La justice, l'économie et l'état. 

 Le droit, l'état et la justice 

Travail, vie économique et justice.
 

 Il convient, dans les sociétés modernes, capitalistes et marchandes, de distinguer les activités économiques des activités non économiques: celles-ci ne font pas l'objet d'échanges monétaires, les premières, si.
Ainsi une activité socialement utile, faire des enfants, n'est pas économique car les enfants ne peuvent être l'objet d'aucune transaction commerciale. Se nourrir en produisant pour soi et ses proches la nourriture, jouer du piano pour son plaisir non plus, même si cela exige des efforts ,du savoir-faire à acquérir, voire du talent.; par contre, produire dans le but prioritaire de vendre ou de rendre un service socialement utile contre rétribution est un travail, c'est-à-dire une activité soumise à la contrainte et à la sanction sociale Il faut donc opposer le travail et les activités de loisirs ou familiales et sociales personnelles dont les valeurs, les exigences et les buts sont différents, voire plus ou moins opposés
Mais certaines activités rémunérées sont économiquement paradoxales: soit parce que les effets et les moyens ne sont pas ou difficilement économiquement comptables en terme de richesses crées (enseignement, médecine); soit parce que, dans des activités plus privées que publiques (domestiques et prostitution), la rémunération n'est pas liée à un service standardisé; celles-ci pourraient être l'objet d'une activité privée, voire intime sans échanges économiques.

 La question de la justice, dans le travail, se pose d'abord sous la forme de la réciprocité comptable des échanges de biens et de services plus ou moins soumise à la concurrence et à des rapports de forces et d'exploitation et (compétition  plus ou moins inégalitaires) et de l'intervention du droit et de l'état.( => Arbitrage et correction des effets qui perturberaient la possibilité des échanges ou menaceraient la confiance et la crédibilité nécessaires à toute relation contractuelle).

 Est juste, selon un idéal rationnel et universel, tout échange qui tend vers l'égalité distributive qu'il faut distinguer de l'égalité commutative ; la première repose sur le principe : à chacun selon son mérite et son travail (distribution proportionnée égalitaire) ; qu’il faut opposer: à chacun selon son rang et ses revenus (distribution proportionnée inégalitaire ) ; alors que la seconde a pour règle fondamentale : à chacun la même chose (distribution égalitaire commutative). Or en économie capitaliste tournée vers le profit privé et non la satisfaction des besoins du plus grand nombre dans le monde (économie mondialisée), les inégalités entre les acteurs sans régulation étatique ou super étatique tendent à s'aggraver pour les raisons suivantes:

1) Ce qui commande la réciprocité des échanges c'est la demande solvable, et non la demande de tous; lorsque l'inégalité financière des consommateurs est forte, la demande des plus démunis intéresse moins les offreurs que celle des riches. Celle-ci permet de générer plus de profits (solvabilité de la demande) et l'économie peut devenir, sans correctif, une économie d'objets et de services luxueux inaccessibles au plus grand nombre.

2) De plus, le capital, comme source de revenus, n'est pas le résultat d'un revenu du travail fourni par son détenteur mais, bien souvent de la capacité, grâce à lui, de faire travailler les autres à son profit en les rétribuant en deçà de la valeur crée par leur travail (investisseurs-propriétaires des moyens de production et d'échange).C'est l'exploitation capitaliste de la force de travail selon Marx. En période d'intensification de la concurrence mondialisée, le chômage et la baisse des salaires (directs et indirects) que semblent, pour les entreprises, entraîner les exigences de compétitivité et de productivité (les machines remplaçant les hommes, dans l'industrie mais aussi les services de masse) créent, par manque de demande solvable, une situation de surproduction qui rend difficile la réalisation du profit capitaliste. (marchés saturés et pauvreté peuvent croître ensemble); c'est là une des contradictions internes fondamentales du capitalisme selon Marx.

3) Les rapports économiques s'inscrivent, surtout en période de très forte concurrence inégalitaire, dans une stratégie à somme nulle (gagnant/perdant) sans que l'on puisse dire que la loi de l'offre et de la demande reconnaisse et sanctionne équitablement les mérites de chacun dont les critères sont, en l'occurrence, toujours discutables: si une infirmière est moins payée qu'un ingénieur ou un professeur qu'un présentateur de la télé, est-ce que cela signifie que les premiers soient moins méritants ou socialement utiles que les seconds?

