Morale,
droit et société.
Dialogue entre Pascal Jacob (en rouge), enseignant de philosophie et Sylvain
Reboul (en vert)
Pascal Jacob:
Je lis votre site avec
intérêt. Je vous trouve cependant un peu dogmatique,
surtout dès que vous
abordez les sujets religieux. Notamment, votre texte si
court sur "mort du pape et
laïcité". On vous a connu de plus substantiels
développements.
Vous écrivez :
"l’affirmation réitérée par les journalistes de
tous poils (y
compris ceux qui se disent
athées) que croyants et non croyants se sentent
également émus par
cette disparition. Il semble que nos médias publics
oublient brusquement que nous
sommes dans un pays qui se dit et se veut
laïque. Cette contradiction
exprime le retour du refoulé d’une difficulté
toujours latente : celle de penser
la politique hors de l’illusion
religieuse. " Le fait que
Jean-Paul II ait été un (grand) pape interdirait
aux non-croyants d'être
ému de sa disparition et d'exprimer cette émotion ?
Si c'est un fait, pourquoi un
journaliste s'interdirait-il de le rapporter ?
Je m'étonne des couleurs de
fanatisme que prend votre légitime souci d'une
distinction juste entre le
temporel et le spirituel. Je vous rappelle
simplement que la
laïcité est avant tout un concept chrétien. D'abord
parce
que le Christ est le premier
à avoir dit "rendez à César ce qui est à
César
et à Dieu ce qui est
à Dieu". Ensuite parce que c'est dans l'Eglise
chrétienne qu'est
née la distinction entre les clercs et les laïcs.
La laïcité n'est donc
pas une attitude contre "l'illusion religieuse", elle
consiste juste à
reconnaître que le fait religieux a une place légitime, et
que cependant il convient
d'affirmer une juste autonomie du politique.
Cordialement,
Pascal Jacob
Sylvain Reboul
Tout d'abord merci de votre
commentaire.
Je ne suis pas d'accord avec "le
fait" que Jean Paul 2 ait été un grand pape
pour la simple motif que cette
appréciation n'est pas de l'ordre du
"jugement de fait (descriptif)"
mais du jugement de valeur (normatif) sur
son action qui elle se discute et
qu'il est du devoir de discuter si l'on
prétend philosopher. Son
attitude vis-à-vis de l'avortement, de la
contraception, de combat contre le
sida, de la théologie de la libération,
et de la libération des
femmes, est, vous en conviendrez, discutable, ainsi
que son soutien sans faille
à l'Opus Déi dont le vision de la laicité n'est
pas la vôtre semble-t-il..
Il est aussi de fait que cette disparition s'est
accompagné d'un matraquage
médiatique louangeur voire sanctificateur qui,
sur des chaines publiques, a
outrepassé les rêgles de la laïcité. Il est
enfin permis de regretter
l'exploitation spéctaculaire de cette mort au
service d'une religion qui prone
la rédemption par la souffrance, ce qui est
tout aussi discutable. Du reste
nombre de débat entre journalistes ont eu
pour thème cette attitude
sans nuance des médias; notre rôle de philosophe
est bien de susciter le dissensus
et non de voler au secours d'un consensus
qui était, comme l'ont
montré nombres d'articles ultérieurs, largement
artificiel et pour le poins
instrumentalisé... L'attitude de son successeur
à propos du
référendum en Italie et en Espagne concernant les
techniques de
procréations artificielles
ou du mariage des homosexuels, ainsi que les
interventions politiques de
l'église catholique contre le clonage
thérapeutique et les
recherches sur l'embryon humain montrent du reste que
le danger de théocratie
n'est pas écarté en Europe.
Très cordialement, Sylvain
Reboul
Pascal Jacob
Bonjour, et merci de votre
réponse. Vous répondez point par point, cela
honore votre rigueur et me permet
d'en faire autant.
Le fait dont je parlais est que
Jean-Paul II était pape, en outre chef
d'Etat, et que son action
politique a été marquante notamment dans la
libération des pays de
l'ex-URSS. Il n'est donc pas scandaleux de marquer
l'évènement.
Son action et ses idées
sont naturellement discutables, en ce sens qu'il est
permis d'en discuter. Bien
sûr, chacun de ces points entraînera dans des
discussions sans fin. Je voudrais
juste souligner quelques points.
1. L'avortement. Le premier
article de la loi Veil dit ceci : "La loi
garantit le respect de tout
être humain dès le commencement de la vie. Il ne
saurait être porté
atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et
selon
les conditions définies par
la présente loi." Une lecture un peu attentive
montre que cet article affirme que
l'avortement concerne un "être humain"
après le "commencement de
la vie". Il est légitime de s'émouvoir de
l'atteinte portée à
la vie d'un être humain, fut-il au commencement de sa
vie. Dans la mesure où la
loi Veil reconnaît en l'embryon un être humain, on
peut bien discuter sa
légitimité à se placer au dessus de ce qu'elle
reconnaît pourtant comme
"principe". Il y a là pour un philosophe, vous en
conviendrez, un problème
fondamental : La loi affirme qu'elle garantit un
principe (donc quelque chose qui
est posé comme premier), mais se place au
dessus de ce principe. C'est donc
la loi qui se fait principe du droit. Il
vous revient certainement les mots
de Benjamin Constant : "Aucune autorité
sur la terre n’est
illimitée, ni celle du peuple, ni celle des hommes qui se
disent ses représentants,
ni celle des rois, à quelque titre qu’ils règnent,
ni celle de la loi, qui,
n’étant que l’expression de la volonté du peuple ou
du prince, suivant la forme du
gouvernement, doit être circonscrite dans les
mêmes bornes que
l’autorité dont elle émane. Les citoyens possèdent
des
droits individuels
indépendants de toute autorité sociale ou politique, et
toute autorité qui viole
ces droits devient illégitime."(Principes de
Politique). Or que sont ces
droits, si l'on ne reconnaît pas comme premier
entre tous le droit de vivre ? En
s'affirmant au dessus du principe de tout
droit, la loi Veil franchit un pas
inquiétant.
