Sur la question des logiciels libres.
Des études récentes montrent que les entreprises ont un intérêt
particulier à exploiter, aux deux sens du terme, des créations
collectives gratuites à usage universel, tels les logiciels libres.. Je n’ai, en principe, rien
contre ce fait , sauf qu’il convient d’ajouter qu’il en est de même de
tous ceux qui relèvent du domaine public.
Mais cela
signifie que le domaine public devrait être par ces mêmes entreprises
respecté et soutenu au lieu d’être systématiquement dénigré et de faire
l’objet d’une contestation permanente du fait des impôts qui servent à
financer au moins indirectement les créateurs de logiciels libres via
les chercheurs, universitaires et autres, rémunérés par la puissance
publique et qui n’ont, grace à cela, pas besoin de vivre de la
production de ces logiciels. Même Microsoft fait son miel et ses
profits de cette exploitation du savoir public .
Privatiser
les profits et socialiser, autant que faire ce peut, les
investissements productifs et les pertes est une règle pour le moins
contestable.
Mais cela veut dire aussi que sans domaine et impôts publics pour
financer la recherche, la formation et l’enseignement publics le
capitalisme est sans avenir.
Comme
quoi le prétendu ultralibéralisme (en réalité, despotisme du profit
financier à court terme, contraire au libéralisme d’A. Smith) est
anticapitaliste...
Ce qui me paraît important de souligner dans la question des logiciels
libres, c'est cette alliance entre l’économie de marché
et la conception/création/coopération/divulgation gratuite de services
et de produits libres d’usage pour promouvoir une activité dont la
motivation n’est pas le profit privé, mais la reconnaissance sociale
inter-active comme forme de liberté supérieure, car non soumise à des
impératifs de rentabilité immédiate, pour le plaisir de créer pour soi
et les autres qui seul fait sens ultime.Ceci
signifie, me semble-t-il, que l’économie ne peut se passer de
motivations plus profondes pour être efficace y compris en son sein.
Donc que l’économie est un fait social total (Mauss) qui trouve sa
source la plus profonde dans le désir de s’affirmer pour les autres et
d’être heureux en se reconnaissant libre par delà des obligations et
contraintes professionnelles, tournés vers un résultat immédiat. C'est
en cela que l'a question des logociels libres et leur défense relève de
l'exigence philosophique du droit de chacun à aspirer à plus
d'autonomie personnelle dans son activité et à faire valoir son droit
au bonheur dans la société hors et dans l'économie.
Le "tout économie marchande" qui, au nom du profit,
refuserait la logique des logiciels libres est précisément
anti-économique, mais il est aussi, plus profondément, anti-libéral.
S. Reboul, le 04/01/06