Violence et agressivité

Il faut tout d’abord distinguer agressivité et violence et dans la violence celle qui est commise et celle qui est subie et dans celle qui est subie celle qui est ressentie comme physique : douleur physiologique et mort biologique et celle qui est vécue comme psychologique : la souffrance générée par la perte du sentiment de sa valeur propre ou conscience négative de soi.

Reprenons ces distinctions pour en montrer les conditions et les effets des conduites violentes et si possible définir les moyens de réduire le risque auto-entretenu de la violence  généralisée réciproque

L’agressivité réside dans la puissance vitale que chacun, voire chaque animal, déploie pour changer et/ agir sur son environnement naturel et social en un sens qui permette la satisfaction  de ses besoins et désirs particuliers, individuels et/ou collectifs; elle suppose le désir de combattre et de vaincre, par tous les moyens physiquement et socialement disponíbles, tout ce qui fait obstacle à cette satisfaction ainsi que le plaisir éprouvé propre qui ressort de cette lutte même tout autant, sinon parfois plus que de son résultat. Lorsque cette agressivité, chez l’homme (si tant est que la question de la violence animale se pose, ce dont je doute), lorsqu’elle opère selon des règles admises comme nécessaires à la compétition des désirs, considérée comme bénéfique car favorable à l’ordre public et politique toujours plus ou moins hiérarchique et cela  sous des formes symboliques reconnues, elle est dite non-violente, c’est à dire pacifique, voire pacificatrice. Ex :  le sport, la compétition pacifique entre les différents prétendants au pouvoir politique en démocratie, la concurrence économique régulée par le droit de la concurrence etc... Une condition pour que cette compétition soit vécue comme non-violente c’est qu’elle n’élimine pas définitivement l’adversaire et qu’elle lui laisse le droit et les moyens minimaux requis pour la poursuivre, éventuellement par d’autres moyens (par exemple d’arbitrages légaux) et dans d’autres espaces du jeu social et des jeux du désir qu’il génère.

Cette agressivité vitale est vécue comme violence subie  (et le question de la violence est toujours d’abord affaire de perception subjective) lorsqu’elle est sauvage, terroriste et qu’elle s’impose sans règle du jeu maîtrisable en vue de son maintien dans la compétition (toujours) valorisante par celui qui en est victime. Elles est physique quant elle provoque la mort et/ou qu’elle impose une douleur telle qu’elle rend la victime définitivement incapable de combattre soit par l’handicap qu’elle provoque soit indirectement par la peur de l’éprouver à nouveau. Mais cette douleur physique peut-être au contraire valorisante et ne pas être éprouvée comme violente ; il suffit qu’elle soit un motif de fierté ou d’honneur. Etre tué, blessé ou vaincu au combat au cours d’une guerre ou dans une compétition sportive est signe de courage et donc honorable et honoré, ce n’est là  pas être victime de violence. Victime certes, mais le combat continu, au besoin à travers d’autres combattants actuels ou futurs qui reprennent le flambeau et du public et vis-à-vis desquels on peut se (faire) reconnaître comme valeureux. C’est dire que la seule douleur physique n’est ressentie par la victime comme violente que si elle s’accompagne du sentiment du déshonneur ou de la perte de l’amour de soi, de l’estime des autres et pour les croyants de l’amour Dieu (le martyr religieux qui se croit sauvé par son martyre a une position ambivalente : il est se sent victime et du même coup valorisé ; c’est pourquoi Bush a du souci à se faire en Irak et ailleurs : il y aura, dans l’humiliation que sa stratégie impose aux musulmans beaucoup de candidat(e)s au martyre au contraire des troupes qu’il manœuvre). La violence est donc d’abord et surtout psychologique en cela qu’elle est souffrance intime générée par l’humiliation (désamour de soi) subie dans l’impuissance. Mais cela entraîne le fait que celui qui subit une défaite dans un jeu qu’elle reconnaît comme injuste, c’est à dire dont les règles avantagent systématiquement le vainqueur, dénonce la compétition apparemment réglée qu’on lui impose comme une violence ; c’est pourquoi la violence subie vécue ne recoupe pas le violence commise vécue et que celui qui commet l‘acte ressenti comme violent par son adversaire peut croire qu’il ne fait qu’ un usage pacifique, voire pacificateur  de son agressivité.`C’est dire qu’il y a une violence manifeste et une violence latente et que celle-là  peut être une réponse à celle-ci

