Virginité et droit au mariage civil


L'obligation de la virginité pour se marier peut-elle faire débat dans notre pays laïque?

Il n'y a, selon moi et la logique, aucun débat ouvert ou incertain sur le fond, mais éventuellement l'obligation de modifier le code civil qui, si celui-ci peut être interprété comme vient de la faire le juge, entre en conflit avec l'égalité constitutionnelle entre les hommes et les femmes pour la raison suivante: La virginité d'une femme serait, selon un tel jugement, une "qualité essentielle de sa personne" au contraire de celle d'un homme qui ne peut être prouvée!...

Or la virginité ne peut au regard du droit libéral et laïque français, neutre sur le plan moral ou religieux, qu'un état secondaire (ou accidentel au sens d'Aristote, puisqu'une femme n'est pas destinée par "sa nature", si nature il y a, à rester vierge) de la personne et ne peut en rien être un caractère essentiel pour la bonne raison que la qualité essentielle d'un être humain en droit est sa liberté personnelle et son droit à la vie privée, ce qui implique son droit à ne pas être vierge et celui de n'avoir à la dire à personne, voire à mentir sur cette situation; dès lors que l'on prétendrait en faire une caractère essentiel. Le droit de mentir sur sa vie intime est indissociable des libertés personnelles, dès lors qu'il ne met pas en cause les règles de droit de notre société laïque, ce qui est le cas  de la virginité comme obligation morale ou religieuse du fait  qu'elle est exclue du droit laïque au mariage civil..

Sur ce point le droit n'a pas à reprendre à son compte le fait d'un quelconque contrat entre les époux dès lors qu'un tel contrat implique le violation du droit de la femme à une vie privée. Un contrat ne vaut que s'il respecte l'égale liberté entre les personnes contractantes; ce qui n'est manifestement pas le cas. Cela ne peut donc faire débat, sauf à penser qu'il puisse y avoir un conflit, incertain quant à ses conséquences juridiques chez nous, entre le droit laïque (et libéral) et le droit religieux anti-libéral, qu'il soit catholique ou musulman.

Ce jugement est donc illégitime et probablement illégal (et s'il l'est pas, il faut le rendre tel) dès lors qu'il déroge aux règles fondamentales d'un contrat en soumettant, voire en sacrifiant, l'égal droit des personnes à une morale religieuse qui le refuse.

Ce jugement doit être cassé quelle que soit la position des personnes concernées, car il met en cause le droit laïque républicain dans ses fondements ou l'esprit même de la loi. On peut s'étonner, sauf à provoquer les politiques dans le but de faire changer le code civil en un sens libéral (ce qui n'est pas à exclure) , qu'un juge est pu la prendre au nom d'une justification aussi contraire au droit des personnes et aux principes de la laïcité de l'état et donc de l'institution judiciaire.


Le droit libéral comme droit positif.

Le libéralisme selon moi doit prendre position sur la liberté comme étant celle de l'individu en tant que détenteurs droits inaliénables égaux et non pas sur celle de leur croyances subjectives. Il faut donc distinguer les droits de l'individu de ceux que leur confèrent leur croyances. Par exemple il faut refuser de considérer comme libérale toute croyance qui prétendrait interdire aux individus de changer de croyance. Même si tel ou tel individu croit qu'il n'en a pas le droit, au nom de sa morale, le droit libéral doit lui reconnaître ce droit. Ainsi si telle ou telle croyance justifie l'esclavage pour telle ou telle personne, l'esclavage n'est est pas moins une croyance anti-libérale condamnable en droit en cela qu'elle prétend légitimer une domination attentatoire aux libertés fondamentales (ou droits de l'homme, supérieurs à toute croyance religieuse particulière). De même une croyance qui compromet les droits de le femme à la liberté sexuelle, au contraire de celle de l'homme, est inacceptable en droit libéral égalitaire.

Ainsi, dans le cas présent, comme dans tous les cas de même nature le droit libéral doit se prononcer d'une manière positive contre toute espèce de morale anti-libérale, que celle-ci soit consentie ou non, car le droit statue sur les règles et les valeurs libérales communes et non sur les morales individuelles ou particulières. Autrement dit, tant que ces morales particulières sont conformes à la règle d'égale liberté universelle, il n'y a pas de conflit, mais si une morale prétend remettre en cause cette égalité dans les droits (y compris sexuels), le droit libéral doit sanctionner, au nom de cette égale liberté, pour un motif d'ordre public (libéral) et non pas personnel.

