De la concurrence libre et non-faussée

L’économie libérale n’est pas « le laisser faire n’importe quoi »; elle exige un droit commercial et le respect de règles précises ne seraient-ce que celles de la concurrence qui implique entre autre l’interdiction du dumping, des ententes sur les prix, de la mise sous tutelle de la clientèle sous prétexte de fidélisation, de  la contrefaçon et des positions de monopole etc., sinon nous avons l’économie mafieuse et/ou monopolistique; pour ce faire l’économie doit être encadrée par la politique et le droit. On confond trop souvent économie libérale et capitalisme dictatorial sauvage...
Or les libéraux aux USA sont à gauche et Bush est un conservateur très peu libéral, y compris sur le plan économique (protectionnisme, soutien des monopoles, refus de le libre-concurrence, sinon pour les autres et à leurs dépens, refus de reconnaître les droits sociaux..). Paradoxe et confusion sémantique de l’idéologie française…

L’économie est une dimension essentielle du fonctionnement de nos sociétés modernes et particulièrement de l’unité européenne qui s’est construit à partir du marché unique (le commerce contre la guerre); je ne vois pas pourquoi la politique refuserait d’admettre un certain nombre de règles économiques dès lors qu’elles mettent en jeu les relations des hommes dans le cité ou alors elle renoncerait à son exigence de justice.
Que pourrait être une économie qui ne serait pas de marché ? Une économie du don à l’échelon d’une société et des sociétés ouvertes aux échanges est-elle pensable, si l’on écarte l’économie d’état ? Sinon que serait une économie de marché sans concurrence ? Et que seraient une concurrence non-libre et faussée? Tant que le partisans du non n’auront pas répondu à ces questions, le rêve d’une société sans règles politiques du jeu de l’économie est absurde : ce serait vouloir soit une société sans échange économiques et marchands, soit non libérale qui soumettrait l’économie au vouloir totalitaire de ceux qui dirigent l’état, soit une société dans laquelle l’économie s’imposerait, sans régulation politique, comme économie prédatrice et prévaricatrice. Le droit de la concurrence fait donc partie de la liberté d’entreprendre dans le domaine des échanges économiques. Elle est la condition d’un droit fondamental de l’homme.

En vérité il n'y a pas qu'un seul modèle libéral et "l'économie sociale de marché" en Allemagne par exemple (terme repris par le traité) que je connais de près n'est pas un vain mot; bien que les services publics aient une autre forme qu'en France; il sont au moins aussi efficaces (ex: les Kreissparkasse et les caisses de sécurité sociale concurrentielles) et je ne vois pas pourquoi une constitution européenne imposerait aux allemands un modèle dont ils ne veulent pas (l'inverse est aussi vrai): On ne pouvez quand même pas exiger que les 24 autres états se plient au mode régulation publique à la française!

Sur un plan plus philosophique il y a au moins deux modèles libéraux anglo-saxons: celui d'A.SMITH et celui de START-MILL qui sont non seulement différents mais opposés. Tout ça pour dire qu'il ne faut pas lire la partie III en oubliant la partie II qui ne sont contradictoires pour qui connaît mal la pensée libérale et le débat interne qui l'anime dès l'origine, comme en général en France où l'on n'en connaît que la caricature dite neo-libérale (et encore).

Le traité est un tout et, en tant que tel, il est plutôt social-démocrate que pseudo ultra-libéral ; le seul authentique libéralisme est le social-libéralisme. Il permet de poursuivre le combat contre le pseudo libéralisme qui cache mal très la dictature anti-libérale du capital financier.

Ceci dit il n’y a pas que les exigences de l’économie marchande dans vie sociale, car tout échange ne doit pas être marchand, et la question de la nécessité, y compris économique, mais pas seulement, de services publics (santé, éducation, formation permanente et selon moi « biens vitaux indispensables») s’impose ; mais là encore il ne faut pas confondre service public et entreprise monopoliste d’état… Le service public peut du point de vue de l’intérêt général utiliser la concurrence…
Tout le problème est de savoir distinguer intérêt privé et intérêt général et dans quels domaines doit opérer cette distinction.
Problème éminemment politique qui manifeste que le débat droite/gauche au cœur même de la pensée libérale, comme au XIXème siècle, reste d’actualité. Encore faut-il pour cela refuser la tentation anti-libérale, sous une forme ouverte ou masquée, nécessairement étatiste et nationaliste…
Quelques réponses aux questions à propos du traité constitutionnel dans son rapport au libéralisme

