Réflexion sur une tragédie: Terrorisme et politique
 
 

Les auteurs de l’épouvantable attentat terroriste ont frappé avec une inouïe et extrême intelligence stratégique au cœur du système-monde capitaliste que symbolisent  New York et Washington :

- Au cœur de la puissance financière supranationale qui tend à soumettre  l’ensemble des activités économiques et des échanges de la planète à ses objectifs de maximisation des profits à court terme, aux dépens de la majorité des populations mondiales et sans aucun souci de redistribution plus égalitaire des richesses.
- Au cœur de la puissance militaire au service du capital financier mondial et de ces objectifs.
- Au cœur de la puissance symbolique télévisuelle et de la représentation imaginaire de la puissance du système monde capitaliste sous forme d’images de la guerre du golfe, de diffusion planétaire de films sidérants etc…; cet attentat auto réalise l’événement et sa médiatisation en mettant en scène et en œuvre réelle, les ingrédients du scénario classique des films catastrophes que le cinéma hollywoodien a exploité et diffusé partout dans le monde, pour en retourner l’efficace rhétorique, selon un effet boomerang imparable, contre l’arrogance de la puissance « américaine » dont l’effroyable vulnérabilité est ainsi présentée en boucles répétitives, aux yeux de tous les habitants de la planète, par l’industrie informationnelle du système  lui-même, dans le langage même de sa puissance symbolique.

Dans quel but ?

Pour autant qu’il s’agisse d’organisations intégristes, quelque soit leur obédience , le but de leurs dirigeants est d’attiser la haine des laissés pour compte et des humiliés du capitalisme monde afin de les détourner de toute aspiration démocratique présentées comme l’incarnation du mal désocialisant que serait l’individualiste athée.  Et cela au profit de leur volonté de domination politico-religieuse identifiée au désir de communauté (re) valorisante et d’identification collective fusionnelle,  présentées comme les conditions de la sortie des humiliations subies. La stratégie des terroristes est parfaitement claire: il s'agit de mobiliser les masses, au profit de leur ambition  totalitaire, contre la démocratie, présentée comme inséparable des inégalités injustes et injustifiables (au contraire des inégalités fondées en religion) produites pas le capitalisme, en s’appuyant sur l’autorité des traditions encore vécues par le plus grand nombre comme constitutives du lien social et du sentiment  la sécurité qu’elles génèrent.
Mais ce terrorisme suicidaire n'est en rien  une preuve de force politique et culturelle: l'usage de la violence la plus barbare révèle son  incapacité à engager un travail politique d'organisation en profondeur des populations ainsi "forcée" de faire un choix et de s'engager dans un processus qu'elles n'ont pas  voulu et sur lequel elle n'ont aucun pouvoir; elles ne peuvent que subir les conséquences dramatiques de ce passage à l'extrème sans aucune perspective révolutionnaire de masse possible et en payer le prix fort en accroissant leur desespoir à terme; il n'offre, en effet, comme issue imaginaire au conflit violent qu'il provoque, qu'un retour à  un passé mythique sacralisé que la réalité du monde et des échanges et les rapports de forces économiques et culturels rendent aujourd'hui impensable, sinon sous la forme catastrophique employée par les talibans, destructrice des populations afghanes elles-même. Les terroristes se présentent comme que des anges exterminateurs, des anges de la mort, mais ne peuvent en rien devenir des dirigeants politiques; le seul but "positif" réaliste qu'on peut supposer qu'ils  poursuivent  est de manipuler les masses par le surenchère à l'héroïsme de la pureté et de la mort (seule la mort est pure car la vie est par définition mélange et compromis avec le réel et donc moralement impure du point de vue de l'absolu!) en vue de satisfaire leurs intérêts de clan.  D'où la question de savoir s'il n'y aurait-il pas des intérêts pétroliers en jeu derrière les Ben Laden et consorts; l'Arabie Saoudite, les Emirats (qui sont de faux états) et le Pakistan sont à prendre; rien de tel que d'exciter les masses misérables et humiliées contre l'occident et les dirigeants corrompus par lui pour créer les conditions d'un rapt de cette gigantesque source de fric! Une formidable bagarre entre voyous milliardaires dans le cadre d'une culture et d'une société en voie de décomposition. Connaître la biographie des Ben Laden et consort nous aiderait à voir plus clair dans un stratégie qui mèle les pratiques du capitalisme financier les plus cyniques, la technologie la plus moderne et la religion la plus obscurantiste.
 

En quoi cette stratégie est-elle efficace et donc extrêmement dangereuse pour l’humanité?

En cela,
- que la capitalisme-monde que symbolise l’état américain et ses dirigeants est sans tête politique suffisante pour de penser et mettre en œuvre les conditions diplomatiques, juridiques d’une direction mondiale favorable à des relations d’échange moins inégalitaires et au développement  des aspirations à des conditions de vie et de santé décentes et à la dignité des populations exclues de la compétition économique. Elle favorise l’humiliation généralisée de plus de 80 % de la population mondiale qui reçoit moins de 20% des richesses, sans espoir d’amélioration, sinon par la production et le commerce illégaux de la drogue et la prostitution industrielle touristique. Cette humiliation entretient la haine destructrice désespérée et fanatique des plus jeunes, les plus démunis.
- que les terroristes, exploitant cette haine (auto) destructrice de masse,  pourront  disposer, sinon disposent déjà, de moyens de mort menaçant la survie de l’humanité sur la planète (Armes atomiques et bactériologiques).

Dans ces conditions que faire ?

