utiliser la concurrence…
Tout le problème est de savoir distinguer intérêt
privé et intérêt général et dans quels domaines doit opérer cette distinction;
problème éminemment politique là encore…

Je te soumets  le raisonnement suivant:
Pour que le non l'emporte il convient d'ajouter aux non de gauche (plus d'Europe sociale), au moins (hypothèse  généreuse pour le non de gauche) 10% de non de droite (souverainistes) . Que veut dire cela? À moins de supposer que le non l'emporte avec plus de 54% des voix, cela veut dire que les non de gauche, même en cas de victoire du non, restent minoritaires  à 44% (54% - 10% = 44%) alors que les oui restent majoritaires avec 46%.
Conclusion: la minorité relative du non de gauche prétend l'emporter sur la majorité relative du oui grace à son alliance objective avec les non de droite et d'extrème droite.

Il est possible de réfuter cet argument en avançant deux conditions hypothétiques:
1) le "non souverainiste" et le  "non de gauche", au fond,  ne font qu'un;
2) Les partisans du oui sont eux-même aussi divisés que ceux du non sur le texte de la constitution.
 
Or la première hypothèse est violemment contestée par les partisans de non de gauche (mais pas par ceux du non souverainiste) et la seconde est contredite par les partisans du oui de droite comme par ceux du oui de gauche, car, sur le texte même de la constitution, les leurs positions sont compossibles (Lionel Jospin). Ce qui signifie  qu'une alliance sur un texte constitutionnel, comme cela a souvent été la cas dans l'histoire, est possible entre la gauche et la droite démocratique et républicaine et qu'une alliance entre extrème droite et extrème gauche nest possible que si l'on suppose qu'elles sont deux variantes d'un même social-nationalisme.

Cela signifie qu'il n'y aura de projet socialiste crédible si ne sont pas dénoncés
1) la confusion entre libre concurrence et politique monopolistique des soi-disant ultra-libéraux.
2) Le modèle d'une économie non-concurrentielle administrée par l'état qui a partout échoué et dont on sait qu'il a favorisé le totalitarisme politique
3) le refus d'un point de vue internationaliste sous couvert de refus de la mondialisation au profit d'un social-chauvinisme nationaliste et/ou corporatiste.

Il en est de même tant que l'articulation nécessaire entre la flexibilité, la formation et la sécurité des salariés ne sera pas précisée par des mesures et garanties sociales concrètes à l'échelon de l'EUROPE. ce qui implique un parti social-démocrate et des syndicats européanisés (ex: la CES)

Le PS doit avoir le courage de mettre en question les vieilles lunes et les tabous d'un autre age, à savoir l'age mythique de l'état-nation absolument souverain chez lui. 


Jacques Bonniot, le 24/05/05
Si le non l'emporte au référendum en France, aux Pays-Bas et/ou en Grande-Bretagne - mais surtout en France - il s'agira pour l'Europe d'un événement politique de tout premier plan.
Face à cet événement, la classe politique peut se braquer, se vexer, bouder, dire qu'on a mis l'Europe en panne pour 10 ou 15 ans, voire déclarer que la France a sabordé l'Europe.
Néanmoins dans un régime démocratique c'est à la classe politique d'écouter les peuples - le suffrage universel - et non pas l'inverse.
On peut donc faire l'hypothèse d'une classe politique européenne qui fasse son
travail et qui tente de faire une analyse politique de cet événement politique. Qu'elle aime la politique et soit prête à en faire (et non à se comporter comme de simples gestionnaires).
Or qu'apparaît-il ? Que les intentions de vote en France sont les suivantes :
P.C. : 89 % pour le non
PS : 54 % pour le non
Verts : 49 % pour le non
UDF : 25 % pour le non (seul cas où le pourcentage est inférieur aux chiffres que j'indiquais...)
UMP : 28 % pour le non
FN : 87 % pour le non.

Un bon texte, un  texte fédérateur pourrait-il avoir cet effet ? Je fais le pari que non.

Un "non" français au référendum serait-il interprétable ?
Si l'on supprimait la 3ème partie du texte, on recentrerait la constitution - loin de la vider de sa substance et de la transformer en coquille vide -  sur ce qui a, en elle,  une réelle portée constitutionnelle.
On éviterait d'inscrire dans une constitution - fait sans précédent dans l'histoire humaine - ce que devra être la politique économique future de l'entité politique concernée - ce qui est bien évidemment absurde : si l'on avait voulu l'inscrire dans nos constitutions nationales, on se serait invariablement trompé.
On porterait à la place que la politique économique future de l'Union serait déterminée par les citoyens de l'Union tels que représentés au Parlement Européen.

Voilà ce que serait une vraie Europe démocratique que j'appelle de mes voeux.
On ne placerait pas sous tutelle la souveraineté des futurs citoyens de l'Union. On n'écraserait pas d'avance les alternances à venir, probables et souhaitables, sauf esprit de chapelle ou de clocher.

Les traités de Rome, de Nice, etc., resteraient en vigueur et resteraient révisables comme tout traité, par un autre sommet européen et un autre traité qui pourrait défaire, parfaire ou réviser ce qui a été fait auparavant.
Où sont l'apocalypse et le chaos qu'on nous prédit à l'envi pour nous intimider au moment de procéder à notre choix ?

