Morale, droit et société.
 Dialogue entre Pascal Jacob (en rouge), enseignant de philosophie et Sylvain Reboul (en vert)

Pascal Jacob:
Je lis votre site avec intérêt. Je vous trouve cependant un peu dogmatique,
surtout dès que vous abordez les sujets religieux. Notamment, votre texte si
court sur "mort du pape et laïcité". On vous a connu de plus substantiels
développements.
Vous écrivez : "l’affirmation réitérée par les journalistes de tous poils (y
compris ceux qui se disent athées) que croyants et non croyants se sentent
également émus par cette disparition. Il semble que nos médias publics
oublient brusquement que nous sommes dans un pays qui se dit et se veut
laïque. Cette contradiction exprime le retour du refoulé d’une difficulté
toujours latente : celle de penser la politique hors de l’illusion
religieuse. " Le fait que Jean-Paul II ait été un (grand) pape interdirait
aux non-croyants d'être ému de sa disparition et d'exprimer cette émotion ?
Si c'est un fait, pourquoi un journaliste s'interdirait-il de le rapporter ?
Je m'étonne des couleurs de fanatisme que prend votre légitime souci d'une
distinction juste entre le temporel et le spirituel. Je vous rappelle
simplement que la laïcité est avant tout un concept chrétien. D'abord parce
que le Christ est le premier à avoir dit "rendez à César ce qui est à César
et à Dieu ce qui est à Dieu". Ensuite parce que c'est dans l'Eglise
chrétienne qu'est née la distinction entre les clercs et les laïcs.
La laïcité n'est donc pas une attitude contre "l'illusion religieuse", elle
consiste juste à reconnaître que le fait religieux a une place légitime, et
que cependant il convient d'affirmer une juste autonomie du politique.
 
Cordialement,
  Pascal Jacob

Sylvain Reboul
Tout d'abord merci de votre commentaire.
Je ne suis pas d'accord avec "le fait" que Jean Paul 2 ait été un grand pape
pour la simple motif que cette appréciation n'est pas de l'ordre du
"jugement de fait (descriptif)"  mais du  jugement de valeur (normatif) sur
son action qui elle se discute et qu'il est du devoir de discuter si l'on
prétend philosopher. Son attitude vis-à-vis de l'avortement, de la
contraception, de combat contre le sida, de la  théologie de la libération,
et de la libération des femmes, est, vous en conviendrez, discutable, ainsi
que son soutien sans faille à l'Opus Déi dont le vision de la laicité n'est
pas la vôtre semble-t-il.. Il est aussi de fait que cette disparition s'est
accompagné d'un matraquage médiatique louangeur voire sanctificateur qui,
sur des chaines publiques, a outrepassé les rêgles de la laïcité. Il est
enfin permis de regretter l'exploitation spéctaculaire de cette mort au
service d'une religion qui prone la rédemption par la souffrance, ce qui est
tout aussi discutable. Du reste nombre de débat entre journalistes ont eu
pour thème cette attitude sans nuance des médias; notre rôle de philosophe
est bien de susciter le dissensus et non de voler au secours d'un consensus
qui était, comme l'ont montré nombres d'articles ultérieurs, largement
artificiel et pour le poins instrumentalisé... L'attitude de son successeur
à propos du référendum en Italie et en Espagne concernant les techniques de
procréations artificielles ou du mariage des homosexuels, ainsi que les
interventions politiques de l'église catholique contre le clonage
thérapeutique et les recherches sur l'embryon humain montrent du reste que
le danger de théocratie n'est pas écarté en Europe.

