La peine de mort et son abolition constitutitionnelle. 


Citation du jour pour ouvrir un débat de fond:

"Si le criminel a commis un meurtre, il doit mourir. Il n'y a aucune commune mesure entre une vie, si pénible qu'elle puisse être, et la mort et par conséquent aucune égalité du crime et de la réparation, si ce n'est par l'exécution légale du coupable"

Kant: Métaphysique des mœurs 1797.

Toute la question est de savoir si seule la peine de mort peut réparer la mort criminelle d'un innocent, quel qu'il soit , car il n'y a aucune mesure possible entre la vie même pénible -par exemple en prison ou au bagne- et la mort provoquée par ce crime. Est-ce cela la loi du talion? En quoi se distingue-t-elle de la vengeance? Peut-on penser que le peine de mort est aussi criminelle que le crime commis lui-même?



Kant justifiait la peine de mort, non seulement sur l'idée de proportionnalité de la peine vis-à-vis du crime commis , mais sur l'idée que cette condamnation à mort était l'expression de la reconnaissance de la responsabilité du coupable de ce crime et qu'en cela ne dérogeait pas au présupposé libéral du droit qui fait de l'homme un être libre de ses actes. Mais précisément la question de l'abolition de la peine de mort pose celle du droit à la vie comme d'un droit supérieur au droit positif ordinaire en tant que droit humain absolu du point de vue de la liberté elle-même. Celui-ci, nous le savons, est devenu constitutionnel en France et est donc entré dans le droit positif, depuis 2007. Pourquoi? Outre que le jugement condamnant à mort est définitif et n'autorise aucune demande de révision du procès, alors qu'un procès ne suffit pas toujours à prouver avec certitude que celui qui a été condamné était coupable ou totalement responsable de son acte, hors toutes circonstances atténuantes, il y a une autre série de raisons qui répondent au souci kantien de respecter en chacun la liberté: 1) Si l'on juge un homme responsable de son crime, on le juge libre de se racheter de son crime et donc toute condamnation définitive qui lui interdit de manifester cette liberté est contradictoire avec cette liberté pour laquelle on l'a condamné en tant que responsable de son crime . On peut réduire cette liberté pour qu'il puisse se corriger, mais pas la supprimer sans porter atteinte à son humanité qui le fait considérer comme libre. 2) On ne peut réduire un humain à son acte du fait même de sa capacité supposée à l'autonomie. Tout humain a donc droit à se réinsérer positivement dans la société après avoir purgé sa peine. 3) Nos sociétés libérales fondées sur la défense de la liberté de l'individu, ne peuvent admettre, sauf nécessité expresse (guerre défensive, légitime défense) que l'on puisse supprimer un humain prisonnier sans défense, car désarmé. Cela voudrait dire que les individus seraient soumis à la société qui aurait alors un droit de vie et de mort sur eux. Poser les droits de l'homme comme le fondement du droit positif , à savoir le droit à la vie comme indissociable du droit à la liberté individuelle dans la société a pour conséquence l'abolition de la peine de mort. Ceci ne règle pas la question de savoir si la peine de prison, non assortie d'un travail en faveur de la société, voire des victimes de crimes, est non seulement efficace pour dissuader le criminel de récidiver ou d'autres de commettre des crimes et/ou suffisant pour contenter les victimes dans leur demande de réparation symbolique, mais juste du point de vue libéral. Que se passe-t-il à la sortie de prison, le criminel va-t-il faire bon usage de cette liberté complète restaurée? À quelles conditions?


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