Ecole et violence

Faire des profs ou de l'administration, sous prétexte qu'ils auraient abandonné la discipline traditionnelle et démissionné de leur fonction éducative, les boucs-emmissaires de la violence dont profs et élèves sont les premières victimes à l’école est un peu facile.
 
J’ai moi-même connu la violence (voir le viol entre garçons dans un grand collège-lycée (pas de différence à l"époque) de garçons de centre ville dans les années 55-62. Ce qui était en cause, c’est le fait qu’à l’époque, pour nombre de ces élèves de ces milieux favorisés, le lycée n’était en rien un chance de promotion sociale : ils croyait à tort ou à raison que leur avenir économique et social leur était garanti par la statut de leur famille et non par l’école. La discipline au lycée, c’était pour eux comme celle du service militaire : un mal non-nécessaire, qu’il fallait en permanence contourner ou compenser par le mépris chahutant des profs et du censeur et l’extrême violence des grands sur les petits, sans parler du sort réservé à ceux que l’on traitait de PD.

Dans ma carrière d’enseignant j’ai professé dans des lycées recrutant dans des milieux plus modestes, je n’ai plus jamais connu ce genre de violence : la majorité des élèves savait que l’avenir de chacun dépendait de sa réussite au bac et refusait le chaos et la désordre, mais cela n’allait pas sans un certain refus de l’ouverture intellectuelle et de la réflexion . Elle était plutôt demandeuse de cours a ex-cathedra et d’exercices d’entrainement mécaniques ou d’annales du bac prédigérées.

Ce qui me parait clair aujourd’hui c’est que les élèves des milieux plus modestes encore qu’autrefois (et toute comparaison qui ne tient pas compte de cette évolution est trompeuse) ne savent pas plus que ceux des milieux aisés que j’ai connu dans ma scolarité, à quoi peut bien servir la contrainte scolaire, sinon à leur faire de fausses promesses démenties par les exemples plus ou moins nombreux de leur entourage qui leur montre que les études ne sont plus une garantie contre le chomage et la précarité.

La violence est moins l’effet d’une moindre discipline scolaire ou d’une démission des enseignants (qui n’en peuvent, mais) que la conséquence du fait que la contrainte scolaire n’est plus aussi gratifiante qu’elle pouvait l’être pour qui y voyait (ou y voit encore) une chance de promotion personnelle et de reconnaissance sociale.

L’école aujourd’hui est en concurrence avec d’autres modèles de réussite (sport, musique, télé) en apparence (seulement) plus ludiques

En cela l’école n’est pas hors de la cité et spéculer sur son échec sans examiner la pertinence de son but pour les élèves est un leurre, comme est un leurre le retour au mythe de la discipline d’antan. Sans ascenseur social grâce à l’école pas de discipline et encore moins d'auto-discipline qui doit en être le résultat possible.

Ce qui s’est effondré, c’est le faux-vrai semblant de la méritocratie scolaire républicaine pour des élèves que le milieu familial n’a pas préparé à aimer l’étude pour elle-même en tant que motif suffisant d’estime de soi.


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