Du nazisme et de la banalité du mal
De la défaite de 1918, et de l'humiliation qu'elle a générée chez les allemand, nourris au nationalisme exacerbé des élites impériales en 1914 et au narcissisme exacerbé par la victoire allemande sur l'empire français en 1970, Hitler à réussi a tirer une cause et un enjeu racistes comme fondement d'une politique de la vengeance absolue. Faut-il s'en étonner, comme s'il s'agissait d'une folie inexplicable car inhumaine ?
Il me semble que non, car il faut savoir:
- que le racisme est une réaction populaire spontanée dans une situation de crise et d'humiliation.
- que la violence extrême est jouissive chez et pour qui elle
incarne une vengeance à cette insupportable humiliation. Elle fait
du pouvoir un pouvoir collectif absolu d'autant plus qu'elle soude
le groupe qui l'exerce dans la sentiment d'une supériorité
fantasmatique retrouvée.
- que la guerre trouve toujours par la désignation de l'autre
comme ennemi mortel, une justification à la jouissance
compensatrice en tant violence sans limite que celle-ci procure plus
ou moins toujours en tant que réalisation brutale et sans limite du
fantasme de la toute puissance.
- que cette jouissance de et par la
violence extrême est d'une extrême banalité mais a besoin pour un
passage à l'acte de la guerre - comme guerre totale- contre une ennemi
présenté comme mortel, qu'il soit réel ou fantasmé
- que la culpabilité s'efface,
voire s'inverse, du fait de l'intense satisfaction que procure cette
violence collective qui soude et fusionne la groupe dans le
sentiment d'une supériorité raciale autant morale que justifiée
par la victoire réelle sur l'ennemi mortel extérieur mais aussi et
surtout intérieur qu'est le juif apatride , lequel représente, par
son supposé cosmopolitisme, le pire ennemi intérieur/extérieur
possible. C'est cela qui est banal et c'est cette banalité
qu'exprime sans fard cette violence transformée en un devoir
national d'exterminer pour survivre à l'humiliation en se vengeant
d'elle tout à la fois de la pire et de la plus intense des
manières.-
- que l'horreur du crime s'abolit, par avance et après coup, en ce qu'elle a d'insupportable, par l'auto-justification d'une nécessité collective valorisée et valorisante mettant en jeu l'exigence supérieure , jusqu'au sacrifice personnel de toute auto-valorisation antérieure, d'un patriotisme élevé au rang d'impératif catégorique. Le bourreau tire gloire de faire le sale boulot pour les autres.
Il ne suffit donc pas de dire que la thèse
arhennienne de la banalité du mal concernant les crimes nazis, si
l'on s'en tient à la seule obéissance servile et aveugle de
fonctionnaires dévoués, est insuffisante à en comprendre
l'horreur, encore faut-il s'efforcer d'expliquer cette obéissance.
Or, dans cette obéissance, il faut aussi et surtout voir le fait
qu'elle a été valorisée par un régime de la puissance criminelle
absolue et qu'elle s'est inscrite dans des mécanismes de pulsions
haineuses xénophobes d'une grande banalité qui s'exprimaient
avec plus ou moins de force dans toute l'Europe, comme on l'a vu en
France sous le régime collaborationniste de Pétain.
Dans le cas du nazisme, comme dans d'autres semblables qui jalonnent l'histoire des massacres de masse récurrents, cette haine vengeresse et jouissive, à la faveur d'une humiliation collective dans un contexte de nationalisme exacerbé, a été désinhibée par un contexte idéologique et politique particulièrement efficace qui en fait un devoir nécessaire et honorable de survie et de narcissisme identificatoire.
C'est pourquoi il est faux de faire du nazisme une exception monstrueuse et par là incompréhensible. Sa logique criminelle est au contraire au cœur de l'humaine condition et c'est à prendre conscience de la nocivité sanglante de cette banalité pulsionnelle que Freud appelait « l'instinct de mort » élevé au rang de pratique collective se décompensation mortifère valorisante que l'on doit et peut s'en prémunir individuellement et collectivement. Hannah Arendt ne va pas encore assez loin dans l'affirmation de l'extrême banalité, si lointaine car si proche, de la violence et de l'horreur nazie. Tous les humains rêvent de violence salvatrice et purificatrice pour sauver leur identité et leur honneur, le nazisme l'a fait, sans trace de honte et de culpabilité.