4) Enfin, l'utilité sociale réduite à son expression marchande est l'objet de transactions strictement individuelles qui peuvent être collectivement contre performantes voire nuisibles aux conditions de vie et de survie de l'humanité ; par exemple la croissance exponentielle du parc automobile, très soumis à l’accroissement de la demande individuelle génère des menaces écologiques (pollution des villes, effet de serre etc..) ; Alors que les transports en commun publics ou soumis à des obligations de services publics sont plus égalitaires (universels) et moins polluants Ainsi, rien ne permet de dire que l'activité économique marchande et capitaliste soit juste; c'est à dire égalitaire et bénéfique à l'intérêt commun et/ou mutuel de tous. Selon la position des penseurs libéraux (A. SMITH), en effet, la concurrence pure et parfaite assurerait automatiquement la satisfaction des intérêts mutuels selon une égalité des échanges produite par l'équilibre tendanciel auto-régulé (main invisible) de l'offre et de la demande; mais la concurrence pure et parfaite, si elle une fiction intéressante sur le plan théorique, est irréalisable sur le plan pratique car contradictoire avec le capitalisme lui-même: celui-ci reproduit nécessairement les inégalités dont il a besoin pour survivre et faire du profit; elle n'est qu'un modèle qui deviendrait une illusion si on le croyait réalisable par le seul jeu du marché: celui-ci ne peut fonctionner en vue du profit que par des déséquilibres générées par la connaissance limitée des acteurs et le conditionnement de la demande par l'offre (ex: la pub) qui vise à réduire la concurrence au bénéfice d'un offreur mieux armé sur le plan économique technologique et symbolique (image de marque) et à assurer sa domination sur le marché et les consommateurs: que l'on songe aux enfants qui sont de plus en plus pris comme cible captive par la pub (la pub est littéralement captivante) et à travers eux leurs parents.

D'où le rôle nécessaire de l'état et du droit, surtout quand ils se prétendent démocratiques, pour corriger le fonctionnement du marché dans un sens non seulement plus équitable, mais aussi plus universellement libéral afin d'éviter l’exclusion, la misère et la révolte dommageables pour tout à la fois l'ordre public et les droits libéraux de la majorité de la population.
S. Reboul, le 23/06/99. 



Le droit, l'état et la justice
 

Definitions:
Le droit est
· Soit le droit civil positif, c'est à dire l'ensemble des règles (obligations, interdictions et limitations) que la société, par le truchement de l'état ou des traditions, impose aux individus sous peine de sanctions (droit pénal); la fonction du droit est de préserver l'ordre public et/ou l'organisation de la société, donc la paix civile, la cohésion sociale et la coopération des individus/citoyens; C'est là, la première définition de l'idée de justice. Mais dans les états de droit, celui-ci se donne en outre pour fonction de préserver et de garantir par des lois universelles les libertés fondamentales et les droits réglés de chacun sans que cela n'entraînent de contradictions violentes. La liberté dans l'ordre, ou l'ordre pour la liberté et la sécurité, c'est la seconde définition de l'idée de justice. (à ne pas confondre avec l'institution judiciaire qui a pour charge de sanctionner les manquements à la loi).
· Soit le droit idéal et/ou philosophique, c'est à dire l’ensemble des valeurs et des impératifs raisonnables se prétendant universels (c’est à dire valant pour tous les hommes sans contradictions) que les hommes doivent respecter pour éviter la violence physique ou morale et pour les obliger à la solidarité ; à la coopération et à la reconnaissance mutuelle de leur autonomie
Pbs : Le droit positif apparaît toujours particulier, voire arbitraire car lié à l’histoire, la culture, les coutumes des différentes sociétés, or la philosophie prétend à l’universel. Quel doit être le rôle de cette dernière ; peut-elle se faire juge du droit positif, définir le sens de son progrès ? Un juste droit est-il possible ?

