Légalité et légitimité

Il convient pour juger de la justesse et de la justice d'un acte ou d'une décision de distinguer sa légalité et sa légitimité; est légal ce qui est autorisé par le droit positif existant, ce qui est conforme au texte de la loi; est légitime ce qui est et doit être reconnu comme juste par tous dans une formation socio-politique déterminée. En principe en démocratie la loi doit être universelle, c'est à dire établir l'égalité en droits et en devoirs généraux entre tous; cette égalité est de principe, elle est donc soustraite au vote majoritaire car elle une condition transcendantale (axiome de possibilité) de la démocratie et du choix majoritaire; c'est dire que cette égalité est fondatrice de fait démocratique et elle ne peut être contestée, ni soumise au vote sans abolir ce fait. Est donc légitime une loi qui met en forme l'égalité des droits et des devoirs fondamentaux et leurs limites tels qu'ils sont reconnus par la déclaration universelle des droits de l'homme afin d'éviter la violence et la domination .

Là où les choses se compliquent c'est lorsqu'on passe à l'application de ces droits dans un contexte social d'inégalité des pouvoirs et des biens et donc des moyens d'exercer ces droits. Toutes société est hiérarchique et donc instaure une inégalité des pouvoirs réels entre dirigeants et dirigés qui risque toujours de restaurer la domination en principe exclue par le droit formel d'autant que parmi cette inégalité des pouvoirs s'impose à la société, toute entière, y compris aux dirigeants politiques dits représentatifs de l'ensemble des citoyens, l'inégalité économique et sociale, voire culturelle qui fait que les uns peuvent exploiter leurs droits de propriété en principe égal à celui des autres et leurs talents ou compétences en principe soumis à l'égalité des chances ainsi que leur richesse et capital économique, culturel et symbolique pour imposer aux autres cette domination en utilisant à leur profit leur avantage pour s'enrichir toujours davantage et aggraver les inégalités qui font paraître fictive voire mystificatrice l'égalité formelle des droits admise comme fondement de l'idée démocratique de justice. D'où un (res)sentiment en effet "justifié" d'injustice pour les victimes de cette inégalité réelle qui peut devenir dans un tel contexte formel un objet de scandale et/ou entrairer de la part de certains d'entre elles un refus de la démocratie elle-même comme d'un mensonge trompeur, voire un passage à la violence infra-politique criminelle qui ne peut que faire le jeu d'un populisme autoritaire censé répablir la sécurité et l'égalité réelle et mettrait en cause les droits de l'homme comme fondement de la démocratie

C'est dire que la légitimité démocratique opère et peut se perdre sur fond d'un conflit permanent entre droits-liberté formels et droits-pouvoirs réels, lequel conflit est au centre de tout débat politique en démocratie. Celle-ci ne peut alors se maintenir qu'en gérant ce conflit dans le sens de la rééquilibration et de correction des inégalités et de la restauration plus ou moins réelle et fictive, de l'égalité des chances en accordant aux victimes de ce qui est ressenti par elles comme une injustice au vue des droits formels universels qui leur sont en principe reconnus des droits sociaux particuliers qui contrebalancent les effets d'une égalité formelle en permanence contredite par les inégalités réelles. Toute démocratie est donc condamnée à vivre sur le fil du rasoir social-démocrate, sauf à n'être plus qu'une oligarchie des riches et des possédants de plus en plus difficilement masquée par une forme démocratique derechef hypocrite.
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