Très cordialement, Sylvain Reboul

Pascal Jacob
Bonjour, et merci de votre réponse. Vous répondez point par point, cela
honore votre rigueur et me permet d'en faire autant.
Le fait dont je parlais est que Jean-Paul II était pape, en outre chef
d'Etat, et que son action politique a été marquante notamment dans la
libération des pays de l'ex-URSS. Il n'est donc pas scandaleux de marquer
l'évènement.
Son action et ses idées sont naturellement discutables, en ce sens qu'il est
permis d'en discuter. Bien sûr, chacun de ces points entraînera dans des
discussions sans fin. Je voudrais juste souligner quelques points.
1. L'avortement. Le premier article de la loi Veil dit ceci : "La loi
garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne
saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon
les conditions définies par la présente loi." Une lecture un peu attentive
montre que cet article affirme que l'avortement concerne un "être humain"
après le "commencement de la vie". Il est légitime de s'émouvoir de
l'atteinte portée à la vie d'un être humain, fut-il au commencement de sa
vie. Dans la mesure où la loi Veil reconnaît en l'embryon un être humain, on
peut bien discuter sa légitimité à se placer au dessus de ce qu'elle
reconnaît pourtant comme "principe". Il y a là pour un philosophe, vous en
conviendrez, un problème fondamental : La loi affirme qu'elle garantit un
principe (donc quelque chose qui est posé comme premier), mais se place au
dessus de ce principe. C'est donc la loi qui se fait principe du droit. Il
vous revient certainement les mots de Benjamin Constant : "Aucune autorité
sur la terre n’est illimitée, ni celle du peuple, ni celle des hommes qui se
disent ses représentants, ni celle des rois, à quelque titre qu’ils règnent,
ni celle de la loi, qui, n’étant que l’expression de la volonté du peuple ou
du prince, suivant la forme du gouvernement, doit être circonscrite dans les
mêmes bornes que l’autorité dont elle émane. Les citoyens possèdent des
droits individuels indépendants de toute autorité sociale ou politique, et
toute autorité qui viole ces droits devient illégitime."(Principes de
Politique). Or que sont ces droits, si l'on ne reconnaît pas comme premier
entre tous le droit de vivre ? En s'affirmant au dessus du principe de tout
droit, la loi Veil franchit un pas inquiétant.
2. La contraception, et en général la sexualité : Le discours du pape sur la
contraception ne peut être isolé de son discours sur la sexualité en
général. Si vous lisez attentivement ses écrits réédités récemment par les
Éditions du Cerf, vous y verrez une très haute idée de la sexualité. Son
ancrage est biblique, certes, mais se nourrit aussi des réflexions de Max
Scheler en particulier. Avant de s'offusquer de son attitude, il convient de
prendre une connaissance approfondie de l'anthropologie qui la fonde. On
trouve d'ailleurs chez Merleau-Ponty une analyse de la pudeur qui fait signe
vers une vision semblable de la sexualité (Phénoménologie de la perception,
p.194sqq).
3. Le Sida. D'un point de vue purement pragmatique, il me semble que
l'attitude du pape soit la plus raisonnable. Car au bout du compte, il vaut
mieux enseigner en priorité la maîtrise de soi. Si l'on y regarde de plus
près, les africains ne sont pas dupes, et savent que les industries du
préservatifs ne sont pas animées de sentiments purement philanthropiques !
4. Les théologies de la libération : on ne peut en vouloir à l'Eglise
Catholique de mettre en garde contre les présupposés marxistes qui fondent
certaines de ces théologies. Albert Camus (L'homme révolté) lui-même a bien
vu que le marxisme qui s'insinue dans les bonnes volontés est une peste
mortifère. C'est cette conviction, expérimentée longuement à l'Est, qui
guide cette attitude critique.
5. La libération de femmes : il faudrait s'entendre sur ce qu'on entend ici
par "libération". Notre société n'a peut-être pas beaucoup de leçons à
donner sur ce point, si l'on observe ce que la pornographie véhicule comme
image de la femme. Vous avez lu bien sûr l'encyclique "Mulieris dignitatem"
pour vous faire une idée. Cela pourrait être une bonne base de discussion.
6. L'Opus Dei et la laïcité : Je vous en ai déjà parlé. La laïcité est une
invention chrétienne. Aujourd'hui, je la vis souvent comme catholique comme
une agressivité vis-à-vis de tout ce qui peut évoquer le religieux : vous
vous souvenez sans doute de cette lamentable histoire d'élèves musulmans qui
ont fait retirer un sapin de Noël d'un Lycée public ! Regardons les pays
autour de nous, nous verrons que le fait religieux y est beaucoup mieux
toléré que chez nous.
7. Benoît XVI et le référendum : on ne peut pas reprocher à Pie XII son
"silence" (le livre du P. Blet a le mérite de faire le point sur cette
affaire) et reprocher à Benoît XVI de s'exprimer sur un sujet aussi grave.
Notez que l'on adressait en Allemagne les mêmes reproches à Pie XII et aux
évêques lorsqu'ils s'exprimaient contre les orientations du régime nazi. Au
nom de quel principe absolu et supérieur le pape ne pourrait-il pas
s'exprimer auprès des catholiques sur un sujet politique ? S'exprimer ne
signifie pas prendre le pouvoir, et je m'inquiète d'un pouvoir qui refuse
tout autre pouvoir que lui.
8. Le "mariage" des homosexuels : J'aimerais qu'un jour on m'explique en
quoi le fait d'avoir avec quelqu'un une jouissance génitale commune
ouvrirait le droit au mariage. Et si c'est la vie commune simplement qui
ouvre ce droit, alors pourquoi ne pas marier ou pacser un frère et une sœur,
une fratrie, etc. Ce sujet pourrait lui aussi mériter un plus ample
développement.
9. Un philosophe comme vous ne peut pas ne pas avoir aperçu la confusion des
concepts que manifeste la distinction entre clonage thérapeutique et clonage
reproductif : car tout clonage est, par définition, reproductif. Les deux
manipulations sont strictement les mêmes. Et l'intention thérapeutique ne
suffit pas à permettre d'instrumentaliser ainsi un embryon. Il ne faut pas
voir une théocratie ous prétexte que c'est le pape qui parle. Kant lui-même
avait une telle idée de la dignité humaine (traiter la personne comme une
fin et jamais comme un moyen).

Il reste un point sur lequel nous sommes d'accord : il est important de
pouvoir en parler !

Bien cordialement,

Pascal Jacob

Sylvain Reboul
Sur tous ces points le débat reste ouvert et la controverse nécessaire; il
n' y a donc pas lieu d'affirmer que les positions du pape seraient plus
rationnelles que celles qui pourraient lui être opposées; Que l'embryon
soit une personne humaine voire un être humain en tant que sujet de droit a
été infirmé à plusieurs reprises par la loi, les juges et la cour de cassation; il n' y a donc pas de
contradiction sinon avec une conception  qui sacralise la conception et la
vie embryonnaire. Du reste la seule question est de savoir s'il faut
dogmatiquement sacraliser les questions éthiques ou s'il faut les
relativiser dans la perspective du moindre mal, objectif celui-là, pour ce
qui concerne la vie de la femme indiscutablement sujet de droit et de tous
ceux qui pourraient être victimes du sida. Quant au mariage homosexuel,
c'est aussi une question de droit et d'évolution de notre culture dans le
sens de l'égalité et de la tolérance qui suppose l'acceptation et la non
discrimination de toute les formes de relations libérales entre les humains,
sauf à renvoyer à une vérité éthique transcendante qui ne peut qu'être objet
de foi personnelle et non de fondement à une loi générale de type libéral.