Definitions :
L'état est:
· - soit la société organisée soumis à une même législation et à une même autorité, contrairement à un hypothétique état de nature; (sens large)
· - soit l'institution du pouvoir central dans la société; pouvoir qui s'arroge le monopole de l'usage légal sinon légitime de la force pour faire respecter le droit, pour garantir la pérennité et la cohésion de la société contre les dangers extérieurs et intérieurs. (sens restreint)
 
Problèmes: Le droit et l'état prétendent limiter les libertés individuelles pour réduire voire supprimer la violence physique qu'elles risquent d'entraîner (douleur corporelle, mort ou exclusion) voire morale (domination, mépris) dans les rapports entre les individus et les groupes et pour contraindre à une solidarité indispensable au lien social. Mais pour cela l'usage de la force est nécessaire. La force légale de l’état (sens restreint) contre la violence illégale? la liberté réglée par le droit et la force légale contre la liberté déréglée et violente? Mais qu'est-ce qui garantit que cette force légale est légitime, c'est à dire au service des intérêts mutuels légitimes et des libertés fondamentales des dirigés citoyens, sans exclusive, et non réellement au service des intérêts particuliers des dirigeants? Peut-on concevoir un état (sens large) sans état (sens restreint) dans lequel les citoyens s’autogouverneraient ? L’état peut-il être juste et lequel : hiérarchique inégalitaire ou démocratique libéral?
 

1) Le droit inégalitaire comme légalisation stabilisatrice de la force et l’état hiérarchique.

 1-1 La violence est inscrite dans la nature du désir humain, HOBBES .
Egalité = violence généralisée.
Possession illimitée et vanité, sont les deux formes du désir d'être de l'homme. La violence est moyen du désir "libre", mais est aussi désirable en tant que source de plaisir, car expression libératoire et instantanée de la puissance illimitée du désir.
 1-2 .Pour faire cesser la violence généralisée, l'état hiérarchique conventionnel fort, HOBBES

 1-3 La paix civile par la domination conventionnelle et la puissance légalisée au service du souverain absolu: la force stabilisée par le droit.

2) Le droit égalitaire et l’état libéral républicain.

 2-1 Critique du droit du plus fort, ROUSSEAU
 2-2 le droit et l'état au service de la liberté et l'état de droit fondé sur la volonté générale, SPINOZA, ROUSSEAU. La limitation et la régulation de la liberté sont les conditions et la garantie de son effectivité.

 2-3 Le droit égalitaire universel. L'égalité des droits fondamentaux. Liberté, sécurité, propriété. Et la solidarité ?
 

3) Droit libéral et droit social : Les contradictions du capitalisme démocratique.

 3-1 Critique de l'inégalité de la propriété des moyens de production. ROUSSEAU; MARX.

 3-2 L’état est l’expression des rapports sociaux. MARX ; t10 p340.

 3-3 les droits libertés et les droits sociaux.
La contradiction entre égalité formelle des droits libéraux et les inégalités sociales réelles est explosive! Dans un sens les inégalités sociales interdisent l´égalité des droits formelle, mais en un autre, dans une société concurrentielle, les premières sont la conséquence des premiers.
Il convient de distinguer, à cet égard, les droits-libertés et les droits-créances : les premiers ne sont que des autorisations explicites ou implicites accordées aux individus par la loi, sans considération pour les moyens économiques, sociaux et culturels de les mettre en oeuvre (ex. la liberté d´etre propriétaire de sa maison et/ou de son entreprise ou celle de travailler) or les seconds accordent aux individus-citoyens les moyens réels d´accéder à la propriété ou qui leur octroie une formation professionnelle et un travail). Ces deux types de droits sont souvent plus ou moins confondus et pourtant il peuvent s´opposer en cela que la mise en oeuvre des seconds oblige à restreindre les premiers (ex :la liberté d´entreprendre des propriétaires d´entreprises). Les droits sociaux sont des droits créances qui obligent à restreindre et à contrôler les entreprises privées (ex :droit du travail) mais il sont aussi les droits qui permettent aux plus grand nombre des moins nantis de faire valoir leurs droits formels dans des rapports des forces devenus, dans ce cadre légal et sous l´arbitrage de l´état, moins défavorables.
 

Plus largement, le développement du capitalisme mondialisé qui met en cause les droits sociaux des différents pays démocratiques compromet le fonctionnement de la démocratie politique localisée. Le droit doit-il et peut-il être mis au service de la réduction des inégalités sociales réelles ? A quel niveau, l’état-nation, les regroupements régionaux, le monde ?
Sylvain Reboul, le 04/04/98. 



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