Dans l'opposition entre le désir d'un homme d'avoir une femme vierge et celui de la liberté des femmes, y compris sexuelle, il n'y a pas de symétrie juridique possible en droit libéral égalitaire: la liberté de la femme est un droit fondamental , or le désir de l'homme de dominer sa femme par la garantie de sa virginité (que lui n'a pas lui à prouver)n'est en rien un droit; il en est même le contraire. Il s'agit là, en effet, d'un désir inégalitaire qui ne peut faire droit qu'au regard d'une vision hiérarchique du droit, en l'occurrence religieuse et traditionaliste anti-libérale.
Cet homme n'a tout simplement pas le droit d'exiger cet aveu de non-virginité et allons plus loin: le droit de mentir lorsque les libertés fondamentales sont en cause est aussi un droit de l'homme en tant qu'expression du droit de résister à l'oppression. Les résistants avaient le droit, voire le devoir, de mentir à la Gestapo et/ou aux collabos pour préserver le projet de libération dont ils étaient porteurs.

En cela je ne suis "apparemment" pas d'accord avec Kant: une éthique de conviction ne vaut réellement que par une éthique de responsabilité qui se préoccupe des conséquences (succès ou échec) de l'action au regard des fins visées, pour parler comme M. Weber. Or même Kant dans ses textes sur la politique et sur l'histoire l'admet....
Il y a donc une morale publique ou de la justice politique dans le droit libéral (ou une hiérarchie objective des normes, c'est à dire valant pour tous, que chacun en soit subjectivement d'accord ou non) qui doit toujours privilégier les droits égaux aux respect des traditions qui leurs seraient contraires.

PS: Ce problème a été (difficilement) traité par Rawls à la fin de sa vie dans son questionnement sur le communautarisme anti-libéral (qui prétend faire de la loi communautaire particulière, holiste et hiérarchique en droit, une loi supérieure à la loi libérale).


PS: La virginité est-elle une qualité essentielle au consentement du mari ou essentielle de la femme pour se marier?

Que la virginité soit essentielle au consentement du mari et/ou essentielle à la prétendue nature de la mariée ne change rien à l'affaire car en droit un futur mari n'a pas à exiger, en droit sinon en fait , pour son consentement un telle qualité essentielle, sauf à faire, en droit, de la virginité de la femme et non pas de celle l'homme une qualité essentielle pour se marier; ce qui introduit une discrimination essentielle entre l'homme et la femme quant à l'institution laïque et égalitaire du mariage.

Ceci veut dire qu'il n'y a aucune raison, sinon religieuse, à l'annulation de ce mariage et que seul le recours au divorce pour mésentente peut valoir du point de vue du droit laïque. Le valeur du mariage républicain, à savoir civil, n'a pas à se soumettre à des conditions religieuses. Seul le mariage religieux pourrait être annulé sous le régime de la séparation entre l'état et la religion, mais cela ne regarde pas la justice et l'état.

Si la loi n'interdit pas une telle interprétation religieuse du mariage civil, c'est qu'elle manque de rigueur laïque et qu'il faut la changer.


Certains prétendent que l'exigence de la virginité pourrait être égalitaire ou réciproque dans un couple

Mais peuvent-ils nous expliquer comment une femme peut exiger qu'un homme soit vierge alors qu'elle ne peut rien en savoir et donc qu'il peut, contrairement à elle,  répondre par l'affirmative sans risquer objectivement d'être démenti? 

La réponse est non, car cette inégalité de fait est flagrante et la prendre en considération dans le cadre du mariage civil en vue d'une annulation du mariage (et non pas d'un  divorce) c'est la transformer en inégalité de droit.

Il est sophistique de faire d'une inégalité de fait un motif de droit au nom d'une égalité théorique impossible à garantir. Il est juste de compenser  une inégalité de fait par un mesure de droit qui consiste à refuser tout motif qui consacrerait par le droit cette inégalité réelle.