2. La contraception, et en
général la sexualité : Le discours du pape sur la
contraception ne peut être
isolé de son discours sur la sexualité en
général. Si vous
lisez attentivement ses écrits réédités
récemment par les
Éditions du Cerf, vous y
verrez une très haute idée de la sexualité. Son
ancrage est biblique, certes, mais
se nourrit aussi des réflexions de Max
Scheler en particulier. Avant de
s'offusquer de son attitude, il convient de
prendre une connaissance
approfondie de l'anthropologie qui la fonde. On
trouve d'ailleurs chez
Merleau-Ponty une analyse de la pudeur qui fait signe
vers une vision semblable de la
sexualité (Phénoménologie de la perception,
p.194sqq).
3. Le Sida. D'un point de vue
purement pragmatique, il me semble que
l'attitude du pape soit la plus
raisonnable. Car au bout du compte, il vaut
mieux enseigner en priorité
la maîtrise de soi. Si l'on y regarde de plus
près, les africains ne sont
pas dupes, et savent que les industries du
préservatifs ne sont pas
animées de sentiments purement philanthropiques !
4. Les théologies de la
libération : on ne peut en vouloir à l'Eglise
Catholique de mettre en garde
contre les présupposés marxistes qui fondent
certaines de ces
théologies. Albert Camus (L'homme révolté)
lui-même a bien
vu que le marxisme qui s'insinue
dans les bonnes volontés est une peste
mortifère. C'est cette
conviction, expérimentée longuement à l'Est, qui
guide cette attitude critique.
5. La libération de femmes
: il faudrait s'entendre sur ce qu'on entend ici
par "libération". Notre
société n'a peut-être pas beaucoup de leçons
à
donner sur ce point, si l'on
observe ce que la pornographie véhicule comme
image de la femme. Vous avez lu
bien sûr l'encyclique "Mulieris dignitatem"
pour vous faire une idée.
Cela pourrait être une bonne base de discussion.
6. L'Opus Dei et la
laïcité : Je vous en ai déjà parlé. La
laïcité est une
invention chrétienne.
Aujourd'hui, je la vis souvent comme catholique comme
une agressivité
vis-à-vis de tout ce qui peut évoquer le religieux : vous
vous souvenez sans doute de cette
lamentable histoire d'élèves musulmans qui
ont fait retirer un sapin de
Noël d'un Lycée public ! Regardons les pays
autour de nous, nous verrons que
le fait religieux y est beaucoup mieux
toléré que chez nous.
7. Benoît XVI et le
référendum : on ne peut pas reprocher à Pie XII son
"silence" (le livre du P. Blet a
le mérite de faire le point sur cette
affaire) et reprocher à
Benoît XVI de s'exprimer sur un sujet aussi grave.
Notez que l'on adressait en
Allemagne les mêmes reproches à Pie XII et aux
évêques lorsqu'ils
s'exprimaient contre les orientations du régime nazi. Au
nom de quel principe absolu et
supérieur le pape ne pourrait-il pas
s'exprimer auprès des
catholiques sur un sujet politique ? S'exprimer ne
signifie pas prendre le pouvoir,
et je m'inquiète d'un pouvoir qui refuse
tout autre pouvoir que lui.
8. Le "mariage" des homosexuels :
J'aimerais qu'un jour on m'explique en
quoi le fait d'avoir avec
quelqu'un une jouissance génitale commune
ouvrirait le droit au mariage. Et
si c'est la vie commune simplement qui
ouvre ce droit, alors pourquoi ne
pas marier ou pacser un frère et une sœur,
une fratrie, etc. Ce sujet
pourrait lui aussi mériter un plus ample
développement.
9. Un philosophe comme vous ne
peut pas ne pas avoir aperçu la confusion des
concepts que manifeste la
distinction entre clonage thérapeutique et clonage
reproductif : car tout clonage
est, par définition, reproductif. Les deux
manipulations sont strictement les
mêmes. Et l'intention thérapeutique ne
suffit pas à permettre
d'instrumentaliser ainsi un embryon. Il ne faut pas
voir une théocratie ous
prétexte que c'est le pape qui parle. Kant lui-même
avait une telle idée de la
dignité humaine (traiter la personne comme une
fin et jamais comme un moyen).
Il reste un point sur lequel nous
sommes d'accord : il est important de
pouvoir en parler !
Bien cordialement,
Pascal Jacob
Sylvain Reboul
Sur tous ces points le
débat reste ouvert et la controverse nécessaire; il
n' y a donc pas lieu d'affirmer
que les positions du pape seraient plus
rationnelles que celles qui
pourraient lui être opposées; Que l'embryon
soit une personne humaine voire un
être humain en tant que sujet de droit a
été infirmé
à plusieurs reprises par la loi, les juges et la cour de
cassation; il n' y a donc pas de
contradiction sinon avec une
conception qui sacralise la conception et la
vie embryonnaire. Du reste la
seule question est de savoir s'il faut
dogmatiquement sacraliser les
questions éthiques ou s'il faut les
relativiser dans la perspective du
moindre mal, objectif celui-là, pour ce
qui concerne la vie de la femme
indiscutablement sujet de droit et de tous
ceux qui pourraient être
victimes du sida. Quant au mariage homosexuel,
c'est aussi une question de droit
et d'évolution de notre culture dans le
sens de l'égalité et
de la tolérance qui suppose l'acceptation et la non
discrimination de toute les formes
de relations libérales entre les humains,
sauf à renvoyer à
une vérité éthique transcendante qui ne peut
qu'être objet
de foi personnelle et non de
fondement à une loi générale de type
libéral.
