La place des femmes dans la
cité
Toute culture, pour pérenniser l'ordre social et politique existant, a tendance a classer les hommes hiérarchiquement selon des caractéristiques et des critères d'évaluation prétendument naturels. Ces critères et performances confondus sont tenus pour objectifs et donc indiscutables; c'est-à-dire inscrits dans la nature et le patrimoine génétique des individus, des groupes ou des sexes. Cette "croyance" engendre toute les variantes du racisme, du sexisme et du socio-biologisme. Or, je veux ici démontrer, après Rousseau (qui n'en a pas tiré toutes les conséquences à propos du statut des femmes), que cette croyance dans le fondement naturel de la hiérarchie sociale est une absurdité épistémologique et une illusion subjective; la seconde étant la cause de la première.
- L'inégalité "naturelle": une absurdité épistémologique:
Un fait n'est pas une norme ni une valeur. Un homme est ce qu'il fait et manifeste par ses comportements, ses performances plus ou moins objectivement observables, voire, ce qui est plus problématique, ses capacités potentielles; mais la question de savoir ce qu'il vaut, relève d'un choix normatif qui n'est pas déterminé par le nature de ces "faits" constatables, mais par l'application sur ces "faits" de valeurs qui expriment un certain idéal, toujours discutable, de l'homme, en vue d'un certain usage social et professionnel. Quand on dit qu'un homme vaut plus en intelligence qu'un autre, il faut toujours ajouter: "quelle intelligence, dans quel contexte et pourquoi faire?". Rien ne permet de dire qu'un élève qui est le premier à l'école est plus intelligent que le cancre qui se débrouille mieux sur un terrain de foot, ou pour bricoler une mobylette et monter des coups avec les copains de sa bande. La réalité ne permet de définir aucune morale; elle n'est que l'ensemble des phénomènes observables plus ou moins prévisibles selon des lois hypothétiques; et, en cela et en elle-même, elle n'est ni bonne, ni mauvaise, c'est toujours nous qui la jugeons telle en fonction de nos désirs conditionnés par des valeurs, des usages et des conventions socialement déterminés. Un jugement de valeur est toujours l'expression d'un désir subjectif, plus ou moins généralisé et artificiellement produit dans une contexte social donné; or, dès lors qu'on ne le reconnaît pas comme tel et qu'on croit que la valeur est dans la chose ou l'individu, on est victime d'un artefact, illusion qui attribue à l'objet même un effet produit par les conditions subjectives et objectives.de notre regard sur lui. La confusion entre jugement de réalité et jugement de valeur est, du point de vue épistémologique la source même de ce qui fait principalement obstacle à recherche de la vérité: l'illusion.
- L'inégalité naturelle: une illusion idéologique:
L'illusion idéologique est toujours le produit de la
confusion positive
ou négative de nos désirs et de la réalité;
croire
que nous désirons une chose parce qu'elle est bonne (ou que nous
la
haïssons parce ce qu'elle est, en elle-même, mauvaise) et/ou
qu'elle
est réelle et/ou réalisable parce que nous la
désirons
engendre tous les délires individuels ou collectifs.
Or l'idéal de la vérité exige, au contraire, un
décentrement
critique vis-à-vis de nos désirs pour distinguer ce qui
est
souhaitable de ce qui est possible, ne serait-ce que dans le but
d'être
plus l'efficace quant à la réalisation pratique d'un
compromis
réalisable entre nos désirs et la réalité
(compromis
que j'appelle un projet autonome). Ceci vaut particulièrement
pour
les délires socio-biologiques et racistes: être raciste ou
sexiste
c'est croire que les autres, parce qu'ils semblent à tort ou
à
raison différents, sont naturellement inférieurs, ce qui
justifie
leur domination voire leur destruction violentes. Cela "nous" conforte
dans
l'illusoire croyance en "notre supériorité" indiscutable.
La
violence, comme expression d'un désir narcissique individuel
et/ou
collectif exclusif, auto alimente spontanément par les effets de
peur
et de haine qu'elle produit sur les autres et dont elle fait
illusoirement
sa cause extérieure, en un cercle symbolique réellement
vicieux.
De cette spirale "infernale" on ne peut sortir qu'en renonçant
à
l'idée qu'un jugement de valeur est naturel, alors qu'il n'est
que
moral et donc mérite justement discussion avec les autres pour
se
remettre en question et se réévaluer aux vus des effets
qu'il
produit sur eux.