Mais le problème de l'égalité réelle ne semble pas en effet vous préoccuper outre mesure. En cela nous divergeons en effet et nous savons pourquoi, ce qui est une bonne chose pour nous et nos lecteurs. Tout au moins pour ceux qui veulent un authentique débat citoyen, argument contre argument.


Aucun  mensonge éventuel ne justifie l'annulation d'un mariage, mais tout au plus (et encore) du divorce.

Quant à savoir si le fait d'être vierge pour une femme  est du point de vue du droit comparable à une maladie objectivement déterminée et/ou à une situation contre-nature qui mettrait en cause l'institution du mariage du point de vue de l'ordre public laïc, la réponse est non. Significativement, cette question n'est jamais réellement posée en ce qui concerne l'homme et pour cause: chez certaines populations,  musulmanes ou non, les draps du lit de la nuit de noce sont exhibés comme preuve de la "dé-virginisation" de la nouvelle épousée. ce sont là aussi des faits incontournables

Reste de plus à savoir si l'homosexualité ou l'adultère etc...sont contraires à la validité du mariage,  le droit répond en n'en faisant pas des cas d'annulation. Ce ne sont tout au plus que des motifs de divorce pour mésentente conjugale .

Il est tout à fait paradoxal qu'une coutume traditionnelle aussi archaïque au regard du droit libéral qui est le nôtre, lequel implique le droit à la liberté sexuelle comme droit individuel inaliénable, devienne avec le mariage homosexuel ( dont je suis partisan, mais c'est un autre débat) les seuls motifs d'annulation. Et s'il en est ainsi , il convient de mettre le droit hérité de Napoléon en cohérence avec cet esprit libéral.

Cette liberté sexuelle en effet vaut pour l'homme et pour la femme mais on ne  fera toujours pas croire que dans le cas de la virginité la situation de cette dernière soit traditionnellement équivalente à celle de l'homme.   Et si le droit libéral et égalitaire a une fonction c'est précisément de refuser cette inégalité réelle et donc de refuser le critère de la virginité et/ou du mensonge le concernant. 

Sur ce plan, à mon sens, il y a un droit au mensonge pour le femme opprimée de préserver sa liberté individuelle qui suppose de ne pas être institutionnellement enfermée dans une vision archaïque ou machiste du couple, contraire au droit libéral et donc, compte tenu du machiste traditionnel, féministe en cela qu'il a aussi pour fonction de la refuser comme motif d'annulation du mariage en tant qu'institution d'ordre public libéral....

Il y a bien une contradiction logique entre le droit libéral (fondé sur les droits égaux  de l'homme et de la femme) et cette annulation (et non divorce) en droit d'un mariage, laquelle ne répond à aucun critère libéral mais à une vision inégalitaire et patriarcale du mariage.

C'est du reste pourquoi toutes les forces démocratiques et républicaines de notre pays (de droite et de gauche) se sont légitimement émues de ce jugement.

Ce qui m'amène à constater, au travers de certaines réactions anomymes sut Internet, que cette vision machiste cachée continue insidieusement à agir sur les esprits des hommes dès lors qu'il font de la virginité et/ou du mensonge sur elle un motif légitime de consentement ou non au mariage civil. Mais aussi de certaines femmes, très minoritaires


Supprimer le mariage civil au profit du PACS


La liberté de se marier me paraît devoir être subordonnée comme toute liberté à des critères d'égalité des droits sexuels que la virginité antérieure, soit compromet dans la mesure où il concerne plus la femme que l'homme, soit est égalitaire et par conséquent ne concerne en rien la validité du mariage civil (qui n'a rien à voir avec le mariage religieux) en droit, mais seulement pour tel ou tel membre du couple son droit à demander à y mettre fin (ce qui ne veut pas dire l'annuler) pour des motifs particuliers qui ne valent, en effet, que pour lui. Il s'agit d'éviter donc de faire de ce motif particulier, virginité ou mensonge à son sujet, un motif général d'annulation, mais seulement particulier (qui ne concerne que le couple) de divorce.

