Sortons de l'hypocrisie française en matière de prostitution
Article publié dans Economie matin, le 24/01/2013
Il
convient de rappeler qu'en droit français la prostitution n'est pas en
tant que telle une activité économique illégale puisqu'elle elle est
admise comme une activité « libre ». Ce qui est interdit, ce sont ses
conditions d'exercice que sont la proxénétisme qui peut concerner
quiconque vit avec un(e) prostitué(e) et le racolage passif qui peut
même être étendu aux clients. La France a signé une convention
internationale abolitionniste qui en principe l'engage à combattre la
trafic d'être humains lié à cette activité - trafic lié au fait même de
son illégalité - et à protéger les personnes prostituées.
Or il faut remarquer que ce faisant le droit français concernant la prostitution est triplement contradictoire.
Cette activité est assimilée fiscalement à une activité rémunérée au titre de revenus non- commerciaux et donc à ce titre imposable et lorsqu'il y a proxénétisme cette activité est assimilée à une activité salariée et imposable à ce titre. Ce qui peut conduire à penser que l'état se conduit en proxénète légal alors même qu'il assimile tout revenu lié à la prostitution à du proxénétisme et l'interdit. On peut donc logiquement considérer que le seul proxénète légal serait l'état, car les revenus de la prostitution et donc la prostitution elle-même relèverait alors, via le fiscalité, d'un motif d'intérêt public.
Les prostitué(e)s n'ont pas le droit de cotiser au régime général de la Sécurité sociale mais peuvent s'assurer personnellement auprès d'assurances privées, de même elle peuvent demander à bénéficier de la CMU (Couverture universelle de santé) en cas de non-revenus ou de revenus tout à la fois légaux car fiscalisés et illégaux car interdits par la loi.
La question se
pose de savoir combien de revenus sont ainsi fiscalisés et donc combien
de revenus rapporte la prostitution. Mais cette question reste sans
réponse de la part du fisc et pour cause : cela serait avouer
qu'il légalise le proxénétisme à son profit exclusif tout en admettant
par ailleurs que les proxénètes puissent être des employeurs. L'état se
contente de donner le nombre de prostitués des rues contrôlés par an (20
000), oubliant au passage toute la prostitution par internet et celle,
« intérieure », en appartement, en institutions de massages et autres
clubs privés.
Cette hypocrisie qui consiste à nier en parole (abolitionnisme) ce que l'on admet en réalité et cette absurdité légale mettent les prostitués dans une situation de non droit et/ou de droits et devoirs contradictoires qui vont en l'encontre de leurs droits fondamentaux et les livrent sans défense légale à toutes les exploitations peu ou prou esclavagistes. Raison de plus de dénoncer ceux qui confondent la prostitution et les effets délétères et scandaleux de ses conditions illégales d'exercice. Prétendre abolir, voire éradiquer, toute forme de prostitution, y compris celle qui devrait être pleinement légalisée dans le cadre du droit commun du travail relève de la confusion logique; c'est confondre ce qui est avec ce qui doit être et condamner celui-ci qui n'est pas encore par le constat de ce qui est et doit être changé.
Cette légalisation pleine et entière, nécessaire, n'a rien à voir avec une question de nombre, mais tout à voir avec celle des droits individuels des prostitués en tant que travailleurs, au même titre que les autres. L'Etat n'a, en effet, rien à faire avec une quelconque morale sexuelle, son seul devoir est de protéger en droit les libertés de chacun dès lors que celles-ci ne nuisent pas à celle des autres. La prostitution est un droit et non une obligation pour quiconque, elle ne met en danger, sauf dans l'illégalité et l'interdiction, la liberté et la vie de personne.