Tous les états démocratiques doivent développer une solidarité sans faille  pour vaincre militairement et éradiquer le terrorisme politique,  abject par principe, et détruire les institutions totalitaires des états qui le soutiennent. Or si cela est indispensable, ce n’est pas suffisant car deux dangers indissociables à terme demeurent : celui d’en rester à  des actions militaires qui aboutiraient à entretenir la confusion entre le terrorisme et les musulmans en général et  transformait  cette action en guerre mondiale entre les cultures aux conséquences catastrophiques; celui d’humilier encore davantage les musulmans en provoquant leur « solidarité » avec les terroristes (le prénom de Ben Laden est le plus utilisé aujourd’hui chez les palestiniens). Mais pour ce faire, Il est temps que les USA, compte tenu de leur puissance reprenne leur rôle politique multilatéral, au contraire de ce qui semble être la politique du nouveau gouvernement et assument la fonction d’arbitrage au Moyen-Orient et ailleurs qu’ils sont seuls à pouvoir exercer, compte tenu de la puissance économique et militaire qu’ils incarnent.

Le président Clinton était au moins conscient de la nécessité d’occuper le devant de la scène politique internationale, sans avoir eu, sinon la volonté, du moins les moyens politiques suffisamment efficaces pour maintenir et finaliser le processus de paix dans le conflit de Moyen-orient dont la prolongation sans issue nourrit les dérives terroristes de certains groupes  islamistes et accroît leur influence sur les jeunes de cette région aux dépens de l’autorité des responsables politiques les plus raisonnables.  Il faut donc œuvrer pour que les évènements tragiques inouïs que vivent les populations américaines et avec eux tous les démocrates dans le monde fassent que la nouvelle administration US remette en cause ses velléités de dégagement généralisée qu’elle dramatiquement engagée au risque DE DISQUALIFIER  et de délégitimer l’usage qu’elle fait de sa puissance ;  elle aura besoin pour cela de l’aide de l’Europe politique naissante, et de la Russie, qui lui est indispensable pour combattre efficacement le terrorisme ; le rôle de ces puissances sera de reconstruire un monde multipolaire seul capable de réduire le risque de sacrifier la politique au militaire ; sacrifice qui entretient  la logique vindicative aux dépens de celle de la négociation et du compromis ; mais plus profondément il est indispensable que tous les pays démocratiques mettent en œuvre les conditions qui favorisent la démocratie mondiale que sont l’égalisation des échanges, l’aide au développement des pays et populations pauvres et le souci écologique. Ce sont la misère, l’insécurité, la peur et l’humiliation qui font le lit du terrorisme et le succès populaire relatif de sa stratégie de mise en scène du théâtre sanglant de la vengeance  et non pas la prétendue folie de quelques individus diaboliques.

Toute puissance mondiale doit prendre la responsabilité politique de l’usage qu’elle en fait aux yeux des populations mondiales ; fuir cette responsabilité en croyant résoudre les problème par des moyens purement technico-militaires et/ou économiques c’est devenir victime de son impuissance politique à pouvoir réduire les effets de haine que cette puissance économique et militaire, politiquement impuissante, produit nécessairement. Mais c’est surtout précipiter le risque majeur du XXIème siècle que pourrait être un terrorisme sans frontières mettant aux prises les riches et pauvres recoupant plus ou moins la guerre mondiale entre les états théocratiques et totalitaires manipulant des sociétés et populations humiliées, encore ancrées (et/ou faisant retour à) dans des traditions religieuses monolithiques, et les sociétés démocratiques pluralistes et libérales dont ils nous faut défendre partout le modèle au nom des droits de l’homme et de la concorde comme la condition nécessaire, aujourd'hui, de la survie de notre espèce.

Comme en 39-45, nous devons être résolument dans le camp de la démocratie contre le totalitarisme; mais cette position nous engage à l'effort politique pour réduire les inégalités dans le monde et refuser un pseudo-libéralisme économique qui prône le retour au formes les plus cyniques du capitalisme sauvage du XIXème siècle (qu'il ne faut pas confondre avec les positions d'Adam Smith) ; la capitalisme sans règles de redistribution et de justice met en danger les libertés politiques et personnelles du plus grande nombre et au bout du compte détruirait les conditions de la eémocratie.

Sylvain Reboul, le 13/09/01


Je ne vois pas en quoi je serais personnellement responsable d'un acte auquel je n'ai pris aucune part, ni du reste la totalité de ceux que vous méprisez à bon compte. Que vous vous sentiez coupable en tant qu'homme pécheur, c'est votre problème; mais non pas celui qui ne croit ni en Dieu, ni au péché originel fondateur. Du reste je ne vois pas en quoi cette morale du péché pourrait être efficace contre la violence terroriste ou autre, sinon à la rendre métaphysiquement irréductible, car transcendant tous nos moyens d'action et interdisant quelque stratégie politico-militaire que ce soit.

En tout cas la violence entre les démocraties et ceux qui croient en la démocratie semble avoir reculée dans les  50 dernières années et les guerres coloniales ou de conquètes ne sont plus, chez nous,  considérées comme légitimes: c'est déjà mieux que rien!

Mais il est clair que les causes de la violence demeurent: domination, humiliation, misère; et que s'y attaquer dans notre intérêt bien compris est indispensable pour en réduire le risque dans le monde. Et ce n'est pas en se tournant vers un dieu absent et énigmatique et vers un passé dépassé de notre civilisation, qui au nom de Dieu s'est autorisée à toutes les violences, y compris coloniales, que nous changerons quoique ce soit à la situation des populations dans le monde.
Vous savez, se croire coupable de tout, c'est se faire responsable de rien.



 



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