Que des cas d'annulation du mariage civil (qui, encore une fois ne doit pas être confondu avec le mariage religieux) pour mensonge quel que soit le
le contenu de ce mensonge (et je répète que le droit de mentir est légitime dès lors qu'il s'agit d'un moyen de se libérer d'une chantage qui risque de compromettre le droit de la personne à la liberté sexuelle) intervienne à propos de motifs religieux est contraire
à l'esprit du droit libéral égalitaire laïque. C'est ce qu'a très bien dit le médiateur de la république. Il faudra donc toiletter le code civil sur ce point qui dans son origine est en effet anti-libéral et concordataire, donc partiellement en conflit avec les droits de l'homme dont par ailleurs notre constitution se réclame.

Mais je pense plus radicalement encore, que d'un point de vue libéral qui est le mien (et virtuellement du droit moderne non-traditionaliste), il faudrait supprimer le mariage pour n'en faire qu'un PACS amélioré dont chacun pourrait sortir à sa guise sans faire valoir de motif ou de culpabilité quelconque, hors le respect des clauses générales de PACS pendant sa seule durée et des clauses de sa dissolution. Formule que nombre de couples homos ou hétéros sexuels choisissent déjà. Ce serait la forme d'alliance la plus conforme sur la plan civil à la laïcité c'est à dire à la séparation complète et sans ambigüité du mariage religieux et de l'alliance civile. Il faut donc désacraliser l'alliance civile qui l'est du reste de fait, au regard du nombre des divorces, comme simple contrat privé soumise à certaines règles de transmission des biens et d'éducation des enfants, sans distinguer les couples hétéros et homos, ce qui est déjà le cas du PACS.

Je profite donc, sans vergogne, de la crise du mariage civil pour proposer la suppression pure et simple de ce dernier du code civil (napoléonien), lequel mariage est de plus en plus est un compromis obsolète et foireux entre conception libérale de l'alliance contractuelle civil et vision anti-libérale du mariage religieux.


Erreur et mensonge
Je signale que le jugement dont nous parlons ne parle pas de MENSONGE, mais de l'ERREUR sur une qualité essentielle de la future mariée; ce qui ne veut pas du tout dire la même chose; c'est pourquoi la Ministre a été contrainte de demander au procureur de faire appel pour que ce jugement sur un cette prétendue erreur (la perte de la virginité non sue) ne fasse pas juris-prudence.

Cette perte de la virginité pouvait d'ailleurs objectivement être connue du futur: il lui suffisait de faire un essai.. Il est donc objectivement responsable de cette erreur. Qu'il n'ait pas voulu faire ce constat avant, pour des motifs traditionnels irrationnels (je ne dis pas musulman ou religieux), est son problème pas celui de la justice. Il a pris le risque de cette erreur, tant pis pour lui.
Mais le mensonge n'est en aucun cas un motif suffisant pour une annulation du mariage (c'est pourquoi le jugement parle paradoxalement d'erreur et non de mensonge, comme s'il s'agissait d'un erreur de sexe) tout au plus pour un divorce pour tromperie et/ou, sur la question de la virginité, de mésentente conjugale?

DE TELLE SORTE QUE LA QUESTION DE LA PERTE DE LA VIRGINITÉ NE SOIT PAS ASSIMILABLE EN DROIT À UNE ERREUR QUI INTERDIRAIT LE MARIAGE CIVIL.


Comment interpréter l'attendu du jugement d'annulation?

"""- Attendu qu'en second lieu il importe de rappeler que l'erreur sur les qualités essentielles du conjoint suppose non seulement de démontrer que le demandeur a conclu le mariage sous l'empire d'une erreur objective, mais également qu'une telle erreur était déterminante de son consentement ;

Attendu qu'en l'occurrence, [l'épouse] acquiesçant à la demande de nullité fondée sur un MENSONGE relatif à sa virginité, il s'en déduit que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de l'époux au mariage projeté; que dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande de nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint. """"

L'arrêt est bien motivé dans son contenu par une erreur objective sur la qualité prétendument essentielle de la conjointe et par l'erreur subjective du conjoint (qui pouvait l'éviter très simplement, sauf son désir de ne pas le faire) qui n'en est que la forme et la conséquence et/ou, à mon sens, la cause partielle (et là il y a dans le libellé une ambigüité). C'est donc le point de vue subjectif (forme) du conjoint qui considère cette erreur comme objectivement essentielle (contenu) qui est à l'origine de l'arrêt. C'est cette erreur et non le mensonge qui est pris comme motif d'annulation; le mensonge lui n'aurait pas suffit, à lui seul, à motiver une annulation, mais tout au plus un divorce.