Sur la question de l'embryon humain et du clonage reproductif ou
thérapeutique il me semble que l'on peut facilement maintenir la distinction
entre les deux types de clonage, terme du reste confus comme le souligne
Henri Atlan; il suffit de considérer la finalité qui commande la technique
et d'admettre que toute technique vaut d'abord par la fin qu'elle poursuit
et l'usage que l'on en fait; en l'occurence  le processus technique est bien
différent: dans le clonage dit thérapeutique il n'y a pas réimplantation
dans l'utérus d'une femme ou dans un utérus artificiel éventuel...

Vous ne pouvez faire qu'un argument de foi soit un argument rationnel
suffisant, à savoir universalisable et laïc... très cordialement, Sylvain Reboul

Pascal Jacob
Le débat ne saurait en effet rester qu'ouvert.
Sur l'embryon, je ne vois pas bien comment la décision métaphysique de
savoir "ce qu'il est substantiellement" pourrait être tranché par la loi. La
biologie le range bien parmi les vivants de notre espèce, même si elle
ignore la notion de personne. Mon propos cependant n'était pas là : je ne
disais pas "l'embryon est un être humain" (mais que pourrait-il être d'autre
?), je disais : "la loi Veil en son premier article admet que l'embryon est
un être humain qui a commencer de vivre". Une simple analyse du texte vous
en convaincra.

Il me semble introduire une inégalité manifeste au contraire en ouvrant le
mariage aux personnes homosexuelles, car l'union homosexuelle n'est pas
socialement égale à l'union hétérosexuelle. En ce sens le PACS me semble une
injustice grave. Pourquoi d'ailleurs le limiter aux relations bilatérales ?

"toute technique vaut d'abord par la fin qu'elle poursuit et l'usage que
l'on en fait", dites vous. Voilà un bon sujet de débat, je ne crois pas que
cela aille de soi...

Bien cordialement,

Pascal Jacob

Sylvain Reboul
La question de la loi sur l'avortement et le statut de l'embryon n'est ni une question métaphysique, ni une question
biologique mais d'opportunité politique: vaut-il mieux pour notre société
considérer un embryon comme une personne humaine en tant que sujet de droit
ou comme un personne seulement potentielle (être humain en devenir) et dont la potentialité relève de
la décision de la mère ou d'un projet parental; Je pense que la réponse est
oui de ce seul point de vue et cela me suffit, car je vois mal que l'on
impose à la mère une maternité qu'elle ne désirerait pas en faisant passer
le droit de l'enfant à naître lequel ne peut rien décider et qui en cela n'est
pas une personne avant son droit à elle de décider d'être mère ou non en
tant que personne née et consciente.

La volonté d'exclure l'homosexualité du droit au mariage et à
l'homoparentalité implique qu'elle soit tenue pour un comportement illégal
ou illégitime; or je me demande en quoi dès lors que l'on considère que la
sexualité est plurielle et que toutes les sexualité sont légitimes dès lors
qu'elles mettent en jeu des personnes consentantes et qu'aucune forme de
sexualité consentie ne peut, ni ne doit, entraîner de discrimination
sociale.

Je n'est rien contre la polygamie à condition qu'elle soit consentie et
qu'elle s'accompagne de l'autorisation (qui n'est pas une obligation) de la
polyandrie.

Cela ne compliquerait pas plus la question de la filiation et de l'héritage
que dans la situation actelle des familles recomposées. Je me demande du
reste s'il ne faudrait pas supprimer le mariage pour le remplacer par un
PACS civil généralisé. Ce qui n'empècherait nullement les personnes  de
contracter un mariage religieux, par conviction ou par conformisme familial.
De même pour l'avortement, la loi l'autorise mais n'exige pas de le
pratiquer contre les convictions des personnes; par contre, ceux qui veulent
l'interdire, le veulent pour les autres...

On est libéral et pragmatique ou on ne l'est pas...

Cordialement, Sylvain Reboul

Pascal Jacob:
Je trouve vos arguments extrêmement intéressants, et je vous en remercie.
Vous prenez soin de répondre avec précision et je vous en remercie.

1. Vous posez remarquablement le problème : "vaut-il mieux pour notre
société considérer un embryon comme une personne humaine en tant que sujet
de droit ou comme un personne seulement potentielle et dont la potentialité
relève de la décision de la mère ou d'un projet parental;". Pour moi, la
question n'est pas "que vaut-il mieux pour notre société", mais "qu'est-ce
qui est juste". Je mesure donc mieux ce qui nous sépare.
SR: Selon moi il n' y a  pas de justice en soi, sinon dans une perspective métaphysique qui implique un acte de foi dans la valeur sacrée de la vie dès la conception, mais la justice relève toujours une décision politique, laquelle a décidé que la volonté de  la mêre, en tant que personne juridique, l'emporte sur une éventuelle volonté de type métaphysique (ineffable) de l'embryon,  lequel n'est pas pour ce motif une personne, au sens juridique, qui obligerait la mère de donner jour à un enfant non souhaité

Pascal Jacob: Vous argumentez : "car je vois mal que l'on impose à la mère une maternité
qu'elle ne désirerait pas en faisant passer le droit de l'enfant à naître
qui ne peut rien décider et qui en cela n'est pas une personne avant son
droit à elle de décider d'^tre mère ou non en tant que personne née et
consciente." L'enfant ne peut rien décider, mais je ne vois pas en quoi cela
lui retire le titre de "personne". On est une "personne" non par ce que l'on
peut, mais par ce que l'on est.
SR: Justement pas; est une personne juridiquement responsable qui a l'autonomie minimale de décider et de  rendre compte de ses actes devant la loi; ce que l'embryon, lequel n'est pas encore un enfant mais un être humain en puissance à la condition que sa mère le veuille, n'est pas (ne "peut" pas "encore" être); Il faut toujours dans nos décisions pragmatiques considérer avec justesse le moment actuel.