Au passage, on n'oublierait pas de préciser devant qui est responsable la Banque centrale européenne, qui, fait sans équivalent dans le monde, n'est en l'état actuel des choses responsable devant PERSONNE. (alors que la Banque fédérale américaine est bien entendu responsable devant le pouvoir politique : voilà l'ultra-libéralisme de ce texte constitutionnel qui donne des leçons de libéralisme même aux Etats-Unis...)
A mon sens, le président de la Banque centrale devrait être responsable devant le Parlement européen qui pourrait en cas de crise le destituer (quitte à mettre la barre très haut, 70 ou 80 % des voix). Il faut se doter des moyens de réagir si la politique monétaire menée par la banque centrale est catastrophique ou contraire à la volonté des citoyens européens.

Avec ces aménagements, avec une constitution recentrée sur ses vraies attributions, le "oui" passe bien évidemment dans un fauteuil, haut la main. (Chacun le sait bien). On se retrouverait dans un cas de figure comparable au 2è tour de la présidentielle de 2002 : seuls de Villiers, Pasqua et Le Pen (et peut-être le PC ?) appelleraient à voter non, tout le PS, l'UDF, l'UMP, les Verts voteraient oui, on aurait un score de 70 ou de 80 % des voix.
Or, à mon avis, un texte constitutionnel a vocation à fédérer et à rassembler au delà des clivages partisans traditionnels pour définir ensemble la maison commune.

Le texte actuel, tel qui nous est soumis pour approbation,  est en revanche un texte de combat qui porte le conflit et la division partout, nous en sommes tous témoins.
Dans tous les autres pays d'Europe, un tel texte passerait bien évidemment beaucoup mieux et beaucoup plus nettement, ralliant plus franchement la fraction de la gauche et des verts qui ont des états d'âme.

A part la Grande Bretagne peut-être, mais la Grande Bretagne votera sans doute non dans tous les cas de figure, étant fondamentalement hostile à l'idée même d'une constitution européenne, idée que j'approuve sans réserve pour ma part - à condition qu'il s'agisse réellement d'une Constitution...
Où est l'impossibilité d'interpréter politiquement un non français, pour peu que l'on veuille bien se donner la peine de procéder à une analyse politique de la situation et d'examiner dans quel cas de figure, très simple, le "oui" l'emporterait ?

Voici pourquoi je voterai "NON" dimanche au référendum sur le traité constitutionnel européen.


Jacques Bonniot

Sylvain Reboul

Le seul défaut de ton argumentation , mais il est décisif, c'est que tu oublies que les non éventuels des différents pays ne sont pas plus  compossibles que les non des souverainistes de droite et d'extrème droite et des crypto-communistes  en France (quoique..). Qui veut en Europe une économie qui ne soit pas concurrentielle?  qui ne soit pas libre et qui soit  faussée? Une économie dirigée politiquement par l'état ou par Bruxelle?

Quant à la banque européenne, il est bon pour la démocratie et les libertés qu'une certaine confusion des pouvoirs (politique, économique et monétaires) soient levée; mais, dans ce cadre, l'indépendance de la banque ne peut être totale par rapport aux décisions prises par l'Europe (comité économique et financier et eurogroupe) ; elle ne peut être qu'une autonomie fonctionnelle (comme l'est l'autonomie du pouvoir judiciaire par exemple par rapport à l'executif); la Banque Européenne ne pourra fonctionner que sur la base d'un accord avec les différents comités economiques et financiers prévus par le TCE (articles III 185, 186..;et 194). Ma position est libérale en cela qu'elle refuse de tout soumettre au pouvoir  politique (séparation claire des pouvoirs et des responsabilités) .

Enfin il est fallacieux, voire mystificateur pour la démocratie, de vouloir faire silence (ou l'impasse) sur les règles du jeu économique et du marché commun dans  ce traité international (TCE) en supprimant la partie3; règles qui ont déjà font l'objet d'accords internationaux que le non, du reste, n'invalideraient en aucun cas, car elles seraient pérénisées par les traités antérieurs, mais sans la contrepartie des conditions sociales de la section2 de la partie3. Il vaut mieux que chacun sache sur quoi s'est construit le marché commun; à moins de faire voler en éclat l'Europe telle qu'elle existe au nom d'une europe idéale  dont les autres pays et populations ne veulent pas, ces règles du jeu économique font partie des accords politiques depuis l'origine de la construction européenne; elles font aussi partie de la constitution française que tu ne sembles pas bien connaître;  le TCE , de plus, va plus loin que celle-ci dans le domaine social ..

Bref les rapports de forces politiques en Europe ne sont pas favorables à une révolution anti-libérale mais à un réforme anti-ultralibérale (ce qui n'est pas du tout la même chose);  l'éventuelle renégociation que tu préconises n'aboutirait qu'à masquer, mais non à changer les règles libérales du jeu économique pour obtenir les 90% dont tu rèves, or comment sais-tu et qui te dit que les autres pays et populations en Europe accepteraient une telle entourloupe?. Bonjour la transparence en tout cas...Le libéralisme économique est dans toutes les constitutions des pays européens et si la France veut faire sa révolution bolchevique dans son coin, elle pourra le faire seule sans ou hors de l'Europe, comme si le oui l'emporte, le TCE lui en donne le droit (au contraire des traités antérieurs).