Sur la question de l'embryon
humain et du clonage reproductif ou
thérapeutique il me semble
que l'on peut facilement maintenir la distinction
entre les deux types de clonage,
terme du reste confus comme le souligne
Henri Atlan; il suffit de
considérer la finalité qui commande la technique
et d'admettre que toute technique
vaut d'abord par la fin qu'elle poursuit
et l'usage que l'on en fait; en
l'occurence le processus technique est bien
différent: dans le clonage
dit thérapeutique il n'y a pas réimplantation
dans l'utérus d'une femme
ou dans un utérus artificiel éventuel...
Vous ne pouvez faire qu'un
argument de foi soit un argument rationnel
suffisant, à savoir
universalisable et laïc... très cordialement, Sylvain Reboul
Pascal Jacob
Le débat ne saurait en
effet rester qu'ouvert.
Sur l'embryon, je ne vois pas bien
comment la décision métaphysique de
savoir "ce qu'il est
substantiellement" pourrait être tranché par la loi. La
biologie le range bien parmi les
vivants de notre espèce, même si elle
ignore la notion de personne. Mon
propos cependant n'était pas là : je ne
disais pas "l'embryon est un
être humain" (mais que pourrait-il être d'autre
?), je disais : "la loi Veil en
son premier article admet que l'embryon est
un être humain qui a
commencer de vivre". Une simple analyse du texte vous
en convaincra.
Il me semble introduire une
inégalité manifeste au contraire en ouvrant le
mariage aux personnes
homosexuelles, car l'union homosexuelle n'est pas
socialement égale à
l'union hétérosexuelle. En ce sens le PACS me semble une
injustice grave. Pourquoi
d'ailleurs le limiter aux relations bilatérales ?
"toute technique vaut d'abord par
la fin qu'elle poursuit et l'usage que
l'on en fait", dites vous.
Voilà un bon sujet de débat, je ne crois pas que
cela aille de soi...
Bien cordialement,
Pascal Jacob
Sylvain Reboul
La question de la loi sur
l'avortement et le statut de l'embryon n'est ni une question
métaphysique, ni une question
biologique mais
d'opportunité politique: vaut-il mieux pour notre
société
considérer un embryon comme
une personne humaine en tant que sujet de droit
ou comme un personne seulement
potentielle (être humain en devenir) et dont la
potentialité relève de
la décision de la
mère ou d'un projet parental; Je pense que la réponse est
oui de ce seul point de vue et
cela me suffit, car je vois mal que l'on
impose à la mère une
maternité qu'elle ne désirerait pas en faisant passer
le droit de l'enfant à
naître lequel ne peut rien décider et qui en cela n'est
pas une personne avant son droit
à elle de décider d'être mère ou non en
tant que personne née et
consciente.
La volonté d'exclure
l'homosexualité du droit au mariage et à
l'homoparentalité implique
qu'elle soit tenue pour un comportement illégal
ou illégitime; or je me
demande en quoi dès lors que l'on considère que la
sexualité est plurielle et
que toutes les sexualité sont légitimes dès lors
qu'elles mettent en jeu des
personnes consentantes et qu'aucune forme de
sexualité consentie ne
peut, ni ne doit, entraîner de discrimination
sociale.
Je n'est rien contre la polygamie
à condition qu'elle soit consentie et
qu'elle s'accompagne de
l'autorisation (qui n'est pas une obligation) de la
polyandrie.
Cela ne compliquerait pas plus la
question de la filiation et de l'héritage
que dans la situation actelle des
familles recomposées. Je me demande du
reste s'il ne faudrait pas
supprimer le mariage pour le remplacer par un
PACS civil
généralisé. Ce qui n'empècherait nullement
les personnes de
contracter un mariage religieux,
par conviction ou par conformisme familial.
De même pour l'avortement,
la loi l'autorise mais n'exige pas de le
pratiquer contre les convictions
des personnes; par contre, ceux qui veulent
l'interdire, le veulent pour les
autres...
On est libéral et
pragmatique ou on ne l'est pas...
Cordialement, Sylvain Reboul
Pascal Jacob:
Je trouve vos arguments
extrêmement intéressants, et je vous en remercie.
Vous prenez soin de
répondre avec précision et je vous en remercie.
1. Vous posez remarquablement le
problème : "vaut-il mieux pour notre
société
considérer un embryon comme une personne humaine en tant que
sujet
de droit ou comme un personne
seulement potentielle et dont la potentialité
relève de la
décision de la mère ou d'un projet parental;". Pour moi,
la
question n'est pas "que vaut-il
mieux pour notre société", mais "qu'est-ce
qui est juste". Je mesure donc
mieux ce qui nous sépare.
SR: Selon moi il n' y a pas
de justice en soi, sinon dans une perspective métaphysique qui
implique un acte de foi dans la valeur sacrée de la vie
dès la conception, mais la justice relève toujours une
décision politique, laquelle a décidé que la
volonté de la mêre, en tant que personne juridique,
l'emporte sur une éventuelle volonté de type
métaphysique (ineffable) de l'embryon, lequel n'est pas
pour ce motif une personne, au sens juridique, qui obligerait la
mère de donner jour à un enfant non souhaité
Pascal Jacob: Vous argumentez :
"car je vois mal que l'on impose à la mère une
maternité
qu'elle ne désirerait pas
en faisant passer le droit de l'enfant à naître
qui ne peut rien décider et
qui en cela n'est pas une personne avant son
droit à elle de
décider d'^tre mère ou non en tant que personne
née et
consciente." L'enfant ne peut rien
décider, mais je ne vois pas en quoi cela
lui retire le titre de "personne".
