Xénophobie, amour de la France et justice

Les propos de Monsieur Sarkozy à propos de l’amour de la France comme critère de sélection de l’immigration opère une confusion entre la vie privée et la vie politique, entre le sentiment subjectif d’appartenance communautaire et la justice. En quoi cette confusion est-elle politiquement dangereuse ?

L’amour, en effet, n’est pas une catégorie politique mais affective. On aime quelqu’un et pas quelqu’un d’autre pour des motifs qui ne sont pas nécessairement justes ou universels. Par contre le désir de justice implique le respect des règles décidées démocratiquement et des principes des droits universels (et non pas seulement français) de l’homme fondement de notre constitution qui sont et doivent être le seul critère à considérer en politique.

L’amour est tout à fait autre chose : c’est une adhésion qui ne relève que de la subjectivité personnelle. On ne peut donc faire de l’amour un devoir ou une règle impérative qui s’imposerait à tous sans condition, car l’amour est par nature exclusif et non universalisable ; être juste ne consiste pas à l’être seulement vis-à-vis de ceux que l’on aime , mais aussi vis-à-vis de ceux que l’on n’aime pas particulièrement ,voire vis-à-vis d’adversaires plus ou moins détestés ; de plus la France est une entité abstraite si on la sépare des français, de la diversité des modes de vie des populations vivant en France, mais qui ne sont pas tous nécessairement aimables. L’amour universel abstrait ne vaut que dans une perspective religieuse utopique dont on sait qu’elle a pu, et peut encore, dans la réalité conduire à exterminer les mécréants par amour et/ou au nom de l’amour de Dieu pour sauver la vraie foi, la vraie religion et/ou la vraie France (le patriotisme comme religion politique ou religion sécularisée).

Ainsi le désir d’être et/ou de devenir français n’inclut en rien que nous soyons en accord avec la totalité de l’histoire de France et de sa culture et implique encore moins l’idée que la France vaut pour nous plus que tout autre pays et mérite a priori qu’on lui sacrifie les droits universels de l’homme contre tel ou tel individus et groupes désignés comme non-français ou d’origine étrangère en exigeant qu’ils aiment la France, exigence à laquelle ne sont pas soumis les français dit de souche qui sont censés (à tort) l’aimer spontanément

Je ne dis pas que c’est le sens authentique  que Monsieur Sarkozy donne à ses propos, mais je considère que cette expression dans la bouche d’un ministre candidat à la plus haute fonction politique, peut prêter à confusion et laisser libre court à cette interprétation éthnico-xénophobe de l’amour de la France, elle vise explicitement du reste du reste à rallier un électorat d’extrême droite qui confond la justice avec la pratique d’une identification "amoureuse" exclusive, globale et sans condition au pays dans lequel les gens vivent. Ce qui est une attitude proprement religieuse, contraire au principe même de la laïcité.

Du reste le projet de loi sur l’immigration ne fait en aucun cas référence à un prétendu amour de la patrie française comme critère de sélection de l’immigration. C’est bien la preuve qu’il ne faut pas confondre la conscience citoyenne intégrée (et non pas assimilée comme l’affirment Monsieur Le Pen et Monsieur de Villiers) -qui du reste implique aussi le droit de vote des étrangers vivant en France comme le propose justement Monsieur Sarkosy (c’est pourquoi on ne peut identifier sa position à celle de Monsieur Le Pen)- et une catégorie ethno-idéologique qui n’a aucune valeur dans la pensée juridique française de la République

L’habilité tactique et rhétorique, par la confusion séduisante, mais fallacieuse, que l’on  commet souvent entre l’amour et la justice, alors que celle-ci exige justement que l’on soit juste y compris vis-à-vis de qui l’on aime pas, a des limites si l’on pas nourrir les fantasmes d’extrême droite xénophobes que l’on prétend politiquement combattre au nom de l’idée de la république universaliste. Monsieur Sarkozy, à vouloir s’adapter au langage de ceux qu’il cherche à récupérer, a franchi cette limite, au risque de favoriser la xénophobie qu’il prétend combattre.


Amour et justice 

Le rasoir philosophique