Vote non et si le non l'emporte tu verras
1) Les règles du jeu économique continuer comme avant, sans contrepartie sociale
2) les décisions faire  l'objet d'accords internationaux qui ne seront politiquement et démocratiquement contrôlées car soumis au suffrage d'aucun représentant (plus de pouvoir de codécision du parlement eurpéen et de consultation et de contestation des parlements nationaux
3) La fin de la procédure du  référendum en France (et ailleurs)

Selon moi, ce ne sera pas un progrès de la démocratie; à moins d'une révolution social-nationaliste très improbable et que nous ne souhaitons pas pour la démocratie; le progrès de la démocratie en Europe passe aujourd'hui par le TCE.

La crise salutaire brutale est une illusion dès lors qu'un mouvement politique européen suffisament organisé pour tout changer, sans même savoir ce que l'on veut changer,  n'existe pas et que la seule force syndicale européenne la CES est pour le TCE car il reconnaît les droits sociaux fondamentaux, les droits syndicaux, y compris le droit de grêve dans un cadre  plus démocatique que les traités antérieurs; il n' y donc pas d'autres alternatives crédibles au TCE que le traité de Nice plus ou moins rebricolé ou le retour au souverainisme étatique de droite et d'extrème droite..
Amicalement, Sylvain.


Commentaires de Jacques Bonniot et réponses de Sylvain Reboul


Le 22 mai 05, à 00:03, Sylvain Reboul a écrit :

 Le seul défaut de ton argumentation , mais il est décisif, c'est que tu oublies que les non éventuels des différents pays ne sont pas plus  compossibles que les non des souverainistes de droite et d'extrème droite et des crypto-communistes  en France (quoique..). Qui veut en Europe une économie qui ne soit pas concurrentielle?  qui ne soit pas libre et faussée? Une économie dirigée politiquement par l'état ou par Bruxelle?

J. Bonniot: Je ne dis pas le contraire ; je dis que cela n'a rien à faire dans une constitution, que cela affaiblit sa portée et l'adhésion des peuples, et je reste convaincu en dépit des arguments contraires que cette constitution sera extrêmement difficile à amender... si elle est ratifiée.

Réponse de SR: il n'y a aucune raison de ne pas inscrire dans un traité international, les règles des échanges économiques entre les états concernés d'autant que le marché commun est la source et le nerf de la construction européenne; il ne faut pas confondre un constitution politique nationale avec une constituion qui règle les rapports entre des états sur la base de règles acceptées par tous et qui sont la condition même de l'accord entre ces états . Le libéralisme économique et politique pour l'Angleterre (et pour moi) vont ensemble  et il ne faut pas le confondre avec l'ultra-libéralisme qui récuse l'idée même d'une économie sociale de marché et n'hésite pas à imposer la dictature du capital financier socialement irresponsable. Le débat est donc par le TCE ouvert entre deux visions du libéralisme; Par contre toute dérive anti-libérale est et doit être interdite et pour cause: elle remettrait radicalement en cause l'idée même d'un marché commun avec des pays qui ne sont d'accord que si ce marché est libéral.  En effet, tout autre modèle est soit étatiste ou super-étatiste, soit inimaginable. Si un autre modèle que l'économie de marché - modèle jusqu'à présent le plus démocratique  (les consommateurs décident de ce qu'ils achètent entre divers produits concurrents)-  apparaît  un jour on pourra en reparler; en tout cas ce n'est pas demain la veille. Une constitution ne peut pas anticiper ce qui est inimaginable?

Quant à la banque, il est bon pour la démocratie et les libertés qu'une certaine confusion des pouvoirs (politique, économique et monétaires) soient levée et dans ce cadre l'indépendance et la banque ne peut être totale par rapport aux décisions prises par l'Europe (comité économique et financier et eurogroupe) ; elle ne peut être qu'une autonomie fonctionnelle (comme l'est l'autonomie du pouvoir judiciaire par exemple par rapport à l'executif); la Banque Européenne ne pourra fonctionner que sur la base d'un accord avec les différents comités economiques et financiers prévus par le TCE.

Ma position est libérale en cela qu'elle refuse de tout soumettre au pouvoir  politique (séparation des pouvoirs et des responsabilités) .

Jacques Bonniot: Pour moi, le dernier mot doit revenir en dernière instance au peuple souverain (ici, en l'occurrence, le Parlement européen.) Entre la souveraineté populaire et l'orthodoxie libérale imposée d'en haut, le choix est clair pour moi.
Si l'Union Européenne doit rester une zone de liberté et de démocratie, la parole doit être donnée en dernière instance au peuple. Je ne parle pas de renverser tous les 6 mois le directeur de la Banque centrale. Je dis qu'en cas de crise grave et majeure, le pouvoir doit revenir en dernier ressort au Parlement européen, qui doit pouvoir, en ultime recours, destituer le président de la Banque centrale s'il mène une politique désastreuse ou contraire à la volonté des peuples souverains d'Europe. Le principe de souveraineté populaire doit l'emporter sur les dogmes de l'orthodoxie libérale. Ne rien prévoir en cas de crise majeure de ce type, est proprement irresponsable. C'est le cas de ce texte qui nous est soumis, qui a manqué, parmi d'autres occasions, celle de remédier à cette lacune actuelle dans le fonctionnement de l'Union. Si le vote d'une constitution n'est pas l'occasion de remédier à pareille lacune, qu'est-ce qui le sera ?

