De la Sainte Trinité diabolique de l'économie capitaliste.


Le discours de l'idéologie capitaliste dominante nous présente la croissance comme la panacée qui résoudrait tous les problèmes de la société: le chômage, les inégalités, voire les discriminations et les exclusions de toutes formes, en particulier la xénophobie, et les excès du besoin se protéger contre ces maux par une politique sécuritaire qui menace les fondements de la démocratie. Cette notion de croissance est indissociable de celles d'emploi et de compétitivité, lesquelles sont, à la réflexion, très ambiguës et donc pernicieuses. Ils se pourrait en effet que cette présentation idéologique de la croissance fasse de ce prétendu remède une des causes des maladies qu'elle prétend traiter. Croissance, emploi et compétitivité peuvent apparaître comme trois idoles passe-partout dont l'évidence même empêche d'en percevoir l'aspect socialement et humainement délétère. Ces trois notions dont on nous bassine jusqu'à l'écœurement tendent à nous persuader, en effet, qu'il nous est interdit de faire la critique de la logique du profit capitaliste auxquelles elles contribuent et à présenter cette critique comme illégitime.. Il convient donc de remettre en question ces notions non seulement en elles-même mais dans leur indissociation pour détecter les effets négatifs, voire délétères, dont le crise actuelle, financière, économique et écologique, mais plus encore sociale et culturelle, ne fait que manifester le danger politique.

La croissance, dans cette idéologie, est un terme technique qui désigne exclusivement l'évolution comptable agrégée dite positive du produit intérieur brut d'un pays (PIB). Or cette croissance met au positif aussi bien les profits spéculatifs que les coûts convertis en profits pour les entreprises spécialisées des accidents de la route, des maladies, les destructions écologiques que produit cette croissance que l'on s'efforce de compenser par des correctifs marchands rentables. Ce qui est logiquement contradictoire. Cette notion est donc tout à la fois irrationnelle et trompeuse en cela qu'elle fait de la question de la croissance une mesure purement quantitative en oubliant celle, qualitative, qui désigne le progrès dans les relations de reconnaissance mutuelle et de coopération que chacun, pour bien vivre, cherche à entretenir avec son entourage écologique et humain. Une telle notion comptable de la croissance fait du profit et de la consommation privées la seule mesure du bien-être, aux dépens de la justice, de l'amitié et de la solidarité entre individus, considérés comme des être sensibles animés par le désir d'aimer et de s'aimer par et dans des relations mutuelles positives ou gagnant/gagnant, aux autres.

Cette croissance capitaliste en terme de profit micro et macro économique, ne peut « progresser » que si elle fait de la perte de l'emploi, la menace principale pour la survie de ceux, les plus nombreux, qui n'ont que leur force de travail à vendre sur le marché de l'emploi. Employer veut dire ployer sous la domination d'un système nécessairement inégalitaire et des autres humains qui profitent de ce système. Employer implique donc soumettre, en terme d'exploitation de la force de travail des employés, à la volonté de puissance, confondu avec leur désir d'enrichissement, des employeurs que sont au bout du compte les investisseurs capitalistes, c'est à dire soumettre le travail à la logique de profit privé du capital. Ainsi le fameux marché de l'emploi, comme tout marché, met, face aux employeurs, chacun en concurrence avec tous les autres employés dans l'acceptation à la fois contrainte et consentie (via le contrat volontaire de travail de cette domination. Ce qui fait que le salarié n'est pas un esclave vient de cette contrainte consentie, de l'intériorisation de cette contrainte par l'employé, sous la forme d'une engagement volontaire, sous la condition d'une rémunération permettant de consommer ce qui apparaît à tord ou à raison, comme un besoin individuelle indispensable pour mener une vie sociale et symbolique vécue comme décente. Accéder au marché par le crédit qui le ligote est donc la seule manière pour un employé d se faire reconnaitre socialement en tant que consommateur pou compenser son aliénation en tant que producteur.

