Si l'on fait un examen rapide des forces et du programme du Front National et dans la mesure où il l'appliquerait, ce dont on peut douter, car il est rigoureusement inapplicable en l'état., la réponse est non; voyons pourquoi:
Quel programme?
1) Il veut sortir La France de l'Europe et de l'Euro , alors qu'ils
sont les conditions de sa survie économique et politique
dans
un monde globalisé.
2) Il veut rétablir la peine de mort, alors que celle-ci est
inconciliable avec les principes même du droit libéral et
des droits de l'homme: tout homme a le droit de se racheter
après
avoir purgé sa peine, si on le considère comme un
être
libre ce qui, du reste justifie sa responsabilité et la
sanction
pour laquelle il est condamné. En refusant la logique du droit
(libéral)
actuel, il mettra la France au ban des pays européens en
disqualifiant
radicalement sa voix et donc en ruinant son rôle et son influence
dans le monde.
3) Il revenir sur l’autorisation de l'avortement, sinon de la
contraception,
et inciter, sinon obliger par la menace, les femmes
à
renoncer à travailler (mais toute incitation est une menace
indirecte);
ce qui fait des femmes, statutairement, des mineures sociales aux
dépens
de l’égalité des droits des hommes et des femmes.
4) Il veut limiter, voire interdire le droit de grève et abolir
l'essentiel des droits sociaux, ce qui renforcera les
inégalités
sociales
5) Il veut la préférence nationale dans les domaines
sociaux et interdire les couples et familles mixtes, ce qui est
radicalement
contraire aux droits de l'homme ; il veut (re)créer les camps de
transit de sinistre mémoire (Drancy) pour les étrangers
qu’il
prétend vouloir expulsés hors du territoire national.
Quelles forces?
1) Des électeurs (1/5ème) qui, jusqu’à
aujourd’hui,
rasent les murs quant on leur demande leur vote, signalant par
là
qu'il savent que leur vote est inavouable car démocratiquement
illégitime.
Des militants, très peu nombreux et peu implantés,
parfois
violents et toujours inaptes, de part leur formation, au jeu
politique
de la négociation et à l'administration
démocratique
et ouverte des affaires du pays.
2) Une majorité parlementaire introuvable, à moins que
la gauche ou la droite ne fasse alliance avec la FN ; ce qui semble
exclu
pour l’instant.
3) Le patronat (MEDEF), comme les syndicats, Les artistes et les
intellectuels
(tout ce qu’il appelle l’établissement) dénonce Le Pen
comme
un hâbleur irresponsable et socialement désastreux.
4) Les lycéens et les étudiants manifestent pacifiquement
dans la rue leur refus du pire qu’incarne Le Pen (du jamais vu en
période
électorale)
5) Des médias massivement (et heureusement) opposés
à ses thèses
6) Aucun service public et/ou appareil d’état, y compris la
police et la justice, pour ne rien dire de l’Education Nationale, ne
sera
aux ordres et dans la mesure où ceux-ci seront contraires
aux principes de la démocratie et des droits de l'homme ils
susciteront,
dans le contexte de la société d'aujourd'hui, la
résistance
et la désobéissance civiles
généralisées.
Quelles manière de gouverner?
Dans ces conditions de faiblesse politique objective, les rodomontades du Front National ne pourront donc engendrer , s'il les maintient une fois au gouvernement, que le chaos politique et juridique, qui lui-même peut-être générateur de violence civile à l’initiative même du FN. Un tel gouvernement serait un gouvernement sans autorité légitime sinon légale, il fera nécessairement de la violence pure la seule source de son pouvoir....Dont les électeurs du Front National seraient tout autant victimes que les autres.