SR: Le dessus nous ne sommes  pas du tout d'accord: de même que je n'admets pas la justice populaire expéditive, je n'admets pas que les finances publiques soient l'enjeu de mouvements d'opinion contradictoires par lesquels chacun désire le beurre et l'argent du beurre au prix de déficits publics et financiers illimités et une création monétaires inflationiste incontrôlée, voire incontrôlable dans le cas où il y aurait confusion des pouvoirs. Il faut donc un équilibre et une séparation des pouvoirs entre la souveraineté populaire et les magistrats chargés des finances, comme du reste Rousseau le savait déjà (voir son texte intitulé "économie et politique" sur le site de Genève, non publié en France (!)) qui condamne la démocratie directe dans la gestion des affaires publiques (despotisme dit-il); Comme le dira plus tard Kant, disciple de Rousseau sur ce point.
Le TCE rend possible un dialogue des pouvoirs et je ne vois pas la banque européenne faire longtemps la sourde oreille lorsque la situation l'exige (ex: baisser les taux d'intérêt lorsque la stagnation menace l'ensemble de l'économiue et la monnaie elle-même à terme) . Encore faut-il une volonté politique et des institutions qui permetten ce dialogue; ce que le TCE rend possible.

Enfin il est fallacieux, voire mystificateur pour la démocratie, de vouloir faire silence sur les règles du jeu économique et du marché commun dans  ce traité international (TCE) en supprimant la partie3;

Jacques Bonniot: Il ne s'agit pas de faire silence mais de ne pas leur conférer valeur constitutionnelle.
Ces traités existent et c'est très bien. L'Europe fonctionne. Personne n'a réussi à expliquer pourquoi il était nécessaire de les inclure dans la constitution, alors que ces traités se suffisent fort bien par eux-mêmes, et ne pourront être modifiés que par d'autres traités ultérieurs. Jacques Delors lui-même a reconnu qu'il était inutile - et probablement maladroit - de les insérer dans une constitution où ils n'ont que faire.

SR: je ne suis pas d'accord avec Jacques Delors sur ce point  (mais je ne l'ai pas lu) , voir plus haut; Il veut peut-être pacifier le conflit interne au PS en vue des élections française de 2007 au prix de la rigueur et de la transparence; mais ce n'est pas le problème: de nombreux pays ont exigé cette partie3 et je ne les vois pas y rennoncer. cette constitution est sociale et libérale et son interprétation est l'enjeu du conflit politique et social ordinaire; ce qu'a très bien compris la CES (confédération européenne des syndicats) qui approuve par 97 voix sur 99 le TCE

règles qui ont déjà font l'objet d'accords internationaux que le non, du reste, n'invalideraient en aucun cas, car elles seraient pérénisées par les traités antérieurs,

JB: Il n'y aurait donc aucun chaos, aucun vide juridique, aucune apocalypse politico-économique en cas de victoire du "non" dans un, 2 ou 3 pays, et toute cette affaire n'est que tempête dans une verre d'eau et tentative pour faire que des citoyens votent "oui" à un texte qu'ils désapprouvent.

SR: pas de chaos en effet, mais le traité de Nice qui offre moins de pouvoir au parlement  européens et aux parlements nartionaux; lequel sera rebricolé sans débat public dans le cadre de traité internationaux entre gouvernements, comme cela a été le cas jusqu'ici.


mais sans la contrepartie des conditions sociales de la section 2 de la partie3.

JB:Tout cela relève de traités et peut fort bien être traité par cette voie. Il est absurde de graver dans le marbre ce qui est par nature évolutif. Par ailleurs, la 3è partie consacre, il suffit de la lire, la totale subordination du social à l'économique (oui à une politique sociale à condition que...) alors que c'est précisément à ce déséquilibre qu'il aurait fallu s'attaquer... mais cela aurait supposé un certain courage politique bien entendu.

SR: Gravé dans le marbre ni plus, ni moins que les traité internationaux qui exige  l'unanimité, et en ce qui concerne Nice du reste cette exigence, comme tu le sais, est plus forte que dans le TCE

Il vaut mieux que chacun sache sur quoi s'est construit le marché commun;

JB: Il ne faut pas confondre l'information et la demande de se prononcer sur un texte. Si demain le "oui" l'emporte dans tous les pays, on nous dira pendant les 20 ans à venir : en 2005, les européens ont voté pour une Europe libérale, alors qu'il est bien évident que le libéralisme n'est pas un courant majoritaire en Europe, et qu'il y aura donc eu tromperie. Ne mettons dans la constitution que ce sur quoi s'accordent tous les citoyens européens de bonne foi, raisonnables et de bonne volonté, laissant les extrêmes à leurs lubies - ou leurs démons.