Pascal Jacob: 2. Vous dites : "La volonté d'exclure l'homosexualité du droit au mariage et
à l'homoparentalité implique qu'elle soit tenue pour un comportement illégal
ou illégitime;". Je ne suis pas d'accord : on exclu du droit au mariage des
tas d'associations qui ne sont pas illégitimes, comem par exemple la
relation "oncle-nièce", ou la relation "goerges-juliette-Gustave". La
volonté d'exclure l'homosexualité du droit au mariage et à l'homoparentalité
vient pour moi de ce que je ne vois pas en quoi l'homosexualité y donnerait
droit. Je ne vois pas le lien des les galipettes de Georges et Robert avec
le mariage. Par contre, je le vois très bien avec celles de Roméo et
Juliette, parce qu'il y a un enfant possible, et donc cela intéresse la
société. Si l'on y regarde de près, le droit positif du mariage vise à
protéger le plus vulnérable : l'enfant, la femme. Difficile de ne pas y voir
l'œuvre du christianisme.
SR La question de mariage, de son sens et de sa valeur est pour moi en effet posée. La question des enfants peut être très bien réglée indépendamment du fait que les parents juridiques soient mariés ou non; Et cela vaut pour des couples homosexuels dont l'un est parent comme un cas récent vient de l'illustrer, en accordant à l'autre membre du couple un droit et une responsabilité quasi-parentale sur l'enfant. Désacralisons le mariage civil ou supprimons le au profit d'un simple pacte ou contrat validé juridiquement et bien des problèmes que vous posez seront simplifiés sur un plan pragmatique, le seul qui doit compter dans un cadre laïc.

