Respect des religions et lutte contre le fanatisme.
 

    Toutes les religions sont respectables dit-on, en tant qu'elles expriment toutes des aspirations et des réflexions
    humaines sur le sens et les exigences fondamentales de la vie, dont la valeur est potentiellement universelle ; mais
    nous savons aussi que, bien souvent, les différentes religions n'ont pas respecté les critiques en ou hors d'elle et
    qu'elles ont combattu la libre pensée rationnelle au nom d'une vérité supérieure indiscutable et sacrée, la vérité
    divine, dont elles se sont fait l'interprète exclusif. Est-il possible de penser ce paradoxe et comment peut-on
    réconcilier le respect des religions et la liberté de penser critique ?

    La religion, quelqu'elle soit, se présente toujours comme une vérité révélée aux hommes par un Dieu au pouvoir
    absolu et s'exprime à travers des textes fondateurs sacrés dont le contenu est incontestable et échappe par nature à
    la raison du commun des mortels ; seuls les prêtres et l'église sont plus ou moins habilités à interpréter l'usage qu'il
    convient de faire de ces textes et de ces commandements et, dès lors qu'elle se veut fondatrice de l'humain, il est
    logique qu'elle prétende fonder la politique et la morale. Mais cette prétention exige à son tour que les citoyens
    soient croyants et que l'ordre du monde soit soumis à l'autorité de Dieu et de ses représentants sur terre. Ainsi toute
    religion est instituée en machine de pouvoir spirituel et temporel supérieur à la décision des hommes : la
    théocratie n'est pas soluble dans la démocratie. Quand une religion se trouve menacée dans son autorité sur les
    consciences et les institutions politico-idéologiques elle a tendance à réprimer et à faire réprimer par les pouvoirs
    qui lui sont soumis et dont dépend la légitimité, toute opposition par la violence la plus extrême au nom de la
    vérité absolue dont elle se prétend garante : les mécréants et autre infidèles s'opposent à Dieu et donc incarnent le
    mal absolu (blasphèmes et sacrilèges); ce qui justifie, au nom du Bien, leur destruction et/ou leur conversion
    forcée et la lutte de ceux qui, par le combat contre eux, trouvent la mort devient alors un sacrifice héroïque pour
    laver le sacrilège (la guerre sainte) et faire triompher la justice divine sut terre. Toute religion est donc tentée par
    le fanatisme plus ou moins violent pour s'imposer car elle ne peut par la discussion rationnelle seule, convaincre
    d'une vérité par nature suprarationnelle.

    Mais le sentiment religieux ou la foi des individus et des ensembles humains expriment toujours des aspirations
    éthiques et sociales plus ou moins universelles : non-violence, sécurité, bonheur, salut post-mortem, soumission à
    un ordre juste, autonomie etc.. Or ces aspirations ne sont pas nécessairement compatibles et cette incompatibilité
    vécue exige toujours réflexion, compromis et implique conflit et dialogue avec soi et les autres. Toute religion,
    comme machine de pouvoir, doit donc s'adapter à l'évolution des sociétés pour en contrôler le cours afin de
    préserver son pouvoir sur les consciences ; elle doit pour ce faire interpréter et ouvrir le contenu sacré qui la
    fonde idéologiquement à la discussion rationnelle à un effort de réinterprétation en son sein. le fanatisme est pour
    elle à terme un danger mortel. Si donc tout fanatisme est religieux, y compris les fanatisme prétendument athée dès
    lors qu'ils se réclament de dogmes salvateurs irrationnels indiscutables, toute religion n'est pas toujours fanatique,
    mais elle a tendance à le devenir dans un contexte où son autorité est compromise et/ou elle ne peut répondre aux
    évolutions culturelles et économiques des sociétés sur lesquelles elle prétend exercer son autorité spirituelle. Le
    recul du fanatisme religieux signifie soit le recul du religieux dans la vie politique et sociale et sa mise à l'écart
    dans la vie privée (situation actuelle) , soit sa capacité à prendre en main le changement qui s'annonce en se
    réformant dans un sens favorable aux aspirations nouvelles qu'il met en oeuvre. Mais une religion de la liberté de
    pensée sans rivage transcendant, ni contrôle des consciences est logiquement absurde. Donc toute religion est
    travaillée de l'intérieur entre l'exigence de soumission à l'autorité divine et cléricale et la nécessité d'une évolution
    libératrice. Refuser cette contradiction est donc objectivement pour elle un signe de faiblesse mortelle ; elle
    cherche alors, dans le pire des cas, à le refouler dans l'extrême violence paranoïaque compensatrice et
    narcissiquement enivrante contre la réalité humaine et les aspirations des sociétés au changement et des individus à
    une plus grande autonomie. Du fanatisme idéologique on passe au fanatisme terroriste apocalyptique ; d'une
    politique religieuse on passe à une religion politique ; ou mieux au refus de toute politique, en tant que gestion
    raisonnable des conflits, pour ne plus faire de la terreur sans bornes, au nom de Dieu tout puissant, que le seul
    moyen d'action possible. Dans ce cas les forces de mort sacrificielles et héroïques des autres et de soi l'emportent
    sur les aspirations au mieux vivre ensemble dans un bon usage des contradictions d'intérêts et de valeurs qui
    animent toutes les sociétés et tous les individus. Un monde sans contradiction ne peut être qu'un monde mort et
    vouloir un tel monde c'est semer et désirer la mort de soi et des autres. La pulsion de mort s'impose alors à la
    pulsion de vie. Ainsi une religion n'est respectable que vivante et libératrice, c'est à dire au service de la vie ; le
    fanatisme de la mort est méprisable ; l'intolérance de l'intolérable, à savoir du fanatisme à la rigidité cadavérique
    et criminelle, n'est donc qu'une manière de respecter le sentiment religieux en ce qu'il peut avoir de vivant.