SR: Exact, les européens ont voté pour une Europe sociale-libérale car il n'y en a aucune autre plus démocratique , comme ils ont voté pour les valeurs de la démocratie en général. Il n'y a pas d'économie de marché qui ne soit libérale et il n' a pas d'économie politiquement administée démocratique possible...Tu en connais la raison: "Tout pouvoir absolu corrompt absolument" (Hamlet); y compris si le peuple l'exerce ("Le peuple peut devenir tyranique" (Tocqueville)

à moins de faire voler en éclat l'Europe telle qu'elle existe au nom d'une europe idéale  dont les autres pays et populations ne veulent pas,
JB: Rien ne volerait en éclat puisque tous les traités en vigueur continueraient  de s'appliquer, ainsi que tu l'as toi-même fort opportunément souligné. Ce dont les populations ne veulent pas... eh bien laissons les urnes s'exprimer pour le découvrir. On ne peut pas dire que ce texte déchaîne l'enthousiasme des foules, alors qu'un bon texte constitutionnel, c'est ma position, devrait entraîner l'adhésion de tout citoyen raisonnable et responsable.
On est très loin du compte.

SR: Mais ce sont certains partisans du non qui  désirent faire voler l'Europe dite ""libérale" (tu les connais comme moi) en éclat c'est  à dire tout ce qui a été fait depuis le Traité de Rome; mais ça marchera  moins bien et moins démocratiquement.

 ces règles du jeu économique font partie des accords politiques depuis l'origine de la construction européenne; elles font aussi partie de la constitution française que tu ne sembles pas bien connaître;
JB: Cette constitution n'est pas ma Bible, elle est datée, ne refaisons pas les mêmes erreurs (mais sur le fond je suis en désaccord avec toi : la constitution de la Vè République a rendu possible des politiques fort différentes, y compris celle de François Mitterrand en 1981-83 ; ce ne sont pas des raisons constitutionnelles qui ont contraint à abandonner cette politique).

SR: ce sera aussi le cas avec le TCE, si un réel mouvement social européen se développe ; ce que le TCE rendra tout  fait indispensable, l'interprétation d'une constitution comme de tout texte dépend du rapport des forces politique et social. Ce sont les homes qui font l'histoire et pas un texte aussi social soit-il et le TCE donne des armes et des droits pour développer ces luttes.
le TCE , de plus, va plus loin que celle-ci dans le domaine social ..

Bref les rapports de forces politiques en Europe ne sont pas favorables à une révolution anti-libérale mais à une réforme anti-ultralibérale (ce qui n'est pas du tout la même chose);


J.B: Peut-être as-tu raison mais cela n'a aucune espèce de rapport avec une constitution, je n'aborde donc pas la question.
SR: Si ça a un rapport: une constitution peut plus ou moins favoriser la lutte politque contre l'ultra-libéralisme

 l'éventuelle renégociation que tu préconises n'aboutirait qu'à masquer,
J.B: J. Delors lui-même a indiqué ce qu'il faudrait faire - ce qu'il suffirait de faire : supprimer le contenu des traités de Rome, Maastricht; Nice, etc. qui n'auraient jamais dû être insérés dans une constitution, et seraient ainsi restés révisables, comme ils doivent l'être, par un simple accord unanime des GOUVERNEMENTS de l'Union.
SR: Voir plus haut; de nombreux pays veulent cette partie3 et à mon sens ils ont raison; c'st l'histoire meme de l'Europe et sa lutte contre l'économie totalitaire étatique qui l'exige; voir l'attitude des nouveaux entrants.
mais non à changer les règles libérales du jeu économique pour obtenir les 90% dont tu rêves, or comment sais-tu et qui te dit que les autres pays et populations en Europe accepteraient une telle entourloupe?.
J.B: Où est l'entourloupe ?? Sinon à vouloir inscrire ad vitam aeternam les dogmes du libéralisme, à la mode en ce moment, dans le marbre d'une constitution ??
Laissons les traités existant s'appliquer (où est le mystification ??), et on les renégociera quand le vent aura tourné, ou quand les limites des orientations actuelles se seront fait cruellement sentir.
SR: dans le fait que l'on refuse a peuple de décider des règles du jeu économique et social , en se contentant de grands principes politiques et juridiques sans substance et qui ne mangent pas de pain...

Bonjour la transparence en tout cas...
J.B: Eh bien oui, la transparence, ce serait ça : ne mettre dans une constitution que ce qui a une portée constitutionnelle, non la cuisine interne et les recettes provisoires du fonctionnement d'une Union en plein devenir, en pleine évolution. Pourquoi Delors a-t-il dit, à ton avis, que l'on aurait mieux fait de s'abstenir ? Parce qu'il veut "entourlouper", ou bien parce qu'il a compris que cela n'allait pas passer - après tout...

SR: ce qui a une portée constitutionnelle dans un accord entre les états du marché commun c'est aussi les règles du jeu de ce marché; pour moi cela va de soi.

Le libéralisme économique est dans toutes les constitutions des pays européens et si la France veut faire sa révolution bolchevique dans son coin,

J.B: Tu as lu ça dans ce que j'écris ?? Simplement, je ne crois pas à la fin de l'histoire, ni au fait que le système libéral soit l'unique, seul système possible pour les siècles des siècles.

S. R. elle pourra le faire seule sans ou hors de l'Europe, comme si le oui l'emporte, le TCE lui en donne le droit (au contraire des traités antérieurs).

J.B. : Tu es mieux place que quiconque pour savoir comment j'ai combattu - avec mes modestes moyens - le bolchévisme alors qu'il existait encore. Je refuse simplement de donner dans le panneau d'un nouveau dogmatisme et d'un nouveau "sens de l'histoire". Je reste un athée en politique.

