La pornographie entre tradition et modernité


 La question de l'expression du désir comme désir de lien et donc du désir du désir des autres oscille entre  deux modèles (idéaux-types au sens de Max Weber)  possibles, parfois liés dans telle ou telle configuration hiérarchique complexe, mais toujours concurrents: le modèle religieux communauraire identitaire et le modèle interindividuel contractuel. Ces deux modèles d'expression du désir de désir et de reconnaissance de soi par la médiation (qui ne veut pas forcément dire identification mais aussi distinction) des autres sont modélisés et hiérarchisés par le type de société dominant: traditionnel répétitif et religieux invoquant l'origine sacrée du goupe ou libéral évolutif athée sans référence collective indiscutable et instituée à une volonté divine transcendante unifiante.

Le premier modèle tend à exclure la différence: il privilégie l'expression homosexuelle de la reconnaissance de soi en séparant et en différenciant la communauté des hommes par rapport à celle des femmes, ou celle des castes sociales, en entités essentialistes étanches et invariantes distribuant d'une manière incontestable (sacrée) les rôles et les positions hiérarchiques. Le second au contraire est universaliste et égalitaire; il tente d'inclure le désir dans un jeu ouvert, toujours problématique et discutable (négociable), voire multiple, des différences sexuelles et sociales, dès lors que l'égalité des droits et des chances est posée comme un principe d'organisation fondamental des relations sociales aux dépens d'un lien social institué par un référent imaginaire collectif religieux traditionnel. Dans ce contexte la forme privilégiée de la relation vivante est l'amour ou l'amitié consentis, en tout cas volontaires, c'est à dire contractuels et non pas autoritaires hiérarchiques. Ce modèle fait de la relation dans la différence telle qu'elle est posée par les individus eux même, y compris dans un cadre homosexuel, l'idéal type valorisé et valorisant de le relation de désir satisfaisante c'est à dire conforme au droit individuel au bonheur comme reconnaissance positive de soi.

Si l'amour intersubjectif devient la référence idéale du bonheur (et non pas forcément sa réalité toujours décevante, car toujours compromise), il faut distinguer érotisme et pornographie pour en définir la relation complexe.
L'érotisme est le jeu du désir dans la recherche ouverte et dialogique du désir de l'autre, alors que la pornographie fait de l'autre un objet du fantasme du désir traditionnellement codé en général de l'homme type sur une femme type (machisme). la pornographie est donc la projection dans un contexte libéral du fantasme généré dans un contexte traditionnel de distribution des rôles. La puritanisme (à dominante homosexuelle virile) génère de la pornographie dès lors que se trouve affaiblis ou hors jeu les modes idéologiques de contrôle de la sexualité traditionnels. D'où son ambivalence: d'un côté apparement libérateur du désir sexuel individuel mais réellement prisonnier de la tradition devenue instable ou contestable. La pornographie est un défi libertin de la tradition encore soumis à elle.

Une vision libérale de l'amour refuse aussi bien la pseudo libération pornographique que le puritanisme indissociablement liés et ce refus passe par la lutte contre le machisme et pour l'égalité des droits individuels au bonheur des femmes et de chacun en général (y compris homosexuels). Ni putes, ni soumis(e)!
S. Reboul, le 08/03/04

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