Ainsi c'est bien le contenu du mensonge (l'erreur sur la qualité du point de vue du conjoint qui considère la virginité comme essentielle à la qualité d'une femme) qui est concerné dans la justification de cette annulation et non pas le mensonge lui-même. S'il suffisait d'avoir menti pour voir annuler un mariage cela se saurait. C'est pourquoi le jugement parle d'erreur objective et subjective (du plaignant )sur une qualité "essentielle", reprenant à son compte la vision rétrograde du plaignant et du même coup la validant en droit. C'est cela qui est inacceptable et qui a suscité légitimement la réaction tardive de notre ministre de faire faire appel.

De plus ce mensonge ne peut être considéré comme la seule cause de cette erreur subjective du conjoint; celui-ci en est tout autant responsable pour ne pas avoir voulu en avoir la preuve avant (ce qui aurait été d'une extrême simplicité), pour des motifs apparemment totalement irrationnels (sauf peut-être s'il voulait être trompé pour faire annuler un mariage arrangé par les familles dont il ne voulait pas vraiment?).

Enfin la conjointe a pu (dû) faire ce mensonge, selon ses dires, pour échapper à la pression familiale et tenter de régler le problème avec le seul mari dont elle croyait être aimée pour elle-même et non pour son pucelage, mari qui s'est du reste empressé d'appeler son propre père pour raccompagner la jeune femme dans sa famille à elle lorsqu'il a constaté l'absence d'hymen!. Ces circonstances retracées par le journal "Le Monde", si elle sont confirmées, auraient dû valoir à la jeune femme des circonstances atténuantes et le partage des responsabilités quant au mensonge qui aurait entrainé une telle erreur objective et subjective (!) sur la qualité essentielle (que notre société laïque doit refuser d'avaliser en droit)) de le jeune femme; mensonge que je maintiens légitime dans de telles circonstances étant donné la vision anti-libérale, pour ne pas dire despotique de la position de la femme qu'elles révèlent.

Que cette insulte juridique à la liberté et aux droits de la femme soit encore possible, ne semble pas insupportable à ses défenseurs, à moi si. C'est au fond cela qui nous sépare et fait que nous pouvons légitimement avoir de ce jugement deux lectures et interprétations politico-juridiques différentes.

Quant au mariage civil, il n'a plus de raison d'être. Le PACS aurait permis d'éviter cette singerie juridique absurde et dégradante pour l'image de la jeune femme en particulier et de la femme en général..


Contrat, mariage et liberté

Le tribunal a jugé sur "l’erreur à propos de la qualité essentielle de l’épouse" au yeux du seul mari, reprenant entièrement son fantasme personnel sur le mariage (religieux ou traditionnel) et l’avalisant en droit laïque, ce qui est pour le moins confus du point de vue de la mission du droit de faire respecter l’ordre public libéral, c’est à dire conforme aux doits égaux de l’homme et de la femme ; il n’y a en effet de liberté que dans l’égalité des droits.

Le mensonge à lui seul n’est jamais un motif suffisant pour entraîner une annulation du mariage (où alors cela se saurait !), tout au plus un divorce .Quant à l’erreur ou à la tromperie, du mari, elle ne remet en rien cause l’institution civile du mariage (comme si s’agissait d’une tromperie portant sur le sexe ou une maladie infectieuse mortelle, et encore cela se discute..). Le mari du reste aurait pu vérifier avant, sauf vision irrationnelle de la virginité, ce qu’il a apparemment refusé de faire, ce qui est son problème et non celui de la justice et du mariage civil. C’est donc bien sur le contenu de la tromperie et non sur la tromperie elle-même concernant le mythe essentialiste de la virginité dont on sait ce qu’il signifie pour les femmes que porte le jugement et non sur un simple mensonge qui aurait pu être en droit jugé compatible avec le mariage, sauf précisément au nom d’une vision religieuse qui, elle, est incompatible avec le mariage civil et laïque. Le tribunal aurait dû se déclarer incompétent à propos une telle demande d’annulation et recommander une procédure de divorce.