- Différences et égalité de valeur
Que les hommes (et les femmes) soient différents entre eux,
selon leur apparence ou leurs comportements et performances, ici et
maintenant constatés
dans tel ou tel contexte, ne signifie pas qu'ils ne puissent changer
d'une
part, et surtout qu'il soient moralement hiérarchisables, alors
que
leurs actes peuvent l'être au regard des effets produits sur eux
et
les autres selon la définition conventionnelle de valeurs et de
références
fonctionnelles déterminées; or une telle
définition
ne relève en démocratie que d'un débat public et
rationalisé
sur les conditions réciproques du bien-vivre ensemble et non
d'une
prétendue nature ou d'un quelconque commandement divin (ce qui
pour
certain(s) revient au même).
Reconnaissons que les hommes sont semblables entre eux sur deux points
essentiels:
leur aptitude à dialoguer entre eux par le corps, le geste et la
parole
et à être reconnu comme valeur par les autres dès
lors
qu'ils peuvent se donner consciemment et revendiquer des fins propres
(autonomie)
et se poser comme fin de leur action (le bonheur c'est être
content
de soi)). Cette commune humanité suffit à les
égaliser
moralement: chacun a un égal droit au bonheur comme affirmation
créatrice
et reconnaissance de son autonomie. Cette égalisation nous
interdit
de transformer leurs différentes performances comportementales
apparentes,
toujours contextualisées, en justification de quelque rapport de
domination
ou de destruction que ce soit: juger et punir un acte criminel dans un
procès
dans lequel l'inculpé peut faire valoir le droit de se
défendre,
c'est reconnaître la valeur du condamné en tant
qu'être
autonome (à condition de ne pas ensuite le tuer et de ne pas
l'humilier
par une peine moralement dégradante ne lui laissant aucune
possibilité de se redéfinir).
- L'accès des femmes au pouvoir
Les femmes sont plus ou moins différentes des hommes, quelque
soit
la nature symbolique ou réelle de cette différence; mais
la
hiérarchie soi-disant "naturelle" établie
traditionnellement entre eux et elles quant à l'accès aux
fonctions de pouvoir dans la vie publique, doit toujours être
suspectée de faire faussement
apparaître comme légitime (naturel = normal) la
reproduction
d'une domination politique moralement injustifiable au regard du
désir
légitime des femmes à l'autonomie; lequel doit être
supposé
égal en droit à celui des hommes. Cette domination,
toutes
les enquètes le confirment, s'exprime sans fard dans le travail
et
la politique; les femmes ont donc d'excellentes raisons de se sentir
injustement
victimes d'une situation de fait que le droit, dans nos
sociétés
qui se veulent démocratiques, ne peut longtemps tolérer.
Ce
divorce entre le fait et le droit démocratique légitime
en
droit comme en fait leurs revendications à
l'égalité
sociale et politique ainsi que la révolte des femmes (et des
hommes)
pour que cela change par tous les moyens légaux,
psychosociologiques,
idéologiques et politiques.
Ceci ne veut pas dire qu'aucune hiérarchie des
responsabilités professionnelles et/ou politiques entre les
hommes (y compris les femmes) n'est justifiable, mais seule est
justifiée celle qui soumet les dirigeants
à la loi égalitaire qui leur ordonne d'utiliser leur
compétences
au service des autres en se soumettant par contrat à leur
évaluation
désirante rendue raisonnable par l'éducation à la
morale
civique; laquelle repose sur les exigences de la solidarité, de
la
mutualisation réciproque des intérêts
matériels
et moraux et du respect du désir d'autonomie de chacun.
Or rien n'indique que les femmes soient moins compétentes que
les
hommes pour accéder au savoir et aux responsabilités
professionnelles
et politiques. Sur ce point il est même permis de penser que la
capacité
de compréhension des autres et la résolution
légendaire
de leur désir à donner la vie plutôt que la mort
qu'on
leur reconnaît symboliquement (dans le cadre de leur rôle
domestique
traditionnel) puissent leur conférer un avantage, au moins
temporaire,
sur eux: Si l'accès des femmes au pouvoir permettait d'en
démocratiser
l'exercice, selon des valeurs moins "terroristes" et plus
"féminines",
qui oserait s'en plaindre?