On est une "personne" non par ce que l'on
peut, mais par ce que l'on est.
SR: Justement pas; est une
personne juridiquement responsable qui a l'autonomie minimale de
décider et de rendre compte de ses actes devant la loi; ce
que l'embryon, lequel n'est pas encore un enfant mais un être
humain en puissance à la condition que sa mère le
veuille, n'est pas (ne "peut" pas "encore" être); Il faut
toujours dans nos décisions pragmatiques considérer avec
justesse le moment
actuel.
Pascal Jacob: 2. Vous dites : "La
volonté d'exclure l'homosexualité du droit au mariage et
à l'homoparentalité
implique qu'elle soit tenue pour un comportement illégal
ou illégitime;". Je ne suis
pas d'accord : on exclu du droit au mariage des
tas d'associations qui ne sont pas
illégitimes, comem par exemple la
relation "oncle-nièce", ou
la relation "goerges-juliette-Gustave". La
volonté d'exclure
l'homosexualité du droit au mariage et à
l'homoparentalité
vient pour moi de ce que je ne
vois pas en quoi l'homosexualité y donnerait
droit. Je ne vois pas le lien des
les galipettes de Georges et Robert avec
le mariage. Par contre, je le vois
très bien avec celles de Roméo et
Juliette, parce qu'il y a un
enfant possible, et donc cela intéresse la
société. Si l'on y
regarde de près, le droit positif du mariage vise à
protéger le plus
vulnérable : l'enfant, la femme. Difficile de ne pas y voir
l'œuvre du christianisme.
SR La question de mariage, de son
sens et de sa valeur est pour moi en effet posée. La question
des enfants peut être très bien réglée
indépendamment du fait que les parents juridiques soient
mariés ou non; Et cela vaut pour des couples homosexuels dont
l'un est parent comme un cas récent vient de l'illustrer, en
accordant à l'autre membre du couple un droit et une
responsabilité quasi-parentale sur l'enfant.
Désacralisons le mariage civil ou supprimons le au profit d'un
simple pacte ou contrat validé juridiquement et bien des
problèmes que vous posez seront simplifiés sur un plan
pragmatique, le seul qui doit compter dans un cadre laïc.
Pascal Jacob
Vous
répondez point par point,
> > cela
honore votre rigueur et me permet d'en faire autant. Le fait
> > dont je
parlais est que Jean-Paul II était pape, en outre chef
> > d'Etat,
et que son action politique a été marquante notamment
dans
> > la
libération des pays de l'ex-URSS. (SR:doute mais cela ne fait pas pour
autant du pape une autorité morale indiscutable pour qui n'est pas croyant catholique (et
même pour ceux-là).Il n'est donc pas scandaleux de
> > marquer
l'évènement. Son action et ses idées sont
naturellement
> >
discutables, en ce sens qu'il est permis d'en discuter. Bien sûr,
> > chacun
de ces points entraînera dans des discussions sans fin. Je
> > voudrais
juste souligner quelques points. 1. L'avortement. Le
> > premier
article de la loi Veil dit ceci : "La loi garantit le
> > respect
de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne
> > saurait
être porté atteinte à ce principe qu'en cas de
nécessité et
> >
selon les conditions définies par la présente loi." (SR: et cette nécessité
relève (et réside dans) de la décision de la
mère et non de la société)
Une lecture un
> > peu
attentive montre que cet article affirme que l'avortement
> > concerne
un "être humain" après le "commencement de la vie". Il est
> >
légitime de s'émouvoir de l'atteinte portée
à la vie d'un être
> > humain,
fut-il au commencement de sa vie. Dans la mesure où la loi
> > Veil
reconnaît en l'embryon un être humain, on peut bien
discuter sa
> >
légitimité à se placer au dessus de ce qu'elle
reconnaît pourtant
> > comme
"principe". Il y a là pour un philosophe, vous en conviendrez,
> > un
problème fondamental : La loi affirme qu'elle garantit un
> > principe
(donc quelque chose qui est posé comme premier), mais se
> > place au
dessus de ce principe. C'est donc la loi qui se fait
> >
principe du droit. (SR:
à mon avis le dit principe n'en est un que pour sauver les
apparences afin de ne pas heurter certaines croyances religieuses; ce
qu'on appelle faire passer la pilule) Il vous revient certainement les mots
de Benjamin
> > Constant
: "Aucune autorité sur la terre n’est illimitée, ni celle
> > du
peuple, ni celle des hommes qui se disent ses représentants, ni
> > celle
des rois, à quelque titre qu’ils règnent, ni celle de la
loi,
> > qui,
n’étant que l’expression de la volonté du peuple ou du
prince,
> > suivant
la forme du gouvernement, doit être circonscrite dans les
> >
mêmes bornes que l’autorité dont elle émane. Les
citoyens possèdent
> > des
droits individuels indépendants de toute autorité sociale
ou
> >
politique, et toute autorité qui viole ces droits devient
> >
illégitime."(Principes de Politique). (SR vous oubliez l'autorité
"infaillible" du pape... mais elle ne vaut que pour qui y croit; ceci
dit la loi sur l'avortement n'oblige en rien à avorter qui le
refuse et laisse chacun libre de sa décision; elle est donc une
loi libérale et non contraignante ) Or que sont ces droits, si
> > l'on ne
reconnaît pas comme premier entre tous le droit de vivre ?