Pascal Jacob
 Vous répondez point par point,
> > cela honore votre rigueur et me permet d'en faire autant. Le fait
> > dont je parlais est que Jean-Paul II était pape, en outre chef
> > d'Etat, et que son action politique a été marquante notamment dans
> > la libération des pays de l'ex-URSS. (SR:doute mais cela ne fait pas pour autant du pape une autorité morale indiscutable pour qui n'est pas croyant catholique (et même pour ceux-là).Il n'est donc pas scandaleux de
> > marquer l'évènement. Son action et ses idées sont naturellement
> > discutables, en ce sens qu'il est permis d'en discuter. Bien sûr,
> > chacun de ces points entraînera dans des discussions sans fin. Je
> > voudrais juste souligner quelques points. 1. L'avortement. Le
> > premier article de la loi Veil dit ceci : "La loi garantit le
> > respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne
> > saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et
> > selon les conditions définies par la présente loi." (SR: et cette nécessité relève (et réside dans) de la décision de la mère et non de la       société) Une lecture un
> > peu attentive montre que cet article affirme que l'avortement
> > concerne un "être humain" après le "commencement de la vie". Il est
> > légitime de s'émouvoir de l'atteinte portée à la vie d'un être
> > humain, fut-il au commencement de sa vie. Dans la mesure où la loi
> > Veil reconnaît en l'embryon un être humain, on peut bien discuter sa
> > légitimité à se placer au dessus de ce qu'elle reconnaît pourtant
> > comme "principe". Il y a là pour un philosophe, vous en conviendrez,
> > un problème fondamental : La loi affirme qu'elle garantit un
> > principe (donc quelque chose qui est posé comme premier), mais se
> > place au dessus de ce principe. C'est donc la loi qui se fait
> > principe du droit. (SR: à mon avis le dit principe n'en est un que pour sauver les apparences afin de ne pas heurter certaines croyances religieuses; ce qu'on appelle faire passer la pilule) Il vous revient certainement les mots de Benjamin
> > Constant : "Aucune autorité sur la terre n’est illimitée, ni celle
> > du peuple, ni celle des hommes qui se disent ses représentants, ni
> > celle des rois, à quelque titre qu’ils règnent, ni celle de la loi,
> > qui, n’étant que l’expression de la volonté du peuple ou du prince,
> > suivant la forme du gouvernement, doit être circonscrite dans les
> > mêmes bornes que l’autorité dont elle émane. Les citoyens possèdent
> > des droits individuels indépendants de toute autorité sociale ou
> > politique, et toute autorité qui viole ces droits devient
> > illégitime."(Principes de Politique). (SR vous oubliez l'autorité "infaillible" du pape... mais elle ne vaut que pour qui y croit; ceci dit la loi sur l'avortement n'oblige en rien à avorter qui le refuse et laisse chacun libre de sa décision; elle est donc une loi libérale et non contraignante ) Or que sont ces droits, si
> > l'on ne reconnaît pas comme premier entre tous le droit de vivre ?
> > En s'affirmant au dessus du principe de tout droit, la loi Veil
> > franchit un pas inquiétant. 2. La contraception, et en général la
> > sexualité : Le discours du pape sur la contraception ne peut être
> > isolé de son discours sur la sexualité en général. Si vous lisez
> > attentivement ses écrits réédités récemment par les Éditions du
> > Cerf, vous y verrez une très haute idée de la sexualité. Son ancrage
> > est biblique, certes, mais se nourrit aussi des réflexions de Max
> > Scheler en particulier. Avant de s'offusquer de son attitude, il
> > convient de prendre une connaissance approfondie de l'anthropologie
> > qui la fonde. On trouve d'ailleurs chez Merleau-Ponty une analyse de
> > la pudeur qui fait signe vers une vision semblable de la sexualité
> > (Phénoménologie de la perception, p.194sqq). 3. Le Sida. D'un point
> > de vue purement pragmatique, il me semble que l'attitude du pape
> > soit la plus raisonnable. Car au bout du compte, il vaut mieux
> > enseigner en priorité la maîtrise de soi. Si l'on y regarde de plus
> > près, les africains ne sont pas dupes, et savent que les industries
> > du préservatifs ne sont pas animées de sentiments purement
> > philanthropiques ! 4. Les théologies de la libération : on ne peut
> > en vouloir à l'Eglise Catholique de mettre en garde contre les
> > présupposés marxistes qui fondent certaines de ces théologies.
> > Albert Camus (L'homme révolté) lui-même a bien vu que le marxisme
> > qui s'insinue dans les bonnes volontés est une peste mortifère.
> > C'est cette conviction, expérimentée longuement à l'Est, qui guide
> > cette attitude critique. 5. La libération de femmes : il faudrait
> > s'entendre sur ce qu'on entend ici par "libération". Notre société
> > n'a peut-être pas beaucoup de leçons à donner sur ce point, si l'on
> > observe ce que la pornographie véhicule comme image de la femme.
> > Vous avez lu bien sûr l'encyclique "Mulieris dignitatem" pour vous
> > faire une idée. Cela pourrait être une bonne base de discussion. 6.
> > L'Opus Dei et la laïcité : Je vous en ai déjà parlé. La laïcité est
> > une invention chrétienne. Aujourd'hui, je la vis souvent comme
> > catholique comme une agressivité vis-à-vis de tout ce qui peut
> > évoquer le religieux : vous vous souvenez sans doute de cette
> > lamentable histoire d'élèves musulmans qui ont fait retirer un sapin
> > de Noël d'un Lycée public ! Regardons les pays autour de nous, nous
> > verrons que le fait religieux y est beaucoup mieux toléré que chez nous.
7. Benoît XVI et le référendum
> : on ne peut pas reprocher à Pie XII son "silence" (le livre du P.
> Blet a le mérite de faire le point sur cette
> > affaire) et reprocher à Benoît XVI de s'exprimer sur un sujet aussi
> > grave. Notez que l'on adressait en Allemagne les mêmes reproches à
> > Pie XII et aux évêques lorsqu'ils s'exprimaient contre les
> > orientations du régime nazi.
> Au
> > nom de quel principe absolu et supérieur le pape ne pourrait-il pas
> > s'exprimer auprès des catholiques sur un sujet politique ?
> > S'exprimer ne signifie pas prendre le pouvoir, et je m'inquiète d'un
> > pouvoir qui refuse tout autre pouvoir que lui. 8. Le "mariage" des
> > homosexuels : J'aimerais qu'un jour on m'explique en quoi le fait
> > d'avoir avec quelqu'un une jouissance génitale commune ouvrirait le
> > droit au mariage. Et si c'est la vie commune simplement qui ouvre ce
> > droit, alors pourquoi ne pas marier ou pacser un frère et une
> sœur,
> > une fratrie, etc. Ce sujet pourrait lui aussi mériter un plus ample
> > développement. 9. Un philosophe comme vous ne peut pas ne pas avoir
> > aperçu la confusion
> des
> > concepts que manifeste la distinction entre clonage thérapeutique et
> clonage
> > reproductif : car tout clonage est, par définition, reproductif. Les
> > deux manipulations sont strictement les mêmes. Et l'intention
> > thérapeutique ne suffit pas à permettre d'instrumentaliser ainsi un
> > embryon. Il ne faut pas voir une théocratie ous prétexte que c'est
> > le pape qui parle. Kant
> lui-même
> > avait une telle idée de la dignité humaine (traiter la personne
> > comme une fin et jamais comme un moyen).
> >
> > Il reste un point sur lequel nous sommes d'accord : il est important
> > de pouvoir en parler !
> >
> > Bien cordialement,
> >
> > Pascal Jacob

Sylvain Reboul
En effet nous divergeons sur le plan philosophique: vous parlez de références
chrétiennes de type essentialiste et métaphysique; je refuse ce point de vue
pour celui de Spinoza qui fait une équivalence entre être et puissance d'agir
ou puissance de désir (appétit conscient de soi) . L'embryon n'est pas une
personne autonome (et n'est pas reconnu comme tel par le droit), mais est
totalement dépendant de la puissance d'agir de sa mère et/ou de ses parents en
vue de le faire se développer et naître en tant qu'enfant susceptible de
devenir un adulte ou puissance d'agir autonome, s'ils le désirent. Quant au
reste (homosexualité et homoparentalité) je persiste  penser que votre point de
vue suppose une intolérance à ce que vous continuez à considérer comme une
relation perverse et contre-nature; ce qui n'est évidemment pas mon cas: toutes
les sexualité sont dans la nature et sont toutes aussi légitimes les unes que
les autres à condition qu'elles soient consenties et non-violentes. Quant à
l'inceste entre deux adultes consentant je n'y fait aucune objection de
principe; je n'exclus que la pédophilie qui implique nécessaiement la violence
c'est à dire la domination de la sexualité de l'enfant par celle de l'adulte.