SR: Tu n'es pas maître de ceux qui vont essayer d'utliser ton non. On ne peut être athée sur la question de savoir si on est libéral et démocrate ou totalitaire. Le débat et la lutte sont entre l'ultra-libéralisme dictatorial et le libéralisme social; il n'y a pas d'autre alternative démocratique possible.

elle pourra le faire seule sans ou hors de l'Europe, comme si le oui l'emporte, le TCE lui en donne le droit (au contraire des traités antérieurs).

J.B: Mais que vient faire la France là dedans ? La question est de savoir quelle Union Européenne nous voulons, si c'est celle qui est définie dans la troisième partie du traité qui nous est soumis ou pas. Il n'est pas question d'en sortir mais de savoir et de faire savoir de quelle Europe nous voulons. Je veux pour ma part d'une Europe démocratique, où la souveraineté populaire ait son mot à dire en dernier ressort, et qui ne choisisse pas une fois pour toutes sa politique économique, mais garde les mains libres pour s'adapter aux défis de demain que nous ne concevons sans doute pas encore.

SR: Si un pays  (ex: La France) veut faire une  révolution anti-libérale, il sort nécessairement de l'Union européenne; c'est constitutionnel...

Vote non et si le non l'emporte tu verras
1) Les règles du jeu économique continuer comme avant, sans contrepartie sociale
2) les décisions faire  l'objet d'accords internationaux qui ne seront politiquement et démocratiquement contrôlées catr soumis au suffrage d'aucun représentant (plus de pouvoir de codécision du parlement eurpéen et de consultation et de contestation des parlements nationaux
3) La fin de la procédure du  référendum en France (et ailleurs)


J.B: C'est inexact. Tout pays sera obligé de repasser par le mode de scrutin pour lequel il a opté. Autrement dit, les pays qui ont eu le courage - ou l'inconscience - de recourir à la voie référendaire devront à nouveau emprunter cette voie.
SR: non, selon la constitution française, le président de la république en France reste maître de la procédure; il s'agira d'une autre ratification éventuelle et il peut très bien passer par le congrès seul.

Selon moi, ce ne sera pas un progrès de la démocratie; à moins d'une révolution social-nationaliste très improbable et que nous ne souhaitons pas pour la démocratie, le progrès de la démocratie en Europe passe par le TCE.

J.B: Laissons les peuples en décider. Pour moi il y aura progrès pour la démocratie si
- un ou plusieurs peuples s'étant exprimés, les rédacteurs du texte sont contraints de revoir leur copie.
- le président de la Banque centrale est responsable, en dernier ressort, devant la représentation des peuples de l'Union dans le Parlement européen.
- si la souveraineté des peuples de l'Union de demain n'est pas hypothéquée par des décisions prises une fois pour toutes alors qu'elles ne relèvent ni des grands principes et des grands objectifs que je partage totalement (partie I : je vois mal comment nous pourrions, dans 10 ou 20 ans, nous dire que nous avons eu tort d'approuver ces principes : interdiction de la torture et de la peine de mort, égalité complète de l'homme et de la femme, etc.) ; ni de l'architecture des institutions de l'Union Européenne telles qu'elles sont décrites dans la 2è partie.

SR: Voir plus haut. Le parlement européen n'est pas dans le TCE le seul pouvoir législatif; il y aussi le conseil européen et c'est logique : il s'agit d'un traité international (ce que tu minores sans cesse me semble-t-il) ...

La crise salutaire brutale est une illusion


J.B: Je n e souhaite pas spécialement de crise. Je souhaite qu'on dise non à une tentative de coup de force. Il n'y aura de crise que si les classes politiques européennes ne se montrent pas à la hauteur et ne tirent pas les conséquences d'un éventuel "non" au texte constitutionnel dans les conditions qu'ils ont eux-mêmes définies, pour reproposer rapidement un texte épuré qui pourrait très facilement entraîner l'adhésion d'une très large majorité des citoyens européens (ceux qui souhaitent plus et ceux qui souhaitent moins de social, ce conflit, qui ne disparaîtra pas, ne se jouant désormais plus sur le terrain constitutionnel mais sur celui de l'action politique, qui aurait toujours dû rester le sien.)

H. Arendt oppose le moment où l'on ouvre l'espace politique, où l'on crée l'espace où des actions politiques pourront être posées, et le moment où, à l'intérieur de cet espace, les combats et les actions politiques se déroulent normalement.
Ce sont ces 2 niveaux que le texte qui nous est soumis pour approbation confond allègrement - et de manière inquiétante à mon sens.

SR: non car les deux interprétations, sociale-libérale et ultra-libérale, sont possibles; la preuce le débat aujourd'hui entre les NON de gauche et les OUI de gauche. La constitution ne tranche pas et n'a pas à le faire.

dès lors qu'un mouvement politique européen suffisament organisé pour tout changer, sans même savoir ce que l'on veut changer,  n'existe ;

J.B: Cela relève de l'activité et du combat politiques, non de l'acte d'institution, d'inauguration que constitue la "constitutio libertatis", la constitution de la liberté

SR: justement tout dépend ensuite de la politique et de l'interprétation de la constitution qu'elle imposera. Une constitution n'est  qu'un cadre régulateur nécessairement ouvert, l'essentiel est ce qu'on en fait ensuite. Le TCE est ouvert entre le social-libéralisme (dont il s'inspire explicitement)  et l'ultra-libéralisme que cetains voudraient voir s'élargir. On a tort de vouloir une constitution idéologiquement monocolore (la charte des Nations Unies  l'est encore moins); ce que n'est pas le TCE et c'est tant mieux pour la vie politique.

 il n' y donc pas d'autres alternatives crédibles au TCE que le traité de Nice plus ou moins rebricolé ou que le retour au souverainisme étatique de droite et d'extrème droite..