> > En
s'affirmant au dessus du principe de tout droit, la loi Veil
> > franchit
un pas inquiétant. 2. La contraception, et en
général la
> >
sexualité : Le discours du pape sur la contraception ne peut
être
> >
isolé de son discours sur la sexualité en
général. Si vous lisez
> >
attentivement ses écrits réédités
récemment par les Éditions du
> > Cerf,
vous y verrez une très haute idée de la sexualité.
Son ancrage
> > est
biblique, certes, mais se nourrit aussi des réflexions de Max
> > Scheler
en particulier. Avant de s'offusquer de son attitude, il
> > convient
de prendre une connaissance approfondie de l'anthropologie
> > qui la
fonde. On trouve d'ailleurs chez Merleau-Ponty une analyse de
> > la
pudeur qui fait signe vers une vision semblable de la sexualité
> >
(Phénoménologie de la perception, p.194sqq). 3. Le Sida.
D'un point
> > de vue
purement pragmatique, il me semble que l'attitude du pape
> > soit la
plus raisonnable. Car au bout du compte, il vaut mieux
> >
enseigner en priorité la maîtrise de soi. Si l'on y
regarde de plus
> >
près, les africains ne sont pas dupes, et savent que les
industries
> > du
préservatifs ne sont pas animées de sentiments purement
> >
philanthropiques ! 4. Les théologies de la libération :
on ne peut
> > en
vouloir à l'Eglise Catholique de mettre en garde contre les
> >
présupposés marxistes qui fondent certaines de ces
théologies.
> > Albert
Camus (L'homme révolté) lui-même a bien vu que le
marxisme
> > qui
s'insinue dans les bonnes volontés est une peste
mortifère.
> > C'est
cette conviction, expérimentée longuement à l'Est,
qui guide
> > cette
attitude critique. 5. La libération de femmes : il faudrait
> >
s'entendre sur ce qu'on entend ici par "libération". Notre
société
> > n'a
peut-être pas beaucoup de leçons à donner sur ce
point, si l'on
> > observe
ce que la pornographie véhicule comme image de la femme.
> > Vous
avez lu bien sûr l'encyclique "Mulieris dignitatem" pour vous
> > faire
une idée. Cela pourrait être une bonne base de discussion.
6.
> > L'Opus
Dei et la laïcité : Je vous en ai déjà
parlé. La laïcité est
> > une
invention chrétienne. Aujourd'hui, je la vis souvent comme
> >
catholique comme une agressivité vis-à-vis de tout ce qui
peut
> >
évoquer le religieux : vous vous souvenez sans doute de cette
> >
lamentable histoire d'élèves musulmans qui ont fait
retirer un sapin
> > de
Noël d'un Lycée public ! Regardons les pays autour de nous,
nous
> > verrons
que le fait religieux y est beaucoup mieux toléré que
chez nous.
7. Benoît XVI et le
référendum
> : on ne peut
pas reprocher à Pie XII son "silence" (le livre du P.
> Blet a le
mérite de faire le point sur cette
> > affaire)
et reprocher à Benoît XVI de s'exprimer sur un sujet aussi
> > grave.
Notez que l'on adressait en Allemagne les mêmes reproches
à
> > Pie XII
et aux évêques lorsqu'ils s'exprimaient contre les
> >
orientations du régime nazi.
> Au
> > nom de
quel principe absolu et supérieur le pape ne pourrait-il pas
> >
s'exprimer auprès des catholiques sur un sujet politique ?
> >
S'exprimer ne signifie pas prendre le pouvoir, et je m'inquiète
d'un
> > pouvoir
qui refuse tout autre pouvoir que lui. 8. Le "mariage" des
> >
homosexuels : J'aimerais qu'un jour on m'explique en quoi le fait
> > d'avoir
avec quelqu'un une jouissance génitale commune ouvrirait le
> > droit au
mariage. Et si c'est la vie commune simplement qui ouvre ce
> > droit,
alors pourquoi ne pas marier ou pacser un frère et une
> sœur,
> > une
fratrie, etc. Ce sujet pourrait lui aussi mériter un plus ample
> >
développement. 9. Un philosophe comme vous ne peut pas ne pas
avoir
> >
aperçu la confusion
> des
> > concepts
que manifeste la distinction entre clonage thérapeutique et
> clonage
> >
reproductif : car tout clonage est, par définition, reproductif.
Les
> > deux
manipulations sont strictement les mêmes. Et l'intention
> >
thérapeutique ne suffit pas à permettre
d'instrumentaliser ainsi un
> > embryon.
Il ne faut pas voir une théocratie ous prétexte que c'est
> > le pape
qui parle. Kant
> lui-même
> > avait
une telle idée de la dignité humaine (traiter la personne
> > comme
une fin et jamais comme un moyen).
> >
> > Il reste
un point sur lequel nous sommes d'accord : il est important
> > de
pouvoir en parler !