- Conclusion: la loi sur les quotas
A ceux qui, pour justifier le statu-quo, disent que les femmes ne
sont pas faites pour le pouvoir, ou qu'elles n'en veulent pas, on peut
tranquillement répondre qu'il conviendrait de changer le pouvoir
pour le rendre moins
violemment viril et plus juste. S'Il faut, en effet, qu'elles veuillent
le
pouvoir; pour le vouloir, il conviendrait qu'elles y aillent pour le
changer
et qu'elles le changent pour le vouloir. Et c'est dans le cadre de ce
cercle
qu'il faut tenter de rendre vertueux, qu'il faut s'interroger sur le
proposition
politique de la loi sur les quotas visant à
"favoriser"l'élection des femmes dans les organes politiques et
économiques de décision .
Sylvain Reboul, le 08/11/97.
La parité est
aujourd'hui nécessaire.
La loi libérale a deux fonctions:
1) Etablir les obligations et les interdictions qui semblent nécessaires à tel ou tel moment pour préserver l'ordre public, et la conception que l'on en a peut évoluer. (ex: l'avortement)
2) Garantir les libertés fondamentales et l'égalité des chances dans l'accès aux responsablilités.
Aujourd'hui, on constate que les femmes sont dans les faits
sinon exclues du moins empéchées ou
génées dans
la mise en eouvre du principe de l'égalité des chances
qui
leur est en droit reconnu: cette contradiction entre la pratique et le
droit
peut-être considérée comme une source de conflits
réels
ou potentiels qui peuvent être compris comme un motif de trouble
de
l'ordre public. Si les femmes renoncent à leur droit par l'effet
de
contraintes extérieures ou de le conviction
que leur place n'est pas de partager le pouvoir social avec les hommes
mais
d'exercer essentiellemnt leur responsabilités familiales, ce
trouble
de l'ordre public reste latent, mais le principe même de
l'égalité
des chances constitutif de l'ordre public démocratique est
compromis
dans son application et cette atteinte laisse entier le risque
de conflit, dès lors que toutes les femmes ne peuvent être
en
accord sur ce point; de plus,les convictions et les contraintes
sociales sont
bien souvent interdépendantes et l'on ne peut jamais assurer que
les
femmes
ne sont pas contraintes de renoncer à leur droit à
l'égalité des chances, lors même qu'elles semblent
l'accepter.
La loi sur la parité cherche simplement à restaurer l'ordre public compromis par la réelle inégalité des droits dont les femmes sont victimes pour mettre les pratiques en accord avec les principes libéraux de notre société. Dans une société non-libérale (et donc traditionnelle) le problème est traité par la formalisation en droit de l'inégalité statutaire considérée comme naturelle entre les hommes et les femmes, cette inégalité en droit est rendue incontestable par la pression du groupe et le recours à la religion, c'est- à-dire à l'autorité transcendante et indiscutable de(s) Dieu(x) comme fondement sacré de l'ordre public.
Cette loi sur la parité est une donc loi corrective
temporaire: elle vise à corriger une injustice contraire
à la conception libérale et universaliste de l'ordre
public; lorsque cette inégalité aura été
résolue dans les faits, alors la pertinence de cette loi sera
obsolète; le seul principe formel de l'égalité des
droits suffira à l'exercice de son application et l'ordre public
libéral sera restauré sans loi sur la parité. La
constitution qui peut être changée dans le seul but de
faire
vivre la loi libérale pourra à nouveau être
modifiée en conséquence: la loi doit en permanence
s'ajuster à la réalité
pour mettre en oeuvre efficacement son souci de maintenir ou de
restaurer
l'ordre public libéral. En l'occurence, il n'était pas
possible
de faire adopter la parité par une loi ordinaire (qui
aurait
été inconstitutionnelle), il convient de changer
temporairement
la constitution dans le seul but d'assurer dans les faits le principe
universaliste
de l'égalité des
chances.
Les compétences des individus ne sont pas en cause: une
femme
peut être au moins aussi compétente qu'un homme dans les
fonctions
de responsabilités politiques (ou économiques); mais
cette
compétence a aujourd'hui moins de chance de pouvoir s'exprimer
et
si certaine femmes apparaissent comme moins compétentes,
on
trouvera toujours d'autres plus
compétentes qu'elles. Ceci dit la compétence politique
est
une question d'expérience et de pratique et les femmes doivent
avoir
les mêmes chances que les hommes de faire leur apprentissage sur
le
tas en participant aux responsablités.
Le temps fera la sélection entre les femmes, comme entre les
hommes.
Nul ne vote pour l'éternité!