C’est une question de liberté (en l’occurrence de la femme) et d’égalité entre les droits d’un homme qui n’avait pas à exiger cette clause de virginité liberticide pour la femme et d’une femme qui n’avait pas, sauf face à une menace sociale inacceptable en droit, à s’y soumettre: la vie antérieure de chacun ne concerne que lui et pas l’autre avec qui il est entrés dans un relation nouvelle de contrat . "L’existence précède l’essence disait Sartre !" Mieux il n’y a pas d’essence, et donc pas de virginité essentielle, la virginité ne peut en rien être une qualité essentielle ni de la femme ni de l’épousée, mais seulement accidentelle (au sens d’Aristote)

Je vais plus loin: on a le droit de mentir pour se soustraire à un chantage liberticide, sauf à prétendre absurdement être libre en s’y soumettant. Seule la liberté est une qualité essentielle au sujet de droit homme ou femme pas le pucelage.

Je pense sur le fond qu’il conviendrait de renoncer à ce mariage civil qui a tant de mal à être dissocié de sa sacralisation religieuse, de moins en moins tenable, au profit d’un PACS généralisé et conditionné à des règles qui ne concerneraient le couple que dans la durée de sa validité et ne concernerait en rien la vie antérieure de ses membres.


Mensonge et droit au mariage

Précisément :

1) ces mensonges que vous citez ne concernent (: une personne qui ment sur son passé de divorcé (et cela se discute) , sur son passé de repris de justice ou de prostitué dans le but de déterminer son partenaire à contracter mariage (et ainsi à vicier son consentement) est fautive) justement pas la question de la virginité

2) tous les mensonges ne font donc pas des motifs d’annulation.

3) ceux que vous citez peuvent mettre en question objectivement (et encore cela reste discutable) la valeur du mariage civil ; ce qui ne fait pas la non-virginité

4) le fait que cette femme a menti sur sa virginité n’est en rien une preuve qu’elle est indigne du mariage dans la mesure où sa non-virginité n’engage en rien sa fidélité future et qu’elle n’était en rien engagée au moment de la perte de sa virginité vis-à-vis de son futur mari. Elle n’avait tout simplement sur le plan du droit civil pas à lui dire la vérité et son futur n’avait pas à lui demandé de la dire. J’estime en effet que le droit au mensonge peut être nécessaire pour résister à l’oppression : le seule qualité essentielle d’une personne est sa liberté de faire usage de tous ses droits égaux vis-à-vis des autres et donc de résister à l’oppression et à la domination.

C’est donc bien le contenu du mensonge qui fait la différence entre ces mensonges que vous citez et celui-ci : ce jugement admet pour la première fois dans notre droit que la non-virginité peut mettre en droit en cause la valeur du mariage civil, ; c’est cette innovation dans l’interprétation de l’article 180 (erreur sur une qualité essentielle de la personne à propos de la virginité de la femme et non de l’homme) qui est inacceptable, dès lors qu’elle ouvre à des motifs religieux ou traditionnel inégalitaristes ou sexistes l’invalidation du mariage civil., ce qui n’est pas le cas que des exemples que vous citez qui n’ont rien de sexistes ou d’inégalitaristes. Il est en effet parfaitement hypocrite d’affirmer que la non-virginité de l’homme serait aussi "invalidante" que celle de la femme dès lors que l’on ne peut prouver celle-là et que du reste celle-ci n’a pas été en cause dans ce jugement qui ne concerne que la non-virginité de la femme à la demande du mari. Je pense que le droit n’a pas à autoriser et à valider en droit cette exigence non-réciproque du seul futur mari de savoir si sa future femme était vierge ou non avant son mariage sans avoir à apporter la preuve qu’il l’était, laquelle virginité du mari n’est du reste invalidante du mariage religieux traditionnel dans aucune tradition. De plus et surtout la femme avait parfaitement le droit à la liberté sexuelle avant son mariage (si tant est qu’elle ne l’ait pas après, ce qui devient aujourdhui discutable dans toutes les affaires de divorce) ; la demande du mari sur le plan du droit égalitaire et libéral est donc exorbitante ; : elle aurait donc dû logiquement entraîner une déclaration d’incompétence du tribunal et une procédure éventuelle de divorce.

