Le retour du TCE


Le TCE a été ratifié par la majorité des états de l’union comprenant la grande majorité des populations européennes. C’est un fait incontournable. Peut-on faire comme si ce fait était nul et non avenu ?


En effet, le refus minoritaire par la France et la Hollande, non seulement pose le problème formel de la démocratie européenne, car une minorité prétendrait alors imposer sa position purement négative à la majorité (aucun plan B), mais pose le problème politique de la poursuite de la construction de l’UE, car l’élargissement impose, dès aujourd’hui, pour des raisons d’efficacité, un changement des règles de fonctionnement de l’UE

On le voit déjà à propos de la libre circulation, sans aucune restriction, des travailleurs en Europe et de la circulaire sur les services -deux questions que l’on ne peut séparer- sur lesquelles les différentes institutions de l’UE sont déjà en train de statuer et/ou s’apprêtent à la faire. La seule loi de l’unanimité et la répartition des voix existante en ce qui concerne les décisions à majorité qualifiée semblent autant de facteurs de blocages potentiels comme on l’a vu en ce qui concerne la taux de la TVA dans le BTP et la restauration proposé par la France, ce qui entre parenthèse rend pour le moins caduque l’affirmation que le domaine fiscal échapperait à l’UE.

On comprend alors que les responsables politiques français et allemands, comme nous l’apprennent plusieurs organes de presse allemands, cherchent à négocier les conditions d’une nouvelle ratification par la France du TCE. Les propositions concerneraient la séparation des parties I (Institutions), II (Charte des Droits fondamentaux) et IV (Procédures de révisions) du TCE de la partie III (économique, mais aussi sociale) qui avait soulevé l’hostilité que l’on sait, en particulier chez les partisans du « non de gauche ». Nombre d’entre eux et en particulier le premier d’entre eux, Laurent Fabius, ont toujours prétendu qu’ils auraient appelé à voter oui sur les seules partie I II et que leur opposition ne portait que sur la « constitutionalisation » (« gravée dans le marbre ») de la partie III qui, selon eux, ne concernerait que la politique économique et sociale ordinaire, ouverte par nature au débat et à l’alternance politiques.

Ce démembrement du TCE permettrait de refaire voter les français et les hollandais sur les parties I, II et éventuellement IV « agrémentées » d’une déclaration sur la recherche des exigences sociales à mettre en œuvre et à harmoniser en Europe. La partie III dont on corrigerait à la marge certaines formulations mal interprétées, mais qui s’applique déjà pour l’essentiel du fait même qu’elle ne fait que reprendre les traités antérieurs, ferait l’objet d’un vote du parlement français, ce qui est dans la nature des lois ordinaires.

Cette procédure aurait le mérite de permettre de distinguer les « non(s) » de gauche et les « non(s) » souverainistes et donc de mettre au pied du mur les premiers en les prenant au mot. De plus elle laisserait ouverte la question du choix politique entre l’ultra libéralisme et le social-libéralisme, compte tenu du fait que l’option du social-nationalisme et/ou du national-souverainisme serait écartée comme incompatible avec l’idée même de construction européenne dont la marché commun et le principe libéral de concurrence libre et non faussée sont les conditions nécessaires de possibilité. Mais elle aurait aussi l’avantage de permettre de distinguer plus nettement l’ultra libéralisme et le libéralisme authentique qui doit être toujours assorti de règles et d’objectifs sociaux.


Je ne suis pas du tout d’accord les  arguments qui confondent des sondages avec des élections, qui confondent une constitution nationale avec une constitution en forme de traité international (TCE et non pas CE) et qui refusent d’admettre que l’on peut considérer la démocratie représentative comme au moins aussi, sinon plus, démocratique que la démocratie dite directe..

Je vais prendre l’exemple de l’Allemagne que je connais très bien pour m’expliquer (j’y suis en partie installé et j’y vote aux élections européennes et locales): le référendum est constitutionnellement interdit en Allemagne pour éviter le risque d’un plébiscite et de l’emballement passionnel que les allemands ont expérimenté en 33. De plus les élections qui ont suivi la ratification en Allemagne ont vu les partis favorables à celle-ci l’emporter avec 92% des voix.(!). Cherchez l’erreur: pas plus que l’hirondelle ne fait le printemps, un sondage ne fait l’élection...Les Allemands sont souvent extrémistes dans leurs propos sans conséquences mais très raisonnables quand on passe aux choses sérieuses. Car la cogestion fait qu’ils reconnaissent les contraintes économiques...

Le résultat du référendum en France est la conséquence de confusions politiques effarantes entre la politique intérieure et des problèmes européens, entre la politique sociale (ordinaire) et des problèmes constitutionnels (voir le rôle de la circulaire Bolkestein qui ne relevait pas du TCE). Et de fausses croyances, telles que celle qui grâce au «non» permettrait

-De revenir sur l’élargissement, déjà décidé et donc irréversible
-De revenir sur la libre circulation des travailleurs en Europe
-D’abolir le principe de la concurrence libre et non faussée et donc le marché commun
-D’abolir l’Euro comme monnaie commune.
-Celle de l’existence d’un plan B plus ou moins protectionniste qui irait à l’encontre des traités antérieurs et je passe sur les fantasme absurdes, car contraires au texte, sur le droit de grève et l’avortement.