S.Reboul, le 02/06/99
Nous vivons dans une société libérale, pluraliste et démocratique, qui ne peut et ne doit plus faire référence aux traditions religieuses et conventionnelles pour imposer une stricte distribution inégalitaire des pouvoirs et responsabilités entre les hommes et les femmes ; sinon elle devrait renoncer et faire renoncer à l’idée du droit universel au profit d’un droit hiérarchique et elle ne pourrait le faire, aujourd’hui, que par recours à le violence extrême. Ceci entraîne 5 conséquences :
1) Les rôles sexuels
relèvent de la vie privée, voire de la vie intime, et non
d’un statut politico-social ; le seule limite à l’autonomie
sexuelle est le refus de la violence et de la domination (ex
:pédophilie, harcèlement etc..)
2) Les rôles parentaux doivent
être
négociés dès lors que l’autorité est
définie
comme indissociablement parentale ; leur complémentarité
éventuelle
et leur partage ne doit pas être régis par le droit ou un
quelconque
règlement publics mais relèvent d’une libre
négociation
privée dans laquelle chaque partenaire détient les
mêmes
droits et est coresponsable de l’exercice des devoirs communs.
3) L’égalité sociale n’est
pas
l’indifférence ou la non-différence mais
l’égalisation des chances dans l’accès au pouvoir et aux
responsabilités politiques
et économiques.
4) Les différences d’approches et
de
valeurs normatives éventuelles (acquises ou non, ce n’est pas le
problème)
ne fondent en rien une quelconque inégalité politique
et/ou
économique et sociale, mais doivent rendre possibles et
nécessaires
des évolutions et des compromis quant aux finalités et
aux
conditions d’exercice du pouvoir (Compétition/coopération
;
Efficacité objective/Compréhension subjective etc..).
5) La lutte pour l’égalité
des
hommes et des femmes dans l’accès aux responsabilités est
donc
une nécessité pour démocratiser la vie politique.
S.Reboul, le 18/10/99
Remarque parfois entendue
"les femmes ont cru qu'il leur fallait ressembler aux hommes et ainsi se sont mises en marche pour conquérir des droits, aliénant au passage leur féminité."
Commentaire:
L'égalité des droits n'impliquent
aucunement
l'indifférenciation des comportements au contraire. Les droits
ne
sont pas des contraintes, sinon celle qui consiste à respecter
les
droits des autres, mais des libertés garanties pour donner
à
chacun le maximum de marde de manoeuvre afin de construire son projet
de vie
sans nuire aux autres.
Exemple1: le droit l'avortement est reconnu aux femmes en tant que biologiquement femmes mais n'entraine aucune obligation d'avorter pour être femme.
Exemple2: le droit au travail ne signifie nullement qu'il soit interdit aux femmes et aux hommes de ne pas exercer une profession pour d'autres activités dites domestiques.
Ce qui est important c'est que
chacun(e)
puisse avoir le choix sans être contraint(e) par une quelconque
loi
présentée comme naturelle ou biologique de jouer un
rôle
social prédéterminé selon un genre socialement et
autoritairement
construit, codé et imposé. Les femmes, selon leurs
compétences,
doivent avoir le droit d'exercer la profession de leur choix à
leur
manière féminine si elles le désirent. Si cette
féminité
a des racines biologiques, elles le feront savoir et valoir de toute
manière
et agiront en ce sens, au bénéfice de l'universel humain.
C'est
à chaque femme dans toutes ses activités sociales,
professionnelle, et privées d'exprimer, comme elle le
désire, l'idée
qu'elle se fait ou ne se fait pas de sa féminité. La
biologie
est une chose et l'usage personnel et social que l'on en fait autre
chose.
La biologie humaine est assez labile et flexible pour autoriser
l'autonomie
qui n'est pas l'indépendance. Il faut, en effet, distinguer
disait
Kant l'anthropologie théorique qui définit ce que la
nature
fait de nous de l'anthopologie pragmatique qui concerne ce que nous
faisons
de notre nature.
S. Reboul, le 15/03/05
Egalité et différence
je refuse par contre la confusion logique que vous faites entre "être semblable" et "être inégaux". Les libertés ne concernent pas des semblables mais, au contraire, des individus différents qui ont des droits égaux. Le libéralisme qui est au fondements de notre idée d’égalité des droits-libertés affirment que les individus sont différents dans leurs talents, intérêts, valeurs personnelles etc.. et à ce titre doivent jouir de droits fondamentaux égaux pour rendre possible une vie sociale et/ ou une coopération pacifiques.