Dans un cadre où les règles du jeu social ne sont plus admises comme justes (favorables au maintien de tous dans la compétition en vue de la reconnaissance), mais où elles génèrent et reproduisent l’humiliation récurrente des perdants, la violence subie se transforme en violence commise comme seule manière pour le perdant de laver l’humiliation ressentie. On entre alors dans le jeu de la violence terroriste réciproque, voire de la vengeance généralisée et indifférenciée (R. Girard).
Le vengeance terroriste extrême devenant alors la seule source de jouissance narcissique pour celui qui se sent, à tort ou à raison, menacé d’être définitivement perdant ; elle est alors illimitée car elle génère et auto-entretien l’illusion hyper-valorisante d’un pouvoir absolu et immédiat de vie et de mort sur les adversaires.

C’est dire que le réduction de la violence ne peut être qu’une question politique : celle de la construction d’un droit de la compétition sociale qui assure à chacun les moyens juridiques et matériels de tenir sa place, voire de l’améliorer dans la compétition en vue de la reconnaissance. Il s’agit donc de convertir l’agressivité violente en agressivité régulée par le droit (individuel et social) sans se faire d’illusion : la risque de la violence est au cœur du désir humain en tant que désir narcissique (amour de soi) lié, dans la rivalité, au désir des autres ; on peut s’efforcer de le contrôler mais il est rigoureusement impossible de l’éradiquer et il vaut mieux le savoir pour être efficace, sauf à croire en un miracle qui changerait les humains en agneaux de Dieu.


Violence, éthique, estime de soi et relations aux violents,  Le 02/04/04

Dès lors que j'admets que mes désirs sont ambivalents et que la violence extrème, comme source de jouïssance en moi -ne serait-ce qu'en rêve ou dans mes fantasmes- est toujours possible, je peux comprendre, en faisant l'effort de suspendre ou de mettre entre parenthèses mes règles éthiques de vie, toutes les formes de violence, y compris les plus extrèmes; sauf que la forme de l'amour de soi qui est la mienne m'interdit le passage à l'acte sous peine de perdre le sentiment de ma valeur et donc la possiblitè d'être heureux par mon acte (de m'y reconnaître); au contraire de celle de celui dont je peux donc refuser la saloperie bien réelle, non pas parce qu'il serait totalement différent de moi, ni parce qu'il serait métaphysiquement reconnu comme responsable ou coupable de son acte, mais parce qu'il est violent et dangereux pour moi et les autres, quite à le punir ou à le faire soigner pour le rendre moins dangereux, si cela est possible, et en faire un exemple dissuasif pour les autres et pour moi.

Quant à la vision que le salaud réel a de l'amour de soi et qui pourrait porter atteinte à la mienne elle pourrait, en effet, générer la haine de l'autre par mise la en cause de l'amour de soi qui est la mienne et susciter, dans cette mesure, le désir de vengeance dès lors que cette haine me ferait croire illusoiremrent que l'autre est un être diabolique tout à fait étranger à moi. Mais nous sortirions alors de toute règle de éthique de justice pour une pratique du sacrifice humain auto-purificateur de type religieux.