J.B: Le combat politique continuera après le 29 mai, Rome ne s'est pas faite en un jour, ne mettons pas dans un même texte tout et n'importe quoi, ce qui est la condition même d'une vie commune au sein d'un même espace politique et les objectifs partisans d'une fraction de la population et de la classe politique européenne.

SR: je ne dis par autre chose et j'ajoute que ce combat est déjà inscrit dans la TCE pour qui le lit dans ses "contrariétés"(qui ne sont pas des incohérences logiques) . En cela il donne de nouvelles armes politiques pour faire bouger les choses, si l'on veut penser qu'aucune constitution ne peut garantir une politique sociale, car seule la lutte paie.

Amicalement,
Jacques Bonniot.
Amicalement,
Sylvain Reboul


Bilan du non au référendum

Jacques Bonniot
Le peuple français a rejeté hier par 54 % des suffrages exprimés le Traité Constitutionnel Européen qui lui était soumis pour ratification.

Je voudrais dire que j'ai eu honte hier soir de voir tant de ministres ou d'anciens ministres afficher aussi clairement leur morgue et leur dédain, leur dépit, leur incapacité à comprendre que le peuple s'est exprimé et leur a dit NON.
Souverain mépris pour le peuple souverain.
Honte pour ces deux ministres (dont Borloo) qui ont tous deux coupés la parole à Stéphane Pocrain (Verts/Non), ne le laissant jamais finir ses phrases ni poser ses questions, dès qu'ils comprenaient qu'elles leur étaient hostiles, et surtout qu'il leur serait fort difficile d'y répondre. Alors que le discours de celui-ci était mesuré, construit, cohérent, élaboré, intéressant, qu'on le partage ou non.

Le NON de dimanche ne résout, bien évidemment, rien.
L'Europe reste sans constitution (je le déplore vivement), du moins n'en n'a-t-elle pas ratifié une mauvaise, et si les dispositions des traités de Rome et de Nice restent en vigueur, au moins n'ont-elles pas acquis une portée constitutionnelle usurpée, et restent-elles révisables par d'autres sommets et d'autres traités, ceci relevant du "jeu" ou du "combat" politique selon la métaphore que l'on préférera employer, il n'aurait à mes yeux jamais dû être question de leur conférer un autre statut. Certains ont voulu "verrouiller" les choses et inscrire dans la Constitution ce qui figure dans les traités actuels et dans le programme partisans de certains courants politiques, cette tentative a été déjouée.

A mes yeux, l'événement politique d'hier ne pourra devenir un fait positif pour l'Europe que s'il permet de distinguer enfin les 2 niveaux : la construction de la maison commune qui doit contenir tout ce qui nous rassemble tous, 25 pays de l'Union, et qui est considérable, et d'autre part le jeu politique normal où il est naturel que s'affrontent idées, courants de pensées, opinions politiques, intérêts conflictuels.
Le "péché originel" de ce traité constitutionnel d'hier était de confondre allègrement les 2 niveaux.
Emmanuel Kant ironisait sur la maison qui avait été construite avec tant d'adresse avec un si bon architecte par un spécialiste de l'équilibre que tout s'écroula quand un petit oiseau vint se poser sur le toit. Le TCE contenait à l'évidence foultitude d'articles qui étaient le fruit d'un savant dosage et d'habiles compromis, points d'équilibre entre tant de forces politiques que ces points d'équilibres auraient à l'évidence été différents 6 mois plus tôt ou 6 mois plus tard.
Je suis désolé, on ne fait pas une constitution avec cela, de cette manière, ni pour les 6 prochains mois. Ne devrait figurer dans une Constitution Européenne digne de ce nom et que j'appelle de mes voeux que ce qui nous permet de vivre ensemble, ce qui nous unit durablement et profondément. A mon sens, la quasi totalité des parties 1, 2, et 4.
Que l'on vienne me dire que tout cela ne constitue qu'une coquille vide et est dépourvu de substance, mais je n'en crois rien et à mes yeux tout le reste relève du combat politique légitime - mais non pas transposé sur le terrain constitutionnel.

Hier, le petit oiseau est venu se poser sur le toit. Cela ferait un beau dessin de Plantu.