De même l’inégalité n’est jamais qu’une
inégalité des droits et/ou des pouvoirs et celle-ci ne signifie pas que
les individus soient différents; mais que certain, bien que semblables
aux autres les dominent. Le semblable est de fait, l’égalité est de
droit et la seconde ne repose pas sur le premier, sauf pour qui croient
que les inégalités sociales sont, au fond, naturelles et que certains
sont par nature dominants et d’autres dominés. Ce qui revient toujours
à interdire ou à limiter la possibilité aux seconds d’accéder au statut
de sujet de droits.
Le 14/03/06
Des relations de pouvoir entre les hommes et les femmes et de leur évolution
Il convient de se demander pourquoi la question du pouvoir hiérarchique, dans le
domaine politique et/ou économique semble rester l’apanage des hommes.
Je propose deux réponses indissociables: 1) Les hommes
se sont par tradition identifiés au pouvoir formel et à la lutte au
couteau pour le conquérir et s’y maintenir qu’il génère dans une
société concurrentielle. or celle-ci mobilise un temps indéfini (comme
le CDI) et une exige une disponibilité de tous les instants laissant
peu de place à d’autres inclinations privées et familiales moins
compétitives. Celles-ci risquent même de démobiliser les compétiteurs
et de leur faire perdre la face vis-à-vis de leurs adversaires, ainsi
que l’idée gratifiante qu’ils se font de leur virilité. 2)
Les femmes par tradition ont développé, pour résister au pouvoir formel
des hommes, des formes informelles de pouvoirs sur les personnes
proches, en particulier la famille (mari et enfants) et les ami(e)s en
utilisant l’écoute et la séduction qui se manifestent d’abord dans un
cadre relationnel affectif et privé, voire intime, dans lequel la
compétition en vue de l’influence exercée sur les autres prend des
formes moins brutales et plus coopératives tout en leur permettant de
s’identifier au rôle et aux gratifications de la maternité. Ce
jeu de rôle, qui n’apparaît naturel que par l’illusion
sociale qui le
définit comme tel, est aujourd’hui en crise, dès lors que
les femmes
semblent désirer participer au même titre que les hommes
à la
compétition pour le pouvoir hiérarchique formel et
qu'elles peuvent aujourd'hui le faire du fait de cette conquête
majeure qu'est la maîtrise de la maternité. Les
identités et les
gratifications en terme de valorisation qu’elles génèrent
sont donc
remises dramatiquement en cause, particulièrement chez les
hommes qui
ont le sentiment de perdre leur virilité (et les femmes de
pouvoir ont
souvent de mal a trouvé un compagnon à la hauteur: la
peur de ne pas
"assurer" est générale chez eux), alors que les femmes
semblent vouloir
cumuler les deux types de pouvoir: l’autorité
hiérarchique et
l’influence affective et séductrice. De plus si les femmes sont
souvent
exclues du pouvoir suprême, elles occupent de plus en plus, dans
une
société et une économie qui valorise le service et
la relation
communicante, une place décisive que les hommes, du fait
même que leur
pouvoir hiérarchique en est de plus en plus tributaire,
ressentent
comme une dévalorisation plus ou moins humiliante. Il
va s’en dire que cette évolution est non seulement inéluctable mais
juste dès lors qu’elle s’inscrit dans le cadre de l’affirmation de
l’égalité des droits et des chances; mais elle ne se fait pas sans
résistance de la part des hommes (de pouvoir) et sans lutte des femmes
pour leur libération. Quant au jeu de rôle traditionnel, parions qu’il
est en passe d’être mis en pièce et faisons en sorte, hommes et femmes,
de nous libérer de son carcan, ce qui veut dire, avant tout, que les
hommes doivent apprendre, grâce aux femmes, à assumer peu ou prou leur
féminité, jusque dans les activités maternantes, en se libérant de
cette image de guerrier toujours au combat, et s’en féliciter. Il
doivent donc, comme les femmes sont entrain de le faire, apprendre à
jouir d’eux-mêmes dans des activités et rôles différents, mettant en
jeu des valeurs opposées. Que les hommes aussi
apprennent à devenir des femmes afin , pour le reprendre la formule
d’Aragon, que les femmes modernes soient aussi l’avenir des hommes, est
la condition de leur libération ainsi que celle des femmes.
Le 20/03/06