Pascal Jacob

Certes nous divergeons, et je trouve cela très sain. Que deviendrait, (que
serait devenue la philosophie), si tout le monde soutenaient les mêmes
thèses. Je suis toujours fasciné par le moment où se découvrent les
décisions principielles.
Nous y sommes avec l'identification entre l'être et la puissance d'agir, que
vous rapportez à Spinoza. Le mot agir me semble ambiguë : je pense que vous
ne parlez pas de l'agir volontaire, mais de l'acte sans doute au sens
d'opération (energeia). Auquel cas vous identifiez la puissance d'agir
(dunamis energeia) avec l'être (ousia ?). Ne trouve-t-on pas chez l'embryon
un tel agir, puisque déjà il croît et se nourrit par un principe qui est le
sien et non celui de sa mère ? En termes non pas chrétiens mais
aristotéliciens, l'embryon possède une "psyche" qui est sujet des puissances
de ces opérations.
SR: dans le contexte qui est celui de la décision juridique de déclarer comme personne responsable un être agissant je veux parler d'un être capable de désir et de volonté conscients, c'est à dire "actuellement" juridiquement responsable de ses actes...Ce qui n'est pas le cas de l'embryon...Je ne pense pas que les considérations et croyances essentialistes et métaphysiques que vous invoquez peuvent dans nos sociétés faire droit car comme chacun le sait de puis Kant, ces croyances ne peuvent pas être tenues pour des vérités, sinon sur un plan moral en cela toujours discutables. Il est par contre vrai que la Mère est un être de désir et de volonté conscients et à ce titre sujet de droit, au contraire de l'embryon qui ne peut l'être que par la médiation du droit de sa mêre à décider de le mettre au monde.


En ce sens (SR: que je n'admets pas comme valide dans le contexte de ma position sur ce problème) il n'est pas totalement ni essentiellement dépendant de la
puissance d'agir de la mère, car il possède sa propre puissance d'agir.
Notez que cette puissance d'agir ne peut agir que pour autant qu'elle est en
acte (entelecheia), je veux dire qu'elle est la puissance d'un être qui est
en acte, et c'est pourquoi je crois plus exact de rapprocher l'être de
l'acte (SR: qui est en acte de par la volonté et/ou le désir de sa mère) . La "dunamis energeia" est alors bien la matière telle qu'Aristote la
définit, mais elle n'est rien sans la forme par laquelle la
matière-puissance est en acte. (SR: D'où vient la forme comme "formant" le passage à l'acte et donc son efficacité?  Dans une société libérale et laîque ni de Dieu, ni de la nature, mais, sur le plan biologique (code génétique) de la mère et du père et sur le plan psychologique et social de leur désir de mener cette forme à son terme?)
En clair, dans la mesure où l'embryon est capable d'un agir propre (c'est
lui qui s'assimile la nourriture et qui grandit, c'est son cœur qui bat à
quelques jours), il a aussi un être propre. (SR: C'est ce que je refuse car cet agir dépend entirement de l'agir et de la volonté de sa mêre, sauf à faire de celle-ci la servante de celui-ci, ce que la majorité des  femmes aujourd'hui refusent au nom de leur droit à n'avoir que les enfants qu'elles désirent, ce qui est, du reste peut être considéré comme bénéfique à l'enfant)  L'autonomie est une autre
affaire, c'est quelque chose de second par rapport au fait d'être. En effet
comme vous dites, c'est l'adulte qui est autonome. Cela repousserait-il la
limite acceptable de l'avortement ? Je ne crois pas que vous le soutiendriez!
SR: La limite est en effet à géométrie variable, dans le cas de l'avortement dit "thérapeutique" elle peut être repoussée au delà des 12 semaines , la limite des 12 semaines de l'avortement légal pour "convenance personnelle" n'intervient que pour faire que la décision de la femme d'être ou non mère soit la plus rapide possible tout en lui laissant le temps de la prendre; limite la aussi pragmatique et non pas métaphysique

Quant à l'homosexualité, remarquez bien que nous sommes bien en peine de
définir ce que c'est. Laissons de côté l'appréciation morale portée sur des
actes dits "d'homosexualité", et même si vous le voulez sur tous les
comportements "sexuels" possibles (remarquez en passant que le panel ne se
limite pas à votre pudique énumération : zoophilie, nécrophilie, sodomie,
échangisme, fétichisme, masturbation, sadomasochisme, scatophilie,
urophilie, gérontophilie, coprophilie, etc).  Mon propos n'est pas là, et je
rejette toute accusation d'intolérance. Ne pas accepter n'est pas
nécessairement de l'intolérance. Cela peut consister simplement à dire "non".

SR: Encore faut-il que ce non soit justifié en droit dès lors qu'il interdit le droit à l'homoparentalité!
 