Il n' y pas de liberté sans droits universels des hommes; il n' y pas de pouvoir libéral sans contre pouvoirs; tout pouvoir sans règle et sans limite est despotique; donc les capitalistes, prétendus ultra-libéraux, sont des anti-libéraux despotiques dès lors qu'ils refusent tout contre pouvoir et toute régulation dans l'usage prédateur, voire prévaricateur,  qu'il font de leur puissance; Ne laissons pas à ces despotes le monopole du terme de liberté ; ils en tirent avantage pour fouler aux pieds les libertés essentielles. Le capitalisme sauvage est anti-libéral par nature;  seuls ceux qui mettent des règles et des limites à la liberté aux profit de tous sont d'authentiques libéraux.

C'est pourquoi je ne chante pas les louanges de l'Europe telle qu'elle est, mais telle qu'elle pourrait être si on s'empare dans la constitution, par la lutte politique droite/gauche, des aspect sociaux qu'elle comporte, y compris et surtout dans sa partie 3 qui conforte sa partie2...pour aller plus loin dans le sens d'un juste libéralisme; ce qui est plus difficile dans le cadre des traités existants.
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Beaucoup d'adversaires de la constitution lisent le texte par morceaux isolés et  séparés  de leur contexte sans chercher à comprendre en quoi les  partie 2 et 3 forment un tout, de même que, dans la partie 3, les articles qui concernent la liberté de commercer et d'entreprendre et la section 2 du chapitre 3 qui tracent les principes de la politique sociale.

Si l'on fait un effort de bonne lecture alors les inquiétudes à propos du dumping social (qui, du reste, fausse la concurrence) sont plus dans leur interprétation réductrice que dans le texte,  car on peut y lire que toute discriminaton par les entreprises entre salariés, selon leur nationalité ou leur sexe etc..y est strictement interdite . Cela du reste n'a pas grand chose à  voir avec la circulaire Bolkestein, laquelle exclut du principe du pays d'origine les conditions sociales et salariales pour tout salarié embauché durablement en France ou par un entreprise étrangère qui propose ces services en France , hormis en ce qui concerne les salariés en déplacement très temporaire (8 jours); là où elle est ambiguë c'est sur le contrôle qu'elle tend à réduire, ce qui  peut effacer, dans les faits et non en droit,  la différence entre salariés embauchés  sur une durée plus longue et ceux qui sont en déplacement de courte durée. Reste le problème des professionnels indépendants, mais qui peut vivre durablement en France en se faisant payer 5€ de l'heure,  sauf au noir et encore?... C'est pourquoi le circulaire doit d'être réécrite à la lumière des principes de la nouvelle constitution justement! Mais à terme la question mérite d'être posée, car je doute que les travailleurs des nouveaux pays de l'Union tolèreront longtemps un tel différenciel de traîtement. Si l'on est de gauche il faut faire un peu plus confiance aux revendications et aux luttes de tous les salariés français ou étrangers de l'Union Européenne, anciens ou nouveaux (voir les textes de CES qui a approuvé le traité constitutionnel).

Quant aux pratiques religieuses contraire aux droits fondamentaux inscrits dans la partie 2, il va sans dire qu'elles seraient interdites par la constitution..Le seul fait que l'on soulève cette question est pour le moins étrange, mais révélatrice de cette manière de lire un  texte hors de son contexte, sans en saisir  la logique d'ensemble qui est typiquement social-démocrate, comme ne s'y trompent pas les conservateurs anglais et les (soi-disant) ultra-libéraux par exemple.

Est-ce à dire qu'un texte constitutionnel suffit à écarter tout risque de dérives droitières? Surement non, car tout dépend des interprétations, de l'usage et des applications qui en seront faits et cela, comme toujours, dépend des rapports de forces politiques et sociales.  La constitution ne supprime pas la politique mais lui donne un cadre légal d'expression; ce qui est la loi de la démocratie....
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"Produisons français et achetons français" semble être la devise de certains opposants au traité constitutionnel

Mais comment? Et avec quel résultat?

On connaît la seule réponse possible: en fermant nos frontières à toute importation et concurrence étrangères qui menaceraient notre pré-carré et en renonçant à vendre nos produits et services à l'étranger dont du reste, dans de telles conditions, personne ne voudrait, car ils ne résisteraient pas à la comparaison.