Quelques mots sur les chiffres, puisque je les vois débattus. Le "Non" de gauche n'aurait pas suffi à rendre le non majoritaire en France, mais le non est majoritaire à gauche. Le non est majoritaire au parti socialiste (56%) plus nettement encore que dans l'ensemble de la population (54 %). Il s'agit là de données politiques dont il faudra prendre la mesure.
Enfin, une remarque que nul n'a faite à ma connaissance.
Beaucoup de français se sont certes prononcés sur autre chose que le traité, ou ne l'ont pas lu. Nous serons tous d'accord pour le déplorer je pense, mais c'est aussi cela la politique : faire avec et tenir compte de ces faits-là. (Un bilan rapide de Chirac : 1er mandat la dissolution ; 2è mandat : il devient le premier président français de la 5ème République à parvenir à planter un référendum sur l'Europe. Passons...)
Voici où je voulais en venir :
De très nombreux français ont voté "oui" à un texte qu'ils désapprouvaient, ou désapprouvaient en partie, ou trouvaient bancal, insuffisant, déséquilibré, etc.) Une très large partie de la campagne pour le "oui" a été consacrée à convaincre ces électeurs-là, à leur donner toutes les bonnes raisons de voter "oui" à un texte auquel ils n'adhéraient pas (je ne reviens pas sur ces raisons, pas de choix, pas de plan B, les autres pays ne comprendraient pas, etc.) Valeureux sont ceux qui ont résisté.
AUCUN français n'a voté "NON" à un texte qu'il approuvait.
Un élément de réflexion important à mon sens quand on le met en rapport avec le résultat très net du référendum : 54 % de NON.
Cela pouvait-il être un "bon" texte, un texte fédérateur (je souhaite ardemment une Europe fédérale), fondateur, une "constitutio libertatis", une Constitution fondatrice de la liberté (au sens d'Hannah Arendt) ? Une fois le vote passé, chacun est libre de lâcher la bride à son esprit critique et de DOUTER.

Je voudrais terminer d'une simple phrase sur mon humeur : tristesse, j'aurais TELLEMENT voulu pouvoir voter oui aux deux premières parties de ce traité. Un rendez-vous manqué, à plusieurs titres et de plusieurs manières.

Sylvain Reboul

Je ne suis évidemment pas d'accord avec ton bilan, car, une fois de plus, il ne s'interroge pas sur et n'interroge en rien les effets du non français dans les autres pays d'Europe  et rien n'est dit sur les rapports de forces politiques en Europe et dans le monde. Tu dis même, me semble-t-il,  qu'il serait méprisable de s'en soucier, comme si les français devaient décider, y compris des autres, seulement pour eux-même. Encore une fois tu confonds et tu fétichises au passage une constitution fondatrice d'un état-nation du XIXème siécle et un traité international à valeur constitutionnelle d'alliance entre plusieurs états différents et ta référence à Kant sur ce point est l'expression même de cette erreur historique: c'est au "Traité de paix perpétuelle" de Kant (très réaliste dans ses ambitions) qu'il faut penser et à rien d'autre. Mais ce désaccord entre nous est aussi philosophique: tu penses une constitution en terme métaphysique comme l'acte fondateur d'une  nation européenne fusionelle; or je ne crois pas (plus) aux idées de peuple européen , de volonté générale  et de constitution fondatrice. L'Europe est faite de sa diversité et le TCE en est l'expression sous forme d'un conpromis qui met en forme des règles du jeu révisables dans le but de solidariser cette diversité sans le faire disparaître. Ces révisions doivent nécessairement recevoir l'accord des joueurs pour être valides soit sous la forme de l'unanimité soit sous celles de la majorité qualifiée et ce n'est pas un seul pays mais tous qui doivent en décider, sauf à se mettre hors jeu. Ainsi le nationalisme identitaire exclusif en Europe a fait son temps, il ne peut survivre que sous les faces grimaçantes conjointes souverainiste ou social-nationaliste de l'ennemi (arabe ou plombier polonais ou islamiste turc ou prostituée  Bulgare) opposé à l'ami français ou blanc ou européen occidental dont l'identité devrait être proclamée et sanctifiée .
La  nation n'est plus porteuse aujourd'hui, à droite comme à gauche , d'un projet internationaliste cohérent et la peur du dumping social cache mal le mépris par beaucoup de français modestes qui ont voté non par colère (en partie justifiée) de l'ouvrier polonais qui, selon eux, accepterait indéfiniment et sans resistance les salaires qu'il reçoit aujourd'hui (comment être de gauche et penser cela?).

Ainsi les résultats électoraux du référendum ne délivrent leur sens politique  (droite ou gauche) que par le coté réaliste et positif qu'ils manifestent et non par leur coté négatif, ni non plus par les étiquettes politiques affichées. La victoire du  non ne fait pas une ambition et encore moins un projet politiques pragmatiquement consistants, il ne s'agit de rien d'autre que de ressentiment. Elle met  l'Europe politique et sociale en panne pour un temps certain (et pourtant le temps presse) , à la grande joie des néo-conservateurs US .
Enfin, la question du type d'économie qui font l'accord entre nos pays  est aussi une question politique décisive pour un traité et un marché unique internationaux; on ne peut donc l'évacuer comme inutile à un tel traité, si tu ne peux comprendre cela, c'est, à mon avis,  que tu restes attaché à une conception prémoderne (au sens de B. Constant), proprement communautaire,  de la politique  (cf aussi tes références à H. Arendt qui a toujours révé d'une communauté politique idéale unifiée et unifiante, sans problématisation
suffisante de l'économie qu'elle ne veut pas considérer comme une dimension très importante  de  la vie politique et/ou dont elle conteste l'importance qu'elle a prise dans les sociétés modernes)
Amicalement , Sylvain



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