Mon propos se situe à un niveau socio-politique.
L'homosexualité est une certaine façon de vivre sa sexualité. Admettons,
puisque l'on se place en dehors de tout jugement moral. En dehors de tout
jugement moral, il est clair que la communauté de vie de deux hommes ou de
deux femmes, reste une option privée, qu'il s'agisse de deux frères ou de
deux "homo".
 Je ne vois pas quelle reconnaissance ils peuvent demander : reconnaissance
de quoi ? Pour qu'il y ait reconnaissance, il faut qu'il y ait service rendu
à la société.

SR: non, la reconnaissance ici ne signifie pas la reconnaissance d'un mérite particulier vis-à-vis de la société mais des droits généraux (droit de l'homme)  que la société reconnaît à tout homme: c'est  la définition même de l'état de droit libéral et démocratique. La société libérale est faite pour les individus et non l'inverse.

Or leur communauté de vie, comme telle, ne construit en rien
la société, et en tout cas pas plus que deux soeurs qui vivent ensemble, ou
un neveu avec sa tante. Ou bien il faut qu'il y ait reconnaissance d'un
besoin vital, et alors pourquoi refuser à deux frères ce qu'on accorde à
deux homosexuels, et en quoi la communauté de vie de deux homosexuels
mettrait dans un état de besoin ? pourquoi alors ne pas donner une
reconnaissance au célibataires ?
SR: En ce qui concerne le droit à être parent comme droit de tout homme c'est le cas et heureusement. Pourquoi pas pour les homosexuels?

Si le Pacs exprime une reconnaissance, je ne vois pas pourquoi l'accorder
aux homosexuels, et l'interdire à une fratrie, ou à un homme qui recueille
chez lui sa grand-mère.  SR: Si c'est une reconnaissance de droit généraux en effet pourquoi pas?
Le médecin est reconnu parce qu'il apporte la santé, l'explorateur parce
qu'il permet d'accéder à des richesses nouvelles, le couple hétérosexuel
parce qu'il est apte, par la nature même de la relation sexuelle, à assurer
le renouvellement des générations. Le chômeur n'est pas reconnu comme
chômeur, mais comme une personne en difficulté. Aussi l'Assedic n'est pas
une "reconnaissance" du chômage, mais un acte de solidarité. Le "mangeur de
chocolat" n'a droit à aucun type de reconnaissance spéciale (ce qui ne fait
pas de moi un chocolatophageophobe !), parce qu'il n'apporte pas sous ce
rapport un "plus" à la société;
Le Pacs est donc doublement injuste. D'abord parce qu'il accorde des
avantages qui ne sont pas dûs, et ensuite parce qu'il les refuse à d'autres
personnes qui ont les mêmes charges : deux frères qui vivent ensemble ont
les mêmes charge que deux homosexuels et paient les mêmes impôts.

Je vous assure à mon tour de ma sincère amitié philosophique,
Pascal Jacob

SR: Toute votre argumentation me semble faire l'impasse sur la reconnaissance des droits de l'homme en tant qu'homme qui ne sont, en cela, pas soumis à une quelconque distinction de mérite social....Je suis libéral et pluraliste et à ce titre je n'admets pas que les droits de l'homme soient soumis à une quelconque métaphysique religieuse ou sociétale de l'origine et du  sens de la vie humaine. À chacun ses convictions sur ces thèmes, l'essentiel est qu'au nom de convictions religieuses personnelles vous n'exigiez pas que le droit  interdise aux autres qui ne les partagent pas d'exercer leur droits universel ou qui méritent de le devenir  à être père ou mère  dès lors que l'homosexualité n'est plus considérée comme un délit socialement discriminant.(ex: homoparentalité).

Mes amitiés laïques et pluralistes, Sylvain Reboul

Suite du débat:
SR: dans le contexte qui est celui de la décision juridique de déclarer
comme personne responsable un être agissant je veux parler d'un être capable
de désir et de volonté conscients, c'est à dire "actuellement" juridiquement
responsable de ses actes...Ce qui n'est pas le cas de l'embryon...
PJ : A partir de quel âge est-on alors "un être capable de désir et de
volonté conscients, c'est à dire "actuellement" juridiquement responsable de
ses actes" ? Je ne crois pas cela possible avant une douzaine d'année, ce
qui est "gênant".
SR: Par convention,(car il ne sagit que de cela) , on peut choisir de considérer une personne "actuelle" au sens juridique à partir de le date de sa naissance, comme cela se fait dans notre droit, ou bien à partir de le date où l'enfant serait viable hors du corps de la mère (c'est plus problématique car objet de dispute juridique); dès lors, en effet, que la mère a poursuivi sa grossesse, on peut considérer qu'elle a voulu cet enfant en vue d'en faire un individu humain conscient de son désir d'être et d'agir par et pour lui même. Cet être humain en tant personne, c'est à dire sujet de droit, restera soumis à la tutelle de ses parents juridiques jusqu'à l'age de sa majorité elle-même définie pas convention. Décider qu'il est une personne juridique avant sa naissance c'est refuser à la mêre le droit à l'avortement donc faire passer la vie autonome potentielle de l'enbryon avant son droit actuel à l'autonomie corporelle.

