Le bac comme source d'inégalité

La défense du baccalauréat sous sa forme actuelle, en tant que rituel de passage violemment sacré, est la source de tous les conservatismes dont à a souffrir notre enseignement et de l’immobilité cadavérique qui caractérise la pédagogie au lycée, quelque soient les efforts méritoires sinon héroïques des enseignants pour ouvrir l’enseignement à d’autres formes d’acquisition des connaissances et d’initiatives culturelles. Quels sont ces conservatismes et en quoi le bac comme épreuve terminale et aveugle sur un programme encyclopédique en est-il l’origine première dès lors qu’il se donne comme le but quasi-exclusif de la formation des lycéens ("passe ton bac d'abord")?

En cela :
1)    qu’il suscite l’angoisse devant un examen ou tout doit se jouer en quatre jours sur des sujets surprises par le truchement d’épreuves corrigées en aveugle et sans appel par des inconnus ; cela provoque instantanément de la part des candidats des comportement de compensation sécuritaire pour limiter les risques en bachotant dans les annales et à coup de cours magistraux afin d’élimine, autant que faire possible,  tout problème qui obligerait à réfléchir pour comprendre et en refusant en le sanctionnant le droit à l’erreur sinon à l’errance indispensable à l’appropriation du savoir. Un tel bac, de plus, sous prétexte d’entraîner les candidats, est démultiplié dans le temps de formation sous le forme de simulations répétées tous les trimestres (contrôles, bac blancs etc..), ce qui renforce pendant l’année de la terminale et même dans les années antérieures le bachotage quantitatif et individualisé comme seul mode de formation possible.
2)    qu’il pousse les enseignants, sous la pression des élèves et de leurs parents, à limiter au maximum les initiatives pédagogiques visant à rendre actifs les futurs candidats en en faisant des chercheurs de savoir plutôt que consommateurs de contenus prédigérés, au bout du compte inassimilables et vite oubliés quinze jours après les épreuves.
3)    qu’il ne prépare pas les candidats à devenir des étudiants capables de prendre en charge leur formation universitaire et à travailler d’une manière autonome et efficace ; c’est à dire intelligente. Un tel type d’examen ne peut servir que les élèves les mieux conditionnés (et en particulier les enfants d’enseignants) à suivre les enseignements de classes préparatoires aux Grandes Ecoles lesquelles contrairement aux universités sont, dans notre système méritocratique français, destinées à former l’élite sociale et économique dans sa prétention à diriger les autres au nom de compétences définitivement incontestables et à justifier l’arrogante autorité, quasi originaire, des futurs dirigeants.

Parler d’égalité pour justifier le bac dans sa forme actuelle est au mieux une naïveté dommageable à l’évolution des conditions d’un enseignement démocratique visant à former l’intelligence et des têtes bien faites plutôt que pleine et encombrées le jour de l’examen et, au pire, une hypocrisie destinée à couvrir un système élitiste et antidémocratique dont ses promoteurs, y compris enseignants, espèrent tirer profit à travers le réussite de leurs propres enfants, mieux préparés que les autres.

La question est de savoir si nous voulons perpétuer un système éducatif et de sélection qui produit plus de crétins diplômés relativement adaptés à une société industrielle bureaucratique (Max Weber) que de personnes disposant d'initiative intellectuelle indispensable dans une société post-industrielle.


Sylvain Reboul, le 16/06/03
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