Sexisme, soumission sexuelle de le femme au désir de domination de l’homme, religion et/ ou droit traditionnel inégalitaire viennent polluer dans cette affaire l’institution laïque du mariage civil. Il faut y mettre bon ordre (public donc laïque) en cassant un jugement aussi ouvertement sexiste pour que le droit du mariage civil , si on veut le conserver (je propose sa suppression au profit du PACS), soit et reste égalitaire .


Droit égalitaire et consentement au mariage (réponse à une objection concernant le consentement)

Vous avez vous-même répondu à ma place en assimilant un contrat portant sur un objet de droit lié à un contrat commercial à un contrat en deux personnes (sujets de droit) également libres (y compris de mentir, pour préserver leur droit menacé par une obligation inégalitaire) portant sur la qualité HUMAINE de leurs relations.

C'est ce que je voulais obtenir de vous, merci de votre réponse qui éclaire en effet la différence entre nos deux interprétations politiques d'un jugement que je juge, et je ne suis pas le seul, politiquement contraire à nos principes laïques et républicains.

CECI VEUT DIRE QUE DU POINT DE VUE DU DROIT ÉGALITAIRE ET LIBÉRAL, TOUT CONSENTEMENT N'EST PAS JUSTE: PAR EXEMPLE LE CONSENTEMENT À L'ESCLAVAGE (MÊME PARTAGE) ET/OU A L'INÉGALITÉ ENTRE L'HOMME ET LA FEMME (CE QUI EST ICI LE CAS) DOIVENT ÊTRE, AU NOM DES LIBERTÉS INDIVIDUELLES ÉGALES RENDUES IMPOSSIBLES EN DROIT ET SI ON S'APERÇOIT QU'ELLES L'AUTORISENT, IL FAUT CHANGER LE DROIT, SOIT PAR LA LOI, SOIT PAS LA JURISPRUDENCE

Si le droit autorise ce type de consentement (partagé ou non) il est alors injuste comme le sont toutes les arguties juridiques qui prétendrait le justifier. Il faut si un tel jugement fallacieux est possible changer la loi. C'est la règle en démocratie: la politique fait ou change la loi, la justice institutionnelle la fait respecter;

Je m'efforce à un débat sur les fondements philosophiques du droit libéral, ce qui est mon droit du citoyen. Vous croyez pouvoir vous abstenir de toute réflexion politique (je ne dis pas politicienne) sur un jugement qui met objectivement en cause le principe républicain d'égalité des droits. Qu'est ce que la non-virginité de la femme et non pas de l'homme assimilée à un défaut essentiel, si le défaut n'est pas essentiel au yeux d'un droit libéral , le mensonge pour obtenir le consentement au mariage ne l'est pas non plus et ne doit pas remettre pas en cause la validité du mariage civil, car le mari n'avait pas pour consentir à imposer un telle exigence profondément contraire à la laïcité et à l'égalitarisme en droit républicains.

Je suis philosophe, vous refusez de l'être en oubliant seulement que votre refus signifie que vous refusez que la démocratie décide, en dernier ressort, du droit et de son interprétation et non les juges (la république des juges n'est pas démocratique).

Mais, ce faisant, vous rendez possible une très mauvaise philosophie inégalitaire et non réfléchie du rôle du droit dans la cité démocratique.


PACS et non plus mariage civil

je propose pour conclure de renoncer au mariage civil au profit du PACS, comme le fait un nombre de plus en plus important de couples aujourd’hui. Il faudrait simplement transférer tous les droits du mariage civil au PACS. La sacralisation du mariage civil n’a aucun sens laïque possible ! Il faut nous en débarrasser, dès lors que la confusion symbolique demeure entre mariage civil et mariage religieux comme on vient de la constater dans cette affaire. Ce qui résoudrait , en la supprimant, la question du mariage homo et de l’homoparentalité puisque ces droit s’appliqueraient automatiquement aux soi-disant homos ( personnellement je considère que nous sommes tous sexuellement différents et donc tous hétérosexuels ; ce qui est un autre débat) !


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