SR :Je ne pense pas que les considérations et croyances essentialistes et
métaphysiques que vous invoquez peuvent dans nos sociétés faire droit car
comme chacun le sait de puis Kant, ces croyances ne peuvent pas être tenues
pour des vérités, sinon sur un plan moral en cela toujours discutables.
PJ: Kant aurait-il donc énoncé des vérités indiscutables que tout philosophe
doit prendre comme base intangible de sa réflexion ? J'en doute ! Il ne
s'agit pas pour moi de croyance, mais de principes dont on doit bien sûr
discuter du bien-fondé.
SR: Kant a défini les conditions de la vérité dans le domaine de la connaissance et ses limites et je doute que ces conditions fonctionnent dans le domaine de la morale. Dès lors que nous ne sommes plus dans le domaine de la connaissance mais de la pratique qui met en jeu des valeurs toujours subjectives, conventionnelles et même opposées entre elles ainsi que des croyances, ni démontrables, ni prouvables objectivement, il n' y a pas de vérité morale, il n'y a que des conventions et rêgle plus ou moins utiles afin de réduire le risque de violence et d'accroître les chances de coopération dans tel ou tel contexte de jeu social et/ou intersubjectif..

SR: Il est par contre vrai que la Mère est un être de désir et de volonté
conscients et à ce titre sujet de droit, au contraire de l'embryon qui ne
peut l'être que par la médiation du droit de sa mêre à décider de le mettre
au monde.
PJ: Ici divergence essentielle : Pourquoi fonder le droit sur l'effectivité
de ce désir conscient plutôt que sur sa potentialité présente par nature
chez le jeune humain dès le commencement de sa vie ?
SR: La présence dans la nature ne vaut pas titre de droit, l'embryon, voire le foetus non viable, ne sont pas séparables (toujours par convention) du corps de la mère, sauf à soumettre celui-ci au désir préconsient et dépourvu d'autonomie vitale de celui-là. Ce qui est contraire à son droit de n'avoir que les enfants qu'elle désire...Le droit de la mère tant que le foetus n'est pas viable hors de son corps prime sur celui de l'enfant à naître. Cela ne me choque pas, dans le vie il faut faire des choix, non pas entre le Bien absolu egt le mal absolu mais entre un plus ou moins grand bien ou un plus ou moins moindre mal. La loi doit fixer les bornes conventionnelles de ce choix pour réduitre le risque de violence et garantr les droits des personnes au sens juridique (enfan né viable compris) du terme et rien d'autre

SR: qui est en acte de par la volonté et/ou le désir de sa mère
PJ: L'acte de volonté de la mère et du père n'est pas créateur de l'être de
l'embryon. L'acte d'être de l'embryon lui vient pas de la volonté sa mère,
mais de la nature.
SR: Non le nature ne fait pas droit; elle ne connaît ni valeur, ni jugement de valeur, sauf à penser que Dieu fonde des valeurs dans la nature et qu'il y aurait grace à sa création des valeurs naturelles; mais cela est un argument de foi, contraire à l'expérience (voir les dites catastrophes naturelles, le malheur provenant de causes naturelles etc)...et non de raison.

SR: D'où vient la forme comme "formant" le passage à l'acte et donc son
efficacité? Dans une société libérale et laîque ni de Dieu, ni de la
nature, mais, sur le plan biologique (code génétique) de la mère et du père
et sur le plan psychologique et social de leur désir de mener cette forme à
son terme ?
PJ: Pourquoi pas "par nature" ? Et vraiment je ne vois pas le rapport avec
une société laïque et libérale.
SR: car chacun peut affirmer que dans la nature il y a tout et son contraire: le bien comme le mal, ex: pour certains la femme est naturellement inférieure à l'homme et c'est donc un bien et pour d'autres c'est le contraire. L'idée de nature, bonne fille se prète à toutes les idéologies les plus contradictoires; elle n'est que la projection de nos préjugés. Donc elle ne peut fonder un ordre social conventionnel suffisament stable dans une société pluraliste, c'est à dire laïque; contrairement à l'idée libérale de droit de l'homme.

SR: C'est ce que je refuse car cet agir dépend entirement de l'agir et de la
volonté de sa mêre, sauf à faire de celle-ci la servante de celui-ci, ce que
la majorité des femmes aujourd'hui refusent au nom de leur droit à n'avoir
que les enfants qu'elles désirent, ce qui est, du reste peut être considéré
comme bénéfique à l'enfant.
PJ: L'embryon ne se nourrit pas par la volonté de sa mère. Il pose cet acte
(energeia) en vertu de son propre acte d'être (entelecheia).
SR: L'embryon se nourrit dans et par le corps de la mère qui seule a le droit de décider de poursuivre ou non sa grossesse; et c'est très bien pour droit reconnu de celle-ci en tant que personne juridique réelle et non pas seulement potentielle. (Voir plus haut)

Notre débat, me semble-t-il,  a clairement défini les sources de notre désaccord: Vous avez, comme horizon éthique, un ordre valorisé de la nature transcendant qui s'imposerait à nous et à tous, mettant en jeu sur une croyance respectable mais non universalisable; je pense que les hommes, et les hommes seulement, sont la source de toutes les valeurs et que celles-ci font l'objet de conventions pacifiantes, formalisées par le droit positif, dans tel ou tel contexte de jeu social et/ou intersubjectif. Dans le contexte d'un société laïque et pluraliste, la seule valeur pacificatrice en droit possible est la liberté garantie et régulée par le droit "universel" en vue de la paix entre des hommes (et des femmes) actuels qui ne partagent pas les mêmes valeurs et croyances éthiques personnelles, ni des désirs identiques , ni les mêmes intérêts sociaux. Cette clarification est l'exigence philosophique majeure: elle suffit à mourrir la réflexion personnelle de chacun.
Merci de cet échange dans l'amitié philosophique.
Sylvain Reboul le 17/06/05

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