    C'est ainsi que nos sociétés contemporaines n'ont pu s'arracher à cette tentation folle du délire fanatique et
    (auto)destructeur (les guerres de religions, l'inquisition et autres "croisades") qu'en renonçant plus ou moins au lien de
    subordination entre religion et politique et en instaurant les conditions d'une démocratie pluraliste fondée sur les
    droits de l'homme à penser par lui-même (voir Kant : " Qu'est-ce que les lumières) et donc sur la tolérance,
    laquelle implique la libre critique rationnelle (fondée sur la logique et l'expérience universalisable) de toutes les
    opinions, y compris religieuses. C'est en quoi nos sociétés libérales et démocratiques (vote secret majoritaire et
    libertés religieuses et politiques etc..) sont une menace mortelle pour toute les religions traditionnelles qui refusent
    toute interrogation sur elles-même, en elles même et hors d'elle même ; privilégiant la sécurité d'un pouvoir
    immuable hiérarchisé à la souplesse auto adaptative aux conditions et aspirations nouvelles des hommes (et surtout
    des femmes) à la liberté et à l'égalité des droits.
    Mais, en ce sens, la lutte contre le fanatisme politico-religieux n'est pas une marque de supériorité de notre culture
    et encore moins de notre civilisation comme le prétend Monsieur Berlusconi,, car elle traverse toutes les cultures
    et les religions à des degrés divers selon les contextes historiques et culturels et les rapports de forces du moment
    : une     culture n'est jamais figée ni close sur elle-même et c'est par son mouvement réflexif sur elle-même qu'elle
    participe du travail de la raison critique et du développement de la civilisation universelle. De ce point de vue les
    hyper fanatique terroristes sont des criminels dont les crimes, dès lors qu'ils participe d'une idéologie
    politico-idéologique organisée, doivent être considérés comme des crimes contre la civilisation et l'humanité et
    traités comme tels.

    Nous n'avons donc pas plus de gants à prendre contre les Ben Laden, ses affidés manipulés et autres Taliban(s)
    que contre les nazis pendant la dernière guerre. Il faut les vaincre militairement et le plus tôt sera le mieux, car nous
    sommes dans la situation d'un monde ouvert et perméable dans lequel n'importe quels fous fanatiques peuvent faire
    usage d'armes de destruction massive et mettre en danger l'humanité toute entière. Notre premier but raisonnable
    doit donc être d'éradiquer sans faiblesse idéologique et politique le terrorisme en le coupant de son terreau que
    sont ses ressources militaires, ses ressources humaines (le désespoir de ceux qui se sentent humiliés par les
    injustices qu'ils subissent et sont tentés par la vengeance de masse), ses revenus financiers et ses dogmes
    idéologiques sur lesquels il fonde son influence en instrumentalisant les sentiments religieux traditionnels et les
    sentiments d'injustice et d'humiliation vécus par les populations les plus déshéritées, laquelle instrumentalisation
    est mortelle pour toutes les cultures, religieuses ou non, musulmane ou non.



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