L'emploi, c'est à dire le coût du travail, dans ces conditions, est le premier, car le plus rapide financièrement, facteur de la dite compétitivité (variable d'ajustement) qui ferait par exemple que la France serait dépassée par l'Allemagne en terme de compétition industrielle internationale. Il faudrait donc pour maintenir l'emploi réduire son coût et retrouver une compétitivité par rapport à l'Allemagne, voire au pays émergents à salaires très faibles. Pour réduire ce coût il faut, dit-on, réduire les salaires et accroitre la productivité ce qui revient, in fine, à  faire du chômage et de la précarité, le régulateurs nécessaires de l'optimisation des profits, laquelle impose sa loi à l'économie toute entière. Mais on oublie de dire que cette réduction du coût du travail par le chômage de masse réduit mécaniquement celle de la consommation, comme on le voit précisément sur la marché intérieur en Allemagne. Ce pays est dépourvu de SMIG laissant aux branches le soin de négocier librement les salaires, ce qui profite aux salariés de la grande industrie parce qu'ils sont bien défendus par leurs syndicats co-dirigeants des entreprises et dont les salaires sont supérieurs aux salaires français. Par contre -et ceci explique cela- cela se fait aux dépens des services dans lesquels les salaires sont plus faibles qu'en France car les salariés ne bénéficient pas de la même protection syndicale en terme d'accord de branche. Ce dont profite, en terme de coûts, l'industrie exportatrice ainsi que du bas coût des salaires dans les pays industriels « satellites » de l'Allemagne en Europe hors zone euro. En Allemagne le coût du quasi-plein emploi est dans le nombre plus élevé de travailleurs pauvres de mini job à 400€ et autre Job à 1€...Ainsi l'Allemagne sacrifie son marché intérieur au marché extérieur et c' est en partie le prix à payer pour obtenir une compétitivité « supérieure » ou moins méritée dans le domaine de l'automobile « made in Germanie » dont l'image relève plus du mythe que de la réalité et dans les machines outils très spécialisées, en effet, pour le moment, supérieures à celles produites ailleurs. Si l'on veut  que la France imite cette politique, cela ne peut se faire qu'aux dépens de la compétitivité allemande elle-même en Europe dont le prétendu modèle ne vaut que si et que parce que les autres pays européens ne font pas la même chose qu'elle!


En effet, la compétitivité en général est fondée par définition sur un jeu gagnant/perdant, mais un tel jeu, dans un marché interdépendant, prépare les conditions de son autodestruction: quand le perdant ne peut plus acheter au gagnant , ou quand celui-là devient aussi performant à son tour, celui-ci voit sa croissance mécaniquement faiblir. Un tel déséquilibre ne peut fonctionner qu'à court terme mais il condamne à terme le gagnant: Nul ne peut être indéfiniment plus compétitif qu'au autre sans détruire, à terme, la possibilité même de la compétition.

L'absurdité de la croissance illimitée qui est la condition de survie du capitalisme trouve sa double expression dans la menace écologique, épuisement des ressources et pollution des éléments naturels de la vie, et dans le développement de la dette publique et privée non remboursable qui est le carburant indispensable de son dynamisme, dès lors que cette croissance a pour condition la consommation, le chômage et la précarité d'employés sous payés afin d'optimiser les profits privés des investisseurs. Or cette dette implique le crédit, à savoir de faire crédit et donc la confiance devenue impossible en un système en crise systémique évidente. Comme le disait Marx la crise actuelle du capitalisme n'est autre que la conséquence de la contradiction entre les rapports de production fondés sur l'exploitation du travail salarié et de développement des forces productives qui impliquent que cette croissance serve au bien-être de tous.

C'est dire que l'idéologie capitaliste dominante de la croissance par la compétitivité pense mal, car elle ne se pense pas et qu'elle l'empêche de se penser dans ses contradictions internes. En cela elle n'est qu'une idéologie au service du profit, mais de moins en moins crédible pour ceux et celles, majoritaires, qui sont victimes de ce dernier. Elle ne peut plus faire illusion et les lendemains du capitalisme cynique redevenu à l'état sauvage sur le plan mondial déchantent de jour en jour inexorablement..Mais gare aux réactions populistes catastrophiques régressives et haineuses de cette désillusion.


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