Une preuve que le vote non a été irrationnel? Les agriculteurs ont majoritairement voté non (contre du reste l’avis de la FNSEA), mais continuent à réclamer des subventions européennes et l’ouverture du marché européen à leurs produits. Bref leur comportement exprime le désir parfaitement absurde d’avoir le beurre et l’argent du beurre; tout aussi absurde que celui du chien qui mort la main de celui qui le nourrit.

Il reste que l’on peut être tenté, par nationalisme aveugle à la réalité, de sortir de l’Europe et du marché commun, mais il faut savoir que cette sortie serait aujourd’hui économiquement impossible car les capitaux, les productions et les marchés et sont mondiaux (80% des pièces d’une Clio viennent d’ailleurs, quand ce n’est pas la voiture toute entière). Une telle sortie provoquerait une effondrement économique et social immédiat: La totalité des grandes entreprises françaises sont installées partout dans le monde et ont plus de 40% de leurs capitaux d’origine étrangère et particulièrement nord-américaine . Ni les capitaux français, dans la mesure où ils ne partiraient instantanément à l’étranger, ni les capitaux publics (via l’impôt), ne permettraient de pallier à la faillite: plus de capitaux, plus de marché, plus d’emplois.

Il faut être totalement délirant pour penser une minute que le protectionnisme économique est aujourd’hui viable. Et il faut être inconscient, pour ne pas dire passionnellement stupide, pour ne pas voir que cela nous oblige à construire une Europe politique qui seule peut permettre de réguler la libéralisation mondiale irréversible de l’économie dans un sens socialement plus juste. Le TCE est une première étape, la refuser c’est préparer la catastrophe annoncée, face aux géants qui sont nos adversaires/partenaires, à savoir les USA, la Chine et l’Inde.
Le 08/03/06


Nicolas Sarkozy et la mini-traité

Selon le texte même le TCE n’est rien d’autre qu’un traité international ayant valeur constitutionnelle entre des états différents , son premier but vise à améliorer le traité de Nice par des mesure plus démocratique (rôle du parlement), son second à améliorer la fonctionnement des instituions en faisant de la majorité qualifiée la norme et enfin la reconnaissance constitutionnelle des droits fondamentaux, y compris des droits sociaux (ce qui a mis en rage les hyper-capitalistes de tous poils) ; c’est pourquoi tous les partis de gouvernement de gauche et les syndicats européens l’ont approuvé: il était un progrès par rapport au traité de Nice ; traité que NS veut corriger. Mais il ne veut pas lui donner de valeur constitutionnelle alors qu’il sait très bien qu’un traité international ayant entraîné une ratification parlementaire en terme de constitutionnalité française est de droit constitutionnel ; ce qui est le cas de l’essentiel du TCE qui a été constitutionnaliser par avance par un vote parlementaire à la majorité qualifiée et donc (déjà) intégré à la constitution française.

J’en profite pour dire qu’une constitution n’est en rien un texte sacré ; on ne cesse de retoucher en permanence la constitution française ; il en serait de même du TCE dans un cadre plus démocratique qui interdirait le droit de véto.. (mais nous n’en sommes pas encore là ; encore faut-il faire tomber le tabou symbolique de l’unanimité, ce que propose le TCE)

Je maintiens que le TCE est un progrès démocratique par rapport aux traités antérieurs et nul ne peut le contester sauf à refuser la construction d’une Europe politique (et donc à terme sociale) plus efficace et plus intégrée pour en revenir au protectionnisme, alors même que l’économie française est largement mondialisée, sans que l’Europe et à plus forte raison la France puissent peser dans la régulation de cette irréversible mondialisation des échanges.

Ce qui m’amène à ne pas être du tout d’accord avec le fait qu’un traité international qui doit régler les échanges entre des pays n’aborde pas les questions économiques qui sont au coeur de la réalité de cette construction. On ne peut échanger avec des règles du jeu différentes dans le cadre d’un marché devenu unique. Du reste la constitution française elle-même par l’affirmation du droit "sacré" à la propriété des moyens de production et d’échanges reconnaît en droit le libéralisme comme la seule forme de l’économie compatible avec la démocratie pluraliste.

Ce qu’il convient de faire c’est de prendre en compte les droits sociaux fondamentaux pour compenser le pouvoir du capital privé, ce que le TCE d’une manière significative propose dans le texte, au contraire des traités antérieurs.

Il ne faut jamais fétichiser un texte juridique: son usage et son interprétation comme tout texte humain dépend des luttes politiques et sociales et des rapport des forces qu’elles imposent et de rien d’autre. Le TCE mettait en scène institutionnelle politique la possibilité de ces luttes à l’échelon européen et d’une évolution vers un monde plus civilisé.

