L'éthique du capitalisme

 

La morale puritaine, comme l’a fait remarquer M.Weber, est une des morales de transition vers le capitalisme : comme le puritain ne sait pas s’il fait partie des sauvés ou des réprouvés, il doit s’imposer une conduite qui lui donne au moins l’espoir d’être parmi les élus par des signes moraux et matériels : il doit se conduire d’une manière sexuellement et familialement pure et affirmer cet espoir par sa réussite économique ici-bas, dès lors qu’elle est la conséquence de sa capacité à produire et à vendre honnêtement. Cette métaphysique morale a permis de libérer l’économie des tabous catholiques ou autres qui faisaient du salut une récompense pour le refus des plaisirs et de l’intérêt matériels ici-bas au nom de l’amour universel (tous seront sauvés ou pourrons l’être à condition d’obéir à Dieu) et du désir de l’enrichissement personnel, un péché contre les autres et Dieu : « il est plus difficile pour un riche d’aller au Paradis que pour un chameau de passer par le trou d’une aiguille »
Mais cette morale qui a accompagné le capitalisme de l’accumulation primitive est devenue contradictoire avec le capitalisme triomphant de la production et de la consommation de masse dont la logique est de marchandiser l’ensemble de la vie sociale (cf. K .Poliany : La grande transformation) ; cette marchandisation passe par la promotion publicitaire d’une éthique du bonheur ici-bas non métaphysique : celle du pouvoir et du droit des individus à accroître leur capital économique et symbolique qui seul peut valoriser chacun aux yeux des autres et au siens dans la poursuite compétitive de ses désirs propres conditionnés par l’offre économique : Cette éthique autonomise la vie économique et sociale de toute référence éthique extérieure : l’argent est à la fois fin et moyen de la réalisation de soi et de l’optimisation du bonheur individuel ; dès lors que la compétition est régulée pour faire croire à chacun qu’il peut y participer avec quelque chance de s’en tirer (voir le modèle sportif comme régulateur des comportements sociaux), la recherche par chacun de son intérêt propre est justifiée.
Or cette optimisation du bonheur personnel valorisé implique le primat de la vie privée sur la vie sociale et collective ; ce qui veut dire que chacun est sommé tout à la fois de passer du temps à participer à la compétition sociale et de se donner, voire de revendiquer du temps, afin de promouvoir, par sa consommation personnelle ou autrement , son bonheur privé. Injonction contradictoire et c’est cette contradiction qu’il faut exploiter si l’on veut élargir le libéralisme jusqu'à y inclure le droit de l’individu à construire sa propre stratégie selon d’autres jeux que le jeu économique et marchand (Amour, art, culture etc.)

Sylvain Reboul, le 02/02/99.


Peut-on faire confiance au capitaliste? Droit social et universalité du droit.

Je ne vois aucune opposition entre les droits universels et les devoirs qui en découlent nécessairement.
Mes droits sont ceux des autres et m’imposent donc de les respecter (devoir) chez les autres.

Là où droits et devoirs s’opposent c’est lorsque les devoirs n’impliquent aucun droit universel. Ceux-ci deviennent alors les droits des autres, mes supérieurs, contre mes droits. Et la confiance dans les autres dès lors qu’ils prétendent avoir des droits qu’ils me refusent se dissipe alors instantanément. C’est donc l’inégalité des droits réels et des devoirs réels qui est au coeur de toute crise de confiance.

Et le pire de la défiance advient lorsque cette inégalité des droits est déniée par ceux-là mêmes qui détiennent un pouvoir réel d’oppression et d’exploitation et/ ou qui ne font de l’égalité qu’un mensonge instantanément dénoncé. par le pouvoir réellement à sens unique qu’ils exercent sur leurs subordonnés.

C’est pourquoi le capitalisme porte la défiance comme les nuées portent l’orage.

Et c’est aussi pourquoi l’état démocratique doit toujours restaurer les conditions de droit (droit social) d’une confiance dont la capitalisme a besoin pour survivre. Le prétendu libéralisme du capitalisme socialement "sauvage" n’est qu’un leurre et un réel despotisme s’il n’est pas politiquement soumis à des règles de droit social en vue de rétablir ou de réduire les inégalités qu’il génère.
Le 07/08/08



            Argent et libéralisme
            Retour à la page d'accueil