De la valeur de la vie

1) La vie, en tant que phénomène biologique, pas plus qu'aucun autre phénomène naturel, n'engage aucune valeur éthique supérieure quant aux relations aux autres. Elles obéït bien à des normes fonctionnelles mais celles-ci ne visent que l'autoréparation,l'autodéfense et l'autoreproduction. Elles ont été sélectionnées par l'évolution sur le seul critère de leur efficacité. Selon la biologie la mort violente par l'action d'un autre n'est ni une faute, ni un crime; elle peut même être liée, mais pas toujours, à une nécessité compétitive et sélective.

2) La vie humaine, par contre, engage toujours la conscience de soi, médiée par la conscience des autres (Hegel) et elle vise le bonheur comme reconnaissance positive, valorisée et valorisante de soi.. Elle implique donc nécessairement des valeurs partagées et/ou partageables et des règles d'échanges qui permettent à chaque partenaire de s'estimer lui-même comme fin de son action et non simple moyen de l'action d'un autre (ici bas ou après la mort). L'éthique nait avec la culture et la insociable-sociabilité symbolique.

3) En cela la vie humaine a une valeur pour qui peut avoir conscience de sa valeur et donc désirer être heureux (amour et/ou estime de soi); mais il ne se valorise qu'au travers de valeurs et une hiérarchie des valeurs spécifiques construites historiquement par la société; et/ou lui-même mais en pensant qu'elles sont ou devraient être partagées.

4)Si un sujet concsient de lui-même (ce que n'est pas encore un embryon, voire un foetus) n'estime plus que sa vie puisse avoir une valeur, il ne peut alors que désirer mourir; à moins qu'il ne tire un bénéfice secondaire valorisant de cette déchéance proclamée; c'est même le seul motif du suicide, euthanasique ou non. Mais son désir ne vaut que si, en effet, cette valeur est radicalement compromise dans sa possibilité de la mettre en oeuvre, dans le cas d'une maladie irréversible et particulièrement douloureuse et humiliante (impossibilité de faire valoir son autonomie); dans le cas du suicide "ordinaire", la valeur n'est compromise que par l'effet d'une illusion: celle de croire qu'un état d'humiliation et de mépris de soi (je suis nul, etc..) est nécessairement irréversible. Or le sujet dépressif n'est plus en état de sortir par lui-même de cette illusion; c'est alors que pour lui sa vie n'a plus de valeur et qu'il est nécessairement tenté par le suicide; par conséquent cette tentation et le passage à l'acte ne peuvent lui être imputés comme une faute; Il ne contrevient à aucune interdiction éthique, puisqu'il est hors jeu de l'éthique; par contre, ceux qui sont dans le jeu et qui y peuvent quelque chose sont appellés par leur propre désir de valeur en vue de s'aimer eux-mêmes de tout mettre en oeuvre pour lui faire valoir qu'il est dans l'illusion et l'aider à en sortir. S'il ne le font pas, il se mettent dans l'incapacité de s'estimer eux-même, sauf à se croire nécessairement plus fort et meilleur ("ll est fou, pas moi, tant pis pour lui") par amour exclusif plus ou moins partagé de soi. Mais il s'expose alors d'en être, un jour ou l'autre, lui-même victime. Et quiconque est un peu raisonnable le sait. Et, s'il ne l'est pas, il est bon que la loi le contraigne à le devenir.


Retour à la page d'accueil