> >
> > Bien
cordialement,
> >
> >
Pascal Jacob
Sylvain Reboul
En effet nous divergeons
sur le plan philosophique: vous parlez de références
chrétiennes de type
essentialiste et métaphysique; je refuse ce point de vue
pour celui de Spinoza qui fait une
équivalence entre être et puissance d'agir
ou puissance de désir
(appétit conscient de soi) . L'embryon n'est pas une
personne autonome (et n'est pas
reconnu comme tel par le droit), mais est
totalement dépendant de la
puissance d'agir de sa mère et/ou de ses parents en
vue de le faire se
développer et naître en tant qu'enfant susceptible de
devenir un adulte ou puissance
d'agir autonome, s'ils le désirent. Quant au
reste (homosexualité et
homoparentalité) je persiste penser que votre point de
vue suppose une intolérance
à ce que vous continuez à considérer comme une
relation perverse et
contre-nature; ce qui n'est évidemment pas mon cas: toutes
les sexualité sont dans la
nature et sont toutes aussi légitimes les unes que
les autres à condition
qu'elles soient consenties et non-violentes. Quant à
l'inceste entre deux adultes
consentant je n'y fait aucune objection de
principe; je n'exclus que la
pédophilie qui implique nécessaiement la violence
c'est à dire la domination
de la sexualité de l'enfant par celle de l'adulte.
Pascal Jacob
Certes nous divergeons, et
je trouve cela très sain. Que deviendrait, (que
serait devenue la philosophie), si
tout le monde soutenaient les mêmes
thèses. Je suis toujours
fasciné par le moment où se découvrent les
décisions principielles.
Nous y sommes avec
l'identification entre l'être et la puissance d'agir, que
vous rapportez à Spinoza.
Le mot agir me semble ambiguë : je pense que vous
ne parlez pas de l'agir
volontaire, mais de l'acte sans doute au sens
d'opération (energeia).
Auquel cas vous identifiez la puissance d'agir
(dunamis energeia) avec
l'être (ousia ?). Ne trouve-t-on pas chez l'embryon
un tel agir, puisque
déjà il croît et se nourrit par un principe qui est
le
sien et non celui de sa
mère ? En termes non pas chrétiens mais
aristotéliciens, l'embryon
possède une "psyche" qui est sujet des puissances
de ces opérations.
SR: dans le contexte qui est celui
de la décision juridique de déclarer comme personne
responsable un être agissant je veux parler d'un être
capable de désir et de volonté conscients, c'est à
dire "actuellement" juridiquement responsable de ses actes...Ce qui
n'est pas le cas de l'embryon...Je ne pense pas que les
considérations et croyances essentialistes et
métaphysiques que vous invoquez peuvent dans nos
sociétés faire droit car comme chacun le sait de puis
Kant, ces croyances ne peuvent pas être tenues pour des
vérités, sinon sur un plan moral en cela toujours
discutables. Il est par contre vrai que la Mère est un
être de désir et de volonté conscients et à
ce titre sujet de droit, au contraire de l'embryon qui ne peut
l'être que par la médiation du droit de sa mêre
à décider de le mettre au monde.
En ce sens (SR: que je n'admets pas comme valide
dans le contexte de ma position sur ce problème) il n'est
pas totalement ni essentiellement dépendant de la
puissance d'agir de la
mère, car il possède sa propre puissance d'agir.
Notez que cette puissance d'agir
ne peut agir que pour autant qu'elle est en
acte (entelecheia), je veux dire
qu'elle est la puissance d'un être qui est
en acte, et c'est pourquoi je
crois plus exact de rapprocher l'être de
l'acte (SR: qui est en acte de par la
volonté et/ou le désir de sa mère) . La "dunamis energeia" est alors bien la
matière telle qu'Aristote la
définit, mais elle n'est
rien sans la forme par laquelle la
matière-puissance est en
acte. (SR: D'où
vient la forme comme "formant" le passage à l'acte et donc son
efficacité? Dans une société libérale
et laîque ni de Dieu, ni de la nature, mais, sur le plan
biologique (code génétique) de la mère et du
père et sur le plan psychologique et social de leur désir
de mener cette forme à son terme?)
En clair, dans la mesure où
l'embryon est capable d'un agir propre (c'est
lui qui s'assimile la nourriture
et qui grandit, c'est son cœur qui bat à
quelques jours), il a aussi un
être propre. (SR:
C'est ce que je refuse car cet agir dépend entirement de l'agir
et de la volonté de sa mêre, sauf à faire de
celle-ci la servante de celui-ci, ce que la majorité des
femmes aujourd'hui refusent au nom de leur droit à n'avoir que
les enfants qu'elles désirent, ce qui est, du reste peut
être considéré comme bénéfique
à l'enfant) L'autonomie
est une autre
affaire, c'est quelque chose de
second par rapport au fait d'être. En effet
comme vous dites, c'est l'adulte
qui est autonome. Cela repousserait-il la
limite acceptable de l'avortement
? Je ne crois pas que vous le soutiendriez!
SR: La limite est en effet
à géométrie variable, dans le cas de l'avortement
dit "thérapeutique" elle peut être repoussée au
delà des 12 semaines , la limite des 12 semaines de l'avortement
légal pour "convenance personnelle" n'intervient que pour faire
que la décision de la femme d'être ou non mère soit
la plus rapide possible tout en lui laissant le temps de la prendre;
limite la aussi pragmatique et non pas métaphysique
Quant à
l'homosexualité, remarquez bien que nous sommes bien en peine de
définir ce que c'est.
Laissons de côté l'appréciation morale
portée sur des
actes dits
"d'homosexualité", et même si vous le voulez sur tous les
comportements "sexuels" possibles
(remarquez en passant que le panel ne se
limite pas à votre pudique
énumération : zoophilie, nécrophilie, sodomie,
échangisme,
fétichisme, masturbation, sadomasochisme, scatophilie,
urophilie, gérontophilie,
coprophilie, etc). Mon propos n'est pas là, et je
rejette toute accusation
d'intolérance. Ne pas accepter n'est pas
nécessairement de
l'intolérance. Cela peut consister simplement à dire
"non".
SR: Encore faut-il que ce non soit
justifié en droit dès lors qu'il interdit le droit
à l'homoparentalité!