Il me semble qu’en refusant le TCE, ses adversaires  ont  du même coup refusé, même à leur corps défendant, les avancées sociales et démocratiques qu’il comportait en particulier la partie 2 et section 3 de la partie 3. Le résultat de ce contre-sens est clair, ce sont les ultra-libéraux (ce que n’est pas le cas NS qui lui cherche à re-entrer dans le jeu européen pour faire échec à la vision purement hyper-capitaliste mondialisé dérégulé et ce du point de vue de la droite nationale-capitaliste franço-française) qui cherchent par ce blocage à imposer leur vision.

Ce qu'ils ont  refusé de faire et en se mettant hors jeu par purisme dogmatique (et gauchisme irresponsable), les autres le font à leur manière. Merci pour eux.

Cela s’appelle se tirer une balle dans le pied: en refusant le TCE une partie de la gauche française a, à l’encontre toute la gauche de gouvernement et des syndicats européens, fait le jeu de l’hyper-capitalisme mondial qui n’attendait que cela.

Pour enfoncer le clou: ce n’est pas faire preuve d’une particulière lucidité politique que d’avoir, pour certainsd'entre eux  soutenu des candidats dont certains ont retourné leur veste anti-européenne au deuxième tour, alors que la logique de leur cheval de bataille anti-européen aurait été, au moins, de réclamer un nouveau référendum et donc d’appeler à voter plutôt pour SR que pour NS qui, lui, veut remettre en selle le traité sans demander aux citoyens leur avis

Certains électeurs du non le savaient et ont probablement voulu cela en votant NS, pour ne pas à se déjuger de leur non calamiteux au référendum, tout en laissant carte blanche à NS pour faire ce qu’il veut en négociant avec nos partenaires une nouvelle mouture qui, nous le savons, reprendra l’essentiel du TCE sous une forme simplifiée.

Le vote NS aux présidentielles efface largement le vote non au référendum: il est vain et stérile de la nier ; une majorité des français ne se reconnaît pas dans le souverainisme anti-européen plus ou moins mâtiné d’alibi cosmétique social...

Telle est donc une des leçons des élections: le réalisme y compris combiné avec une certaine volonté d’irresponsabilité citoyenne -irresponsabilité déjà présente dans le vote non- l’a emporté sur des convictions illusoires. Ce n’est pas enthousiasmant, mais cela interdit de rêver tout éveiller...

Sur le plan du principe, en effet,  un référendum s’imposerait du seul fait que le TCE dans toutes ses parties a été refusé par cette voie.

Mais il y a un paradoxe: tout se passe comme si une majorité d’électeurs avait voté lors de ces présidentielles pour ne pas avoir à prendre le risque d’un nouveau référendum, comme si elle voulait se déjuger de l’échec du référendum sans prendre la responsabilité directe de dé-jugement. NS a, en effet, été élu sur la proposition d’une ratification parlementaire, sans que l’on sache précisément si elle comporte la partie 2 ; la partie 3 restant en vigueur de par les traités antérieurs qu’elle ne fait que recenser. Il est évident que la partie 2 déjà ratifiée par la majorité des états européens, fera l’objet d’une pression sur NS de la part de l’Allemagne et de l’Espagne pour faire échec à la vision purement économique du RU. Il est probable que NS acceptera au final cette partie 2 pour ne pas bloquer une situation intenable (pas de partie 1 sans la partie 2) pour la France en Europe et pour se démarquer de la position anglo-saxonne, sauf à abandonner tout espoir d’une plus grande intégration politique en Europe sur laquelle NS est d’accord, quant à la politique de défense et quant à l’une plus grande implication de l’Eurogroupe dans la définition d’une politique économique concertée.

Il y a donc bien un problème de démocratie que seule mon interprétation permet de réduire: devant l’échec de la victoire du non et les divisions et l’impuissance de ceux qui avaient appelé à voter non, incapables de faire quoi que ce soit de positif de leur prétendue victoire, il ne restait plus qu’à solder cet échec et à sortir de l’impasse politique du non en remettant l’oursin entre les mains d’un chef tout puissant pour recoller le morceaux.

La majorité des électeurs, y compris ceux qui avait voté non, a trouvé l’homme de la situation en la personne de NS et a refusé d’être soumis au nouveau référendum proposé par SR, car il pouvait aboutir à la même impasse, encore plus calamiteuse que la première, dès lors qu’elle mettait la construction européenne dans sa totalité et depuis le début en danger. Ce qu’aucune majorité raisonnable ne peut accepter.

Conclusion: les forces de droite et de gauche qui ont appelé à voter non ont été éliminées de la compétition électorale ; c’est un fait. Elles n’avaient remporté, lors du référendum sur le TCE, qu’une bataille sans lendemain car le non n’était fondé sur aucune cohérence politique. De cette victoire confuse, NS n’a fait que tirer la leçon et les français l’ont élu en le sachant et lui laissent, de ce fait, carte blanche pour négocier avec nos partenaires, sans avoir à les consulter.

C’est aussi cela la démocratie dite représentative: donner à nos élus le droit de nous sortir une épine que l’on s’était mise dans le pied...

Le  24/05/07


Les conséquences du non au référendum sur le TCE
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