Quant à moi

1) Je sais que, sauf "légitime" défense, je ne peux pas vouloir essayer de commettre (et non pas d'être tenté de) une saloperie sans me mépriser et donc perdre toute chance d'en être heureux.
2) Le salaud n'a pas été conditionné comme il convient pour vivre dans une réciprocité positive (heureuse) avec les autres en général, exceptés ceux avec qui il commet et partagent sa saloperie et qui le reconnaissent positivement en cela. Ce sens de la généralité de la reconnaissance réciproque qui lui manque n'a rien à voir avec l'amour spontané des autres mais avec l'estime de soi en général comme fondement de l'idée vécue justice dans la réciprocité et la solidarité.

Donc, s'il y trouve son bonheur, ce ne peut être le mien.

Faut-il en conclure que son bonheur dans la saloperie est la compensation au malheur qu'il a subi de n'être pas "bien" conditionné?
je laisse cette question ouverte....qui pose le problème de le problème de la croyance au libre arbitre et des conditions de l'autonomie personnelle. Voir sur mon site par ailleurs Autonomie et liberté

1) Une saloperie est un acte (ou une parole) de violence physique et/ou psychologique qui vise et tend à supprimer la capacité pour un individu humain d'exister pour lui-même et/ou de faire valoir ses droits et son droit au bonheur: Mort, menace de mort ou de douleur physique pour soumettre, mépris, domination etc... Il n'y a pas de violence animale ou entre animaux si l'on pose par hypothèse que les animaux n'ont pas conscience d'eux-même et de leur valeur. Par contre il peut y avoir une violence de l'homme sur l'animal dès lors que l'homme a conscience de faire souffrir l'animal en tant que celui-ci symbolise la capacité humaine à souffrir et donc en tant que la souffrance humaine est visée à travers l'animal et que cette violence est source et objet de sa jouïssance.

2) Je ne serais dans l'illusion d'un monde juste que dans la mesure où je confondrais un principe régulateur de réciprocité positive gagnant/gagnant ou d'intérêt réciproque (donnant/donnant) en réalité immédiate sans qu'il soit nécessaire de se l'imposer, d'agir et de se battre en permanence pour le faire vivre dans ses conditions de possibilité réelles, à savoir: la réduction de la domination politique et sociale et l'éducation toujours plus ou moins contraignante à l'autonomie, c'est à dire à la régulation raisonnée de nos désirs en vue de la mutualisation du droit au bonheur et à la reconnaissance de chacun.

Un principe régulateur de justice dans la réciprocité positive des désirs doit donc être considéré comme une fiction agissante et partiellement autoréalisatrice quand on s'en donne les moyens réels, c'est à dire quand on en produit les conditions sociales et politiques réelles, pour ne pas être une illusion et pour ne pas être victime de l'impuissance qu'elle provoque sous l'espoir trop souvent en effet illusoire d'un miracle qui procéderait de la puissance divine qui inverserait magiquement et imaginairement, mais reproduirait de même coup réellement, notre impuissance réelle ici bas.


"Si par contre vous avez commis une saloperie, même petite, alors vous n'êtes pas tout à fait heureux."

Tout a fait; quand je commets une injustice et le sachant je n'en suis ni fier (et donc) ni heureux et je ne crois pas être le seul dans cette position. C'est pourquoi j'évite pour mon bonheur d'être injuste alors même que j'en "ai envie" (passion réactive) que, comme vous le savez, je ne confonds pas avec "désirer" (action projective). Rien de plus banal en somme et nul besoin d'être chrétien et de croire à l'amour universel et au sentiment du péché comme propédeutique au salut pour cela.
Ma conscience éthique, à moins se supposer qu'elle vienne directement de l'instinct, ce qui est démenti par l'expérience des différences éthiques radicales entre les cultures (voir pbs des relations hommes/femmes et la question de l'esclavage) ou vient de dieu ce qui est imùpossible pour la même raison et par le fait que je ne suis pas croyant, ne peut  procèder que de l'éducation reçue dans des conditions sociales et relationnelles déterminées, retravaillée par ma réflexion philosophique rationnelle et critique personnelle (athée) au regard de mes expériences désirantes et interessées réussies ou non et de celles des autres en ce qu'elles ont d'universalisable.



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