Mon propos se situe à un
niveau socio-politique.
L'homosexualité est une
certaine façon de vivre sa sexualité. Admettons,
puisque l'on se place en dehors de
tout jugement moral. En dehors de tout
jugement moral, il est clair que
la communauté de vie de deux hommes ou de
deux femmes, reste une option
privée, qu'il s'agisse de deux frères ou de
deux "homo".
Je ne vois pas quelle
reconnaissance ils peuvent demander : reconnaissance
de quoi ? Pour qu'il y ait
reconnaissance, il faut qu'il y ait service rendu
à la société.
SR: non, la reconnaissance ici ne
signifie pas la reconnaissance d'un mérite particulier
vis-à-vis de la société mais des droits
généraux (droit de l'homme) que la
société reconnaît à tout homme: c'est
la définition même de l'état de droit
libéral et démocratique. La société
libérale est faite pour les individus et non l'inverse.
Or leur communauté de vie,
comme telle, ne construit en rien
la société, et en
tout cas pas plus que deux soeurs qui vivent ensemble, ou
un neveu avec sa tante. Ou bien il
faut qu'il y ait reconnaissance d'un
besoin vital, et alors pourquoi
refuser à deux frères ce qu'on accorde à
deux homosexuels, et en quoi la
communauté de vie de deux homosexuels
mettrait dans un état de
besoin ? pourquoi alors ne pas donner une
reconnaissance au
célibataires ?
SR: En ce qui concerne le droit
à être parent comme droit de tout homme c'est le cas et
heureusement. Pourquoi pas pour les homosexuels?
Si le Pacs exprime une
reconnaissance, je ne vois pas pourquoi l'accorder
aux homosexuels, et l'interdire
à une fratrie, ou à un homme qui recueille
chez lui sa
grand-mère. SR: Si c'est une reconnaissance de droit
généraux en effet pourquoi pas?
Le médecin est reconnu
parce qu'il apporte la santé, l'explorateur parce
qu'il permet d'accéder
à des richesses nouvelles, le couple hétérosexuel
parce qu'il est apte, par la
nature même de la relation sexuelle, à assurer
le renouvellement des
générations. Le chômeur n'est pas reconnu comme
chômeur, mais comme une
personne en difficulté. Aussi l'Assedic n'est pas
une "reconnaissance" du
chômage, mais un acte de solidarité. Le "mangeur de
chocolat" n'a droit à aucun
type de reconnaissance spéciale (ce qui ne fait
pas de moi un chocolatophageophobe
!), parce qu'il n'apporte pas sous ce
rapport un "plus" à la
société;
Le Pacs est donc doublement
injuste. D'abord parce qu'il accorde des
avantages qui ne sont pas
dûs, et ensuite parce qu'il les refuse à d'autres
personnes qui ont les mêmes
charges : deux frères qui vivent ensemble ont
les mêmes charge que deux
homosexuels et paient les mêmes impôts.
Je vous assure à mon tour
de ma sincère amitié philosophique,
Pascal Jacob
SR: Toute votre argumentation me
semble faire l'impasse sur la
reconnaissance des droits de l'homme en tant qu'homme qui ne sont, en
cela, pas
soumis à une quelconque distinction de mérite
social....Je suis libéral et pluraliste et à ce titre je
n'admets pas que les droits de l'homme soient soumis à une
quelconque métaphysique religieuse ou sociétale de l'origine et du sens de la vie
humaine. À chacun
ses convictions sur ces thèmes, l'essentiel est qu'au nom de
convictions religieuses personnelles vous n'exigiez pas que le
droit interdise aux autres qui ne les partagent pas d'exercer
leur droits universel ou qui méritent de le
devenir à
être père ou mère dès lors que
l'homosexualité n'est plus considérée comme un
délit socialement discriminant.(ex: homoparentalité).
Mes amitiés laïques et pluralistes, Sylvain Reboul
Suite du débat:
SR: dans le contexte qui est celui de la décision juridique de déclarer
comme personne responsable un être agissant je veux parler d'un être capable
de désir et de volonté conscients, c'est à dire "actuellement" juridiquement
responsable de ses actes...Ce qui n'est pas le cas de l'embryon...
PJ : A partir de quel âge est-on alors "un être capable de désir et de
volonté conscients, c'est à dire "actuellement" juridiquement responsable de
ses actes" ? Je ne crois pas cela possible avant une douzaine d'année, ce
qui est "gênant".
SR: Par convention,(car il ne sagit que de cela) , on peut choisir de considérer une personne "actuelle" au sens juridique à partir de le date de sa naissance, comme cela se fait dans notre droit, ou bien à partir de le date où l'enfant serait viable hors du corps de la mère (c'est plus problématique car objet de dispute juridique); dès lors, en effet, que la mère a poursuivi sa grossesse, on peut considérer qu'elle a voulu cet enfant en vue d'en faire un individu humain conscient de son désir d'être et d'agir par et pour lui même. Cet être humain en tant personne, c'est à dire sujet de droit, restera soumis à la tutelle de ses parents juridiques jusqu'à l'age de sa majorité elle-même définie pas convention. Décider qu'il est une personne juridique avant sa naissance c'est refuser à la mêre le droit à l'avortement donc faire passer la vie autonome potentielle de l'enbryon avant son droit actuel à l'autonomie corporelle.
SR :Je ne pense pas que les considérations et croyances essentialistes et
métaphysiques que vous invoquez peuvent dans nos sociétés faire droit car
comme chacun le sait de puis Kant, ces croyances ne peuvent pas être tenues
pour des vérités, sinon sur un plan moral en cela toujours discutables.