1) notre économie de marché ne le supporterait pas et s'écroulerait, entrainant des millions d'emplois qui seraient brutalement rayés de la carte.
2) l'état ne pourrait faire autrement que d'étatiser l'ensemble des moyens de production et de distribution pour trouver du capital et organiser, sous son autorité la relation entre l'offre et la demande avec le succès catastrophique que l'on sait .
3) Et pour forcer les autres à acheter nos produits et services afin de financer leur développement et nous fournir de ce que nous ne produisons pas nous-même ; une bonne guerre ferait l'affaire , d'autant qu'elle réduirait le chomage: tous les hommes valides au front! Et les morts feront de la place aux vivants (Malthus)

Ainsi le social-nationalisme préparerait le terrain au retour à l'époque exaltante du national-socialisme et/ou de la domination totalitaire à l'intérieur et de l'occupation à l'extérieur de nombre de pays en vue de leur imposer une économie étatique soumise couleur brun-rouge; Le totalitarisme étatique de droite ou prétendument de gauche est le seul anti-libéralisme conséquent, aussi bien politiquement qu'économiquement.

À vous de choisir votre camps: libéralisme régulé ou totalitarisme étatique ou politique...
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Ce qui est significatif dans les arguments  des partisans du "non de gauche" est que sont passées sous silence les luttes sociales et politiques qui ne manqueraient pas de se développer et cela en conformité avec les droits sociaux et politiques inscrits dans le texte dès lors que l'interprétation anti-libérale, c'est à dire néo-libérale, de ce texte,  produiraient les conséquences sociales désastreuses qu'ils en déduisent.

En vérité ce n'est pas le texte de la  constitution qui est en cause mais son interprétation catastrophiste par les partisans  du "non de gauche" qui  refusent de reconnaître que la question de son interprétation et de son usage dépendra des luttes sociales qui, en s'appuyant sur les articles sociaux de cette constitution (y compris dans la fameuse partie 3 section 2) , peuvent seules efficacement s'opposer à l'interprétation neo-libérale de ce texte. On ne peut être de gauche et  faire du fétichisme textuel en croyant que celui-ci devrait nous préserver à jamais du pire possible, sinon probable; on ne peut être de gauche et penser que les luttes sociales ne sont pour rien dans l'interprétation du droit, dès lors que ce traité constitutionnel rend lui-même possible, c'est à dire légal,  ces luttes dans un cadre démocratique qui n'a rien à envier à la constitution française, ni à aucune autre dans le monde. Voudrait-on une constitution socialiste pour pouvoir se dispenser d'avoir à lutter pour plus justice sociale? Nous savons ce que cette vision anti-démocratique a produit comme catastrophe, bien réelle celle-là.
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La question est de savoir quelle alternative porte le "non de gauche" à ce traité international constitutionnel; ceui de la Grande Bretagne, celui d'une alternative sociale, voire socialiste? Vous parlez comme si les autres pays ou populations étaient prêts à avaliser une constitutiton qui refuserait l'économie libérale et sociale de marché alors que vous n'avez, ni personne, aucun modèle crédible à lui apposer; en tout cas je n'ai jamais entendu quiconqiue faire la moindre proposition en ce sens.
Le non de gauche, à la différence du non de droite souverainiste, reste un non sans projet alternatif; il est l'expression d'un pur refus de l'Europe telle qu'elle est sans être capable de préfigurer une Europe possible et plus souhaitable, alors qu'en s'emparant des avancées démocratiques que comporte ce traité par rapport au traité de Nice, il deviendra possible de lutter pour plus de justice sociale.  Qui refuse ce compromis refuse l'Europe et en cela le non de droite est cohérent au contraire du non de gauche. En effet, qui pourra renégocier et avec qui et sur quelles bases politiques clairement plus à gauche, alors même qu'une constitution n'a pas à être de droite ou de gauche et que le projet laisse le débat ouvert entre deux voies (utra-libérale  ou sociale-libérale)  ? Poser la question c'est y répondre..
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Il faut distinguer deux choses: les règles du jeu européen qui relève en effet d'une constitution , lesquelles sont, dans le TCE, clairement sociales-libérales (ne pas oublier la section2 de la partie 3) et la politique concrète (plus à gauche ou plus à droite) qui relève de la décision politique ordinaire. Décision qui devient plus démocratique dans le TCE que dans le traité de Nice qui continuerait à s'appliquer en cas de victoire du non.



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