Le Pen, qui a été condamné à plusieurs reprises pour racisme et violence, c'est le refus des droits de l'homme; c'est donc, dans notre société démocratique, le refus du droit et ce refus du droit c'est la violence élevé en instrument privilégié de la politique ; Le Pen à la tête de l’état c'est la fin de l’état de droit et donc c’est l'insécurité généralisée et la tyrannie au plus haut niveau Contre l'insécurité infrapolitique, Le Pen est un remède faussement politique pire que le mal. Ce qui nous enjoint de rechercher des moyens démocratiques plus efficaces pour la réduire, réduction qui passe, si l'on comprend bien le vote de certains électeurs de Le Pen, par le renforcement des moyens de la justice, la réduction des inégalités et le renforcement de l'éducation et des droits sociaux.
Pétain-Le Pen : « l’histoire bégaye disait Marx ; et la deuxième fois est une farce » Une farce sinistre qui ne mérite une claque massive et celle-ci s’appelle, le 5 mai, Chirac.
Quant à moi, je le dis tout net, en tant qu’enseignant fonctionnaire de philosophie, au vue des valeurs fondatrices de ma mission (éducateur de la liberté de penser), au cas, très improbable où il serait élu, je ne reconnaîtrais pas Monsieur Le Pen comme président de la république ; élu légalement, il ne serait pas légitime aux regard des principes même de la démocratie; j’espère et je pense que nous serons nombreux à prendre cette position…
Sylvain Reboul, le 01/05/02
On ne peut faire de la bonne politique sur le fantasme du pire et du plus invraisemblable; mais sur une certaine confiance dans la réaction démocratique telle que celle du mouvement des jeunes contre Le Pen que j'ai vécu en direct et qui a permis de "confiner" le vote Le Pen au deuxième tour. En cela le premier tour a bien servi de piqure de rappel pour tester l'état de l'opinion et c'est toujours le résultat qui est significatif et non tel ou tel moment du processus. La méthode du vaccin est une bonne méthode contre les virus; en Hollande et en Autriche, les jours du populisme xénophobe sont comptés car si la classe politique ne veut pas se suicider en rase campagne, elle devra et saura réagir à l'échelon de l'Europe quelle que soit la méthode employée: nous ne sommes plus à l'époque où la droite républicaine peut se compromettre durablement avec l'extrême droite, si elle veut le soutien financier de son électorat privilégié, sauf à la prendre temporairement dans ses filets afin de mieux l'étouffer. Le nationalisme capitaliste mis à part quelques petits patrons hystériques très minoritaires ("le fric est l'argent de la guerre", voir la montée nazisme et le rôle des grands trusts allemands) est sans avenir aujourd'hui, : les forces vives du capital dominant se sont trop internationalisées en chacun de nos pays pour qu'un tel risque régressif soit possible, voire pensable. Le populisme ne peut être qu'un prurit passager éphémère plus ou moins récurrent, voué à l'echec quant à une quelconque prise de pouvoir sur ses thèmes de prédilection; En Italie le patronat soutient Berlusconi mais refuse toute mesure sérieuse anti-immigration comme en Allemagne et Autriche et à mon avis leur voix comptera toujours plus que celle des laissés pour compte "xénophobisés" de la mondialisation. Il ne suffit pas d'avoir un jour, par hasard, et par un mouvement d'humeur, la majorité pour gouverner..; Heureusement
1) Je ne vois pas en quoi et pourquoi les multinationales, et/ou les transnationales, pourraient soutenir quelque politique xénophobe et protectioniste que ce soit aujourd'hui, laquelle mettrait en pièces leur stratégie économique fondamentale. Je ne vois pas ce qui pourrait pousser les jeunes allemands à vouloir faire la guerre contre les français et à rétablir les frontières entre nous alors qu'ils refusent de plus en plus massivement de faire leur service militaire et qu'ils savent ce que sont les risques infiniment destructeurs des armements modernes.
2) Hitler a été soutenu (et porté au pouvoir par la droite "classique": le Zentrum) par les trusts allemands qui a très largement financé sa propagande et sa montée au pouvoir et un mouvement politique qui pouvait fonder sa légitimité sur le racisme et le patriorisme vengeur et violent, de mise à l'époque; aujourd'hui les électeurs du front national, dans leur majorité rasent les murs et n'osent pas avouer (drame des sondeurs), qu'ils ont voté pour lui; ce qui signifie qu'ils n'ont pas idéologiquement le vent en poupe et que ce vote est soit le fait d'une poignée de racistes avoués, soit celui d'un mouvement d'hummeur qui ne peut pas se transformer en mouvement politique de masse massivement reconnu comme idéologiquement légitime et politiquement bien structuré avec une élite politique bien formée à sa disposition.