PJ: Kant aurait-il donc énoncé des vérités indiscutables que tout philosophe
doit prendre comme base intangible de sa réflexion ? J'en doute ! Il ne
s'agit pas pour moi de croyance, mais de principes dont on doit bien sûr
discuter du bien-fondé.
SR: Kant a défini les conditions de la vérité dans le domaine de la connaissance et ses limites et je doute que ces conditions fonctionnent dans le domaine de la morale. Dès lors que nous ne sommes plus dans le domaine de la connaissance mais de la pratique qui met en jeu des valeurs toujours subjectives, conventionnelles et même opposées entre elles ainsi que des croyances, ni démontrables, ni prouvables objectivement, il n' y a pas de vérité morale, il n'y a que des conventions et rêgle plus ou moins utiles afin de réduire le risque de violence et d'accroître les chances de coopération dans tel ou tel contexte de jeu social et/ou intersubjectif..
SR: Il est par contre vrai que la Mère est un être de désir et de volonté
conscients et à ce titre sujet de droit, au contraire de l'embryon qui ne
peut l'être que par la médiation du droit de sa mêre à décider de le mettre
au monde.
PJ: Ici divergence essentielle : Pourquoi fonder le droit sur l'effectivité
de ce désir conscient plutôt que sur sa potentialité présente par nature
chez le jeune humain dès le commencement de sa vie ?
SR: La présence dans la nature ne vaut pas titre de droit, l'embryon, voire le foetus non viable, ne sont pas séparables (toujours par convention) du corps de la mère, sauf à soumettre celui-ci au désir préconsient et dépourvu d'autonomie vitale de celui-là. Ce qui est contraire à son droit de n'avoir que les enfants qu'elle désire...Le droit de la mère tant que le foetus n'est pas viable hors de son corps prime sur celui de l'enfant à naître. Cela ne me choque pas, dans le vie il faut faire des choix, non pas entre le Bien absolu egt le mal absolu mais entre un plus ou moins grand bien ou un plus ou moins moindre mal. La loi doit fixer les bornes conventionnelles de ce choix pour réduitre le risque de violence et garantr les droits des personnes au sens juridique (enfan né viable compris) du terme et rien d'autre
SR: qui est en acte de par la volonté et/ou le désir de sa mère
PJ: L'acte de volonté de la mère et du père n'est pas créateur de l'être de
l'embryon. L'acte d'être de l'embryon lui vient pas de la volonté sa mère,
mais de la nature.
SR: Non le nature ne fait pas droit; elle ne connaît ni valeur, ni jugement de valeur, sauf à penser que Dieu fonde des valeurs dans la nature et qu'il y aurait grace à sa création des valeurs naturelles; mais cela est un argument de foi, contraire à l'expérience (voir les dites catastrophes naturelles, le malheur provenant de causes naturelles etc)...et non de raison.
SR: D'où vient la forme comme "formant" le passage à l'acte et donc son
efficacité? Dans une société libérale et laîque ni de Dieu, ni de la
nature, mais, sur le plan biologique (code génétique) de la mère et du père
et sur le plan psychologique et social de leur désir de mener cette forme à
son terme ?
PJ: Pourquoi pas "par nature" ? Et vraiment je ne vois pas le rapport avec
une société laïque et libérale.
SR: car chacun peut affirmer que dans la nature il y a tout et son contraire: le bien comme le mal, ex: pour certains la femme est naturellement inférieure à l'homme et c'est donc un bien et pour d'autres c'est le contraire. L'idée de nature, bonne fille se prète à toutes les idéologies les plus contradictoires; elle n'est que la projection de nos préjugés. Donc elle ne peut fonder un ordre social conventionnel suffisament stable dans une société pluraliste, c'est à dire laïque; contrairement à l'idée libérale de droit de l'homme.
SR: C'est ce que je refuse car cet agir dépend entirement de l'agir et de la
volonté de sa mêre, sauf à faire de celle-ci la servante de celui-ci, ce que
la majorité des femmes aujourd'hui refusent au nom de leur droit à n'avoir
que les enfants qu'elles désirent, ce qui est, du reste peut être considéré
comme bénéfique à l'enfant.
PJ: L'embryon ne se nourrit pas par la volonté de sa mère. Il pose cet acte
(energeia) en vertu de son propre acte d'être (entelecheia).
SR: L'embryon se nourrit dans et par le corps de la mère qui seule a le droit de décider de poursuivre ou non sa grossesse; et c'est très bien pour droit reconnu de celle-ci en tant que personne juridique réelle et non pas seulement potentielle. (Voir plus haut)
Notre débat, me semble-t-il, a clairement défini les sources de notre désaccord: Vous avez, comme horizon éthique, un ordre valorisé de la nature transcendant qui s'imposerait à nous et à tous, mettant en jeu sur une croyance respectable mais non universalisable; je pense que les hommes, et les hommes seulement, sont la source de toutes les valeurs et que celles-ci font l'objet de conventions pacifiantes, formalisées par le droit positif, dans tel ou tel contexte de jeu social et/ou intersubjectif. Dans le contexte d'un société laïque et pluraliste, la seule valeur pacificatrice en droit possible est la liberté garantie et régulée par le droit "universel" en vue de la paix entre des hommes (et des femmes) actuels qui ne partagent pas les mêmes valeurs et croyances éthiques personnelles, ni des désirs identiques , ni les mêmes intérêts sociaux. Cette clarification est l'exigence philosophique majeure: elle suffit à mourrir la réflexion personnelle de chacun.
Merci de cet échange dans l'amitié philosophique.
Sylvain Reboul le 17/06/05
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