La loi doit-elle juger l'histoire?
Je considère que le débat sur cette affaire est pour le
moins confus car il mélange la considération objective des faits et le jugement
de valeur nécessairement subjectif sur eux. La colonisation est un fait ;
ce fait est jugé négativement par les populations qui l’ont subi. C’est
aussi un fait que la colonisation dans son principe était un déni de droit du
point de vue des règles de la démocratie et de la république dont se réclamait
la puissance coloniale (comme du reste l’esclavage). Cette
contradiction entre valeurs fondamentales et réalité du comportement de la
puissance coloniale est en effet objective et non pas seulement subjective,
elle mérite en tant que telle d’être mentionnée par l’historien.
Maintenant que la présence française ait eu certains effets
positifs pour les populations colonisées ne justifie en rien que la
colonisation en elle-même ait été positive, sinon du point de vue des
colonisateurs et de leurs serviteurs. Rien ne peut donc valider objectivement
un tel jugement global ; cela interdit à des historiens, en tant que tels,
de se risquer à émettre un tel jugement partial, ou alors ils ne sont plus des
historiens mais des moralistes.
Mais ce qui est vrai des historiens, l’est davantage en
démocratie encore du parlement dont le rôle n’est pas
d’imposer une
appréciation subjective sur les faits historiques comme une
vérité historique "officielle", laquelle n’a aucun
sens puisque un tel jugement ne relève pas de la
vérité mais du jugement moral sur les faits Cela est tout
à fait autre chose que de refuser le négationnisme
dès lors que les chambres à gaz sont des faits et non des
jugements de valeur,
et que ces faits sont admis comme des crimes contre
l’humanité ; là on
n’est plus dans la sphère de l’histoire mais de la justice
fondée en droit. Or
c’est un des devoir de l’état de dire le droit et de le faire
respecter. Ainsi lorsque la loi se prononce sur des faits historique
elle ne doit pas confondre jugement de fait et jugement de valeur.
Si le parlement considère que nier un fait est
dommageable pour la démocratie (esclavage, colonialisme,
chambres à gaz etc..), car cela revient à nier certaines
de ses valeursfondamentales , elle en a le droit à condition de
préciser qu'il ne s'agit pas d'histoire mais d''usage politique
des faits hitoriques reconnus comme objectifs par ceux-là seuls
qui puissent le faire: les historiens.