3) Pour qu'un mouvement de ce type (populiste xénophobe) gagne, il lui faudrait un appareil de propagande efficace relayé par les médias officiels; or nous l'avons vu: les médias n'ont respecté aucuns critères républicain de neutralité vis-à-vis de Le Pen; sans que les instances chargées de les faire respecter n'interviennent. Il faudrait aussi qu'il puisse faire alliance avec des partis dits républicains qui ne me semblent pas disposés, sous des formes différentes, à abandonner la réalité du pouvoir à son profit, ainsi qu'avec une grande partie de l'appareil d'état dont les membres n'y ont, c'est le moins que l'on puisse dire, aucun intérêt.
Sans un soutien idéologique résolu et massivement
reconnu
comme "légitime", sans médias de masse, sans
alliés
politiques marche-pieds de la droite classique organisés, sans
appareil
politique suffisant et, j'ajoute, militairement performant, sans les
largesses
financières du capitalisme économiquement dominant, ni la
mobilisation de l'immense majorité de la jeunesse (comme toutes
les enquètes l'ont montré), sans un mouvement populaire
conséquent
des forces montantes (voir la moyenne d'âge des électeurs
du FN), sans un désir guerrier partagé d'en
découdre
avec un ennemi étranger désigné bien défini
et de mourir pour son pays, la prise de pouvoir par l'extrème
droite
xénophobe et patriotarde est pour le moins fantasmatique. Et ne
peut constituer un scénario crédible pour faire de la
bonne
politique. Au vue de quoi, le pire est aujourd'hui le plus
invraisemblable;
sauf pour ceux qui le souhaitent ouvertement ou secrètement pour
nous punir de notre infame libéralisme individualiste.
S Reboul, le 20/05/02
1) Le débat droite/gauche est le seul débat politique
de fond en démocratie (parti de l'ordre plus ou moins
hiérarchique/parti
du mouvement plus ou moins égalitaire). Ce débat
traversait
déjà la démocratie athénienne et il ne se
confond
pas avec la position des partis existants à tel ou tel moment
sur
l'échiquer politique
2) Qui prétend dépasser ce débat en sa faveur
ne peut le faire qu'en inventant un ennemi commun fantasmatique pour se
faire sauveur suprème au-dessus du débat
démocratique
(l'étranger extérieur ou intérieur comme menace
commune)
3) Qui veut se situer au dessus du débat démocratique
essentiel ou l'occulter; remet en cause la démocratie
elle-même
qui est faite de ce débat
4) Qui remet en cause la démocratie, cherche implicitement ou
explicitement à l'abolir au profit d'un régime d'union
sacrée
reposant sur les pleins pouvoirs d'un homme providentiel.
Quant à De Gaulle, comme vous le savez, il était de droite mais d'une droite intelligente qui savait faire fonctionner autour et hors de lui (d'elle) le débat droite/gauche; ce qui explique que tout en se présentant comme sauveur ("C'est moi ou le chaos), il n'a jamais franchi le rubicon (article 16); bien qu'il ait été tenté et retenu de le faire en 68. (Visite à Massu en Allemagne)..De Gaulle et la monarchie élective, voire plébicitaire: c'est un cas frontière quelque soit les aspects positifs de sa politique (ex: l'Algérie). Cet équilibre, comme vous le savez a été rompu par Pompidou, clairement de droite (classique), qui s'est placé en successeur et de valet a voulu et réussi à devenir le maître, lorsque de Gaulle voulut aller trop loin à Gauche (selon lui) (référendum sur la participation, voire la cogestion, et la transformation du Sénat)
S.Reboul, le 21/05/02
Les élections présidentielles et
l'Europe
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